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lilly et ses livres

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23 février 2007

La touche étoile ; Benoîte Groult

2246670314" Ni Dieu ni Diable, Moïra, dans la mythologie grecque, représente la destinée. Amoureuse de l'existence terrestre qu'elle ne connaîtra jamais, elle s'attache à faire advenir l'improbable chez ses protégés en brouillant les cartes quand elle les juge mal distribuées. Ainsi Marion, qui s'est mariée en espérant former un couple moderne, respectueux de la liberté de l'autre, découvrira qu'on souffre comme au temps de Racine même si on a signé le contrat de Sartre et Beauvoir. Mais Moïra lui fera vivre, en marge, une liaison passionnée avec un Irlandais un peu fou, un peu poète, comme les Celtes le sont si souvent. Sa mère Alice, 80 ans, journaliste féministe de choc, grand-mère indigne et pourtant tendre, s'est juré de ne pas se laisser déborder par la vieillesse. Un défi osé que Moïra, invisible et présente, l'aidera à relever avec panache. Alice affrontera son âge avec une lucidité impitoyable et un humour décapant, dans un monde où " vieillir est un délit ". La touche étoile est une leçon des Ténèbres dite sur le ton de l'allégresse. Le roman émouvant et drôle de plusieurs générations de femmes. "

C'est le titre du livre et un reportage qui m'ont convaincue de lire ce texte. J'étais quand même un peu sceptique, ayant appris que l'auteur était féministe et que le thème du livre était la vieillesse (oui, je suis une de ces jeunes écervelées décrites dans le livre, pour qui la vieillesse c'est barbant et ça fait peur). J'ai adoré ce livre en fin de compte. Impossible d'imaginer que derrière la photo de la "mamie-gâteau" sur la couverture, se cache une plume pleine d'humour, d'auto-dérision. Benoîte Groult, avec ce livre, donne une bonne (et affectueuse) leçon aux jeunes. Elle nous dit tout ce qu'on pense des "vieux", tout ce que l'on n'osera jamais admettre. C'est un peu : "Arrêtez de nous prendre pour des gâteux, on sait bien que pour vous on est des "vieux", on a toujours été des "vieux" et on sera toujours des "vieux". " Elle nous parle aussi des "pas encore vieux" mais "plus tout à fait jeunes", qui refusent de plus en plus de vieillir. Et puis, elle nous parle de la vieillesse, et elle nous montre que ce n'est pas si nul que ça. Certes, ce n'est pas toujours drôle, mais chaque âge a son charme.
L'une des héroïnes, Alice, féministe et femme qui se veut moderne m'a beaucoup plu. Aucune gêne pour prononcer certains mots que moi même j'hésite à dire (en particulier devant ma grand-mère). On a l'image des "vieux" choqués par les "jeunes d'aujourd'hui", qui n'ont "aucune éducation". Pourtant, avec ce livre, c'est la septuagénaire qui scandalise les "jeunes" par son ouverture d'esprit...
Ils essaient bien de l'humilier, les "jeunes", quand elle décide de faire "entrer Belzébuth chez elle", c'est à dire un ordinateur. On rigole bien en la voyant déchiffrer la notice, acheter son exemplaire de L'informatique pour les Nuls, on a pitié d'elle lorsqu'elle nous avoue que décider de descendre des escaliers est important (nous, on s'en rend à peine compte).

Sauf qu'Alice, elle, elle sait que nous aussi on va mourir. Elle sait que Marion, sa fille, va souffrir de sa décision de former un "couple moderne" avec Maurice. D'accord, elle vit un amour passionné avec Brian. Mais quand c'est Maurice qui va voir ailleurs, ce n'est plus vraiment le même refrain. Mais elle la laisse choisir sa vie. Alice a déjà fait la sienne. Elle n'est pas parvenue à obtenir tout ce qu'elle voulait, mais sa fille et ses petites-filles ont des hommes qui repassent. En fin de compte, elles ont toujours besoin des hommes (et tant mieux).

Ce que veut Alice, surtout, quand vient la fin, c'est ne pas voir sa déchéance dans les yeux de ceux qu'elle aime. Pour cela, il y a Moïra, la Destinée. Elle a permis à Brian et à Marion de se rencontrer, elle veut également offrir à Alice la possibilité d'appuyer sur la touche étoile, quand celle-ci aura décidé de mourir.

