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lilly et ses livres

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8 mai 2009

La fille des Louganis ; Metin Arditi

resize_3_Actes Sud ; 237 pages.
2007.

Voilà un livre que je voulais lire depuis sa sortie, soit près de deux ans. J'avais déjà pris connaissance du début du texte, qui était disponible dans le but d'en faire sa promotion, et j'avais bien accroché.

L'histoire se déroule sur l'île de Spetses, en Grèce, à partir des années 1950. Les frères Louganis viennent de mourir de façon atroce alors qu'ils étaient partis pêcher. La veille, Spiros, l'aîné, a découvert que Pavlina n'était pas sa fille, mais celle de son frère, Nikos. Il a donc entraîné son frère avec lui dans la mort. Honteuse de ce drame qu'elle a involontairement provoqué, Magda, l'épouse de Spiros, ne dira jamais la vérité à son enfant. Mais la malédiction des Louganis ne s'arrête pas là. L'amour incestueux naîtra, les Louganis continueront à disparaître de différentes manières, et Pavlina passera sa vie à rechercher l'apaisement. 

Je n'ai pas vraiment trouvé ce que je cherchais dans ce roman. J'ai trouvé le début très bon. Les drames s'enchaînent vite, mais il s'agit d'échos aux tragédies et aux mythes grecs. La mer, l'île de Spetses, le soleil sont merveilleusement décrits, Pavlina est une jeune fille pleine de promesses, tout comme les autres personnages. Mais après la disparition en mer d'Aris, toute cette vivacité s'éteint.
La suite n'est pas désagréable, mais il devient de plus en plus évident que l'histoire ne mène nulle part. Pavlina est bouleversée par ce qui s'est passé, les nouveaux personnages qu'elle rencontre sont sympathiques, ont mené des vies plus ou moins chahutées eux aussi, mais le tout est plat.
Certes, Pavlina finit par trouver plus ou moins ce qu'elle cherchait, tout comme les autres personnages. Toutefois, je n'ai pas trouvé d'émotion réelle dans ces moments. On croise en effet beaucoup d'individus dans ce livre, et Metin Arditi donne à chacun un vécu qui devrait apparaître comme un écho de la vie de Pavlina, mais cela ne sert finalement pas à grand chose. De plus, beaucoup de situations de facilité sont choisies pour faire coller l'histoire des autres à celle de Pavlina (je pense notamment aux personnages de Yannis et Thanassis), et les discours moralisateurs du pope, qui lient justement en partie ces personnages, alourdissent énormément le récit. Il est difficile de leur accorder du crédit quand on est une athée de mon espèce, et je me suis vraiment sentie exclue dans ces passages... En fait, l'effort de construction de l'auteur est intéressant, mais il ne m'a pas convaincue.
D'autant plus que la fin ne le justifie pas. Je me suis demandé à quoi avait servi le reste si c'était pour en arriver là. Elle est à la fois clichée et artificielle, et elle finit d'enterrer le texte.

Mon billet est dur je pense, un peu trop peut-être. Je n'ai pas détesté ce livre, pas du tout, mais mon intérêt s'est dégradé au fil du texte jusqu'à me laisser totalement indifférente.

Papillon a eu un parcours exactement opposé au mien. Keisha a beaucoup aimé, tout comme Caro[line] et Chiffonette. Amanda a été déçue. D'autres avis en lien sur BOB.

   

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4 mai 2009

Pêle-mêle

Je voulais vous parler de BDs, mais étant donné que j'en lis en moyenne une tous les trois ans, je serais bien incapable d'évoquer des ouvrages de ce type de façon pertinente*. Je devais aussi vous faire un billet sur Ferragus, mais j'ai la flemme. Et comme je dois vous parler de quelques sorties poches, j'ai décidé de vous faire un billet mêlant un peu tout ça.

Donc, commençons par les BDs.

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La Fille du Professeur était un gros coup de coeur de plusieurs blogueuses. L'histoire se passe à Londres, au XIXe siècle, quand la fille du professeur Bowell tombe amoureuse d'Imotep IV, momifié depuis seulement quelques milliers d'années.

Je n'ai pas été plus emballée que ça par cette BD. Les dessins sont sympa, l'histoire est rigolote, mais je ne dois pas avoir l'esprit adapté à ce genre d'histoires. J'ai trouvé le tout un peu trop fouillis, mon côté midinette (pourtant développé à l'extrême, n'a pas été titillé plus que cela, et cet ouvrage ne restera certainement pas dans mes annales.

Allie, Manu et Kalistina ont été complètement charmée pour leur part.

resize_2_ En revanche, j'ai absolument craqué pour cet ouvrage que Fashion nous avait présenté il y a quelques mois, D, Lord Faureston. J'ai beau avoir été complètement rebutée par Dracula, le mythe qui l'entoure continue à m'intéresser vivement.

Nous sommes donc à Londres, au XIXe siècle, lorsque l'explorateur Richard Drake, rentrant en Angleterre, s'éprend après une rencontre explosive, de la belle Catherine Lacombe. Mais celle-ci ne semble pas insensible au charme de Lord Faureston, un jeune dandy pour le moins mystérieux.

Les dessins sont à nouveau superbes, l'histoire est intrigante de bout en bout, les personnages sont dotés d'une consistance réelle, ma midinettude a été comblée, et j'ai aimé les références à Dracula au milieu de ce récit qui s'en détache pourtant complètement. On est en plein dans la belle société anglaise, Faureston rappelle même un peu Dorian Gray je trouve, et d'autres éléments de l'époque sont également discutés et apportent au récit une atmosphère qui nous agrippe véritablement. J'attends la suite impatiemment !

Les avis de Lou, Alwenn et de Vladkergan.

hurleventPour finir, voilà une BD que j'attendais avec curiosité, le premier tome de l'adaptation des Hauts de Hurlevent chez Delcourt. Je ne vous mets pas de résumé, tout le monde connaît l'histoire.

