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lilly et ses livres
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enfance
15 août 2011

La Pelouse de Camomille - Mary Wesley

9782290016626FSCinq cousins, Calypso, Polly, Walter, Oliver et la petite Sophy, se retrouvent chaque été en Cornouailles, chez leur oncle Richard, amputé d'une jambe pendant la Grande Guerre, et leur tante Helena. La maison est bordée par une pelouse de camomille, et par des falaises, sur lesquelles les jeunes gens ont tracé le Parcours de l'épouvante, jeu auquel Sophy peut enfin participer cette année. Nous sommes en 1939,et c'est le dernier été de presque insouciance. Les jumeaux du pasteur, Paul et David, viennent s'ajouter à la joyeuse bande. Oliver, fraîchement rentré de la Guerre civile espagnol, est adulé par Sophy, mais n'a d'yeux que pour la belle Calypso, qui ne rêve quant à elle que d'épouser un homme riche. De leur côté, Richard et Helena, qui forment un couple morne, font la rencontre de deux réfugiés, Max et Monika Erstweiler, dont le fils Pauli est en camp de concentration.

Ce petit livre écrit par une dame venue à l'écriture à l'âge de soixante-dix ans est un véritable bonbon anglais, plein d'humour, d'impertinence, avec malgré tout un arrière-goût amer.
On se plonge avec délice dans les récits d'enfance de ces cousins, qui arrivent à l'âge adulte la tête pleine d'idées. Les garçons s'engagent dans l'armée le coeur vaillant, les filles restent à Londres pour travailler et, étrange consolation, mènent une vie qu'elles n'auraient jamais eu sans la guerre. A leur manière, Richard et Helena sortent aussi de leur coquille à partir de cet été 1939. C'est avant tout une histoire de femmes, puisque nous restons à l'arrière, et que les hommes sont essentiellement analysés dans leurs rapports avec les personnages de l'autre sexe et montrés sous un jour plutôt défavorable et peu nuancé, mais j'ai eu du mal à ne pas m'attacher aux plus jeunes personnages masculins.
La nostalgie embrume tout le récit, car il s'agit en fait de souvenirs, rapportés par plusieurs protagonistes quarante ans plus tard, à l'occasion d'un enterrement. Les fils de l'histoire sont ainsi peu à peu démêlés, dévoilant des choses que l'on n'aurait pas forcément soupçonnées (et l'on n'est vraiment pas épargnés parfois...).
On grince un peu des dents, parce que les personnages sont souvent égoïstes. Mais, ils mettent suffisamment d'honnêteté dans leurs actions pour qu'on les aime. Même Calypso, qui finit par tomber les masques, et même Helena, souvent détestable, qui apparaît bien plus avisée en vieille dame. Elle qui semblait ne se préoccuper que de sa personne et de ses nouvelles découvertes n'avait finalement pas les yeux dans sa poche pendant la guerre. Et puis, Polly, les jumeaux, Sophy... difficile de ne pas s'inquiéter pour eux, et de vivre leurs drames.1718394131

J'ai passé un excellent moment avec ce livre, lecture idéale en plein mois d'août. Une adaptation du roman existe sous la forme d'une mini-série. Le casting (Jenifer Ehle et Toby Stephens, entre autres) est très prometteur.

"Prenez garde à vos rêves, car ils risquent de se réaliser."

D'autres avis chez Theoma, Karine, Fashion, Lily.

Nouvelle participation au challenge nécrophile, puisque Mary Wesley est morte en 2002.

J'ai lu. 382 pages.
Traduit par Samuel Sfez. 1984.

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2 juillet 2011

Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur - Harper Lee

9782253115847FS

"Tirez sur tous les geais bleus que vous voudrez, si vous arrivez à les toucher, mais souvenez vous que c'est un péché de tuer un oiseau moqueur."


Je commence mes vacances avec ce grand classique de la littérature américaine dont j'entends parler depuis de nombreuses années.

L'histoire se déroule au milieu des années 1930, en Alabama. Nous suivons Scout, une gamine, qui vit avec son grand-frère, Jem, et son père, Atticus Finch. Ce dernier est avocat, et éduque ses enfants d'une manière qui fait jaser les bien pensants. Il y a aussi Calpurnia, la servante noire, qui veille sur la maison et ses habitants.
Scout joue, va à l'école, se bagarre, fait des bêtises, observe et grandit. Un été, elle et son frère font la connaissance de Dill, le neveu d'une voisine. Tous les trois sont fascinés par la maison des Radley, dans laquelle l'étrange Arthur "Boo" Radley a disparu depuis de longues années.  
Par ailleurs, Atticus est commis d'office dans une affaire sordide. Une jeune fille blanche de la famille Ewell accuse Tom Robinson, un Noir, de l'avoir violée. Bien que les Ewell soient aborrés de tous, et que l'innocence de Tom soit évidente, cela reste la parole d'une Blanche contre celle d'un Noir, et les esprits s'emballent.

" - Comment ont-ils pu faire ça, comment ont-ils pu?
  - Je ne sais pas, mais c'est ainsi. Ce n'est ni la première ni la dernière fois, et j'ai l'impression que quand ils font ça, cela ne fait pleurer que les enfants."

