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lilly et ses livres

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30 juillet 2019

La Bête humaine - Emile Zola

beteAprès avoir découvert l'ancienne liaison de sa femme et du bienfaiteur de celle-ci, Roubaud, sous-chef de gare au Havre, décide d'assassiner l'amant lors d'un trajet de train entre Paris et Rouen. Le hasard fait que Jacques Lantier, fils de Gervaise Macquart est témoin du meurtre.

Ce titre de la série des Rougon-Macquart était l'un de ceux que j'étais le plus impatiente de découvrir. On me l'avait présenté comme un roman palpitant avec une dimension policière et je n'ai pas été déçue. En effet, tout en gardant son style habituel, Zola joue ici dans un registre que je ne lui connaissais pas.
Bien entendu, il n'est pas question de résoudre une énigme, mais de montrer en quoi le meurtre d'un notable et l'enquête qui l'entoure sont révélateurs du climat politique et de la noirceur humaine. Pour la Justice, il s'agit avant tout de choisir le coupable qu'elle préfère. La priorité est avant tout d'enterrer tout ce qui pourrait salir les personnages respectables, même face à des preuves incontestables.

"Puis, mon Dieu ! la justice, quelle illusion dernière ! Vouloir être juste, n’était-ce pas un leurre, quand la vérité est si obstruée de broussailles ? Il valait mieux être sage, étayer d’un coup d’épaule cette société finissante qui menaçait ruine."

Si l'on cherchait encore la preuve que Zola n'est que cynisme face à ses personnages et à l'Empire, la voilà. 

J'ai savouré avec un plaisir coupable ces commérages entre les habitantes de la gare. Cela m'a rappelé ma lecture de Pot-Bouille qui m'avait enchantée l'an dernier.
Mais, ce qui m'a le plus emportée dans ce livre, c'est la façon dont Zola fait vivre la ligne de chemin de fer entre Paris et Le Havre. Nous le suivons le long des boucles de la Seine. Nous nous mettons à admirer, à aimer les locomotives de Jacques et de Pecqueux comme si elle était réellement humaine. Rien ne les rend plus impressionnantes que leurs colères puis leur agonie dans des scènes que je préfère vous laisser découvrir. J'ai terminé ce roman à bout de souffle tant la dernière scène est éprouvante.

On pourrait reprocher à Zola de faire sans demi-mesure, comme souvent. Aucun personnage n'est épargné et l'on a affaire à une concentration de meurtriers impressionnante et surtout peu crédible. Pourtant, il y a dans ce livre des pages d'une puissance rare qui m'amènent à le ranger parmi mes favoris dans l'oeuvre de l'auteur.

Le billet de Karine.

Folio. 504 pages.
1890 pour l'édition originale.

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10 avril 2019

L'Etrangère aux yeux bleus - Youri Rythkéou

étrangèreJe voulais absolument participer au Mois de l'Europe de l'Est cette année, et comme Patrice et moi avions parlé d'une lecture commune autour de ce titre, il se trouvait dans ma PAL. En fin de compte, je suis hors délais et l'histoire se passant aux confins orientaux du territoire russe, donc je ne suis pas certaine qu'il remplisse les critères du challenge. Cela n'en reste pas moins un très beau livre, le genre que l'on retrouve souvent chez Dominique, qui nous fait voyager dans des territoires dont on ne soupçonnait que vaguement l'existence. 

Peu après la Seconde Guerre mondiale, Anna Odintsova, jeune russe originaire de Leningrad, se rend en Tchoukotka afin d'étudier les Tchouktches, peuple nomade vivant de l'élevage de rennes et de la chasse aux mammifères marins. Son objectif est de marcher dans les pas de Margaret Meade, anthropologue ayant travaillé en Océanie dans les années 1930, qu'elle admire. A peine arrivée, elle fait sensation grâce à son physique, et son regard bleu ne tarde pas à conquérir Tanat, un jeune tchouktche, qui se destinait à une carrière loin de la toundra.
Ensemble et mariés, ils retournent finalement vivre dans le camp de la famille de Tanat, dominé par le père de ce dernier, Rinto.

Anna n'est pas une romantique. Elle épouse Tanat avant tout parce qu'il lui sert de porte d'entrée vers la vie dans la toundra. Elle voit dans son mariage l'occasion de vérifier bien plus clairement que ne le ferait un simple observateur les coutumes tchouktches. D'abord circonspects, les membres de la nouvelle famille d'Anna vont peu à peu l'adopter, la faire participer à leur vie quotidienne et l'initier à leurs coutumes, même les plus confidentielles.