C'est mignon, mais je suis assez sceptique. En tant que fanatique du roman d'origine, je trouve que l'atmosphère de la lande créée par Emily Brontë disparaît complètement. Catherine devient la narratrice du récit, les dessins sont mignons mais très enfantins, des scènes sont modifiées de façon terrible pour moi (la conversation entre Nelly et Cathy, qui conduit au départ de Heathcliff ne peut pas être tronquée, ce n'est pas possible...), donc pour quelqu'un qui apprécie le roman, la lecture risque d'être surprenante. Toutefois, je trouve que ces adaptations de classiques en format BD sont une excellente idée, et peuvent permettre un premier contact intéressant pour ceux qui trouvent les romans rebutant.


resize_3_J'ai enfin récemment passé quelques jours plongée dans l'univers balzacien, et Ferragus est le dernier ouvrage que j'ai lu avant d'être rassasié pour quelques temps. Il s'agit du premier opus de l'Histoire des Treize, mais le dernier que je lis, puisque La Duchesse de Langeais et La Fille aux yeux d'or ont déjà fait mon bonheur. 

Ce texte évoque comment Auguste de Maulincour croise, au cours de soirées dans la sphère des financiers de Paris, Clémence Desmarets, dont il tombe amoureux. Mais celle-ci aime éperdument son mari, et apparaît bientôt à Maulincour comme une hypocrite dissimulatrice.

Ferragus est un livre au rythme très soutenu et à l'ambiance très secrète, mais qui ne m'a pas complètement convaincue. Nous avons tout de même droit à une description de Paris qui mérite qu'on se penche sur ce texte rien que pour elle. La société décrite est touchante également, particulièrement la jeunesse, qui n'a plus aucun repère après les bouleversements que la France connaît à partir de la Révolution. J'ai toutefois eu du mal à m'intéresser au reste de l'histoire, au couple Desmarets, et à la société de Ferragus. Je ne me suis pas ennuyée une seule seconde (le texte est très court en plus), mais je m'attendais à  être davantage transportée, et à fréquenter la société parisienne un peu plus longtemps. Une bonne lecture, mais rien de plus, ce qui est presque une déception avec cet auteur.


Je termine ce billet en faisant la promotion de livres que vous devez absolument ajouter à vos bibliothèques.
On commence bien entendu avec Mervyn Peake. J'en parle dans mon blog-it, mais cette oeuvre mérite que l'on se répète sans fin. Points a édité les deux premiers tomes, avec des couvertures hideuses certes, mais qui rendent à nouveau Titus d'Enfer disponible.

peake peake

J'ai aussi été absolument enchantée de voir que Le Livre de Poche venait de sortir De pierre et de cendre de Linda Newbery, que j'ai beaucoup aimé il y a quelques mois. Là encore, l'éditeur d'origine est Phébus, et l'on peut regretter la jolie couverture qu'ils avaient choisie, mais je trouve que le choix du Livre de Poche est bien plus heureux que celui de Points...

newbery

*Il va de soit que la pertinence de mes billets sur des romans et nouvelles est tout aussi discutable, mais je me sens plus à l'aise dans ces cas là.

1 mai 2009

Femme de Chambre ; Markus Orths

resize_5_Liana Levi ; 131 pages.
Traduit de l'allemand par Nicole Casanova.
V.O. : Das Zimmermädchen. 2008.

Voilà un petit livre qui m'a attirée avec sa couverture. La femme qui pose me fait penser à une gouvernante anglaise.

Pas du tout. Il s'agit en fait de l'histoire de Lynn, une jeune femme qui vient de passer six mois dans un hôpital, afin de soigner une dépression. Elle se fait engager par son ancien compagnon comme femme de chambre dans un grand hôtel, et s'occupe en faisant le ménage avec une minutie extrême.
Un soir, elle s'allonge sous un lit, et passe la nuit avec un client qui ignore sa présence. Dès lors, chaque mardi, elle répète cette action. Comme elle répète les autres petits événements qui ponctuent son existence, comme elle en crée d'autres pour pouvoir les répéter.

Voilà un petit livre très étrange. Il se passe très peu de choses dans ce livre, les dialogues sont rares et brefs, le style est détaché et très précis. Pourtant, il s'agit d'un récit pesant, à cause des non-dits qui habitent chaque phrase, chaque événement. Lynn ne va pas bien, mais on ne saura jamais ce qui lui est arrivé. Pourquoi elle est allée à l'hôpital, qui elle était avant.
On l'observe, cherchant à ne pas penser, se liant de manière très étrange à des inconnus, se réfugiant sous les lits de ces chambres qu'elle connaît, un peu comme si elle était dans le ventre d'une mère. Une mère que Lynn n'a pas, car la sienne ne lui offre pas de réconfort. Cela peut sembler malsain de se cacher sous le lit d'une chambre d'hôtel, évidemment. Mais quand je dis qu'il ne se passe rien ou presque dans ce livre, c'est vrai. Se cacher sous le lit n'est pas un événement dans la vie de Lynn, du moins pas comme on se l'imagine. Lynn n'est pas quelqu'un de dangereux, elle est seulement blessée. Par des événements qu'elle ne peut exprimer, auxquels elle ne veut pas penser, et auxquels le lecteur n'aura jamais accès.
Un semblant d'horizon semble percer au cours du récit, un espoir amoureux et donc fragile, surtout lorsque l'on est une femme comme Lynn. Je m'arrête là pour ne pas tout vous dévoiler, mais disons que cette relation se noue de façon très intéressante, en totale harmonie avec qui est notre héroïne.

Une lecture qui m'a donc amenée à beaucoup m'interroger, et que je recommande.   
 

26 avril 2009

Madame Bovary ; Gustave Flaubert

resize_4_Pocket ; 478 pages.
1857.

Flaubert et moi avons une relation très compliquée. Je me suis jetée sur L'éducation sentimentale quand j'étais en terminale, convaincue qu'il allait s'agir du livre de ma vie. J'ai en vain tenté de le terminer durant trois étés, avant de me jurer que je ne relirai jamais Flaubert. Mais j'ai entendu tellement de bien de Madame Bovary, tant sur les blogs que de la part de mes quelques amis livrophiles, que j'ai été convaincue de renouer avec cet auteur. En plus, Une vie de Maupassant est bourré de clins d'oeil à cette oeuvre. J'étais donc à nouveau sûre de faire une merveilleuse rencontre, et je dois avouer que je ne suis pas tout à fait convaincue...