Comme beaucoup de blogueurs dont j'ai parcouru les avis, le contenu du livre m'a plutôt surprise. En effet, il est loin de se concentrer sur le procès de Tom Robinson. Il s'agit en réalité de voir le monde à travers les yeux de Scout.
De ce fait, durant la première moitié du livre, on l'observe dans son quotidien. Elle n'est qu'une toute petite fille au début, inséparable de son frère, toujours à faire ce qu'elle veut. Puis, arrivent des événements qui égratinent son enfance. Lors de ses premiers jours d'école, la maîtresse en veut à Scout de savoir lire et écrire. Les difficultés de l'implantation de la scolarité obligatoire et les expériences éducatives sont alors brièvement abordées. Scout doit aussi faire face, au fil du livre, au fait que Jem ne souhaite plus s'occuper d'elle en permanence. Lui aussi grandit, ce qui implique de ne pas lui parler à l'école, de ne pas l'accompagner lorsqu'il se baigne nu avec Dill. Etant une fille, Scout doit enfin supporter les remarques sur la "dame" qu'elle est censée devenir. Plus tard, la scène du goûter où elle porte une robe et où elle finit crucifiée par les rires de ces dames devant sa spontanéité est l'une des plus marquantes du roman.
Le procès achève de lui ouvrir les yeux sur l'absurdité des choses, les histoires sur les familles soit disant plus vieilles que les autres, les cris d'horreur face à Hitler quand soi-même on est atroce envers ses propres voisins...

" Je crois que je commence à comprendre quelque chose ! Je crois que je commence à comprendre pourquoi Boo Radley est resté enfermé tout ce temps. C'est parce qu'il n'a pas envie de sortir. "

J'ai trouvé ce livre très beau, à la fois simple et foisonnant. Cotoyer des individus tels qu'Atticus, Miss Maudie, Scout et Jem le temps d'un livre, ça fait un bien fou !

Plein d'autres avis chez Canthilde, Tamara, Katell, Sylire, Papillon, Karine, Keisha, Kalistina, B. et Romanza.

Le Livre de Poche. 447 pages.
1961.

19 avril 2010

Carnets Intimes ; Sylvia Plath

000539937 La Table Ronde. 221 pages.
Traduit par Anouk Neuhoff
.

Ce livre se divise entre des extraits du journal de Sylvia Plath et quelques unes de ses nouvelles. Pourtant, de même que les tranches de vie rapportées par Sylvia Plath semblent être des nouvelles, on devine très facilement la part autobiographique des récits de fiction. Souvent, elles se répondent (c'est d'ailleurs plus que clair pour La veuve Mangada, qui est le titre à la fois d'un extrait du journal et d'une nouvelle)

Nous suivons ainsi Sylvia Plath à Cambridge, au début de l'année 1956, fragile, peu sûre de ses talents de poète, et incertaine quant à sa vie amoureuse. Elle a bien un amoureux quelque part, un certain Richard, mais il est loin, et elle ne se prive pas d'observer (et plus si affinités) les hommes qu'elle rencontre. C'est cette année là qu'elle croise Ted Hughes pour la première fois. Elle évoque cette rencontre explosive, entre rêve et réalité, plus loin dans le recueil, avec Le Garçon au Dauphin, sans doute la plus belle des nouvelles. Elle est fascinée par lui avant même de le connaître, pour avoir lu certains de ses textes. Il vient lui parler, elle lui demande de briser les barrières qui la retiennent, puis le mord sauvagement à la joue.
Pas rancunier, bien au contraire visiblement, Ted Hughes tombe sous le charme de la jeune fille. Quelques mois plus tard, ils se marient, et se rendent en Espagne, où ils logent chez la veuve Mangada, une femme en qui Sylvia voit une sorte de sorcière. Les deux jeunes époux se retrouvent en effet confrontés à des inconvénients très matériels, auquels l'imagination de Sylvia donne un aspect presque magique quand elle tire une nouvelle des notes de son journal, où elle prend un malin plaisir à réécrire cette anecdote de façon à en sortir victorieuse.
Les deux derniers textes extraits du journal ont été écrits lors des dernières semaines de sa vie avec Ted Hughes. Ils vivent alors à la campagne avec leurs deux enfants. Rose et Percy B. sont des voisins, et Sylvia Plath va observer la mort lente de Percy. Enfin, Charlie Pollard et les apiculteurs évoque l'acquisition d'une ruche par Ted et Sylvia.

C'est dans les nouvelles que j'ai pris le plus de plaisir à retrouver Sylvia Plath. Son univers est à la fois sombre et enchanté. Elle est hantée par son enfance, par Alice au Pays des Merveilles, par la maternité, par la mort, alors vous imaginez quel étrange et complexe résultat tout ceci peut donner. Je l'ai dit plus haut, Le Garçon au Dauphin, où Sylvia s'appelle Dody et rencontre un Leonard qui semble magicien, est la nouvelle qui m'a le plus touchée.