"Anna était loin d'approuver ce que ses compatriotes avaient introduit en Tchoukotka. Elle jugeait stupide, notamment de considérer l'histoire du peuple tchouktche comme une "survivance néfaste". "S'il est vrai, raisonnait-elle, que vous avez toujours vécu dans l'ignorance et l'obscurantisme, comment expliquer alors que vous ayez réussi à survivre jusqu'au XXe siècle ?... En quoi la balalaïka et l'accordéon conviendraient-ils mieux aux Tchouktches et aux Esquimaux que votre bon vieux tambour ?... Si tu laisses un Russe en pleine toundra, l'hiver, avec son blouson molletonné et ses bottes de feutre, il ne tiendra pas une journée... Sans oublier que l'humanité n'a toujours rien inventé de plus fiable que les traîneaux à chiens pour voyager dans le désert polaire."

Bien qu'ils soient géographiquement très éloignés de Moscou, les Bolchéviques comptent bien procéder à la collectivisation des troupeaux de rennes et faire de leurs anciens propriétaires de simples pâtres, ou des exemples en les envoyant dans des camps ou en les faisant exécuter. Pour parvenir à leurs fins, des responsables sont choisis parmi la population locale. Ainsi, Atata poursuit férocement les campements et applique avec cruauté le petit pouvoir qu'on lui a octroyé.
Autre absurdité induite par la Guerre Froide, l'interdiction pour les pêcheurs de communiquer avec les populations vivant de l'autre côté du Détroit de Bering, considérées comme des nids d'espions à la solde des Américains.
Il devient vite évident que les procédés employés ne font que précipiter les Tchouktches dans une situation catastrophique en laissant mourir une grande partie des rennes, mais remettre en question les ordres n'est malheureusement pas une solution.

J'ai beau ne pas être une grande adepte des récits de voyage, ce séjour dans une toundra évoluant au fil des saisons et aux côtés de Rinto le chamane m'a complètement séduite.

Babel. 273 pages.
Traduit par Yves Gauthier.
1998 pour l'édition originale.

27 février 2019

My Absolute Darling - Gabriel Tallent

absoluteJulia Alveston dite Turtle vit seule avec son père, Martin, dans une maison reculée. Martin est obsédé par l'idée de la fin du monde et a appris à sa fille à être autonome dans la nature.
Au collège, Turtle n'a pas d'amis et refuse la main tendue de l'une de ses enseignantes. Sa vie est bouleversée par la rencontre de deux adolescents de son âge et par le décès de la seule personne qui pouvait s'imiscer dans le duo père-fille malsain.

Roman incontournable de l'année dernière, je n'ai pas résisté lorsqu'on m'a proposé d'écouter My Absolute Darling de Gabriel Tallent. Je m'attendais à un roman sombre, mettant la nature et l'homme à nu, et de ce côté, j'en ai eu pour mon argent.
My Absolute Darling est un roman qui met mal à l'aise, qui file la nausée. On comprend très vite que la relation entre Turtle et son père n'a rien de normal. Il est brutal, vulgaire et surtout incestueux. N'espérez pas de jolies figures de style masquant l'horreur, il n'y en a pas dans ce livre. Et en faisant de cette relation quelque chose de plus complexe et de bien plus ambivalent que de la violence pure, l'auteur la rend d'autant plus crédible. Turtle hait son père, elle sait ce qu'il lui fait subir. Mais elle l'aime aussi. Follement. Autour, les gens savent, du moins se doutent, mais personne ne bougera.
C'est Turtle elle-même qui va devoir trouver le moyen de s'extraire de cette vie. En cela, My Absolute Darling est aussi un roman d'apprentissage. Ce cheminement ne se fait pas sans peine, la nature étant d'une extraordinaire violence. En quelques minutes, des instants d'enfance, de bonheur, se transforment en cauchemar. 

Malgré tout, si ce roman "coup de poing" a fonctionné sur moi, je lui ai aussi trouvé un côté brouillon. Il y a un excès d'événements et notamment un affrontement très "à l'américaine" rendant cette histoire difficile à croire. J'ai aussi trouvé les personnages, notamment les victimes, très mécaniques, froids, ce qui a davantage provoqué mon effroi que mon empathie.

Il est généralement difficile de qualifier ce genre d'histoires de coup de coeur, mais mes réserves ne viennent cette fois-ci pas uniquement de l'horreur du récit.

Un mot sur la version audio pour finir. La prestation de la lectrice est irréprochable, et bien que j'aie conscience de succomber aux a priori sur la pédophilie, j'ai apprécié que cette lecture soit effectuée par une femme.

Les billets d'Eva, Sylire et Violette.

Je remercie Audible pour cette écoute.

Audiolib. 12h52.
Lu par Marie Bouvet.
2017 pour l'édition originale.

13 février 2019

Le Rêve de l'oncle - Fédor Dostoïevski

Le-reve-de-l-oncleDostoïevski ayant passé quelques années au bagne, il reprend sa carrière littéraire avec Le Rêve de l'oncle.