Charles Bovary est un jeune médecin établi en Normandie. Au cours d'un premier mariage, plutôt raté et de courte durée, avec une femme plus âgée, il tombe amoureux de la fille de l'un de ses patients, Emma Rouault. Ils se marient à la mort de la première madame Bovary, mais le bonheur ne vient pas pour Emma. Elle rêve d'avoir la vie des héroïnes des romans qu'elle dévore, et donc de mener une existence luxueuse et d'aimer inconditionnellement un homme admirable.
Parce qu'il pense que sa femme en a besoin pour sa santé, l'ennuyeux et dévoué Charles décide de déménager. Ils vont vivre à Yonville-l'Abbaye, un petit village où les places sont chères. Là-bas, Emma pense parvenir à trouver ce qui lui manque dans des relations extra-conjugales et un train de vie ruineux.

Je suis dans un état un peu particulier après ma lecture de ce livre. Je l'ai trouvé inégal en fait. Des passages m'ont impressionnée quand d'autres ont manqué de me faire mourir d'ennui. J'ai adoré la première et la troisième partie, mais la deuxième m'a souvent pesé. En fait, l'absence totale ou presque de piment dans la vie d'Emma m'a fait beaucoup d'effet.
Pourtant, il s'agit indéniablement d'un livre audacieux. Le personnage d'Emma est universel. On la comprend et la méprise tour à tour. Elle est à la fois la pauvre idiote qui se jette dans les bras de tout ce qui ressemble à l'amour tel qu'elle le conçoit (même l'Eglise, d'une façon très bien tournée de la part de Flaubert), et celle qui agit en refusant de tenir un rôle de potiche. Elle le fait naïvement et de façon irresponsable, mais elle a plusieurs fois l'occasion au cours de sa courte existence de marcher la tête haute (contrairement à bien des hommes du roman). Cela la conduit à de grosses désillusions. Celle qui m'a particulièrement marquée est lorsqu'elle retire définitivement son estime à Charles :

"Emma, en face de lui, le ragardait ; elle ne partageait pas son humiliation, elle en éprouvait une autre : c'était de s'être imaginé qu'un pareil homme puisse valoir quelque chose, comme si vingt fois elle n'avait pas suffisamment aperçu sa médiocrité."

Elle détonne cette madame Bovary, au milieu de tous ces êtres soit ridicules, soit odieux (ce Lheureux !!), soit complètement lâches. Deux autres personnages ont particulièrement attiré mon attention. Homais, tout d'abord. Je croyais au début qu'il était le fameux Rodolphe (j'ai lu Madame Bovary en extrait BD quand j'étais petite)... Son ambition le rend peu sympathique, et il sait se rendre parfaitement ridicule (même si personne n'est à même de s'en apercevoir), mais il est aussi le porte-parole de certaines idées à fort potentiel (qui elles aussi sont vouées à demeurer inconnues).
Léon ensuite, est très intéressant. Il aime la musique allemande, "celle qui porte à rêver", et devient celui qui joue le rôle de la maîtresse dans sa liaison avec Emma. Le roman en lui même est rempli d'une ironie amère, et Léon n'est pas le plus épargné.
J'attendais beaucoup du style de Flaubert en général, et je suis satisfaite, mais pas pour les raisons que j'attendais. Je ne l'ai pas trouvé particulièrement beau (enfin, ça dépend avec qui on compare...), mais j'admets qu'il est très efficace. J'ai ri, j'ai été écoeurée et bouleversée. J'ai adoré la scène des pistolets et l'escapade de Léon et Emma en calèche, je me suis caché les yeux quand Hippolyte se fait opérer, la mort d'Emma est parfaite, et son ennui m'a aussi parfaitement atteinte (désolée, je n'ai pas pu m'en empêcher).

En fait, j'ai vu un texte foisonnant et bourré de qualités se dérouler devant mes yeux, mais je n'ai pour ma part connu que des tentatives de décollage vers l'extase qui n'ont pas réussi à prendre (sauf pour la troisième partie, un peu tard malheureusement pour parler de coup de foudre). C'est horriblement frustrant.

Les avis hystériques de Caro[line], de Fée Bourbonnaise et Nibelheim.
Je suis désolée que tu ne me parles plus Erzébeth...

22 avril 2009

Mémoires de deux jeunes mariées ; Honoré de Balzac

177267_0_1_Le Livre de Poche ; 380 pages.
1842.

J'ai récemment fait la découverte d'un texte de Balzac intitulé Physiologie du mariage, qui contient des idées étonnantes (pour l'époque) sur les femmes en tant qu'épouses. Je ne l'ai pas lu (à part un bout d'extrait contenu dans mon édition du Père Goriot), mais ce qu'on m'en a dit m'a donné envie de dépoussiérer Mémoires de deux jeunes mariées, où je pensais voir développés des principes du même ordre.

1824. Louise de Chaulieu et Renée de Maucombe viennent de quitter le couvent où elles ont vécu pendant un peu moins de dix ans.
La première appartient au meilleur monde, et retrouve à Paris une famille qui ne désirait pas vraiment la revoir. Elle découvre peu à peu la société des hommes, mais aucun ne provoque en elle un intérêt quelconque. Alors que son père est nommé à Madrid, pour l'accompagner, elle prend des leçons d'espagnol avec un jeune homme exilé. Il est laid, mais il l'intrigue de plus en plus. Elle finit par apprendre qu'il est un grand d'Espagne déchu, qui a renoncé à son titre et à sa fiancée au profit de son frère.
Louise est une amoureuse de l'amour, aussi va t-elle se lancer à coeur perdu dans son histoire avec Felipe, et jouir de la passion qu'il éprouve à son endroit, sans éprouver le bonheur de la maternité (je n'aurais jamais pensé écrire ces mots ici...).
Renée a quant à elle été sortie du couvent pour être mariée à un noble campagnard, Louis de l'Estorade. Il a été brisé par la retraite de Russie, de laquelle il n'est rentrée qu'après des années d'angoisse pour ses parents. Il a trente-sept ans, et s'éprend follement de Renée, qui ne l'aime pas, mais qui se laisse épouser. Pour la jeune fille, le bonheur viendra de la maternité.
Nous suivons les deux amies au gré des lettres qu'elles s'échangent durant plus de dix années, rythmées par les nombreux bouleversements politiques que connaît la France.