"Pour toute réponse, Leonard tapa du pied. Il piétina le sol.Un coup sur le sol, et les murs disparurent. Un coup sur le sol, et le plafond s'envola vers le royaume des cieux. Arrachant le bandeau rouge que Dody avait dans les cheveux, il le mit dans sa poche. Une ombre verte, une ombre moussue, lui effleura la bouche. Et au coeur du labyrinthe, dans le sanctuaire du jardin, un adolescent de pierre se fêla et vola en éclats, brisé en millions de morceaux."   

J'ai aussi été bouleversée par cette jeune fille qui se fait prendre en flagrant délit de mensonge dans Un jour de juin, et pour qui cela a une importance que personne ne peut mesurer. Par ce frère et cette soeur qui retournent à l'adolescence sur les lieux de leur enfance, et qui découvrent que ce qui leur semblait immense a rétrécit. Par cette petite fille que son père n'emmènera jamais plus chasser les bourdons, et celle dont le père doit partir dans un camp d'internement où l'on met les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale, et qui comprend que Dieu n'existe pas. Ou encore par cette jeune fille, un sosie d'Esther Greenwood, qui n'a personne à qui parler, à part le soleil, qu'elle déteste.

L'écriture de Sylvia Plath est empreinte de mystère, de poésie, de nature, et surtout d'elle même. Je suis incapable de parler de ce livre, mais il faut que vous lui fassiez une place.

Je suis ravie d'avoir accepté ce premier partenariat avec BOB et les éditions de la Table Ronde, et les remercie chaleureusement. 

23 janvier 2010

Les Vagues ; Virginia Woolf

9782253030577Le Livre de Poche ; 286 pages.
Traduit par Marguerite Yourcenar. 1931
.

"Tout au début, il y avait une chambre d'enfants, avec ses fenêtres donnant sur un jardin, et par-delà le jardin, la mer."

Après La Chambre de Jacob et Vers le Phare, Virginia Woolf entreprend l'écriture d'un autre texte qui évoque ses étés à Saint Ives, la maison de vacances de ses jeunes années, alors que sa mère était encore en vie.

Bernard, Louis, Neville, Rhoda, Jinny et Suzanne nous font suivre le fil de leur vie , depuis l'enfance jusqu'à la vieillesse, par le biais de monologues intérieurs. Chacun se retire après avoir parlé, comme le mouvement des vagues, infini, répétitif. Une septième silhouette, inextricablement liée aux autres se dessine, celle de Perceval, ce dieu vivant, ce Thoby Stephen sans doute*, qui hante ses amis aussi bien dans la vie que dans la mort. 
Tous ces personnages sont unis par le Temps, personnage qui sert d'Être suprême, dans un livre ou la religion est rejetée avec beaucoup de fermeté, et qui poursuit sa course, indifférent aux mouvements des humains, lentement, quand eux vieillissent si vite.

Les Vagues est un texte sur le renoncement à l'enfance, sur l'arrivée dans un âge fait de choix et donc d'abandons, de séparations, de solitudes et de désillusions.

"Bernard est fiancé. Quelque chose d'irrévocable vient d'avoir lieu. Un cercle s'est dessiné sur les eaux ; une chaîne nous est imposée. Nous ne serons jamais plus libres de nous écouler à notre guise."

Une fois adultes, ils se reverront, sporadiquement, tout en restant les membres d'un tout indissoluble. Ils pourraient être les multiples visages d'un même corps, et ils en ont conscience. Comme Bernard, qui répète inlassablement "je suis Bernard", parce qu'il sait qu'il pourrait tout aussi bien prononcer l'un des cinq autres prénoms qui font partie de lui. Les autres nous rendent multiples, parce qu'ils sont une part de nous, mais aussi parce qu'ils font ressortir des parts diverses de notre personnalité. Ils nous étouffent aussi.

"Pour être Moi (je l'ai remarqué), j'ai besoin de l'éclairage que dispensent les yeux d'autrui, et c'est99419_050_D1FAF223 pourquoi je ne serai jamais complètement sûr de moi-même. Les êtres authentiques, comme Louis, comme Rhoda, n'existent parfaitement que dans la solitude. Ils supportent mal l'éclairage venu du dehors, le dédoublement dans les miroirs. Ils tournent leurs toiles contre le mur sitôt qu'ils ont fini de peindre. Une épaisse couche de glace pilée couvre les paroles de Louis. Ses paroles sortent de là condensées, concentrées, durables.
De nouveau, après ce moment de somnolence, je souhaite faire briller mes mille facettes sous la lumière de figures amicales. Je viens de traverser les régions sans soleil de la non-identité. Pays étrange... Dans ce moment d'apaisement, dans ce moment de satisfaction oublieuse, j'ai entendu le soupir des vagues qui déferlent par-delà ce cercle de vive lumière, par-delà cette pulsation de vie, furieuse, insensée. J'ai eu mon moment d'énorme paix. C'est peut-être le bonheur, ça... Maintenant, je suis rappelé en arrière par le chatouillement des sensations, par la curiosité, par la gourmandise (j'ai faim) et par le désir irrésistible d'être Moi. Je pense aux gens à qui je pourrais expliquer certaines choses, à Louis, à Neville, à Suzanne, à Jinny, et à Rhoda. En leur présence, j'ai mille facettes. Ils m'arrachent aux ténèbres."