Nous sommes à Mordassov, petite ville de province où la société s'ennuie et est très loin du faste de Saint-Petersbourg. Lorsqu'un vieux prince commence à séjourner dans la cité, tout le monde se précipite pour être admis dans son entourage le plus proche. Maria Alexandrovna, l'une des dames les plus influentes de la ville, va même tenter de s'approprier les biens du vieil homme en le mariant à sa fille unique.

Moi qui avais de Dostoïevski l'image d'un auteur torturé, je découvre depuis que j'ai le courage d'ouvrir ses romans qu'il avait en réalité beaucoup d'humour.
Le Rêve de l'oncle est presque une comédie que l'on pourrait jouer sur scène tant les décors et les personnages s'y prêtent. Tout est là : les dames de Mordassov, qui écoutent aux portes, savourent toutes les rumeurs scandaleuses et qui sont prêtes à s'arracher un vieux prince à moitié sénile, une jeune fille que la rumeur dit déshonorée et non mariée à vingt-trois ans, le père de cette dernière, complètement soumis et terrifié par son épouse et le prétendant qui ne saisit pas qu'il n'est qu'un dernier recours. Quant au personnage de l'oncle, il est tour à tour ridicule et pathétique, et l'auteur en fait une description irrésistible.

" Tous les remèdes de l'art ont été employés pour grimer cette momie en jeune homme. La perruque, les favoris, les moustaches, la barbe à la royale, étonnants, d'une couleur noire exceptionnelle, recouvrent une moitié du visage. Le visage est fardé de blanc et de rouge avec un art extraordinaire, et l'on n'y voit presque pas une seule ride. Où ont-elles disparu ? - mystère. Il est habillé à la dernière mode, comme si on venait de l'extraire d'un journal de mode. Il porte une espèce de jaquette, ou quelque chose de ce genre, je vous jure, je ne sais pas comment ça s'appelle vraiment, sauf que c'est quelque chose du dernier cri et de très contemporain, créé pour les visites matinales. "

Il ne s'agit clairement pas d'un roman qui aurait à lui seul pu faire la réputation de Dostoïevski. Le sujet n'est pas très original ni traité en profondeur. Pourtant, Le Rêve de l'oncle est une œuvre très plaisante que l'auteur, qui s'adresse directement à son lecteur dans son texte, semble avoir écrit avec beaucoup de bonne humeur.

Babel. 238 pages.
Traduit par André Markowitz.
1855-1859 pour l'édition originale.

16 janvier 2019

Bilan littéraire 2018

little

Il suffit que je dise que je suis sur une bonne lancée pour que tout s'arrête brutalement. Je ne vais pas rentrer dans les détails, mais je n'ai pas pu ouvrir un seul livre depuis presque trois mois. Rien de grave ou de malheureux, rassurez-vous, et j'espère avoir davantage de temps à consacrer à la lecture et à mon blog dans les semaines à venir.

Mon plaisir de lire étant à son comble avant ce coup d'arrêt brutal, je tiens quand même à faire un bilan de cette année 2018.

J'ai donc lu 77 romans, mémoires et pièces de théâtre, ce qui est un bilan très satisfaisant par rapport aux années précédentes, d'autant plus que, ainsi que je l'ai déjà dit ces derniers mois, j'ai vraiment eu l'impression de retrouver ma passion de la lecture.

Indiscutablement, l'année aura été marquée par la littérature russe, dont je compte bien poursuivre l'exploration. Un Dostoïevski ayant rejoint récemment ma table de nuit, cela me semble bien parti.

J'ai également adoré ma participation au Challenge Pavé de l'été, qui me force à lire des romans que je délaisse d'ordinaire, faute de temps. Le Comte de Monte-Cristo a été une expérience de lecture incroyable, Dumas n'a pas laissé ses dernières traces dans ces pages.

Pour une fois, j'ai travaillé sérieusement durant le Mois anglais, ce qui m'a permis de renouer avec Les Hauts de Hurlevent, un coup de coeur même après plusieurs relectures.

Enfin, je ne peux boucler ce podium sans évoquer ma lecture d'Auschwitz et après de Charlotte Delbo, indiscutablement ma lecture la plus émouvante cette année, mais dont la qualité littéraire est surtout exceptionnelle.

Avec retard, je vous souhaite une merveilleuse année 2019, remplie de belles lectures et de réussites personnelles.

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10 octobre 2018

Trajectoire - Richard Russo

russoAuteur de romans reconnus, Richard Russo revient pour cette rentrée littéraire avec Trajectoire, un recueil de nouvelles. Bien que n'étant pas amatrice du genre la plupart du temps, je suis ravie de m'être laissé tenter.

