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lilly et ses livres

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23 novembre 2010

Accordez-moi cette valse ; Zelda Fitgerald

9782221110508FSRobert Laffont ; 418 pages.
Traduit par Jacquelin Remillet. 1932
.

"David, je volerai comme un oiseau, pour toi, si tu m'aimes.
- Alors, vole.
- Je ne peux pas voler, mais aime-moi quand même.
- Pauvre enfant sans ailes.
- Est-ce si difficile de m'aimer ?
- Penses-tu que tu sois facile, ô ma possession illusoire ? "

Alabama Beggs est la troisième fille du juge Beggs et de son épouse Millie, établis dans le sud des Etats-Unis. Elle est curieuse, sauvage, et irrésistible. Bien que très jeune, elle fait tourner la tête aux hommes, avant de donner la préférence à David Knight. Il est artiste, rêve de reconnaissance, et il l'aime passionnément. Il pense pouvoir la mettre dans une tour d'ivoire pour l'y adorer. "La troisième fois qu'il revint sur cette allusion, Alabama lui demanda de ne plus jamais mentionner la tour."
Après la naissance de leur fille, ils quittent New York pour la France, où des milliers d'Américains se sont établis. Sur la Côte d'Azur, Alabama s'éprend d'un aviateur. Leur flirt prend cependant fin lorsqu'ils doivent tous deux partir. Les Knight se rendent alors à Paris, où ils mènent une vie insouciante jusqu'à ce qu'Alabama décide de devenir danseuse. Elle est trop âgée, mais elle travaille avec acharnement pour parvenir à ses fins, délaissant tout le reste.   

J'ai entamé ce livre un peu après ma découverte de Tendre est la nuit. J'étais curieuse de connaître le traitement de son mariage par Zelda, pour le mettre en parallèle avec celui de Scott, mais aussi de découvrir un roman dont j'avais entendu le plus grand bien.
Alabama est un beau personnage, passionné, volontaire. Elle est à la fois légère et tourmentée. Elle veut avoir le contrôle de sa vie, s'interroge sur le sens des choses (qui n'en ont plus lorsque l'on participe à une fête qui dure depuis des semaines, et dont personne ne sait qui l'organise), et refuse de se contenter d'exister auprès des paillettes qui entourent son mari (comme l'a fait sa mère). Elle échoue. " -Je pensais que tu pourrais me dire si notre corps nous est donné pour servir de dérivatif à notre âme. Je pensais que tu saurais pourquoi lorsque notre corps devrait prendre la relève de notre esprit torturé, il échoue et s'effondre ; et pourquoi, quand nous sommes tourmentés par notre corps, notre âme ne peut nous servir de refuge." Le cœur du roman est d'ailleurs ce qu'il offre de meilleur.
Pourtant, je suis plutôt déçue. J'ai trouvé le livre assez inégal en soi, avec des parties intéressantes malheureusement accolées à des passages naïfs et maladroits (il y a même un passage que j'ai dû lire à plusieurs reprises pour parvenir à le déchiffrer). La présentation des événements a parfois des allures de journal nous racontant un quotidien plus ou moins intéressant.
Tout au long de ma lecture, j'étais en fait gênée par quelque chose que je ne parvenais pas à nommer. C'est après avoir refermé le livre que j'ai compris ce qui manquait à Accordez-moi cette valse.
Zelda Fitgerald n'a pas écrit un livre déplaisant, la relation entre David et Alabama comporte de très beaux passages, mais elle s'est contentée de prendre ses souvenirs, de les maquiller un peu, tout en restant à son niveau à elle. C'est d'ailleurs très net. Le seul chapitre où elle n'apparaît pas sonne comme une anomalie. De son côté, son époux a utilisé la même matière, mais il est parvenu à la mettre en valeur et à la rendre universelle, et c'est ce qui fait que Tendre est la nuit est un chef d'oeuvre quand Accordez-moi cette valse est simplement le roman/les mémoires/les fantasmes d'une femme visiblement intelligente qui évoque ses questionnements (ce qui est déjà pas mal, c'est vrai).

Lire les deux livres presque à la suite n'était peut-être pas une bonne idée. Je suis contente d'avoir lu ce roman, mais je crois que je préfère largement les écrits de monsieur.

L'avis de Titine.

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17 novembre 2010

Tendre est la nuit ; Francis Scott Fitzgerald

9782253052296Le Livre de poche ; 414 pages.
Traduit par Jacques Tournier.
1934
.