On pense aux célèbres lignes de John Donne, qui mettent en garde : "N'envoie jamais demander pour qui sonne le glas : il sonne pour toi", mais aussi aux propres interrogations de Virginia Woolf quant au genre biographique.**

"J'ai inventé des milliers d'histoires ; j'ai rempli d'innombrables carnets de phrases dont je me servirai lorsque j'aurai lorsque j'aurai rencontré l'histoire qu'il faudrait écrire, celle où s'insèreraient toutes les phrases. Mais je n'ai pas encore trouvé cette histoire. Et je commence à me demander si ça existe, l'histoire de quelqu'un."

Le glas sonne d'ailleurs, et les descriptions du deuil sont poignantes. Les Vagues laisse une place au rire, celui de l'enfance surtout (et peut-être le plus précieux), et il s'achève sur une note déterminée. Le style est lumineux (la traduction de Marguerite Yourcenar a cependant fait couler beaucoup d'encre). Mais le drame qui touche les personnages au milieu du livre déstabilise profondément.

"Des femmes passent sous mes fenêtres, comme si un gouffre ne s'était creusé dans la rue : l'arbre aux durs feuillages ne leur barre pas la route. Nous méritons d'êtres écrasés comme une taupinière. Nous sommes ignobles, nous qui passons les yeux fermés."

"L'ombre grandit, et lentement la lumière violette décline. Le dieu qui m'apparaissait tout entouré de beauté est maintenant enveloppé de ruines. Le personnage divin au bout de la vallée au milieu du cercle clos des collines s'écroule et tombe comme je leur prédisais durant cette soirée où ils parlaient avec amour de sa voix dans la cage de l'escalier, de ses pantoufles, et des moments passés ensemble."

On est entre ombre et lumière, entre Rhoda qui prie pour que la nuit tombe, et Jinny pour que le jour paraisse. 

Les Vagues est un roman-poème qui montre une Virginia Woolf au sommet de son art. Vers le Phare reste mon favori, mais je ne suis pas loin de penser qu'il ne s'en faudrait que d'une relecture...

L'avis de Mea, qui a su mettre des mots là où je n'ai pu que m'incliner devant les citations. Tif et Sylvie aussi ont été conquises.

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*Le frère bien-aimé de Virginia Woolf, mort du thyphus en 1906, quand les siens croyaient en un avenir très prometteur pour lui.
** Voir la biographie d'Hermione Lee, Virginia Woolf ou l'aventure intérieure ; Paris ; Autrement ; 2000.

23 décembre 2009

Sombre Printemps ; Unica Zürn

untitledLe Serpent à Plumes ; 118 pages.
Traduit par
1969
.

J'ai honte. Mon ordinateur est réparé, je suis en vacances, il y a des livres dont il faut que je vous parle, et pourtant mon blog reste muet. Alors, pour ce dernier billet avant Noël, je vais vous parler d'un texte magnifique, mais qui ne se rapproche en rien d'une ambiance pleine de rires. Vous voilà prévenus.

Elle naît pendant la guerre. "Son père est le premier homme dont elle fait la connaissance." Il est loin, et à partir de là, c'est la seule façon d'aimer pour elle. Elle vit auprès d'une mère qui la dégoûte et d'un frère qu'elle hait. Alors elle rêve l'amour, elle se réfugie dans les livres, tombe amoureuse du capitaine Némo, et imagine que des hommes exotiques pénètrent dans sa chambre la nuit.
Mais la réalité n'a de cesse de la rattraper. Elle veut s'évader, elle se fait violer.

"Elle est honteuse et déçue. De s'abandonner la nuit au cercle sombre des hommes autour de son lit est suffisamment excitant et voluptueux pour renoncer à cette misérable réalité que lui offre son frère."

Elle veut tout et en même temps recule dès qu'une chose désirée se présente.

"Elle voudrait toujours vivre dans l'attente. Avec un baiser tout prendrait fin. Que se passerait-il après ? Au deuxième baiser tout serait devenu une habitude."

En fait, elle, dont on ne saura jamais le nom, n'est qu'une enfant. Ses camarades le sont aussi, et la réalité leur est presque aussi étrangère. Sauf qu'ils l'accepteront, et elle non. Elle continue à préférer l'horrible, le drame à la vie uniforme, la distance au contact.

"C'est un homme, lui. Il est inaccessible pour elle." Ils vivent le désir comme un jeu, elle en explore les dimensions plus sombres.

Elle ne s'adresse pas à nous, il y a encore un intermédiaire imposé par la narration, ce qui la rend lointaine. Cet être effacé, esquissé, qui ne vit qu'en elle-même, et qui ne regarde jamais vers nous expose cependant sa fragilité et sa valeur avec une telle sincérité que le lecteur, lui, ne peut détourner son regard.

C'est à Rose que je dois la découverte de ce texte à fleur de peau.

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27 septembre 2009

Lolita ; Vladimir Nabokov

LolitaFolio ; 501 pages.
Traduit par E.H. Kahane.
1955
.