Benoîte Groult n'hésite pas à appeler les choses par leur nom. Et grâce à cela ce livre nous réconcilie avec la vieillesse et la vie en général.

Les avis de Gambadou et de Bill (qui n'ont pas aimé), de Véro et de Tamara (qui sont d'accord avec moi).

Éditions Grasset ; 283 pages.

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22 février 2007

L'inespérée ; Christian Bobin

2070394557Éditions Folio ; 115 pages.
3,50 euros.

"Je suis fou de pureté. Je suis fou de cette pureté qui n'a rien à voir avec une morale, qui est la vie dans son atome élémentaire, le fait simple et pauvre d'être pour chacun au bord des eaux de sa mort noire et d'y attendre seul, infiniment seul, éternellement seul. La pureté est la matière la plus répandue sur la terre. Elle est comme un chien. Chaque fois que nous ne nous reposons sur rien que sur notre coeur vide, elle revient s'asseoir à nos pieds, nous tenir compagnie. "

Le monde dans lequel nous vivons est "affreusement noir en dessus". Christian Bobin nous le démontre en évoquant un fait divers. Pendant la guerre en Yougoslavie, un homme et sa famille ont été décapités par les Serbes. Ils étaient considérés indignes de vivre, car musulmans... Après ce crime, une table dressée par l'homme assassiné a été découverte. Il voulait accueillir les soldats serbes avec hospitalité...

"Rien ne nous est dû dans cette vie, pas même l'innocence d'un ciel bleu." Parce qu'il est facile de voir la vie en noir, Christian Bobin nous tend la main et nous démontre que le bonheur est facile à trouver. Il est dans l'amour naturellement, mais aussi dans une parole, dans un geste, dans une séance de repassage, dans une abbaye, ou même parfois, dans la souffrance et dans la mort. La beauté également est partout. Dans la pureté, la sainteté, l'évasion. Ces choses sont faciles à atteindre, il faut seulement un peu de sincérité et de volonté. Enfin, pour conserver ces instants de bonheur, il suffit de les fixer dans une lettre, une rose desséchée depuis des mois, sur des visages inconnus, ou encore dans un arbre.

Ces récits ne sont que des impressions comme nous en avons tous chaque jour. Cependant, nous n'avons pas toujours conscience de ce que ces impressions peuvent/pourraient représenter. Christian Bobin nous ouvre donc les yeux en nous parlant de nous et de notre monde "miraculeusement pur en dessous", avec une écriture pleine de poésie. Cette philosophie selon laquelle "il faut profiter de chaque instant" est vieille comme le monde. Mais parce qu'il parle d'aspects courants du quotidien, Christian Bobin parvient à nous toucher (bon d'accord, ses lettres sont des lettres d'amour comme toute femme aimerait en recevoir, et ça aussi ça fait mouche. Parce que Christian Bobin, c'est un homme qui comprend les termes "galanterie" et "délicatesse". Il a bien raison quand il dit que rien ne vaut une lettre d'amour dans le style "XIIe siècle". Ah là là, le "Allez va, va petit bateau chahuté par les vagues, va délivrer ta cargaison de lumières"... Mais juré, il y a bien plus que ça ! ).

Bref, savourez-le !

Les avis de Florinette et de Caro[line].

21 février 2007

Contes de la rose pourpre ; Michel Faber

2879295475Éditions de L'Olivier ; 187 pages.
15 euros.

" Qu'est devenue Sugar, la jeune prostituée ? Et William Rackham, le riche parfumeur qui l'avait follement aimée ? Est-il parvenu à l'oublier ? Et la petite Sophie, où est-elle ? Ces questions, nous nous les sommes posées en refermant La Rose pourpre et le Lys. Avec le vague espoir que l'auteur de ce merveilleux roman " victorien " écrit au XXIe siècle consentirait à lui inventer une suite à la manière de Charles Dickens. Michel Faber a fait bien mieux : avec ce recueil de nouvelles, il nous propose une sorte de post-scriptum, ouvrant l'éventail des possibles sur le devenir de ses personnages. Ecoutons-le... " Nous sommes en décembre 1872. Une neige duveteuse tombe sur cette partie équivoque de Londres entre Regent Street et Soho... "

Je n'ai pas lu La rose pourpre et le lys, mais ce n'est pas faute de l'avoir vu et admiré dans les librairies. En fait, les critiques que j'avais lues, et qui émanaient de personnes ayant d'ordinaire des goûts semblables aux miens en matière de littérature, étaient mauvaises. L'écriture de l'auteur était la principale visée. Alors me taper 1000 pages d'ennui pour contredire tout le monde et risquer d'abandonner un livre ayant coûté environ quinze euros, même avec mon esprit de contradiction très développé cela me contrariait.