Dans la première nouvelle de ce recueil, Cavalier, il ne faut que quelques vers lus à son fils autiste le soir et le devoir plagié d'un étudiant pour que Janet se remémore sa rencontre avec le professeur qui a fait d'elle l'universitaire qu'elle est devenue.
Voix nous promène dans Venise. Alors qu'il traverse une mauvaise passe professionnelle, Nate, la soixantaine, a la surprise d'être convié par son frère Julian à un voyage organisé.  Ces vacances seront-elles l'occasion de briser la glace entre eux ?
Intervention met en scène Ray, agent immobilier. La crise a touché durement le marché, aussi bien pour les professionnels que pour les particuliers. Ray essaie ainsi de vendre la maison d'une amie de sa femme qui ne parvient plus à payer son crédit tout en se refusant à vendre ses biens inutiles et à désencombrer sa maison des cartons qui occupent tout l'espace.
Enfin, Ryan est contacté pour scénariser Milton et Marcus, un texte dont il a écrit l'ébauche des années auparavant et alors que l'un des deux acteurs principaux envisagés pour ce film est décédé.

Les deux premières nouvelles forment un sorte de dyptique et sont particulièrement puissantes. Elles mettent toutes deux en scène le milieu universitaire et cherchent ce qui fait qu'un étudiant en lettres est brillant ou simplement banal. Qu'est-ce qui permet à un travail de laisser transparaître la présence et la personnalité de son auteur ?
Richard Russo fait un parallèle judicieux entre les devoirs copiés presque exclusivement sur internet et ceux produits trop timidement par leur auteur, sans voix.

"J'en suis sûr, Janet. C'est un devoir soigné. Impeccable." Il recula pour avoir une vue d'ensemble des livres et périodiques entreposés sur l'étagère du haut. "Seulement, ce n'est pas la vôtre."
- Je crois que je ne comprends pas, répondit-elle en déglutissant à peine. Vous insinuez que j'ai plagié un autre devoir ?
-Mon Dieu, non ! Détendez-vous."
Comme si c'était possible.
"Même si, reprit-il sans se retourner, un plagiat serait plus révélateur. Au moins, je saurais ce que vous admirez, alors que je suis incapable de savoir où vous êtes dans ce que vous avez écrit. Idem avec vos devoirs précédents. C'est comme si vous n'existiez pas... "

Parler à voix haute n'est pas non plus une condition indispensable à la réussite d'un travail. Nate est estomaqué par la qualité des devoirs rendus par Opal Mauntz, son étudiante autiste dont il n'a même jamais croisé le regard.
L'écriture est également un thème fort de Milton et Marcus qui évoque le travail déconsidéré des scénaristes et met en scène l'un d'entre eux, aussi auteur de romans de moins en moins réussis.
Derrière cette idée d'exister par l'écriture, Richard Russo s'interroge sur ce qui permet de définir si une personne traverse l'existence ou fait réellement ses propres choix. Il n'est pas question d'étudiants en lettres ou d'auteurs dans Intervention, mais Ray, tout comme son père ont eu un baratineur dans leur vie, toujours prêt à leur répéter qu'ils gâchaient leur vie à ne pas s'engager dans toutes sortes de plans douteux.

Dans ces nouvelles, l'auteur nous dépeint avec brio l'Amérique actuelle, ses habitants les plus ordinaires et les relations souvent compliquées entre proches. A chaque fois, les personnages prennent une leçon de vie qui leur en apprend un peu plus sur eux-mêmes. C'est simple, écrit avec peu de mots mais diablement émouvant.

L'avis de Maeve.

Je remercie les éditions de La Table Ronde pour ce livre.

La Table Ronde. 296 pages.
Traduit par Jean Esch.
2017 pour l'édition originale.

5 octobre 2018

12 ans !!! (concours "Mrs Dalloway" inside)

 IMG_0547

Cela fait des années que je ne poste plus à l'occasion de l'anniversaire de mon blog, mais celui-ci étant de nouveau très actif (à mon humble niveau), j'ai eu envie de marquer un peu le coup. Je retrouve depuis un an environ le plaisir de bloguer que j'avais durant les premières années où j'écrivais ici. Je pense que je m'étais un peu perdue en fait. La blogosphère, les réseaux sociaux et le travail m'amenaient à lire des romans agréables, mais je n'avais plus que rarement de véritables coups de coeur.

Depuis un an, je me force à me tourner vers davantage de classiques, et le plaisir de lire est à son maximum, d'où sans doute mon besoin de partager avec vous. J'ai (re)découvert des blogs, et je sais désormais mieux déterminer les livres qui me tentent de façon éphémère et ceux qui ont des chances de me marquer durablement ou de me faire cogiter (d'où mon obsession actuelle pour les Russes).