Lettre N du Challenge ABC 2009 :

C'est un long monologue que nous livre Lolita, écrit par un homme qui tente d'expliquer ses actes aux juges que constituent à la fois les individus qui exercent cette profession mais aussi les lecteurs.
Humbert Humbert débute par son enfance, et par celle par qui, nous dit-il, tout a commencé. Elle s'appelait Annabelle, ils étaient enfants, ils se sont aimés, puis il l'a perdue. Dès lors, Humbert Humbert cherche un type particulier de jeunes filles, pas forcément très jolies, pas forcément remarquables par la plupart des gens, mais qui correspondent à sa définition des nymphettes.
Il se marie tout de même à l'âge adulte, puis divorce avant de se rendre aux Etats-Unis. Là-bas, il est interné quelques temps pour des troubles psychologiques. A sa sortie, un concours de circonstances l'amène à prendre pension chez une certaine Mrs Haze. C'est là qu'il voit pour la première fois celle qui deviendra sa plus grande obsession, la fameuse Lolita.

Comme tout le monde, je connaissais ce que l’on dit toujours lorsqu'on évoque le plus célèbre roman de Vladimir Nabokov, à savoir qu’il raconte l’histoire d’un homme d’âge mûr qui tombe amoureux d’une nymphette, Dolorès Haze, douze ans. A première vue, il n’y a pas de raison de chercher plus loin la raison pour laquelle les éditeurs américains refusèrent le texte en 1955. Pourtant, si Lolita est un chef d’œuvre, c’est parce que chaque fibre de ce roman provoque délibérément le lecteur, et pas nécessairement en faisant appel à la relation Humbert Humbert/Lolita.

Lolita nous entraîne en effet dans une histoire où le sarcasme, la mauvaise foi et le délire sont rois. Nabokov n’épargne aucune exagération à son lecteur. Je pense notamment au moment où là mère de Lolita, qui vient de découvrir la personnalité d’Humbert Humbert est éliminée en se faisant réduire le crâne en bouillie. Notre narrateur ainsi libéré peut aller récupérer sa Lolita, et en faire sa maîtresse dans un établissement appelé Les Chasseurs Enchantés, sans doute rempli de personnes bien pensantes. Avec elle, il parcourt l’Amérique, toujours plus vers l’ouest comme un pionnier, et peut intenter un procès à la société de consommation, aux apparences, à la psychiatrie (ce n’est pas Sylvia Plath qui le contredira), etc...

« Je me surprends à penser aujourd’hui que notre voyage n’avait fait que souiller de longs méandres de fange de ce pays immense et admirable, cette Amérique confiante et pleine de rêves, qui n’était déjà plus pour nous, rétrospectivement, qu’une collection de cartes écornées, de guides disloqués, de pneus usés –et des sanglots de Lo dans la nuit, chaque nuit, chaque nuit, dès que je feignais de dormir. »

Lolita est aussi un hymne à la littérature. Humbert Humbert n’est qu’un surnom, son histoire est un récit écrit. Il se protège dernière Poe et sa Virginia pour défendre son amour, la préface du livre est une fausse. On peut aussi voir dans cette œuvre un pastiche des contes de fées, et plus particulièrement du Petit Chaperon Rouge, avec le Grand Méchant Loup et la petite fille qui se fait croquer*. Le texte entier est de toute façon une pure merveille. Quand on prononce le titre « Lolita », il est bien difficile de ne pas ajouter la suite de l’incipit du roman tellement il fait partie de la mélodie. Nabokov joue avec les mots, leur donne une dimension poétique humoristique puis de plus en plus tragique.
Pour preuve, mon stock de mouchoirs a sérieusement souffert durant la dernière partie du livre. Les masques tombent un peu, le propos se fait moins assuré, et on a du mal à s’y retrouver. On pleure pour Lolita, Lolita la manipulatrice qui n’est qu’une enfant, dont on ne connaîtra jamais les pensées, mais qui a été brisée par son existence et qui n’a plus aucun repère.


« Il m’a brisé le cœur. Toi, tu n’as brisé que ma vie. »

Et puis on pleure aussi pour Humbert Humbert, cet homme détestable, qui finit par devenir pathétique. Nabokov avait bien calculé sont coup, car en donnant la parole à un narrateur tel que H.H., qui écrit pour se réhabiliter mais aussi peut-être pour les raisons qu'il énonce à la fin du roman, dans ses dernières lignes, il est impossible pour le lecteur de ne pas finir par ressentir de l'empathie pour le "monstre" de l'histoire. La confrontation entre poésie et perversité est irrésistible, et j'ai refermé le livre complètement piégée par l'auteur et son héros.


"Il était indispensable que H.H. subsiste deux ou trois mois de plus afin qu'il te fasse vivre à jamais dans l'esprit des générations futures. Ainsi subsistent les aurochs et les anges, tel est le secret des pigments immuables, tels sont les sonnets prophétiques, tel est le refuge de l'art. Et c'est la seule immortalité que je puisse partager avec toi, oh, ma Lolita."