Depuis que je fréquente les blogs littéraires, j'ai découvert que certains sont très emballés par ce livre, Marie et Bill en tête. Mais ça n'a pas suffit à me convaincre. Hier, à la librairie, je cherchais un livre à acheter quand je suis tombée sur Contes de la rose pourpre. Je connaissais vaguement, Marie (je n'ai pas trouvé le lien...) et Gaëlle en avaient parlé. Il s'agit non pas d'une suite, mais plutôt d'anecdotes, qui se passent avant ou après La rose pourpre et le lys. Finalement, je ne l'ai pas pris. Quelques minutes plus tard, je suis à la bibliothèque, j'erre dans les rayons. Pour une fois, je regarde les présentoirs. Et là, je le vois. Personnellement, les histoires de signes et toutes ces choses là me font beaucoup rire d'ordinaire. Sauf que là, il s'agissait de livres. Et que l'on ne plaisante pas avec les livres. Je l'ai donc pris.

Bien qu'il soit très intéressant, si vous n'avez pas lu La rose pourpre et le lys, ne lisez pas l'avant-propos. D'abord, il raconte la fin de l'histoire (bon, pour une personne comme moi ça n'est pas gênant, mais ça c'est une autre histoire). Ensuite, l'auteur lie un peu trop, bien involontairement, ses contes et son roman. Du coup, je me suis sentie un peu une intruse au début, parachutée dans une histoire à laquelle je n'appartenait pas. Heureusement, au bout de quelques pages, l'effet s'est dissipé.

Pénétrer dans le Londres du XIXè, dans ses bas quartiers, ses bordels, était une première pour moi (enfin je crois). Les personnages créés par Michel Faber vont dans des endroits interdits, vivent dans des lieux où il ne faut pas mettre les pieds quand on est une personne "respectable". L'idée d'avoir la possibilité de savoir ce que vont devenir ou ce qu'ont été ces personnages en lisant le roman de l'auteur permet de les quitter sans trop d'amertume. D'après les critiques que j'ai lues sur La rose pourpre et le lys, les personnages ne sont pas forcément très attachants. Ici non plus. On sent quand même des liens se tisser entre eux au fil des nouvelles. La dernière, qui est racontée par un enfant, est la plus touchante. Sans doute parce qu'elle compte plus de pages que les autres, et que Michel Faber a davantage l'occasion de prouver son talent.

Au niveau de l'écriture, elle n'est pas désagréable, mais j'ai eu du mal à imaginer une ambiance victorienne. J'ai beaucoup de mal à savoir si tel ou tel livre est bien ou mal écrit. J'attends simplement de l'auteur qu'il crée un rythme et une atmosphère qui contribuent à rendre son histoire réelle. Ce n'est pas vraiment le cas ici, on est très détaché de l'action par moments.

J'ignore si une lecture préalable de La rose pourpre et le lys m'aurait davantage permis d'apprécier ce recueil. C'est un petit livre sympathique, les ambitions initiales de l'auteur étaient plus que respectables, mais ce recueil se lit et s'oublie assez vite je pense. Je suis quand même assez intriguée, peut-être vais-je me laisser tenter par le roman...

20 février 2007

Je t'oublierai tous les jours ; Vassilis Alexakis

22340579739782070336364_2_Édition Folio ; 256 pages.
5,60 euros.

" « Un jour où je déjeunais seul chez Démocrite, tu es apparue à l'entrée de la salle et tu as regardé attentivement autour de toi. J'avais terminé mon repas et je lisais le journal. Ton regard ne s'est pas attardé sur moi, pas plus qu'il ne s'est attardé sur les autres clients. J'ai essayé de contenir ma déception. J'ai songé que cela faisait douze ans que nous ne nous étions pas vus. »

Au fantôme surgi un midi dans un restaurant d'Athènes, et qui n'est autre que sa mère aujourd'hui disparue, Vassilis Alexakis raconte ce qui est advenu depuis. Avec beaucoup de légèreté et d'humour, il relate la petite histoire, la sienne, ses amours, ses enfants, et la grande, les jeux Olympiques, la victoire de la Grèce à l'Euro 2004, le Rwanda, le 11 septembre. Il évoque aussi, avec retenue et pudeur, l'enfance en Grèce, les vacances, les souvenirs du temps où sa mère vivait encore, poursuivant ainsi une conversation, l'ultime, avec celle qui lui donna le goût de la littérature.
"