Que dire, si ce n'est que j'ai encore passé un excellent moment avec Balzac grâce à ce livre ? Pour être tout à fait honnête, il n'aurait pas fallu que ce soit plus long, mais j'ai lu ce livre pratiquement d'une traite. Je suis impressionnée par les capacités de l'auteur à se mettre dans la peau des deux héroïnes. Si je n'avais pas su qu'il s'agissait d'un roman de Balzac, j'aurais été convaincue que seule une femme pouvait avoir écrit un tel roman. 
Avec ces lettres, on entre directement dans le domaine de l'intime de ces deux héroïnes, entre lesquelles un280px_BalzacMemoirsYoungWives01_1_ parallèle se tisse tout au long du livre. Elles sont jeunes et piquantes au début, dans une certaine mesure, mais surtout pleines de considérations sur le monde, considérations issues de leur éducation au couvent et de quelques lectures (autrement dit, pas grand chose de concret). Elles parlent de bonheur, le vivent différemment. Renée est comblée par la maternité, et se contente d'une vie morne à travers ses enfants. Elle suit le schéma qui a été décidé pour elle.
Louise est différente. Elle méprise sa mère qu'elle a du mal à considérer comme telle, et son choix de vivre passionnément et pleinement ses amours semble la priver de la possibilité d'avoir des enfants. Elle est manipulatrice (j'ai trouvé la scène où Felipe descend de son arbre au plus vite extrêmement drôle, j'ai honte), et devient peu à peu pathétique, mais je préfère mille fois sa vie à celle de Renée. Son insouciance, qui va jusqu'à lui faire croire que l'on peut vivre indéfiniment d'amour et d'eau fraîche est naïve, et lui coûte très cher, mais il s'agit d'un trait de personnalité que je ne peux reprocher. Ce n'est d'ailleurs pas comme si elle ignorait la fragilité de sa position : "Je suis si haut que s'il y avait une chute je serais brisée en mille miettes."
Ces deux jeunes femmes sont en effet étranges, complexes, et mènent leur bonheur en fonction de leurs illusions, tout en ayant une conscience des réalités très poussée.
On voit assez peu la société dans ce roman de Balzac, ou plutôt on la voit avec un angle différent de celui qui était adopté dans Le Père Goriot par exemple. Mais son ombre est bien présente : "tu as sagement accompli les lois de la vie sociale, tandis que je suis en-dehors de tout. "
Et l'on a ce qui me touche le plus chez cet auteur, les décors vivants, dans lesquels se reflètent les hommes.

Je dois encore vous parler de Ferragus, et je devrais ensuite passer à un autre auteur. Peut-être qu'Emma Bovary va finalement me convaincre...

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19 avril 2009

Gobseck ; Honoré de Balzac

280px_BalzacGobseck01_1_Omnibus ; 45 pages.

Après avoir achevé Le Père Goriot, j'ai voulu immédiatement savoir comment les choses s'étaient achevées entre Mme de Restaud et son époux. Gobseck m'a permis d'assouvir ma curiosité et plus encore.

Nous sommes vers 1830. Derville, un avoué, se trouve chez la duchesse de Granlieu. Celle-ci voit d'un mauvais oeil l'idée d'une union entre sa fille Camille, et Ernest, le fils aîné de Mme de Restaud (qui était l'une des demoiselles Goriot). Afin de venir en aide aux amoureux, Derville se propose de raconter comment sa vie a été liée à celle des de Restaud, par le biais d'une usurier hollandais, un certain Gobseck.

Ce très court texte est à nouveau un enchantement que nous offre Balzac. Il a été écrit avant Le Père Goriot, mais il met en scène des événements qui se déroulent en parallèle (l'affaire des diamants) et après cette histoire.
En moins de cinquante pages, Balzac nous donne un aperçu très piquant de la "belle société", où chacun tente de rouler l'autre, et s'incline comme la plus misérable créature devant l'argent.
Gobseck est un individu qui n'a que cette valeur, et qui est absolument impitoyable, ce qui le rend presque effrayant. On ne peut qu'apprécier sa clairvoyance à l'égard des stéréotypes que symbolisent Maxime de Trailles et Mme de Restaud :

"Ces sublimes acteurs jouaient pour moi seul, et sans pouvoir me tromper. Mon regard est comme celui de Dieu, je vois dans les coeurs."

L'usurier règne sur ces désespérés, qui semblent si sûrs d'eux par ailleurs. Je vous ai mis une illustration de l'une des scènes les plus marquantes du livre : Mme de Restaud qui met sa perfidie au service de ses enfants, mais qui ne fait finalement que les livrer un peu plus à Gobseck. Elle est complètement désemparée dans ce texte. La description de sa chambre lors de la première visite du vieil avare chez les de Restaud m'a également fait une forte impression. 
Et que dire de l'ironie avec laquelle l'usurier dépeint le pauvre M. de Restaud, qui est de "ces âmes tendres qui, ne connaissant pas de manière de tuer le chagrin, se laissent toujours tuer par lui".
D'autant plus qu'au final, Gobseck ne connaît pas un destin différent, et finit par pourir comme ces gages qu'il préfère laisser à la moisisure plutôt que de céder sur son avarice.

A lire absolument !

 

*Illustration d'Edouard Toudouze, prise sur Wikipedia.

17 avril 2009

Portrait de lectrice et Passe ton livre à ton voisin

Avec le printemps il souffle un vent de rangement dans les bibliothèques de la blogosphère.

Loula a lancé le principe du passe ton livre à ton voisin, qui consiste à :

-Choisir un livre qui nous fait envie parmi la sélection d'un autre blogueur.
-Proposer à son tour une sélection de trois titres que l'on n'a plus envie d'avoir sur nos étagères.

J'ai choisi Mort à crédit chez Manu, donc je vous propose trois livres, que je n'ai pas lus et qui ne me font plus envie :

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La marque de Winfield : Ken Follett et moi avons beaucoup de mal à nous entendre. Je l'ai commencé il y a longtemps, mais je n'ai aucune envie de le reprendre. Lou avait adoré.
Les choses de la vie de Paul Guimard, adapté au cinéma par Claude Sautet, avec Romy Schneider.
Le lys d'or de Philippe Sollers.

Le Follett est en excellent état, les deux autres avaient été achetés d'occasion, mais ils sont en bon état quand même. Le premier arrivé est le premier servi.


J'ai aussi été taguée par Lou et Ofelia :

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Jeune fille lisant, Franz Eylb

-Plutôt corne ou marque-page ?

En fait, je ne suis vraiment ni l'un ni l'autre. J'utilise des marque-page, mais je suis capable la plupart du temps de me rappeler où j'en étais. Ou sinon, ça ne me dérange pas de laisser un livre couché, par terre près de mon lit.

