Drôle de temps pour un mariage ; Julia Strachey
117 pages ; La Petite Vermillon.
Traduit par Anouk Neuhoff.1932.
Julia Strachey était la nièce de l'historien Lytton Strachey, grand ami de Virginia Woolf. C'est par ce biais qu'elle a rencontré cette denière et son mari, Leonard. En 1932, les Woolf publient Cheerful Weather for the Wedding, à la Hogarth Press.
C'est la fin de l'hiver, et Dolly Thatcham va se marier. Elle épouse un diplomate de huit ans son aîné, qui l'emmènera en Amérique du Sud à la fin de la journée. La maison de sa mère, une veuve dépassée par les événements et plutôt antipathique, est en ébullition. Tout le monde attend la mariée, qui se prépare, en se disputant, au milieu des petits tourments imprévus, comme la couleur des chaussettes du cousin Robert, étudiant à Rugby, ou la présentation du buffet froid.
De ce groupe se dégagent deux personnages. Dolly, tout d'abord, qui se saoule tout en s'habillant. Pour se détendre, mais aussi pour faire face à ce mariage avec un homme qui n'est pas celui qu'elle imaginait. Elle se souvient de celui qui la promenait en bateau l'été précédent. Celui qui attend dans le petit salon l'occasion de lui parler, de lui avouer son amour.
J'ai ouvert ce livre en m'attendant à savourer un petit livre bourré de charme anglais, et j'ai trouvé une pépite.
Julia Strachey écrit remarquablement bien, et j'ai cru parfois voir l'ombre Virginia Woolf en lisant ce livre. Ce récit est fait de tableaux et de reflets.
"La lumière, qui filtrait de la serre avec sa kyrielle de pots de fougères feuillues sur leurs socles en fil de fer, était d'un ver étincelant.
Assis là sur le canapé, élégamment vêtu d'un costume de tweed, Joseph aurait pu être une statue taillée dans la pierre verte, tant ses cheveux blonds, son visage, sa bouche, ses yeux, ses poignets et ses mains étaient immobiles, et verts."
L'agitation de la maison entrecoupe ces descriptions. Les personnages crient, se disputent, se répètent, se courent après. Joseph prend un malin plaisir à contrarier Mrs Thatcham, Tom est inquiet à l'idée que d'autres élèves de Rugby se trouvent à la cérémonie, et prie son frère de changer de chaussettes. La nostalgie et la défaite imprègnent cette journée. Elle est froide, ratée et amère, quels que soient les consolations que trouvent les personnages.
Elle se mit à repenser à certains incidents, notamment lors d'un grand dîner à l'hôtel, à Malton. Il y avait eu une discussion à propos d'un biscuit croustillant à base de mélasse, qui ressemblait à une dentelle rigide de couleur brune, et qu'on appelait "croquant". "Quoi, tu n'as jamais goûté de croquants ! s'était écrié Joseph à côté d'elle, la dévisageant sous son grand chapeau d'été. Mais tu dois absolument y goûter ! Tu les adorerais ! " Or, en réalité, à travers sa physionomie, et principalement ses yeux, Joseph proclamait de tout son être, avec une ferveur violente, non pas "Tu les adorerais", mais "Je t'adore".
Il s'agit d'un très court texte, mais Julia Strachey est de ceux qui parviennent à exprimer beaucoup en seulement quelques pages, avec toute la délicatesse et la subtilité du monde.
Titine a écrit un billet qui dit tout ce que je pense de ce livre. InColdBlog a été déçu, mais Manu et Cathulu (dont je n'arrive pas à ouvrir le blog...) ont été conquises.