J'aime bien les titres mélancoliques ces jours-ci... Lorsque ce roman est sorti (en 2005), je me souviens avoir été interpellée par son titre justement. Mais je crois que j'avais alors lu quelque chose qui m'avait dissuadée de le lire. En fait, je suis tombée dessus un peu par hasard, en furetant à la bibliothèque. La quatrième de couverture de l'édition Stock, qui ne contient que l'extrait mentionné ci-dessus, m'a intriguée. Je l'ai donc rajouté à ma PAL.

Après la lecture assez bouleversante de Auprès de moi toujours, je pensais que ce livre serait une bouffée d'air, un roman léger, parfait pour me remettre d'aplomb. Ceux qui l'ont lu doivent doucement rigoler... Ce roman n'est pas triste, il s'agit d'une preuve d'amour d'un fils pour sa mère dont la lecture est plutôt agréable. Enfin, une fois qu'on a compris de quoi ça parle. Parce que moi, je pensais d'abord qu'il parlait à un ancien amour, puis à sa belle-mère dont il avait fini par tomber amoureux. Jusqu'à ce que j'aille sur le site de Lire, qui disait que "évidemment" c'est un fils (et même Vassilis Alexakis en personne) qui parle à sa mère amnésique. A ce moment-là, je me suis sentie très bête... Et puis je me suis demandée si j'allais continuer ma lecture, le récit me déconcertant toujours plus au fil des pages (et de mes recherches). J'étais alors à la page 100, page fatidique pour certains d'entre nous, qui s'arrêtent ici quand une lecture leur déplaît.
Sauf que j'étais intriguée, de nouvelles interrogations venaient à moi, et je déteste ne pas finir un livre. Et puis, je ne lis jamais d'auteurs grecs. Bref, j'ai décidé de continuer.

Mais après cette remise en question de ma lecture (c'est bizarre de passer d'une lettre d'amour à une lettre d'amour à une mère), j'ai vraiment ramé pour m'y remettre. Les cent pages suivantes ont été ennuyeuses à mourir. Plein de détails, de noms de personnes que j'oubliais aussitôt, rien de bien parlant.
Mais, mais, mais, à la page 206, nouveau coup de théâtre : "Soudain, la présidente du Comité d'organisation, une femme au visage impassible comme un masque, a pris la parole. J'ai eu la stupéfaction de l'entendre s'exprimer en anglais ! Elle a balayé d'emblée le grec, l'unique dénominateur commun aux diverses périodes historiques qu'elle nous avait présentées. Elle a privé notre langue, si peu connue, de la chance exceptionnelle qui s'offrait à elle d'effectuer en un instant le tour du monde."  Là, j'ai compris que l'auteur ne s'adressait pas seulement à sa mère pour raviver ses souvenirs. La perte de mémoire de la mère du narrateur fait en fait écho à la disparition progressive de certaines cultures. Tous ces détails qui m'avaient barbée au plus haut point dans les cent pages précédentes, ils avaient pour but de faire ce que les Jeux Olympiques d'Athènes n'ont pas permis. Vassilis Alexakis nous fait partager l'amour de la Grèce, sa patrie, dans ce livre. Tout de suite, ça m'a paru beaucoup plus attrayant.

Mon troisième point de vue m'a permis de découvrir des phrases pleines de justesse sur l'importance des racines culturelles d'un individu. " -Nous avons besoin de deux langues, m'a t-il dit, une pour parler avec les autres et une pour parler avec nous mêmes." (page 224). Ses observations sur l'actualité mondiale correspondent pour beaucoup à mes propres impressions. Vassilis Alexakis n'a pas écrit un roman prétentieux, bien au contraire. Il ne cite que des anecdotes, des faits, et ne se pose en aucun cas en défenseur de telle ou telle cause. Il n'est pas là pour ça. Il veut simplement partager avec sa mère et son lecteur une part de ce qu'il est. 

J'ai beaucoup aimé la fin, qui joue toujours, selon moi, sur le double sens du roman. A une femme qui lui demande de l'oublier, une connaissance du narrateur a répondu : "Je t'oublierai tous les jours." C'est aussi ce que répond Vassilis Alexakis à sa mère, ce qu'il fait pour sa Grèce.