En revanche, j'ai une manie : j'ai très souvent des post-it spéciaux pour les livres à portée de main. Ils me permettent de retrouver tous les passages que j'ai aimés très facilement. Avant, je surlignais au feutre bleu, mais c'était moins pratique.

-As-tu déjà reçu un livre en cadeau ?

Oui, mais de moins en moins. Je me retrouve très souvent avec des doublons, ou alors avec des livres que je dois aller échanger le lendemain, parce que je n'ai absolument aucune envie de les lire.

-Lis-tu dans ton bain ?

C'est sans doute le lieu où je lis le plus. Je n'ai jamais fait tomber un seul livre dans l'eau, je n'ai que quelques gouttes d'eau à déplorer. Comme vous avez pu le constater depuis le début de ce questionnaire, je ne suis pas particulièrement soigneuse avec mes livres (en revanche, je déteste que quelqu'un d'autre les martyrise).

-As-tu déjà pensé à écrire un livre ?

Non, je n'écris pas du tout d'ailleurs, je suis 100% lectrice, et je me contente de me raconter les histoires que je veux voir quand j'ai un roman entre les mains. 

-Que penses-tu des séries de plusieurs tomes ?

Il me semble que les séries sont beaucoup plus courantes dans les genres autres que dans la littérature blanche (j'ai appris ce terme récemment, alors je m'en sers^^), donc je n'en ai pas lu des masses. J'aime bien en général, mais il me faut une coupure de plusieurs mois entre les tomes la plupart du temps. Sinon, j'ai tendance à me lasser.

-As-tu un livre culte ?

J'ai toujours (enfin, depuis presque dix ans) placé Les Hauts de Hurle-Vent en haut de la liste de mes livres préférés, mais depuis quelques mois j'ai davantage le sentiment que je l'aime pour ce qu'il représente que parce qu'il demeure le livre qui m'a le plus bousculée. Il fait et fera toujours partie des romans qui ont marqué ma vie de lectrice, mais disons qu'il n'est plus tout seul.

-Aimes-tu relire ?

Oui, et je le fait assez régulièrement. Mes livres préférés sont des romans qui m'apportent des choses nouvelles à chaque lecture, donc je n'hésite pas. 

Parfois, je suis déçue. J'ai relu récemment Nord et Sud d'Elizabeth Gaskell (qui, certes, n'a jamais figuré parmi mes romans préférés, même si j'en gardais un excellent souvenir), et certains aspects m'ont gênée. Je préfère désormais l'adaptation, même si ma relecture n'a pas été atroce pour autant.

Je relis aussi des livres que je n'ai pas aimés, que je n'avais pas compris, ou que mes amis m'ont conseillés. Parfois, mon avis change. J'ai des livres que j'affectionne parce qu'ils ont été les préférés d'un de mes amis, même si je ne les aimais pas avant. C'est le cas de Les petits enfants du siècle de Christiane Rochefort. Je me souviens m'être dit que je n'avais jamais mis autant de temps à lire un livre aussi court, mais je l'ai relu parce qu'il était le livre préféré de ma meilleure amie de l'époque, et du coup j'avais mieux aimé ensuite.

C'est d'ailleurs une question que je me pose souvent en navigant sur la blogosphère. On y entend peu parler de relectures pour des raisons évidentes (j'imagine bien Yue Yin faire trente billets sur Orgueil et Préjugés chaque année...), mais j'aimerais bien connaître les livres relus des autres blogueurs. Même si on ne l'avait pas compris à la première lecture, le fait de relire donne une bonne idée des titres qui nous sont vraiment chers.

-Rencontrer ou ne pas rencontrer les auteurs de livres qu’on a aimés ?   

Ça ne m'est jamais arrivé de rencontrer un auteur que j'ai aimé : la plupart sont morts ou étrangers de toute façon. Et puis, comme j'ai peur des gens, je n'aurais sûrement rien à leur dire.

-Aimes-tu parler de tes lectures ? 

Oui !! Je pense que vous l'aviez compris... Mais disons que j'ai toujours peur de passer pour une folle auprès des gens que je fréquente. Même quand je sais qu'ils adorent parler bouquins, j'ai peur de les endormir. Être passionné de cinéma est beaucoup mieux vu que passer son temps à lire, et j'ai souvent l'impression de passer pour une mémère à chat... 

- Comment choisis-tu tes livres ?

Comme beaucoup, en flânant sur les blogs ou en librairie, un peu à la bibliothèque, au gré de mes envies aussi. J'ai aussi des coups de sang. En ce moment, j'ai envie de lire tous les romans français du XIXe qui me tombent sous la main. En général, je constate que mes lectures se suivent de façon assez logique. Je ne passe pas en permanence d'un siècle et d'un pays à l'autre. 

-Une lecture inavouable ?

J'y réfléchis depuis que je vois ce tag circuler, mais je ne vois vraiment pas...

-Des endroits préférés pour lire ?

Mon bain ! Dans mon lit, au bord de l'eau, sur le canapé, très peu dans les transports. Je n'aime pas être autrement qu'allongée quand je lis en général. J'ai déjà du mal à écrire sur un bureau, alors bouquiner...

-Un livre idéal pour toi serait :

Il y en a déjà : ceux qui ont tout compris, ceux qui m'ont fait pleurer ou qui m'ont réconfortée.

-Lire par dessus l’épaule ?

Je ne supporte pas qu'on me le fasse, mais j'aime bien quand c'est moi qui m'y colle ! Cela dit, je n'en ai pas souvent l'occasion... Et il ne s'agit que de magazines ou de journaux.

-Télé, jeux vidéos ou livre ?

Je regarde peu la télé, je ne joue strictement jamais à des jeux vidéos, donc livre sans hésitation. Je ne passe pas ma vie à lire non plus. J'ai des séries ou des films que j'adore, et j'aime aussi beaucoup flâner.

-Lire et manger ?

Non, ça me déconcentre... D'ailleurs, manger dans mon bain...

-Lecture en musique, en silence, peu importe ...

J'aime mieux le silence, mais j'ai remarqué que j'arrive assez facilement à me couper du bruit quand je bouquine.

-Lire un livre électronique ?

Jamais essayé, et je ne suis pas vraiment tentée. En fait, je vois le livre électronique plus comme un outil de travail.