J'ai découvert Francis Scott Fitzgerald il y a deux ans, avec Gatsby le Magnifique, qui s'est avéré être une de mes lectures les plus marquantes de ces dernières années. Tendre est la nuit est l'autre grand roman de l'auteur dans la conscience collective. Il a pas mal fait parler de lui au moment de la sortie de la biographie romancée de Zelda Fitzgerald, Alabama Song de Gilles Leroy (que je n'ai pas lu), parce qu'il serait lié à la vie de l'auteur et de sa femme. Étant donné que je n'ai pas lu le livre de Gilles Leroy, ni aucune autre biographie du couple Fitzgerald, je vais me contenter de vous parler du livre lui-même.

Rosemary Hoyt est une jeune fille de dix-huit ans, nouvelle starlette de cinéma, qui passe des vacances en compagnie de sa mère sur la côte d'Azur. Alors qu'elle observe les touristes sur une plage, elle aperçoit pour la première fois Dick Divers et Nicole, son épouse. Ce couple est envoûtant, et semble mener une vie tranquille et parfaite.
Rosemary tombe immédiatement sous le charme de Dick, et va suivre les Divers jusque chez eux puis jusqu'à Paris, où elle ne tarde pas à entrevoir ce qui se cache derrière ces paillettes et ces apparences de bonheur.

Ce livre est un chef d'œuvre. Étrangement, je lui préfère peut-être (pour le moment) Gatsby le Magnifique, mais Tendre est la nuit est un roman que l'on lit avec la gorge de plus en plus nouée au fur et à mesure que le vernis s'écaille.
Dick est psychiatre, et il a succombé à l'une des tentations les plus malsaines (il aurait dû davantage lire Freud). Sa relation avec Nicole est complètement brouillée par ce choix désastreux.

"Il avait de plus en plus de mal à reconnaître, à coup sûr, ce qui n'était qu'un détache9782253157694_Gment professionnel, un réflexe d'autodéfence, et ce qui indiquait peut-être une désaffection de son coeur. Lorsqu'on s'habitue à l'indifférence, ou qu'on la laisse s'atrophier, on finit par se sentir vide.Dick s'était habitué à se sentir vide de Nicole, et il la soignait contre sa volonté, en refusant toute contrainte émotionnelle. On dit des cicatrices qu'elles se referment, en les comparant plus ou moins aux comportements de la peau. Il ne se passe rien de tel dans la vie affective d'un être humain. Les blessures sont toujours ouvertes. Elles peuvent diminuer, jusqu'à n'être qu'une pointe d'épingle. Elles demeurent toujours des blessures. Il faudrait plutôt comparer la trace des souffrances à la perte d'un doigt, ou à celle d'un oeil. Peut-être, au cours d'une vie entière, ne vous manqueront-ils vraiment qu'une seule minute. Mais quand cette minute arrive, il n'y a plus aucun recours."

Et pourtant, il y a tellement de poésie et d'intelligence dans ce roman ! Il dresse un portrait amer de ces riches américains qui se pavanent en Europe, en prenant bien soin de dissimuler leurs secrets honteux. Comme dans Gatsby, les gens sont prêts à mordre au premier signe de faiblesse.
Le roman est construit en trois parties où l'on suit un personnage différent. On rencontre d'abord les Divers à travers les yeux de Rosemary, jeune fille naïve et innocente. Rosemary est une jeune actrice qui est encore très proche de sa mère, et qui découvre l'amour (ou du moins ce qu'elle croit être de l'amour) en la personne de Dick Divers. Les charges qui pèsent sur ce dernier nous sont alors dévoilées en remontant dans le passé, jusqu'à sa rencontre avec sa femme, une héritière richissime (
quand lui ne dispose que de ses revenus professionnels), belle, intelligente, mais blessée.  La véritable héroïne du livre, Nicole, le personnage le plus mystérieux et le plus difficile à cerner, ne nous est révélée qu'à la fin. On réalise alors que la relation qu'elle forme avec son mari est devenue encore plus complexe au fil des années, au point de rendre Dick tout aussi dépendant d'elle qu'elle l'était de lui.

C'est poignant, sublime, un de ces livres dont on dévore les pages en sachant qu'ils nous dévoilent un auteur dont on ne se détachera plus.

J'ai depuis commencé la lecture de Accordez-moi cette valse, écrit par Zelda Fitzgerald, qui relate les mêmes faits. On en reparle très bientôt.

Les avis de Popila et de Delphine.

11 novembre 2010

Une lueur de paradis ; John O'Hara

9782253129202_GLe Livre de Poche ; 181 pages.
Traduit par H. Bokanowski et A. Neuhoff.
1938
.