Après ma lecture de ce livre, je suis ravie de fêter les douze ans de mon blog (en retard, comme d'habitude) en vous faisant gagner trois exemplaires de Mrs Dalloway illustrés par Nathalie Novi qui seront accompagnés d'ex-libris et de marque-page.

Pour cela, il faut m'indiquer en commentaire que vous participez. Vous pouvez avoir une chance supplémentaire en likant les pages de Tibert Editions et de Nathalie Novi sur Facebook ou Instagram (indiquez-le moi) ou en partageant ce billet.

Vous pouvez participer jusqu'au 14 octobre minuit. Concours réservé à la France métropolitaine (mais si vous connaissez quelqu'un qui y vit et peut vous l'envoyer...).

CONCOURS TERMINE ! Les gagnantes sont Sylire, Marilyne et Maggie. Envoyez-moi vos coordonnées que je les transmette à Tibert Editions.

3 octobre 2018

Mrs Dalloway de Virginia Woolf illustré par Nathalie Novi

IMG_0562Clarissa, l'honorable épouse de Richard Dalloway, donne une réception. Pour que cette dernière soit aussi réussie qu'elle le souhaite, elle sort dès le matin acheter des fleurs.
Dans le tumulte de Londres, alors que Big Ben sonne les heures, les personnages du roman se croisent. Peter Walsh, ancien soupirant de Clarissa, vient d'arriver d'Inde. Septimus Warren Smith, survivant de la Grande Guerre, et sa femme Rezzia se promènent dans Londres. Dans une voiture, un inconnu attire tous les regards. Et si c'était le Prince de Galles ?

Si vous êtes un habitué de ce blog, vous connaissez mon admiration pour Virginia Woolf. Ainsi, quand Tibert Editions m'a proposé de recevoir un exemplaire de Mrs Dalloway illustré par Nathalie Novi, je n'ai pas hésité longtemps.

Je ne sais pas si vous avez entendu parler de Tibert Editions. Pour ma part, je suis leur travail depuis leur édition d'Orgueil et Préjugés l'année dernière. Une cagnotte Ulule est lancée pour chaque livre. Les contributeurs choisissent leur lot (le livre, accompagné de goodies en nombre plus ou moins important). Lorsque le temps de la cagnotte est écoulé, les livres sont envoyés aux participants. Après Orgueil et Préjugés, Les Hirondelles de Kaboul et Mrs Dalloway, c'est Persuasion qui sera très bientôt disponible. 

Je n'ai eu l'occasion de découvrir que le roman de Virginia Woolf pour l'instant, mais c'est un coup de coeur. Le livre est magnifique, et j'ai redécouvert ce texte avec un immense plaisir. 

IMG_0547Ma première rencontre avec Clarissa Dalloway avait été intéressante, mais je n'étais pas aussi passionnée par son auteur que je le suis aujourd'hui et je n'avais pas la même connaissance de son oeuvre.
Cette relecture m'a permis de voir à quel point ce roman s'inscrit dans la lignée des oeuvres de Virginia Woolf.

Le temps, comme toujours chez Woolf, rythme ce roman. Elle nous raconte une seule journée de son héroïne, mais dans cette journée sont aussi présents les temps passés et à venir.

« Vous souvenez-vous du lac ? » dit-elle d’une voix rauque sous la poussée d’une émotion qui étreignit son cœur, raidit les muscles de sa gorge et contracta ses lèvres en un spasme, lorsqu’elle dit : lac. Car elle était encore une enfant, qui jetait du pain aux canards à côté de ses parents, et en même temps une femme qui venait vers ses parents debout, près du lac, tenant dans ses bras sa vie qui, à mesure qu’elle approchait, grandissait, grandissait dans ses bras jusqu’à devenir une vie entière, une vie complète, qu’elle déposait près d’eux en disant : « Voilà ce que j’en ai fait ! voilà ! » Qu’en avait-elle fait ? Quoi donc, en vérité, cousant ainsi ce matin, avec Peter ?

IMG_0556Les personnages aussi sont à la fois uniques et un tout. Leurs pensées fusent, se mêlent, comme un chant unique.
Clarissa Dalloway et Septimus, le poète, sont particulièrement liés, bien qu'ils ne se rencontrent jamais. Ils ne voient pas les choses comme tout le monde, il leur arrive d'entendre les ormes et les moineaux parler. Leurs pensées sont décousues, parfois impénétrables, ce qui interloque le lecteur sans le perdre tant les mots de Woolf sont beaux. De plus, l'auteur a ce talent que je n'ai jamais trouvé ailleurs de parvenir à faire fourmiller des pensées non reliées entre elles tout en gardant un cadre général parfaitement clair. En 1925, lorsque Mrs Dalloway est publié, Woolf est au sommet de son art et les errements de Nuit et Jour ou les maladresses de jeunesse de La Traversée de apparences sont derrière elle.