-Livres empruntés ou livre achetés ?

Achetés, presque systématiquement. J'ai du mal à avoir le réflexe d'aller en bibliothèque pour mes lectures loisirs. La plupart des livres que je crève d'envie de lire existent en poche, et sinon je vais chez Gibert. Mais j'essaie de me soigner un peu. 

- Le livre vous tombe des mains : aller jusqu’au bout ou pas ?

Ca dépend. Je choisis de mieux en mieux mes lectures, donc je me retrouve assez peu en situation vraiment critique. Quand je m'ennuie vraiment, j'ai plutôt tendance à continuer afin de terminer le livre le plus vite possible. Ca m'est arrivé récemment avec A moi pour toujours de Laura Kasischke.

- Le livre que vous ne pouvez pas voir en peinture ?

Un livre de nouvelles de Selma Lägerlof. J'ai lu la première, et je l'ai haïe. Pourtant, je suis sûre que je peux aimer cet auteur. Mais ce livre, si je le retrouve dans mes cartons de livres, je le jette.

- De quel personnage de roman aimeriez-vous avoir la vie et pourquoi ?

Je rencontre souvent dans les livres des personnages qui sont un peu des reflets de ma propre vie, mais je ne suis pas eux, donc je sais très bien que je ne pourrais pas mener la même existence.

Votre bibliothèque est-elle bien organisée (classement par genre, par édition ou par ordre alphabétique) ou bien est-ce un véritable capharnaüm?

Alors, j'ai une bibliothèque consacrée à la littérature anglo-saxonne classique et à la littérature américaine, avec des coins aménagés pour certains auteurs (les seuls pour qui je mélange les livres en anglais et ceux en français), une bibliothèque avec la littérature jeunesse, mes livres en anglais, mes livres grand format et mes Libretto, mes policiers et une partie de ma Pal (un vrai capharnaüm pour cette section). Par terre contre le mur, j'ai des piles de livres non lus. Dans des caisses, j'ai plein de livres que je ne relirai sûrement pas, mais que je n'arrive pas à vendre. J'ai aussi une bibliothèque avec la littérature française classique, contemporaine, allemande, la science fiction/fantasy/fantastique en poche et en français (soit environ cinq livres...). Au dessus de mon armoire, j'ai encore des grands formats, et j'ai une bibliothèque pour mes livres de cours.

Pour le classement à l'intérieur des sections, il est censé être alphabétique, mais ce n'est pas toujours le cas...

-Quel est le livre que tu lis actuellement et quel sera le prochain ?

Je suis plongée dans Mémoires de deux jeunes mariées de Balzac. Je me régale, et je pense lire ensuite Ferragus, toujours de Balzac, que je suis supposée avoir terminée depuis l'été 2007...

Je tague qui veut !
 

15 avril 2009

Le père Goriot ; Honoré de Balzac

resize_4_Pocket Classiques ; 378 pages.
1835.

Je suis loin d'avoir lu toute la Comédie Humaine, mais j'aime énormément Balzac. Pour une raison inexplicable, je pensais que Le Père Goriot était un roman raté de l'auteur. Il est beaucoup étudié dans le secondaire, j'imagine que certains de mes camarades ont dû souffrir dessus. Il a fallu qu'Erzébeth fasse un billet plus qu'élogieux dessus pour que je me décide à l'acquérir, et encore plusieurs mois avant que j'éprouve l'envie de le lire.

1819. Nous sommes dans la pension Vauquer, une misérable institution où se côtoient des individus au train de vie modeste, mais qui ne manquent pas d'ambition. Parmi eux, le père Goriot est l'objet de taquineries perpétuelles. Après avoir eu pendant quelques temps des allures de riche homme, il semble de plus en plus en proie à des difficultés financières. Son malheur vient de deux femmes que les autres occupants de la pension imaginent être des courtisanes, mais qui s'avèrent être les filles du père Goriot. Ce dernier les a très richement mariées, et depuis, elles le dédaignent et ne viennent le voir que lorsqu'elles ont besoin d'un argent qu'elles ne peuvent demander à leurs maris. Goriot, aveugle car très aimant, cède à tous leurs caprices.
Nous faisons la connaissance des deux femmes par le biais d'un autre pensionnaire de Madame Vauquer, Eugène de Rastignac. Ce jeune provincial, issu d'une famille noble désargentée, parvient à entrer dans les meilleurs cercles de la société de Saint-Germain grâce à la vicomtesse de Beauséant, sa cousine éloignée. Il devient l'amant de Madame de Nucingen, la cadette des filles Goriot, ce qui lui attire les affections du vieillard. 

Voilà l'un des meilleurs livres de Balzac que j'ai lus. Le Père Goriot est un texte incroyablement vivant, ironique, foisonnant. Il ne se contente pas de suivre le malheureux vieillard qui se laisse ruiner par ses filles et de nous offrir une réflexion sur la paternité. C'est toute la société de Saint-Germain qui est passée à la loupe, avec d'innombrables clins d'oeil aux autres romans de l'auteur. J'ai une folle envie de me replonger dans La duchesse de Langeais, je vous parle bientôt de Gobseck, et il me faut La femme abandonnée. Sans parler de Rastignac et de Vautrin, qui sont parmi les personnages balzaciens les plus célèbres, et que je meurs d'envie de retrouver.
On ne s'ennuie pas une seconde tellement les destins abordés sont nombreux. Le paraître, les intrigues amoureuses ou autres, le mariage, l'amitié, sont développés dans un portrait très cynique de la société de Saint-Germain (la pension Vauquer n'est pas non plus épargnée). Cette pauvre vicomtesse de Beauséant, qui tient un salon où tout le monde veut paraître, et qui est finalement jetée à tous ces vautours venus contempler son coeur brisé, j'en ai encore mal pour elle... Si j'aime tant les personnages de Balzac, c'est parce qu'il a beau les décrire comme étant la représentation physique de ce qu'ils sont intérieurement, ils n'en sont pas caricaturaux pour autant. On les voit odieux puis misérables, parce qu'ils vivent finalement tous dans un milieu où les gens se mangent entre eux. J'imaginais que les filles de Goriot étaient de véritables mégères. Après lecture de ce roman, je n'approuve évidemment pas leur comportement. Mais elles ont leur part de malheur, et Goriot pense lui même qu'il est en partie responsable de sa situation.
Je me demande vraiment comment Rastignac va tourner dans cette société pourrie, et les suggestions de Bianchon concernant la décoration d'une certaine tombe m'ont fait beaucoup rire. La fin est vraiment plombante, même si Balzac nous offre comme d'habitude une petite pique pour achever son texte.