Je parle très mal de ce livre, mais il m’a véritablement bouleversée. Alors bien sûr, Lolita est un roman sulfureux, même aujourd’hui. Mais pour le lecteur qui parvient à prendre un peu de recul, c’est la découverte d’un chef d'oeuvre qu'il y a au bout.


Les avis d'Erzébeth, Dominique, Essel, Le Livraire, et d'autres sur Blog o Book.


Les plus attentifs d’entre vous se souviennent peut-être que j’ai lu, au début de l’année, un livre de Francis Garnung, La pomme rouge. En relisant mon billet sur ce dernier texte, je réalise à quel point les parcours de François et d’Humbert Humbert sont semblables quand débutent leurs récits. Tous deux ont perdu leur premier amour, tiennent les rênes de l'histoire. Y avait-il des études sur les pédophiles leur donnant un profil type ? Les auteurs se sont-ils influencés (ça paraît étrange) ? Quelqu'un a t-il une explication ?

* Il se peut aussi que Ne le dites pas aux grands d'Alison Lurie, que j'ai lu juste après, me fasse un peu délirer.

22 mai 2009

Alice au Pays des Merveilles ; Lewis Carroll

0915_clip_image001_1_Folio ; 140 pages.
Traduit par Jacques Papy.
1865.

Voilà longtemps que je voulais découvrir Lewis Carroll. Bien entendu, je connais le dessin animé, qui m'effrayait quand j'étais petite. Je suis surprise, maintenant que je suis plus grande, de constater à quel point les oeuvres destinés aux enfants peuvent être cruelles et/ou sombres. Souvenez-vous de toutes ces chansons que vous connaissiez par coeur, et dont vous ne saisissez le sens qu'aujourd'hui...

Alice est allongée dans l'herbe aux côtés de sa soeur, quand elle voit passer près d'elle un lapin blanc qui semble pressé. Quand le lapin s'écrie " Ô mon dieu ! Ô mon dieu ! Je vais être en retard ! ", la petite fille n'y voit rien d'étrange. Mais quand il sort une montre de son gilet, Alice se lance à sa poursuite, "dévorée de curiosité". Elle pénètre ainsi dans un terrier, et finit par tomber, à au moins sept kilomètres de profondeur, avant de se retrouver dans un monde étrange, où toutes les idées farfelues du monde réel prennent vie.

Il n'a fallu que quelques lignes à Lewis Carroll pour me faire plonger dans son univers. La dédicace qui ouvre ce texte est juste vraie et belle :

Prends cette histoire, chère Alice !mw66619
Place-la, de ta douce main,
Là où les rêves de l'Enfance,
Reposent, lorsqu'ils ont pris fin,
Comme des guirlandes fanées
Cueillies en un pays lointain.

Avec ce texte, on navigue entre l'absurde, le rêve et la peur.
Les perceptions sont brouillées, Alice ne sait plus se repérer. Les éléments les plus étranges deviennent familiers. Il y a bien quelques indices, comme les transformations subites, les mots qui ont une signification différente, le temps qui s'écoule de façon étrange. Mais tout cet absurde poursuit malgré tout une logique, telle qu'il y en a dans tous les rêves-cauchemars. Et dans le monde des enfants.

J'ai vu dans ce livre, à travers tous ces personnages hauts en couleurs et tous ces jeux de mots, une critique forte du monde réel. Alice semble comme un vilain petit canard qui ne sait pas se tenir, et qui ne cesse de dire ce qu'il ne faut pas.
Le Pays des Merveilles apparaît alors comme un refuge, un lieu secret où l'on peut se rendre discrètement à tout moment, pour ceux qui veulent garder leur coeur d'enfant.

Avant de clore ce billet, un petit clin d'oeil à Erzébeth (y'a pas de raison) :

"Parlez rudement à votre bébé ;
Battez-le quand il éternue ;
Ce qu'il en fait, c'est pour vous embêter,
C'est pour cela qu'il s'évertue."

L'avis Alice.

* La photo représente Alice Liddell, la petite fille pour laquelle Lewis Carroll a écrit les aventures de la petite fille du même nom. Le cliché est également de l'auteur. J'aime les profils, on y trouve plus de sincérité je trouve.

27 février 2009

Expiation ; Ian McEwan

untitledFolio ; 487 pages.
Traduction de Guillemette Belleteste.
V.O. : Atonement. 2001.

Attention : Le dernier paragraphe de mon billet peut gâcher la surprise.

J'avais déjà lu ce livre il y a deux ans, mais pour une raison quelconque, je n'avais pas écrit de billet dessus. Ce sont des remarques lues sur les blogs ces derniers jours à propos du film (que j'ai bien aimé sans plus, mais qui me semble très inférieur au texte original*) qui m'ont amenée à relire le roman.

Angleterre, 1935. Briony Tallis est une jeune fille de treize ans à l'imagination débordante. C'est l'été, il fait une chaleur étouffante, et la maison est envahie par les cousins des Tallis. Leon, le grand-frère, doit rentrer pour la soirée, accompagné de son ami Paul Marshall. Robbie Turner, le fils de la femme de ménage est là également, tout comme la grande soeur de Briony, Cécilia.
La journée se déroule lentement. Briony est témoin de plusieurs scènes qu'elle ne comprend pas, et que personne ne prend la peine de lui expliquer. Dans la soirée, la jeune fille commet un acte irréparable, et passera sa vie à tenter d'expier ce crime.