En peu de pages, nous saisissons l'atmosphère de Londres en ce début de juin. Viginia Woolf nous décrit, tel un peintre, les décors de son roman :

" Une bouffée de vent (malgré la chaleur, il y avait du vent) jeta un mince nuage noir sur le soleil et sur le Strand. Les visages s’assombrirent ; les omnibus perdirent soudain leur éclat. Car, parmi les nuages, bien qu’ils eussent l’aspect de montagnes de neige dure – il semblait qu’on pût les déchiqueter à la hache – avec de grandes pentes dorées, sur leurs flancs, de célestes pelouses, et qu’ils parussent offrir aux dieux des demeures préparées pour leurs assemblées au-dessus du monde, le mouvement était continuel. Des changements se faisaient comme d’après un plan arrêté d’avance ; tantôt un sommet s’affaissait, tantôt un bloc pyramidal, jusque-là ferme à son poste, s’avançait dans l’espace libre ou bien conduisait gravement une procession vers un autre rivage. Malgré la fixité, la solidité de ces amoncellements, malgré leur apparence de repos, leur ensemble immobile, rien n’était plus libre, léger, sensitif, mobile que ces étendues blanches comme la neige ou enflammées d’or. Changer, s’en aller, se démolir, rien n’était plus facile ; et la terre recevait tantôt de la lumière, tantôt de l’ombre. "

Sur ce livre plane également l'ombre de la Première Guerre mondiale :

IMG_0568" Quelque chose se prépare, Mr Brewer l’affirmait. Mr Brewer, directeur de la maison Sibleys and Arrowsmith, Agence Immobilière, Ventes et Locations. Quelque chose se prépare, pensait-il ; et comme il était paternel avec ses employés, qu’il faisait grand cas des capacités de Smith et qu’il prophétisait que, dans dix ou quinze ans, ce serait lui qui prendrait sa place dans le fauteuil de cuir de la pièce du fond, sous le vasistas, au milieu des dossiers, « si sa santé ne lui joue pas un mauvais tour », disait Mr Brewer et c’était le danger, il n’avait pas l’air fort, il lui conseillait le football, l’invitait à dîner et pensait que, peut-être, on pourrait penser à l’augmenter ; mais ce qui arriva déjoua bien des plans de Mr Brewer, lui enleva ses meilleurs employés et finalement – la guerre européenne étendit si loin ses doigts insidieux – écrasa un moulage de Cérès, creusa un trou dans une plate-bande de géraniums et détraqua les nerfs de la cuisinière de Mr Brewer, dans sa propriété de Muswell Hill. "

Au cours de ma lecture, j'ai noté moults passages qui me rappelaient les autres oeuvres ainsi que les biographies de Virginia Woolf que j'ai lu. Ce que je trouve extraordinaire avec cet auteur, ce sont toutes les pistes de lecture qu'offre son oeuvre. Je sais qu'une troisième lecture me permettra de m'attacher à de nouveaux éléments et que, même alors, je serai loin d'avoir fait le tour de ce livre. 

Une édition que je vous recommande vivement et dont vous pourrez gagner des exemplaires sur ce blog d'ici quelques jours.

Tibert Editions. 250 pages.
Traduit par Simone David.
1925 pour l'édition originale.

26 septembre 2018

La Seule histoire - Julian Barnes

barnesPaul, jeune homme de bonne famille de dix-neuf ans, rencontre Susan, quarante-huit ans, à son cours de tennis. Celle-ci a beau être mariée et mère de deux grandes filles, la complicité des deux personnages se transforme vite en une histoire d'amour qui va durer de nombreuses années.
Ce n'est que bien plus tard, alors que Paul est un vieil homme, qu'il se retourne sur sa vie et nous raconte son histoire.

Voilà un livre que j'avais repéré dans les nouveautés audio sans savoir qu'il s'agissait d'un roman de la rentrée littéraire. Cette lecture n'a pas été désagréable, mais elle m'a bien moins convaincue qu'Une fille, qui danse du même auteur qui avait été un coup de coeur.
J'ai été gênée par le choix du narrateur, qui lit ce livre comme il racontait Les Animaux fantastiques, avec un ton assuré et joyeux. Cela convenait parfaitement à Norbert Dragonneau, mais j'ai touvé que ce ton correspondait mal à un vieil homme parlant d'une histoire formatrice, certes, mais surtout impitoyable.
Dans ce livre, l'auteur nous parle de "la seule histoire", celle qui selon lui formate pour toute une vie le parcours sentimental d'un individu.