Si vous voulez lire cet auteur, ce livre me semble être une parfaite introduction à son oeuvre. Il ne comporte aucune longueur, la présentation de la pension Vauquer est juste jouissive, et il est de plus en plus difficile de poser ce roman au fur et à mesure qu'on avance dans l'intrigue. En plus, si j'en crois tous les commentaires lus ici et là sur la blogosphère, Vautrin est un vrai tombeur (même si j'avoue préférer Rastignac pour l'instant).

Les avis d'Erzébeth , d'Isil et de Yue Yin.

13 avril 2009

L'ensorcelée ; Jules Barbey d'Aurevilly

51WD01N0VJLFolio ; 309 pages.
1854.

Madame Bovary ne me séduisant pas vraiment (mais promis, je le lirai), j'ai décidé de me plonger dans ce livre acheté il y a deux ans et dont j'avais déjà lu le début (je lis parfois le début d'un livre avant de le reposer, même s'il me plaît, j'ignore pourquoi). 
Si vous ouvrez ce livre, ne lisez surtout pas la quatrième de couverture. Il raconte toute la fin...

Nous sommes dans l'ouest normand, au milieu du XIXe siècle. Le narrateur revient de Coutances, où il a passé quelques jours pour affaires, et s'apprête à traverser la lande de Lessay, sur laquelle circule toutes sortes de rumeurs de sorcellerie et de brigandage. Alors que la nuit va tomber, notre narrateur fait une halte au cabaret du Taureau rouge, où la patronne lui donne pour compagnon de voyage maître Tainnebouy, un fermier qui se rend dans la même direction que lui. A mi-chemin, alors que la pénombre est de plus en plus forte, la jument de maître Tainnebouy se blesse, contraignant les deux hommes à s'arrêter. Le fermier confie alors au narrateur sa crainte d'être victime d'un sortilège lancé par l'un des pâtres errants qui hantent la lande.
A minuit, le son d'une cloche se fait entendre, annonçant une messe injustifiée dans l'abbaye de Blanchelande. Maître Tainnebouy explique à notre narrateur que l'église est hantée. En effet, celui qui tente de dire la messe est mort depuis bien longtemps.
Commence alors le récit d'une histoire qui a marqué la presqu'île du Contentin pendant la Révolution. Après avoir chouanné, Jéhoël de la Croix-Jugan, un prêtre autrefois aussi beau que Saint-Michel, a tenté de se suicider par balles, anéanti par la défaite. Il ne sera que défiguré et, bien que suspendu provisoirement de l'Église, il doit assister aux offices dominicaux qui se tiennent à Blanchelande. Ainsi, il rencontre Jeanne Le Hardouey, fille d'une ancienne famille noble décimée, et épouse pour sa honte d'un fermier certes riche, mais qui a acquis son bien honteusement. Dès sa première rencontre avec l'abbé de la Croix-Jugan, Jeanne est ensorcelée par cet homme. L'amour qui naît en elle, dans un contexte aussi tendu que la Révolution, la plongera, ainsi que toute la contrée, dans des tourments dramatiques.

Voilà un roman pour le moins troublant ! Il ravira à coup sûr les amateurs de romans à l'ambiance gothique, car la lande est isolée, désolée, hantée, témoin de faits terribles et inexplicables. Je disais dernièrement que Maupassant écrivait merveilleusement bien, Barbey d'Aurevilly n'a pas non plus à rougir de ce côté là. Son style donne davantage une impression de vieilli, mais il est tout aussi poétique, et s'adapte parfaitement à l'histoire racontée ici.   
L'atmosphère tourmentée qui ressort s'explique par la situation de la région de Blanchelande. La défiance hante toujours les esprits, puisque les Chouans et les Bleus s'y sont affrontés durement, et que les vestiges de ces combats, symbolisés par des individus, sont toujours emplis de violence et de haine. L'envoûtement dont est victime Jeanne Le Hardouey constitue un prétexte pour régler les comptes qui ne l'ont pas été durant la Révolution, et permet des scènes absolument abominables. Les superstitions et l'amour des rumeurs des gens de Blanchelande exacerbent aussi les craintes et permettent aux individus de dérouler une cruauté et un côté bestial effrayants. Les romans empruntant au genre gothique que j'ai lus jusque là m'avaient fait sourire. Cette fois, j'ai vraiment frissonné. Tout est vraiment sens dessus dessous dans cette histoire. Les anciens chouans ne sont étrangement pas de grands catholiques. Il faut attendre le drame pour que la Clotte, ancienne courtisane, éprouve le besoin "brûlant et affamé d'une prière".
Je ne pense pas que j'aurais apprécié l'homme chez Jules Barbey d'Aurevilly. Du peu que j'en sais, il ne partageait pas vraiment les mêmes idéaux que moi. L'évolution de la société française est critiquée dans ce livre et je suis une athée convaincue. Mais ici, cela permet de créer une distance extrême entre les groupes d'individus, et donc d'expliquer la tension décrite. Et si le progrès avait atteint les landes, ce livre ne serait pas aussi puissant.
Le pire est qu'au final, L'ensorcelée se révêle être un roman frustrant, qui n'offre aucune réponse au lecteur. Au lieu d'une explication, nous avons droit à des révélations supplémentaires, qui achèvent de nous briser le coeur. 

Un livre que j'ai donc trouvé fascinant et assez difficile. J'ai du mal à le rattacher à des lectures précédentes, ce qui me pertube encore plus, tout en me donnant très envie de persévérer avec cet auteur.   

10 avril 2009

Une vie ; Guy de Maupassant

untitledLe Livre de Poche ; 256 pages.
1883.

Je crois que je n'avais rien lu de Maupassant depuis le lycée. J'avais seulement lu quelques nouvelles, que j'avais beaucoup aimées, mais qui ne m'avaient pas donné l'envie de replonger dans cet auteur. Mais j'ai tous les ans des envies de classiques français au printemps, alors je me suis dit que c'était l'occasion de renouer.