Je sais, ce blog n'a pas été mis à jour depuis deux mois. J'ai eu beaucoup de mal à trouver du temps pour mes lectures plaisir, et j'ai mis longtemps à me résigner à laisser La Fortune des Rougon de côté. Pour me faire pardonner, je vais vous proposer une plongée dans la littérature américaine (d'accord, trois billets... si je suis motivée), et on commence avec John O'Hara.

Nous sommes à Hollywood à la fin des années 1930. Jim écrit et connaît un certain succès. Il couche avec Peggy, une jeune fille un peu jolie qui travaille dans une librairie, et qui vit avec son jeune frère, Keith. Il aimerait bien l'épouser parfois, mais elle a "son mot à dire sur la question".
Lorsqu'un homme originaire du même endroit que lui, et qui se présente comme un ami de son frère, vient lui demander de l'aide, Jim débute une drôle d'amitié avec cet escroc un peu dépassé par la situation dans laquelle il s'est lui-même mis.
Au même moment, le père de Peggy, disparu dans la nature depuis des années, réapparaît. Ses activités ne sont pas claires, et il est difficile pour Keith et Peggy de savoir comment réagir face à ce père qui est surtout un étranger.

Une lueur de paradis est un sympathique roman, mais je pense qu'il ne s'agit pas d'une lecture marquante.
Les personnages sont désabusés, pommés et dissimulés derrière des masques. Le monde qu'ils fréquentent n'a rien d'excitant. Certains passages sont très beaux car l'écriture de John O'Hara est faite de dialogues désinvoltes et souvent drôles qui contiennent une dimension plus grave. L'ambiance est désuète et l'on a l'impression d'avancer dans une histoire en noir et blanc. C'est sans doute ce qui m'a le plus plu dans ce livre. 
Malheureusement, et sans doute en partie à cause de la brièveté du livre, j'ai également trouvé la plupart des personnages un peu plats, trop lointains.  Cette distance a du charme, mais elle m'a aussi tenue à l'écart. La relation entre Jim et Peggy est belle, mais j'attendais davantage de cette lecture. Le récit lui même manque d'épaisseur et de maîtrise, alors qu'il aborde de nombreux genres comme le souligne la quatrième de couverture. La chasse engagé par le père de Peggy n'a suscité aucune tension dans mon esprit, pas plus que le drame final, que j'ai seulement trouvé incompréhensible. Les personnages semblent bien plus las que bouleversés, et même si je les comprends dans une certaine mesure, je suis un peu restée sur ma faim.

Mon avis est donc en demi-teinte, mais je pense que ce livre vaut malgré tout le détour. En navigant sur d'autres blogs, j'ai cru comprendre que l'auteur (que je rencontre pour la première fois) a écrit d'autres romans qui ont beaucoup plu. J'y jetterai un œil à l'occasion.

30 septembre 2010

La Faute de l'Abbé Mouret ; Emile Zola

9782070338290FSFolio ; 503 pages.
1875.

Mon histoire avec Zola, c'est un peu celle d'Elizabeth Bennet et Fitzwilliam Darcy (attention, je vais délirer). De tous les auteurs que j'ai étudiés dans le secondaire, je crois que c'est le seul dont je gardais un souvenir désastreux. Il m'a valu la pire note de ma vie en cours de français (après une lecture très laborieuse), et mon orgueil blessé a alors décrété que tout était de la faute de Zola.
Finalement, les années passant, j'ai eu l'occasion d'entendre des avis très contradictoires sur l'auteur, suffisamment argumentés pour que j'accepte de tendre de nouveau l'oreille lorsque j'entendais son nom, et finalement je l'ai fait. J'ai lu Au Bonheur des Dames, et j'ai réalisé que Zola gagnait peut-être à être connu. Il restait à confirmer que je pouvais apprécier cet auteur pour autre chose que ses très rares concessions à l'amour heureux (je force le trait, l'écriture dans Au Bonheur des Dames est incroyable, et l'on n'est pas tout à fait dans un conte de fées...), alors j'ai ploufé entre les Rougon-Macquart présents dans ma bibliothèque.

La Faute de l'Abbé Mouret est le cinquième volume de la série. Il met en scène Serge Mouret (le frère d'Octaaaave !), abbé des Artaud, où vivent des campagnards descendant d'une même famille. Alors que la paroisse est en proie au vice, que les messes sont dites sans personne pour les écouter, et que les jeunes filles se marient systématiquement parce qu'elles sont enceintes, l'abbé Mouret est le plus intègre des hommes. Ses tourments sont si grands qu'il refuse toute idée de matérialité. Sa seule passion est  pour la Vierge, une passion presque sensuelle. Le Frère Archangias, misogyne notoire, (et hypocrite fini) est d'ailleurs là pour prévenir tout écart du curé.
Pourtant, lorsque son oncle Pascal le mène au Paradou, cette demeure à l'écart, où vivent un philosophe athée et Albine, une enfant sauvage et naturelle, la vie de l'abbé Mouret bascule. Il oublie son passé, et renaît au sein de cet Eden aussi envoûtant que menaçant, amoureux fou d'Albine.