" Le récital n'a pas duré longtemps. Le jeune homme s'est dirigé vers le bar, au milieu du pont. J'ai persisté pour ma part à scruter l'obscurité. Soudain, j'ai entendu quelques notes s'échapper de l'harmonica. J'ai cru que le jeune homme était revenu et j'ai regardé autour de moi. Il était toujours au bar. D'autres notes ont résonné, jouées de façon incertaine. Je me suis aperçu alors que l'harmonica était resté sur un banc, placé le long de la balustrade. Les notes ne retentissaient qu'à chaque brusque déplacement d'air. Tu te rends compte ? Le vent jouait de l'harmonica. " (page 284)

18 février 2007

Auprès de moi toujours ; Kazuo Ishiguro

2848930195Deux Terres ; 440 pages. 
Titre original : Never let me go.

Lettre "I" Challenge ABC 2007 :

" Jadis, Kath, Ruth et Tommy ont été élèves à Hailsham ; une école idyllique, nichée dans la campagne anglaise, où les enfants étaient protégés du monde extérieur et élevés dans l'idée qu'ils étaient des êtres à part, que leur bien-être personnel était essentiel, non seulement pour eux-mêmes, mais pour la société dans laquelle ils entreraient un jour. Mais pour quelle raison les avait-on réunis là ? Bien des années plus tard, Kath s'autorise enfin à céder aux appels de la mémoire et tente de trouver un sens à leur passé commun. Une histoire d'une extraordinaire puissance, au fil de laquelle Kath, Ruth et Tommy prennent peu à peu conscience que leur enfance apparemment heureuse n'a cessé de les hanter, au point de frelater leurs vies d'adultes. "

J'ai découvert ce livre l'année dernière, avant que Kazuo Ishiguro ne devienne Kazuo Ishiguro pour moi, c'est à dire l'auteur du sublime roman Les vestiges du jour. La couverture et le titre du livre sont pleins d'une poésie mélancolique qui peut difficilement laisser de marbre. Cependant, les critiques étant assez mitigées, j'ai repoussé ma lecture. Puis j'ai lu Les vestiges du jour. Puis j'ai fait ma liste de Challenge ABC...

J'ai été assez déconcertée par les premières pages du livre. Les allusions à des "accompagnants" , à des "donneurs" , m'ont surprise. Heureusement, au bout de quelques pages, j'ai retrouvé le style calme, poétique et captivant de Kazuo Ishiguro. Encore une fois, il s'agit d'un réçit du passé, qui dévoile peu à peu ses mystères. L'auteur nous entraîne dans un univers qui n'existe pas ( ou pas encore), et qui ne ressemble au nôtre que de façade.Très rapidement, on s'attache à ces enfants, on imagine Hailsham comme une maison ensoleillée pleine de rires d'enfants. "Madame" m'a fait penser, au début au rôle de Mme de Maintenon dans Les colombes du Roi Soleil. Pourtant, quelque chose ne va pas. Les "Ventes" , les "Echanges" , qu'est-ce donc ? Pourquoi Kath ne nous parle pas du monde extérieur, de ses parents ? Pourquoi les enfants sont-ils stériles ?

Je me suis plongée dans ce livre qui suscite des interrogations de plus en plus nombreuses au fil de la lecture. Les personnages également, s'interrogent. Ils tentent de s'accrocher à un passé, de s'inventer un avenir, d'exister tout simplement. Je ne peux pas vous en dire trop, cela gâcherait votre plaisir. Mais je dois avouer que cette lecture, qui m'a passionnée, m'a également pas mal chamboulée. Les personnages sont attachants (sauf Ruth qui est carrément insupportable la plupart du temps), mais on ne comprend pas toujours leurs réactions, leurs gestes. Sauf si on considère que le besoin de solidarité, d'amitié est plus fort que tout.
Encore une fois avec Ishiguro, la fin m'a touchée. Cette résignation qui arrive en même temps que les plus grandes démonstrations de sensibilité est terrifiante.
Malgré le coup de coeur que j'ai éprouvé à la lecture de ce livre, c'est avec soulagement que je l'ai achevée. Kazuo Ishiguro m'a bousculée, a provoqué chez moi les réactions qu'il attendait probablement en écrivant ce livre. Ceci avec une écriture, une qualité de narration peu commune chez les auteurs contemporains.