" Un premier amour détermine une vie pour toujours : c’est ce que j’ai découvert au fil des ans. Il n’occupe pas forcément un rang supérieur à celui des amours ultérieures, mais elles seront toujours affectées par son existence. Il peut servir de modèle, ou de contre-exemple. Il peut éclipser les amours ultérieures ; d’un autre côté, il peut les rendre plus faciles, meilleures. Mais parfois aussi, un premier amour cautérise le cœur, et tout ce qu’on pourra trouver ensuite, c’est une large cicatrice. "

Ni licorne ni paillettes ici. L'histoire qui nous est racontée n'est pas une histoire d'amour qui pourrait figurer dans les contes de fées. C'est une relation dans toute sa complexité. Paul est fou de Susan, mais cela ne dure qu'un temps et ne reste au bout de quelques années qu'un attachement qui n'a plus grand chose de sain.
Un couple n'est pas entouré d'une bulle ni imperméable aux difficultés qui lui sont extérieures. Dans les années 1960 ou 1970, on ne prend pas un amant, surtout aussi jeune. Les conséquences sur la vie sociale sont immédiates. Susan et Paul ne sont pas complètement rejetés. Ils ont une amie fidèle et leurs proches, bien qu'ils ne les approuvent pas, restent présents. Leur relation demeure cependant très discrète. Quant au mari trompé, qui passe de benêt inconscient de ce qui se passe sous son nez à homme violent et pervers dans l'esprit du lecteur, je l'ai trouvé assez réussi et inquiétant. On ne rompt pas un mariage, quel qu'en soit le motif, quand on vit à cette époque et dans un milieu privilégié.

Barnes est clairement un auteur anglais, son style est vif et l'on a souvent un arrière-goût amer dans la bouche en le lisant. Il analyse avec méthode les relations humaines. A l'instar d'un McEwan ou d'une Angela Huth, il nous plonge dans l'intimité des familles et en sort tout ce qui n'est jamais montré, ce qui est sale et ce qui est laid. Il nous raconte tout, jusqu'à la fin.

Sur le papier, il y avait donc beaucoup d'éléments en faveur d'une lecture réussie. Pourtant, j'ai trouvé que l'on restait trop en surface. Il m'a manqué des éléments pour être vraiment touchée par cette histoire tristement banale. Dans le même genre, je vous conseille Sur la plage de Chesil qui est un vrai bijou, avec pourtant moins de pages.

Un avis bien plus enthousiaste ici.

Je remercie Angèle Boutin et Audible pour ce livre.

Audible Studios. 8h19.
Traduit par Jean-Pierre Aoustin.
2018.

19 septembre 2018

Anton Tchekhov, la famille et la Russie

oncleQuiconque souhaite découvrir les grands auteurs russes ne peut ignorer les oeuvres d'Anton Tchekhov, fréquemment citées dans la littérature. Je le croyais seulement dramaturge, mais j'ai découvert que ce médecin de formation était tout autant auteur de nouvelles et même d'un roman, Drame de chasse, que j'espère découvrir très prochainement.

Je n'ai pour l'heure lu que deux de ses pièces, Oncle Vania et Les Trois soeurs et ai savouré l'écoute de La Steppe, une longue nouvelle publiée en 1888.
Dans Oncle Vania, l'un des textes les plus célèbres de Tchekhov, le professeur Sérébriakov et sa jeune épouse Eléna, sont contraints de se retirer dans leur propriété campagnarde suite à des difficultés financières. La demeure est occupée jusqu'à présent par la fille que Sérébriakov a eue de son premier mariage, Sonia, et de l'oncle de celle-ci, Ivan Petrovitch Voïnitzki, le fameux oncle Vania.
Le thème des Trois soeurs est assez similaire puisqu'il évoque le quotidien de Macha, Olga et Irina, coincées contre leur gré dans une ville de province dont elles espèrent parvenir à s'échapper pour retourner à Moscou.

N'étant pas une grande lectrice ou spectatrice de théâtre, je suis bien incapable de vous donner autre chose que mes impressions sur ces pièces, mais Tchekhov est un auteur qui m'a véritablement fascinée. Ces deux pièces ne sont pas remplies d'action, ni écrites avec un style époustouflant. Les dialogues entre les personnages sont souvent limités, un peu décousus et donnent l'impression qu'il nous manque des éléments pour comprendre la conversation. Etrangement, j'ai eu le sentiment de lire des pièces qui auraient pu être écrite par Ionesco tant le quotidien et les propos des personnages tendent vers l'absurde parfois.
Pourtant, ces pièces sont plus grinçantes que drôles. Les personnages de Tchekhov existent en attendant la mort, avec l'espoir que, dans de nombreuses années, les choses s'amélioreront pour les hommes.

trois" Autrefois, l'humanité était accaparée par les guerres, son existence était entièrement prise par des campagnes militaires, des invasions, des victoires ; à présent, tout cela a vécu et laisse derrière soi un vide énorme que, pour le moment, nous ne savons pas comment remplir ; l'humanité cherche passionnément, et elle trouvera, c'est certain. Ah, mais qu'elle fasse vite ! "