Ce livre est extraordinaire, tout simplement. J'avoue avoir connu des moments difficiles pendant la seconde partie qui contient des descriptions indigestes pour moi actuellement, le passage entre les deux premières parties m'a paru abrupte (malgré des explications par la suite), et pourtant je tiens là l'un de mes plus gros coups de coeur de l'année.
La Faute de l'Abbé Mouret est une réécriture de la chute, Serge et Albine étant de nouveaux Adam et Eve. Ils sont nus lorsqu'ils se rencontrent. La pureté de la jeune fille est celle des êtres que la société (et encore plus celle où le Père Archangias évolue) n'a pas atteints, il est amnésique et donc renaissant.

"Serge ne pouvait plus vivre sans le soleil. Il prenait des forces, il s'habituait aux bouffées du grand air qui faisaient s'envoler les rideaux de l'alcôve. Même le bleu, l'éternel bleu commençait à lui paraître fade."

Mais la santé nouvelle de jeune homme est fragile, le Paradou contient la même tentation que l'Eden original, et Serge redevient l'abbé Mouret.
Outre la fatalité (ou plutôt l'hérédité), Serge et Albine sont les victimes d'une France qui se transforme. Le Frère Archangias n'est prêt à faire aucune concession à la morale dont il se croit le garant, et son opposition avec le Philosophe, le gardien d'Albine (qui fait au passage preuve d'une irresponsabilité totale lorsqu'il laisse Albine s'occuper seule de Serge), est frontale. Moi qui savoure les discours anticléricaux, j'ai été servie. Si l'abbé Mouret est parvenu à m'émouvoir, c'est parce que ses tourments étaient ceux de Serge, l'homme. L'abbé est un acharné au début du livre.

"La mépris de la science lui venait ; il voulait rester ignorant, afin de garder l'humilité de sa foi."

Bien que la préface de mon édition insiste sur le fait que l'auteur ne prend pas clairement partie pour cette position, j'ai trouvé que l'Eglise était assez durement tournée en dérision, parfois avec humour, parfois de manière dramatique. L'assaut de l'église mené par les poules de Désirée au début du roman est délectable. Cette scène incongrue n'est d'ailleurs pas la seule du roman. La fin tragique est ainsi associée à une intervention aussi malvenue que pleine d'humour de la part de la sœur de l'Abbé.
J'ai également eu mes moments de rage. J'avais beau savoir que ça finirait mal, observer Serge et Albine se repousser a été éprouvant. Cela sans aucun doute grâce au style puissant de Zola, qui nous offre des passages d'une force incroyable. Ce livre contient ainsi l'une des morts les plus poétiques et les plus tristes que j'ai lues.

Vraiment un moment de lecture incroyable. Je peux encore moins que d'ordinaire prévoir mes lectures, mais je vais tenter de revenir au plus vite vers Zola.


23 septembre 2010

Quatre ans

bajo_el_toldo_zarauz

Les années passent, et je ne change pas. J'ai donc décidé de maintenir la tradition qui me fait systématiquement oublier l'anniversaire de mon blog.
Voilà quatre ans que je me suis introduite dans la blogosphère, et même si je suis plus ou moins présente ces derniers temps,  les rencontres virtuelles, les échanges et les découvertes que j'ai pu y faire sont très importants pour moi. Merci à tous donc !

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20 septembre 2010

Le Clan des Otori, I : Le Silence du Rossignol ; Lian Hearn

9782070302581Folio ; 371 pages.
Traduit par Philippe Giraudon.
2002
.

Tomasu, un adolescent membre de la communauté des Invisibles, dans un Japon ancien et imaginaire, vit paisiblement avec sa mère, son beau-père et ses soeurs. Mais cette communauté est méprisée par Iida le plus important chef de guerre Tohan. Un soir, alors qu'il rentre dans son village, il découvre que les siens ont été massacrés. Repéré, il offense Iida en personne, avant de s'enfuir. Dans sa course, il rencontre sire Shigheru, un seigneur Otori, qui le place sous sa protection et le ramène chez lui où il lui donne un nouveau nom, Takeo.
Là-bas, il se trouve mêlé à des intrigues de palais, mais découvre également ses origines et les étonnantes facultés qui en découlent. Il rencontre également l'amour, à travers la belle Kaede, et le désir de vengeance, qui lui était jusqu'alors défendu.