1819. Jeanne vient de sortir du couvent, et elle est une jeune femme pleine d'espérances. Avec ses parents, elle retourne dans la demeure familiale des Peuples, en Normandie. Là-bas, les fauteuils du salon représentent les Fables de La Fontaine, et les tentures de sa chambre évoquent des amours mythiques. La pluie fait place au beau temps, et la campagne semble pleine de promesses.
Lorsqu'elle rencontre le jeune et séduisant Julien de Lamare, Jeanne ne tarde pas à développer pour lui des sentiments comme elle en avait imaginé dans ses rêves. Ils se marient, et partent en Corse pour leur voyage de noces.
La complicité qu'ils développent est alors totale, mais éphémère. Dès leur retour aux Peuples, l'existence de Jeanne commence à sombrer.
Sa vie sera dès lors rythmée seulement par des évènements très ponctuels, douloureux, remplaçant ses rêveries par l'image d'un "avenir clos".

Etrangement, pour ne pas dire, de façon inquiétante, la première référence qui m'est venue à l'esprit en lisant ce livre, a été Flaubert. Autrement dit, l'auteur qui a failli me faire mourir d'ennui et me dégoûter de la lecture avec L'éducation sentimentale. Bon, il est vrai que j'ai pensé à ce roman seulement plus loin dans le livre, et en me disant qu'Une vie était quand même vachement mieux (pas bien compliqué). Mais pour moi, penser à Flaubert, même quand il ne s'agit pas de L'éducation sentimentale, c'est mauvais signe (je n'y peux rien, d'ailleurs je lis en ce moment même Madame Bovary pour prouver ma bonne volonté). Je vous sens complètement perdus là, donc je m'explique : si j'ai pensé à Flaubert très vite, c'est parce que Jeanne et sa mère m'ont fait penser à Emma (sur laquelle je n'avais que des a priori avant aujourd'hui). Ecoutez les tendres délires de cette chère Jeanne à propos de son futur amoureux :

"Elle savait seulement qu'elle l'adorerait de toute son âme et qu'il la chérirait de toute sa force. Ils se promèneraient par les soirs pareils à celui-ci, sous la cendre lumineuse qui tombait des étoiles. Ils iraient, les mains dans les mains, serrés l'un contre l'autre, entendant battre leurs coeurs, sentant la chaleur de leurs épaules, mêlant leur amour à la simplicité suave des nuits d'été, tellement unis qu'ils pénètreraient aisément par la seule puissance de leur tendresse, jusqu'à leurs plus secrètes pensées."

Maupassant a vraiment dû s'éclater en écrivant ce passage (et encore, je ne vous ai pas tout mis)...
Quant à la baronne Le Perthuis des Vauds, elle lit Corinne de Mme de Staël (que je compte également lire depuis peu), et apprécie beaucoup de se replonger dans ses souvenirs heureux.
Si j'ai quand même tenu à continuer, malgré ma peur de me retrouver chez un nouveau Flaubert, c'est d'abord pour le style de Maupassant. J'ai rarement lu un livre aussi bien écrit, aussi poétique, qui me fait  à ce point ressentir ce qu'il décrit. Etant donné l'entourage littéraire de Maupassant, cet aspect n'est pas forcément surprenant, mais il n'en est pas moins jouissif. L'environnement ne fait qu'un avec l'humeur de Jeanne. Plus on avance dans sa vie, et plus les hivers semblent longs et nombreux. Au début, quand l'amour est encore là, on peut apprécier la sensualité présente dans ce livre :01921_eugene_delacroix_1_

"Cambrant sous le ciel son ventre luisant et liquide, la mer, fiancée monstrueuse, attendait l'amant de feu qui descendait vers elle. Il précipitait sa chute, empourpré comme par le désir de leur embrasement. Il la joignit ; et, peu à peu, elle le dévora."

Cela peu paraître étrange pour quelqu'un qui vient de finir un livre de Bukowski, mais j'ai été surprise par l'audace de Maupassant vis à vis de la sexualité. Certes, ma connaissance de la littérature française du XIXe siècle est très limitée, mais je n'ai pas le souvenir d'avoir lu des ouvrages évoquant aussi explicitement l'acte sexuel (je parle des auteurs dans la lignée de Maupassant, pas de Sade et compagnie). Avec Une vie, on pénètre dans la chambre conjugale. On a une description claire de la nuit de noces. La jouissance féminine est aussi évoquée, et Maupassant nous indique les surnoms que donne Julien aux parties intimes de son épouse.
A travers cela, l'auteur nous parle de la condition des femmes : Jeanne est complètement ignorante de ce qui se rapporte au sexe quand elle épouse Julien. Sa mère refuse de lui en parler, par gêne, et son père ne bafouille que quelques mots inutiles en guise d'explications le jour du mariage de sa fille. Par conséquent, la jeune fille, qui en plus est plutôt du genre longue à la détente, n'a aucun moyen de comprendre pourquoi, alors qu'ils sont déjà mariés, Julien lui promet qu'elle sera sa femme le soir de leurs noces. Et je ne vous parle même pas de ses connaissances sur comment on fait les enfants... ma_destinee_1_
Le récit se déroule à partir de 1819, mais Maupassant écrit un roman qui soulève bel et bien les questions de son temps. Outre la sexualité, la religion est évoquée, de façon quelque peu ambigüe d'ailleurs. La description des moeurs normandes que l'on trouve dans ce roman, les découvertes de nombreux adultères par Jeanne, laissent penser que le catholicisme a perdu du terrain. Mais le nouveau curé, la réaction hypocrite des gens lorsque l'on renonce à faire faire sa communion à Paul, et même Jeanne elle-même, tendent à faire penser le contraire.
Elle est vraiment très sage cette Jeanne, qui supporte toutes les actions de son mari sans broncher ou presque, qui se laisse embobiner par un curé fanatique jusqu'à ce qu'il commette l'irréparable, et qui laisse finalement la vie la piétiner. J'ai parfois eu envie de la secouer, de l'obliger à se révolter, de l'empêcher de plonger un peu plus profond dans le néant de sa vie.
La fin m'a arraché un dernier sourire, parce que tout n'est pas noir non plus. Et rien n'est ennuyeux. J'ai absolument adoré ce livre, même si mon billet est inintéressant. J'en ai savouré chaque mot, et je veux lire tout Maupassant désormais.

Le premier tableau, La mer à Dieppe , est d'Eugène Delacroix. La seconde illustration, Ma destinée (1867), est de Victor Hugo.

 

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