" Auprès de moi toujours. Oh, bébé, mon bébé. Auprès de moi toujours... "
Elle hocha la tête comme pour approuver. " Oui, c'était cette chanson. Je l'ai entendue une ou deux fois depuis. A la radio, à la télévision. Et elle m'a ramenée vers cette petite fille qui dansait toute seule. "

(page 415)

Ce livre n'est pas le meilleur pour débuter avec Kazuo Ishiguro je pense. Il vaut mieux, afin de l'apprécier, avoir déjà eu un contact avec l'écriture de l'auteur, qui crée une ambiance particulière. Après, on est plus à même de se plonger dans le monde irréel de Auprès de moi toujours.

Vous pouvez consulter des avis sur les sites Lecture/Ecriture et Critiques Libres, chez Tamara et chez Clarabel.

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17 février 2007

La confusion des sentiments ; Stefan Zweig

2253061433Édition Le Livre de Poche ; 126 pages.
3,50 euros.

Lettre "Z" Challenge ABC 2007 :

" Au soir de sa vie, un vieux professeur se souvient de l'aventure qui, plus que les honneurs et la réussite de sa carrière, a marqué sa vie. A dix-neuf ans, il a été fascine par la personnalité d'un de ses professeurs ; l'admiration et la recherche inconsciente d'un Père font alors naître en lui un sentiment mêlé d'idolâtrie, de soumission et d'un amour presque morbide. Freud a salué la finesse et la vérité avec laquelle l'auteur d'Amok et du Joueur d'Echecs restituait le trouble d'une passion et le malaise qu'elle engendre chez celui qui en est l'objet. Paru en 1927, ce récit bref et profond connut un succès fulgurant, en raison de la nouveauté audacieuse du sujet. Il demeure assurément l'un des chefs-d'œuvres du grand écrivain autrichien. "

Encore un très bon moment avec ce roman de Stefan Zweig. Ce livre fait tellement appel aux sentiments qu'il est difficile d'en parler.
Malgré un monologue presque continu, l'auteur parvient à captiver son lecteur. Tout au long du livre il y a une ambiance tendue à l'extrême, entre le lecteur et les personnages, entre le professeur et son élève (Roland), entre le professeur et sa femme, et entre la femme du professeur et l'élève. Très rapidement, je me suis doutée que le gouffre silencieux qui séparait les deux personnages principaux et qui faisait souffrir le jeune Roland, cachait un secret terrible (à l'époque de rédaction du livre). Le dénouement délivre autant qu'il est douloureux. Alors qu'il semblait être en position de force, avoir anéanti son élève, le professeur s'effondre. Mais là encore, bien qu'il parte, l'élève ne pourra jamais plus tenter d'ignorer ce qui s'est passé. C'est avec un sentiment d'amour mêlé de peur et de dégoût, toujours aussi fort, que Roland a vécu. Ce récit est pour lui un hommage autant qu'une confession.
Encore une fois, Stefan Zweig explore une zone qu'il maîtrise à merveille, la zone entre la passion et la folie humaine.

Autre titre que j'ai prévu de lire : Vingt-quatre heures dans la vie d'une femme, que je confonds tout le temps avec la nouvelle Lettre d'une inconnue que j'avais adorée.

Les avis de Papillon et de Lisa.

16 février 2007

Les quatre vérités ; David Lodge

2743608846Édition Rivages ; 177 pages.
5,95 euros.

Lettre "L" Challenge ABC 2007 :

" À qui David Lodge veut-il dire ses quatre vérités? À Adrian, l'écrivain qui ne se remet pas d'un premier succès des années auparavant ? À Eleanor, sa femme, avec qui il vit retiré à la campagne ? À Sam, leur ami d'université qui a réussi à Hollywood dans les feuilletons télévisés ? À Fanny Tarrant, la jeune journaliste effrontée qui publie un article féroce sur Sam dans un journal du dimanche? Sur qui se refermera le piège imaginé par Sam avec la complicité d'Adrian.

Brillant, toujours drôle, David Lodge s'intéresse au conflit entre littérature et exigences médiatique. "

David Lodge est considéré par beaucoup comme un maître de l'humour britannique. Pensant avoir de l'humour et aimant beaucoup les auteurs britanniques, j'avais mis cet auteur parmi mes indispensables découvertes de 2007 (je le place même sur ma liste de challenge). Ce livre est le seul que j'ai trouvé hier à la bibliothèque. Même si les critiques que j'avais lues étaient très mitigées, j'ai cédé à la curiosité. Ce qui me rassure, c'est que beaucoup d'inconditionnels de Lodge n'ont pas apprécié ce roman. Ça veut dire que si je n'ai pas ri (ou vraiment très peu), ce n'est pas parce que je manque d'humour (ouf !). Là où mon côté novice de Lodge a parlé, c'est que j'ai beaucoup aimé.