Heu... Vous m'aviez bien dit que cette série était géniale, non ? Juste pour que les choses soient claires, voici un extrait savoureux, bien écrit, auquel il est impossible de résister. Kaede vient de rencontrer Takeo, et il lui a fait un effet dingue :

"Quand le garçon fut hors de vue, elle eut l'impression d'avoir perdu une part d'elle-même. Elle rentra à l'auberge avec Shikuza, qu'elle suivit comme une somnambule. En regagnant sa chambre, elle tremblait comme sous l'effet d'une fièvre violente."

Très franchement, le traitement des relations amoureuses est vraiment moyen dans ce livre, et cela sans doute en raison de la faiblesse du traitement du personnage de la jeune fille, que j'ai trouvé à la fois contradictoire et caricatural. Kaede a été négligée depuis son enfance, mais elle fait preuve d'une très grande lucidité d'esprit et d'une capacité à encaisser les chocs remarquable malgré tout, sans oublier d'être nunuche à souhait, à la fois femme affirmée et princesse en détresse (et le pire est que l'on va forcément se farcir cette intrigue amoureuse dans les tomes suivants... sauf si Lian Hearn en élimine un, mais je vais y revenir).
Au niveau du reste du récit, je suis davantage convaincue, même si je n'ai malheureusement pas ressenti le coup de coeur que j'attendais. Lian Hearn développe ainsi longuement les valeurs et les traditions des cultures qu'elle décrit. Celles-ci ont une importance de premier plan, d'autant plus que la magie a sa place  dans ce livre, et c'est ainsi que Takeo découvre peu à peu ses origines. Si j'ai trouvé que l'intrigue peinait à décoller, cet aspect est bien traité et crée une ambiance un peu onirique et poétique.
De plus, l'auteur ne s'enfonce finalement pas entièrement dans une histoire facile et prévisible. La violence de certaines scènes en témoigne, on ne fait pas que se regarder dans le blanc des yeux quand on est amoureux (ou pas), et la fin est loin de ressembler à celle des contes de fées. Même si encore une fois, la séparation des deux amoureux, est un aspect traité un peu trop facilement.   

Le tout est donc plutôt sympathique, permet de se dépayser un peu, mais est surtout assez creux.  Sur un support différent, mais dans un genre assez proche et beaucoup plus réussi, j'avais été envoûtée par Princesse Mononoke d'Hayao Miyazaki. La série de Lian Hearn s'arrête là pour moi...

L'avis de Lou, complètement opposé au mien (ça change !).

 

4 septembre 2010

Virginia Woolf - Lytton Strachey : Correspondance

9782070126972Le Promeneur ; 164 pages.
Traduit par Lionel Leforestier
.

"Cher Mr. Strachey,
Nous aimerions tant vous voir, si vous pouviez nous rendre visite un jour prochain. Dimanche qui vient vous conviendrait-il, vers six heures du soir ? Vanessa va beaucoup mieux et aimerait vous parler.

                           Sincèrement vôtre,

                                                             Virginia Stephen"


Heureusement, je ne serai jamais célèbre. Pour plein de raisons je détesterais cela, mais si j'en parle maintenant c'est parce qu'après ma mort, les gens voudraient à tout prix publier mes écrits de jeunesse, mes journaux intimes, et surtout mes correspondances. Or, quand je relis les mots que j'écrivais à mes copines en classe, je pense moi-même que c'est, au mieux une folle furieuse, au pire une fille insipide (oui, les deux sont possibles) qui les a écrits...

En ce qui concerne Virginia Woolf, ce qu'elle a laissé est autrement plus intéressant. Depuis deux ans, ses journaux ont été réédités, ainsi que plusieurs de ses correspondances. Parmi ces dernières, celle que l'auteur a entretenue avec Lytton Strachey, l'un de ses plus proches amis. Après la mort des deux protagonistes, Leonard Woolf et James Strachey, le frère de Lytton, ont décidé de mettre les lettres échangées par les deux écrivains à la disposition du public. 
La correspondance publiée par Le Promeneur, bien qu'encore plus complète, fait à peine cent-cinquante pages, ce qui semble peu quand on sait que la correspondance entretenue par Virginia Woolf et Lytton Strachey a duré vingt-cinq ans.