Expiation n'est pas un livre qui raconte une tragique histoire d'amour. Ce livre est bien l'histoire d'un gâchis, qui résonne dans chaque phrase, dans chaque thème exploré, mais qui est avant tout celui de Briony Tallis. Peut-être même seulement le sien. 
Il peut sembler naturel que Briony se châtie elle-même, et que les coupables et les innocents considère cela comme un moindre mal, mais elle est la moins responsable de tous. Son imagination est débordante, certes. Mais la critique de Ian McEwan se concentre en fait sur la société anglaise, dont la famille Tallis est un parfait exemple. On s'y attache à ne surtout pas parler des choses qui fâchent ou qui mettent mal à l'aise. Le sexe en est l'une des premières. Un viol est commis, mais on ne met pas de mot sur cet acte. On prend le premier coupable qui se présente, et on étouffe l'affaire. Emily Tallis, l'adulte, la mère, qui pense elle même que Lola est dangereuse, rejette toutes ses suspicions quelques instants plus tard. Alors que Briony est infirmière pendant la Seconde Guerre mondiale, elle est poursuivie par ces protocoles et principes. Donner son prénom à un patient est le pire des crimes, parce qu'il crée une intimité. Dans ce contexte, la réaction de la petite fille paraît naturelle, ceci d'autant plus que Ian McEwan décrit la journée au bout de laquelle tout bascule en multipliant les points de vue, avec une précision extrême, afin d'expliquer comment on a pu en arriver là.   
L'entreprise d'expiation de Briony est incroyablement bien construite. Le pouvoir de la fiction sur la réalité est un thème central du roman. McEwan est lui même très conscient de ses possibilités en tant qu'écrivain. Je me souviens que j'avais eu l'occasion d'admirer cela dans Amsterdam. Cette fois, c'est encore plus évident, car McEwan connaît aussi ses limites, et par conséquent le drame de son héroïne :

" Comment un écrivain peut-il se racheter, alors que, doué du pouvoir absolu de décider de la fin, il est également Dieu ? Il n'a personne, ni entité ni forme supérieure à qui en appeler, avec qui se réconcilier ou qui puisse lui pardonner. Il n'existe rien en dehors de lui. En imagination, il a fixé les limites et les termes. Pas d'expiation pour Dieu ni pour les écrivains, même s'ils sont athées. "

L'auteur m'a bien eue avec ce livre la première fois que je l'ai découvert. Cette fois, connaissant le dénouement, j'ai pu interpréter ce que je lisais avec des yeux nouveaux par rapport à ma première lecture. J'ai vu ce qui m'avait échappé il y a deux ans, occupée que j'étais à savoir si les personnages s'en étaient sortis. Le livre est rempli de références à la fiction, la fameuse bibliothèque, le thème des lettres échangées par Cecilia et Robbie, le titre des parties, qui change brusquement à la fin, tout est très clair. Et ce "reviens" répété sans cesse (ce qui m'exaspère au plus haut point dans le film) par Robbie, dont on ne comprend la signification que dans les dernières pages...

Expiation est un roman extrêmement bien construit et bouleversant. Un chef d'oeuvre comme tous les livres de McEwan que j'ai lus. Il est également plus abordable que d'autres romans de l'auteur pour ceux qui ne le connaissent pas je pense.

* Je trouve particulièrement que les trois Briony font un travail remarquable, avec le peu de place qui leur est accordé.   

Emjy a écrit un billet magnifique sur ce roman. Allie, Fashion et Carolyne Grey ont aussi lu ce livre.

12 février 2009

La pomme rouge ; Francis Garnung

41FKDKW256LPhébus ; 155 pages.
1956.

Avant la Lolita de Nabokov, il y a eu La Pomme rouge de Francis Garnung. Je me suis toujours demandé comment un roman mettant en scène un amour entre un homme et une enfant pouvait ne pas sembler malsain. Cette interrogation m'a poursuivie au cours de ma lecture, et je ne pense pas pouvoir totalement la dépasser, même maintenant, mais ce livre est paradoxalement très délicat. Ne vous attendez pas à lire un vrai billet sur ce livre. J'ai su l'aimer, mais je ne crois pas être réellement capable d'en parler. Il s'agit d'un roman dont le contenu me dépasse de beaucoup.

Quelques mots sur l'histoire pour commencer : François est un homme de trente ans, qui tombe amoureux de sa voisine, Guillemette, douze ans. Il lui écrit des lettres dont on ne voit jamais les réponses, et qui, "à peine lues", "doivent disparaître"

Ce livre est un magnifique texte sur l'enfance et sur ce que signifie grandir. Le style est d'une incroyable douceur. C'est presque un conte que l'on croit entendre. Le narrateur n'est jamais un ami. Son affection pour Guillemette répulse.