Certes, ce n'est pas un livre qui vous fera rire aux éclats, mais David Lodge a un ton sarcastique plein de justesse (pour une critique en français, changez de blog...). Il croque à pleines dents la presse à scandale et les romanciers incapables de ne pas céder à leur vanité. Il nous présente deux mondes qui se détestent autant qu'ils ont besoin l'un de l'autre, des personnages pleins de contradictions, trop sûrs d'eux, tous faibles en fin de compte. C'est cruel, on a un aperçu assez précis de la méchanceté et des vices humains. C'est dérangeant, ce livre met le doigt sur des choses vraies. Personne n'est tout blanc ou tout noir, personne n'est à l'abri d'une tromperie (surtout quand la vanité entre en jeu). Bref, ce livre de David Lodge est un vrai régal !

12 février 2007

Toutes mes excuses...

...mais en raison d'un surcharge de travail, je n'ai pas le temps de lire beaucoup de livres dont je peux vous parler ici. La situation devrait s'apaiser d'ici quelques jours...  A très bientôt !

7 février 2007

L'état de l'Angleterre précédé de Nouvelle carrière

2070428656Édition Folio 2 Euros ; 109 pages.
2 euros.

" Dans un bar enfumé à Londres, deux scénaristes s'escriment à peaufiner leur texte, tandis qu'à Hollywood les grosses machines du marketing éditorial s'affairent pour lancer sur le marché mondial le nouveau sonnet d'un poète anglais - un producteur songe même à en faire un remake !
Comment faire bonne figure lors d'une course à pied dans l'école huppée de son fils, lorsqu'on est un petit malfrat récemment divorcé et toujours amoureux de sa femme, bisexuel et qu'on s'est fait tabasser la veille ? Entre vision iconoclaste du milieu de l'édition et errements sexuels et sentimentaux de personnages pathétiques, Martin Amis dresse avec un comique décapant un portrait du monde anglo-saxon. "

Mouais. Voilà une lecture plutôt sympathique, mais dont je risque de ne pas me souvenir dans quelques temps. Ça se lit, mais "comique décapant"... il ne faut pas exagérer. Ou alors nous n'avons pas le même humour, l'éditeur et moi. C'est vrai qu'un homme qui téléphone à sa femme à qui il a demandé d'aller se cacher derrière un buisson pour la supplier de le reprendre, ça fait sourire.
Mais ces hommes, quand même, Martin Amis ne nous dresse pas d'eux un portrait flatteur, loin de là. Les femmes, quant à elles, servent davantage à décorer qu'à autre chose.
En fait, j'ai eu l'impression que ce n'était pas un monde réel que nous décrivait Martin Amis. L'histoire d'un poète qui écrit un sonnet qui se transforme en remake... j'ai trouvé ça un peu étrange. De même, la relation entre Mal et sa nouvelle compagne. En revanche, la relation du père avec son fils, et celle d'Eliza et de Mal prête à sourire.

S'il y a parmi vous des connaisseurs de Martin Amis, je serais ravie d'en apprendre un peu sur cet auteur. Peut-être pourrais-je apprendre à l'apprécier davantage.

5 février 2007

La peine ; Maurice Carême

glaneuses_1_
Les Glaneuses ; Jean-François Millet

La peine

On vendit le chien, et la chaîne,
Et la vache, et le vieux buffet,
Mais on ne vendit pas la peine
Des paysans que l’on chassait.

Elle resta là, accroupie
Au seuil de la maison déserte,
A regarder voler les pies
Au-dessus de l’étable ouverte.

Puis, prenant peu à peu conscience
De sa force et de son pouvoir,
Elle tira d’un vieux miroir
Qui avait connu leur présence,

Le reflet des meubles anciens,
Et du balancier, et du feu,
Et de la nappe à carreaux bleus
Où riait encore un gros pain.

Et depuis, on la voit parfois,
Quand la lune est dolente et lasse,
Chercher à mettre des embrasses
Aux petits rideaux d’autrefois.

Maurice Carême

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