Pourtant, au fil des lettres, on parvient à découvrir certains aspects de leurs auteurs.  Ils se parlent avec beaucoup de détachement, de la pluie et du beau temps, de leurs amis communs, mais aussi beaucoup de littérature, la leur et celle des autres. D'ailleurs, Virginia Woolf explique tout le bien qu'elle pense de James Joyce de façon éloquente à plusieurs reprises :

"Ma contribution à moi, cinq shillings, six pence, ne sera versée qu'à la condition qu'il se serve en public des deux cents premières pages d'Ulysse pour un besoin très naturel."

L'exercice semble leur plaire, et ils s'écrivent parfois en intégrant à leurs lettres des jeux qu'ils ont inventés, comme lorsqu'ils s'appellent par des noms fantaisistes, créés par eux et leur groupe d'amis dans le cadre d'un projet de roman qui ne verra finalement jamais le jour.
Leur défauts aussi apparaissent. Lytton Strachey est visiblement un individu hypocondriaque, qui ne semble pas pouvoir écrire une lettre sans évoquer sa santé. Les deux sont assez moqueurs, surtout à l'égard de la pauvre Ottoline Morrell, celle qui a pourtant pris la célèbre photographie que vous pouvez voir sur la couverture du livre. Entre les deux auteurs, les notes (nombreuses mais très utiles) relèvent les passages délicats, où l'hypocrisie n'est pas loin. Ils s'admirent, mais se jalousent aussi, appréciant de savoir l'autre quelque peu dénigré parfois.

Le ton est très souvent détaché, ironique, faussement solennel, ce qui permet de découvrir ces lettres avec énormément de plaisir. J'ai beaucoup aimé.

7 août 2010

Les Boucanières ; Edith Wharton

9782757818879Points ; 511pages.
Traduit par Gabrielle Rolin. 1938.
Achevé par Marion Mainwaring
.

L'histoire débute aux Etats-Unis, à la fin du XIXe siècle, alors que les familles St. George, Elmsworth et Closson séjournent à Saratoga. C'est ainsi que Nan, et Virginia St. George, Mabel et Lizzy Elmsworth, et Conchita Closson, deviennent les meilleures amies du monde. Elles sont jeunes, belles et pleines de vie. Cependant, le grand monde les snobe, jugeant leurs origines insuffisantes à en faire des membres de la haute société new-yorkaise.
L'arrivée de Miss Tesvalley, parente de Dante Gabriel Rossetti, qui doit être la gouvernante de Nan, après avoir travaillé pour diverses familles de l'aristocratie anglaise, et le mariage de Conchita Closson avec un fils cadet de marquis britannique, convainquent Mrs St. George et Mrs Elmsworth d'aller en Angleterre avec leurs filles, en espérant y obtenir davantage de succès.
C'est ainsi que les Anglais voient débarquer quatre Américaines, qui ne tardent pas à les fasciner et à les terrifier. En effet, si Conchita Closson n'a épousé qu'un fils cadet désargenté et volage, ses quatre compagnes rencontrent des succès qui scandalisent bien davantage les Anglais (ce qui donne lieu à des scènes souvent cocasses).
De leur côté, nos cinq amies, d'abord éblouies par ce nouveau monde, ne vont pas tarder à connaître quelques désillusions, et à révéler un tempérament calculateur bien éloigné de leur spontanéité première. 

Si vous cherchez à découvrir Edith Wharton, ou tout simplement une lecture fraîche et intelligente afin de profiter de vos vacances, ce livre est pour vous. Il n'est pas parfait (notamment en raison de la fin rédigée par un autre auteur que Wharton), et il n'est pas aussi émouvant que Chez les heureux du monde, mais il se lit avec avidité et délice.
Comme à son habitude, Edith Wharton attache beaucoup d'importance au contexte dans lequel elle place son récit, et ce dernier lui sert avant tout à élaborer une réflexion sur les rapports entre l'Ancien Monde et le Nouveau, sur l'organisation des sociétés occidentales, leurs moeurs, la place de l'amour, de la sexualité et du mariage.
Rejetées aux Etats-Unis, les cinq boucanières prennent leur revanche en s'introduisant au fil des années au sein de la plus haute noblesse britannique. Celle qui "réussit" le mieux est la jeune Nan St. George, qui épouse un duc. Cependant, contrairement à ses amies (à l'exception peut-être de Conchita), Nan n'avait rien calculé. Pourtant, la désillusion sera au moins aussi grave que celle de ses amies. Émue par des ruines et une ambiance romantique, elle s'est simplement contenté de croire que l'homme qui déambulait dedans était nécessairement bon. Son mari se révèle finalement obsédé par l'ordre (ce qui est symbolisé par son obsession des horloges, qui doivent absolument être à l'heure), et lorsque Guy Thwarte, un homme qu'elle avait innocemment aimé de façon très éphémère quelques années plus tôt,  réapparaît, l'absurdité de son mariage et l'impossibilité pour elle de tenir son rang (et donc notamment de donner à son mari un maximum de fils) lui deviennent insupportables.