Les mariages sont malheureux, plein de désillusions. Eléna voyait en Sérébriakov un homme brillant et l'a épousé par amour avant de s'apercevoir qu'il n'était qu'un imposteur. Oncle Vania est du même avis :

" VONITSKI. Pour nous, tu étais un être supérieur, et tes articles, nous les connaissions par coeur... Mais maintenant mes yeux se sont ouverts ! Je vois tout ! Tu écris sur l'art mais tu ne comprends rien à l'art ! Tous tes travaux que j'aimais, ils ne valent pas un sou ! Tu nous jetais de la poudre aux yeux. "

Andreï, le frère des Trois soeurs, qui placent en lui tous leurs espoirs, fait un mariage tout aussi malheureux et la promesse de sa future carrière brillante ne tarde pas à s'évanouir. Quant à Macha, elle n'a rien à envier à Eléna Sérébriakov :

" Elle s'est mariée à dix-huit ans - elle le prenait pour le plus brillant des hommes. A présent, ce n'est plus ça. C'est le meilleur des hommes, mais ce n'est pas le plus intelligent. "

J'ai appris en lisant ces livres qu'Anton Tchekhov était médecin, et il est notable que ses textes contiennent un personnage exerçant cette profession. Ils ne sont pas forcément mis en valeur, mais un discours d'Astrov, le médecin d'Oncle Vania, est particulièrement visionnaire.

" ASTROV. Tes poêles, tu peux y mettre de la tourbe, et, tes hangars, tu peux les faire en pierre. Soit, je veux bien, qu'on abatte les arbres par nécessité, mais pourquoi les exterminer ? Les forêts russes craquent sous la hache, des milliards d'arbres sont tués, on change en désert les habitations des animaux et des oiseaux, les rivières baissent et tarissent, des paysages merveilleux disparaissent en retour, tout ça parce que l'homme, dans sa paresse, n'a pas le bon sens de se baisser pour prendre son combustible dans la terre. "

Plus loin, il parle du "climat détraqué". J'ignorais que ces questionnements existaient déjà au XIXe siècle.

la-steppe-anton-tchekhovSi la province et la campagne ne sont pas toujours valorisés dans Les Trois soeurs et Oncle Vania, on peut trouver dans La Steppe une véritable ode à la nature.
Ce texte raconte l'histoire de deux hommes et d'un gamin traversant la steppe. Le premier est prêtre, le second est marchand et l'oncle d'Igor, le jeune garçon qui doit rejoindre la ville pour suivre des études. Leur périple est ponctué de rencontres. Dans la steppe, on croise parfois des brigands, des violents orages ou encore des moujiks à l'allure de géants. Iégorouchka est fasciné par ce qu'il voit et les histoires qu'on lui conte.
De ce texte émane une beauté mystique. On sent l'amour du narrateur pour les paysages qu'il nous décrit. La steppe n'est pas un endroit dont on perçoit facilement la grandeur. Seul un personnage que nos voyageurs croisent semble la voir clairement et l'aimer en conséquence.

" Quand on regarde longtemps la profondeur du ciel, sans en détacher les yeux, les pensées et les sentiments se rejoignent inexplicablement dans une sensation de solitude infinie. On se sent soudain irrémédiablement seul. Tout ce qui nous était proche et familier nous devient terriblement étranger et indifférent. Si on reste seul en présence des étoiles millénaires, du ciel et des ténèbres, énigmatiques et indifférents à la courte destinée humaine, si on essaie de comprendre leur signification, on ne peut être qu’angoissé par leur mutisme et on songe inévitablement à la solitude qui attend chacun de nous dans la tombe. Notre existence même paraît alors désespérée et effrayante...
Iégorouchka songeait à sa grand-mère qui dormait maintenant sous les cerisiers du cimetière. Il la revit couchée dans le cercueil avec les sous de cuivre sur les yeux ; puis on avait cloué le couvercle et elle était descendue dans la tombe. Il se rappelait aussi le bruit des mottes de terre sur le cercueil. Il imaginait grand-mère abandonnée de tous et totalement impuissante dans sa tombe étroite et obscure. Et si elle se réveillait tout à coup et, ne sachant pas où elle est, commençait à frapper le couvercle et à appeler au secours et, épuisée par l'horreur, finissait par mourir une seconde fois ? Il imagina que sa mère était morte et le Père Christophe, et la comtesse Dranitski, et Salomon... "

J'ai lu que ce texte était un long poème, cette définition est parfaitement exacte.

Les Trois soeurs. Babel. 152 pages.
Oncle Vania. Babel. 136 pages.
La Steppe. Thélème. 3h52.


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