"Cette jeune femme qui, selon toute apparence, était aujourd'hui (depuis deux ans), Annabel Tintagel avait été auparavant Annabel St. George et la personnalité d'Annabel St. George, son visage, sa voix, ses goûts et dégouts, ses souvenirs, ses sautes d'humeur constituaient une petite réalité vacillante qui, bien que proche de la nouvelle Annabel, n'en faisait pas partie, ne se fondait pas, pour former une Annabel centrale, avec la doublure étrangère qui, dans la chambre Corrège de Longlands, face aux jardins privés de la duchesse, aspirait à n'être qu'une personne. A certains moments, la quête de sa véritable identité l'inquiétait ou la décourageait à tel point qu'elle était heureuse d'y échapper pour remplir automatiquement les devoirs de sa nouvelle condition. Mais pendant les intervalles, elle s'acharnait à se chercher et ne se trouvait pas."

 

Face à ces révélations, Nan est très seule. En effet, personne ou presque (et certainement pas sa propre soeur), ne peut concevoir que bonheur et réussite sociale puissent être totalement distincts, et encore moins que l'on puisse sacrifier cette dernière pour obtenir le premier.

Ce livre n'a pu être achevé par l'auteur, qui décède en 1937, alors que la fin n'existe encore que sous forme de notes. C'est donc Marion Mainwaring qui termina l'écriture du roman, et je trouve malheureusement que cela se sent. J'ai trouvé que la fin était plutôt artificielle. Même si tout est loin d'être rose (le roman est quand même d'Edith Wharton), le ton change et les ramifications avec le reste du livre manquent de naturel à mon goût.

Malgré tout, je le répète, j'ai absolument adoré cette lecture, et le personnage de Nan en particulier.

L'avis de Cécile.

Merci à Titine d'avoir organisé son jeu-concours avec les éditions Points. Cette lecture entre par ailleurs dans le cadre du challenge Edith Wharton.

2 août 2010

Prodigieuses créatures ; Tracy Chevalier

prodigieuses_creatures_184x300Quai Voltaire ; 377 pages.
Traduit par Anouk Neuhoff. 2009
.

Bien que n'ayant jamais lu Tracy Chevalier, j'en avais une image assez négative, et j'étais convaincue que ses livres ne me plairaient pas. Heureusement, Lou est une fois de plus arrivée à la rescousse, me permettant ainsi de me plonger dans un récit historique mettant en scène Mary Anning, une chasseuse de fossiles issue des classes inférieures, au début du XIXe siècle.

Au début du roman, sa nurse et elle, sont frappées par la foudre. Mary survit, et est encore une petite fille lorsque Elizabeth Philpot la rencontre pour la première fois. Cette dernière est une vieille fille issue de la classe bourgeoise désargentée, qui s'est installée à Lyme Regis avec deux de ses soeurs. En se promenant sur la plage, Elizabeth trouve un premier fossile, qui marquera le début d'une passion incontrôlable pour ces objets encore mal acceptés dans un monde où le discours biblique reste presque incontesté., et où toutes sortes de superstitions entourent les témoins d'un passé lointain Pour sa part, Mary cherche des fossiles afin de les vendre, aidant ainsi ses parents à faire vivre la famille. Mais elle a un don pour les dénicher, et sa curiosité va peu à peu s'inviter dans sa chasse aux fossiles.
Malgré les différences, notamment sociales, entre les deux femmes, Mary et Elizabeth vont rapidement s'attacher l'une à l'autre.

Si Mary Anning est la véritable héroïne de l'histoire, celle qui a fait les découvertes qui ont permis aux recherches sur l'évolution de progresser, Tracy Chevalier insiste sur le rôle d'Elizabeth Philpot, faisant parler les deux femmes tour à tour.

Mary Anning est un personnage improbable. Femme, célibataire, socialement issue d'un milieu défavorisé, elle va intégrer un monde où un tel cumul est presque insurmontable, et où elle va se brûler les ailes à plusieurs reprises. En effet, Tracy Chevalier nous dresse un portrait sans concession de la communauté scientifique (ou du moins de ces individus qui prétendent y appartenir). Les découvertes de Mary Anning lui sont presque arrachées, d'autres les revendiquent en leur nom propre, ce à quoi une jeune fille complètement occupée à faire sans cesse de nouvelles découvertes, par passion, mais aussi dans un souci constant de subvenir aux besoins des siens, n'est aucunement préparée. Pourtant, les attaques, qu'elles viennent de scientifiques, du clergé, ou de la population en général, peuvent être très dures, et dans ces cas là elle ne peut pas compter sur le soutien de ceux dont elle a fait la renommée.   
Elizabeth Philpot, bien que mieux née, n'est pas non plus dans une situation enviable, du fait de son célibat et de sa condition féminine. Ses combats, son intérêt pour les questions scientifiques, choquent. Les hommes ne la prennent pas au sérieux, ou la traitent avec dureté lorsqu'elle tente de pointer du doigt les incohérences entre les discours officiels et les preuves apportées par l'observation, et ses tentatives d'aider Mary manquent souvent d'efficacité du fait de ses propres limites.
Entre les deux femmes, les relations sont complexes, faites d'amitié, d'admiration, mais aussi de jalousie et de rancœur. En effet, Tracy Chevalier a beaucoup travaillé la dimension romanesque de son livre, et ça marche plutôt bien. Son texte n'est pas parfait, elle ne rentre pas dans les détails et son style  bien qu'élégant, ne m'a pas particulièrement frappée, mais elle nous permet de découvrir un personnage que je ne connaissais pas du tout pour ma part. Et puis, ces deux femmes nous emportent par leur passion pour les fossiles. J'avais réellement l'impression de me promener à leurs côtés sur la plage de Lyme Regis,  de scruter les rochers à la recherche d'une "créature", même si cela suppose de salir sa robe et ses chaussures, et de mettre des gants en très mauvais état (pas forcément la tenue adéquate au cas où un certain capitaine passerait par là !).

Les avis de Lou (encore merci pour le prêt), Leiloona,d'Alwenn, et de Gambadou.

29 juillet 2010

Sous le charme de Lillian Dawes ; Katherine Mosby

mosby Folio ; 346 pages.
Traduit par Cécile Arnaud.
2009
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Gabriel est un jeune homme de dix-sept ans issu d'une bonne famille, qui se fait renvoyer de son établissement scolaire. C'est ainsi qu'il est accueilli par Spencer, son grand frère, un jeune homme à l'allure désinvolte qui a préféré poursuivre ses rêves plutôt qu'une brillante carrière en politique ou en droit.
C'est ainsi qu'il se met à fréquenter des individus qui tentent de gérer chacun à leurs façon les liens qui les attachent à la haute société. Parmi eux, Gabriel est très vite fasciné par la mystérieuse Lillian Dawes.

J'ai ouvert ce livre sans trop savoir ce qui m'attendait, et j'ai été séduite. Lillian Dawes est clairement une cousine éloignée d'Holly Golightly, le genre d'être qui n'en finit pas de vous filer entre les doigts et qui semble perdu.

"Elle parla jusqu'au matin, recroquevillée sur le canapé, la tête du chaton, qui s'était assoupi sur ses genoux, posée sur son bras ; Spencer et moi étions assis dos à la fenêtre, comme pour bloquer la lumière et retenir le jour qui risquait de nous arracher Lillian et de sonner la fin du conte de fées, quand le bûcheron se retrouve de nouveau tout seul dans les bois."

On pense aussi à Francis Scott Fitzgerald ou même à Edith Wharton face à d'autres personnages , qui essayent de tirer parti d'un monde dans lequel les cartes sont redistribuées suite aux deux guerres mondiales, à l'explosion de nouveaux modèles économiques et culturels, tout en sachant inconsciemment que la richesse ne suffit toujours pas et que le sang est encore primordial dans ces milieux. Les scènes comme celle où Gabriel et Spencer réalisent que la bibliothèque de Clayton révèle en fin de compte davantage la malhonnêteté et la superficialité du personnage qu'un quelconque intérêt pour la culture, sont éloquentes.
Gabriel, qui est encore très jeune pour ce milieu pas toujours très sain, essaie de saisir les rouages de ce monde qu'il doit apprivoiser pour sortir de l'enfance. Il est très gauche, et bien sûr il n'aura pas la fille, mais c'est lui qui nous raconte cet été particulier dans sa vie.

J'aime les ambiances un peu désabusées, les personnages hauts en couleurs, ce qu'offre ce livre. On peut lui reprocher son côté conventionnel, un suspens pas forcément très bien maîtrisé en ce qui concerne l'une des intrigue, mais c'est un joli livre malgré tout.

D'autres avis chez Lou, George, Lily, ou Cocola.
Merci à Lise pour le livre.

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