" J'ai découvert la légende de sainte Guillemette, et je vous la confie pour votre édification personnelle. Ça ressemble au Petit Chaperon rouge, direz-vous ? Parce qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil, et les loups guettent toujours les petites filles."   

Peut-on vraiment rester accroché à son enfance comme François le fait ? La première lettre qu'il envoie à Guillemette est celle d'un gosse. Elle l'attire, elle le vexe, il lui dit qu'elle est repoussante. Six fois à la suite, il emploie le mot "laide" pour la qualifier. Avant de la tutoyer, de l'appeler par des mots d'amour. Il est envieux de sa jeunesse. La mère de Guillemette tente de le séduire, mais il n'a d'yeux que pour l'enfant, en qui il croit retrouver la fillette qu'il a aimée quand il était petit garçon, et qu'il n'a jamais oubliée.Elle est odieuse cette mère d'ailleurs, prête à encourager le loup qui frappe à sa porte.
Tout va de travers dans ce livre. Les adultes sont à la recherche de leur jeunesse qui s'envole, et l'enfant appelle l'âge adulte adulte, porte les sous-vêtements de sa mère en espérant être ainsi plus désirable aux yeux de François.

" Quand toi tu aimes à te déguiser en femme (ne le nie pas, je t'ai vue de ma fenêtre...), ta mère se déguise en minette, avec socquettes et minijupe. A quand des couettes avec des rubans roses ? "

Mais voilà, François et la mère de Guillemette ne peuvent rien contre les années. Là où François se contente de s'interroger,

"Suis-je arrivé trop tôt dans ta vie ? Es-tu venue trop tard dans la mienne ? "

Guillemette parvient à percevoir le loup qui l'habite et qu'il ne peut dissimuler. La réponse qu'elle apporte est évidente aux yeux de tous, sauf aux yeux de ceux qui aimeraient croire en cette relation, qui leur donne le sentiment de retrouver ce qu'ils ont perdu. On les blâme ces deux êtres, ce sont eux les vrais adultes après tout, et Guillemette, bien que provocante, n'agit pas moins en enfant, quelque soit le rôle et la responsabilité que François tente de lui attribuer. Il sait se déguiser en agneau, en victime presque, mais il ne trompe personne, et surtout pas lui même. Il le dit lui même, "toute grande personne ternit tout ce qu'elle touche si elle ne redevient pas enfant."   

Lily a écrit un merveilleux billet sur ce livre.   

19 janvier 2009

L'Eglise des pas perdus ; Rosamund Haden

resize_4_Le Livre de Poche ; 283 pages.
Traduction de Judith Roze. 2003.
V.O. : The tin church.

C'est Lou, son billet superbe et très enthousiaste, et sa gentillesse, qui m'ont amenée à me jeter sur ce livre. J'ai eu un peu de mal avec le début, assez flou, mais l'histoire est tellement prenante que j'ai finalement avalé la totalité de ce roman d'une traite.

Catherine King vit en Afrique du Sud, dans la ferme familiale, au début du XXe siècle. Alors que les Noirs sont considérés comme des êtres inférieurs, Catherine est inséparable de la fille de la cuisinière, Maria. Elles ont fait le voeu d'être toujours amies, mais elles sont bientôt séparées.
En effet, Mme King, ayant découvert les infidélités de son époux, décide de rentrer en Angleterre en emportant ses filles. Catherine reviendra vingt ans plus tard, après avoir appris la mort de son père. Elle est restée très attachée à son enfance, et veut renouer avec Maria.
Quand Catherine arrive, la propriété a été rachetée par un couple, Tom et Isobel Fyncham. Lui aime par dessus tout voler, et apprécie sa nouvelle vie, mais son épouse s'ennuie, et a quitté la maison depuis déjà un moment lorsque Catherine revient à Hébron. Cette dernière et Tom tombent presque immédiatement amoureux, et Catherine ne sait pas comment gérer à la fois ses nouveaux sentiments, ses retrouvailles avec une Maria un peu jalouse de son affection, et les incertitudes qui planent autour d'Isobel. Le tout sous le regard malfaisant des mégères des alentours...

C'est étrange. J'ai noté pas mal de choses plutôt dérangeantes au cours de ma lecture de L'Eglise des pas perdus. J'ai souvent eu des impressions de déjà-vu notamment. Quelques personnages semblent très prévisibles au premier abord (je pense à Isobel et Tom, dont le couple ressemble vraiment à du pré-mâché). La construction me semblait compliquée de façon injustifiée, avec ces aller-retours dans le temps, ces voix d'enfants sorties de nulle part.
Pourtant, il faut absolument continuer (de toute façon, cette histoire est tellement envoûtante qu'il est impossible de reposer le livre et de l'oublier), parce que tous ces défauts ne sont que des impressions au final. Car les personnages se révèlent beaucoup plus complexes qu'il n'y paraissait, tout comme les thèmes abordés. En fait, j'ai trouvé ce livre vrai, parce qu'il ne se contente pas d'évoquer seulement une amitié au temps de l'apartheid, mais des êtres humains avec leurs drames, leurs peurs, leurs faiblesses. Le tout dans une atmosphère très particulière, à la fois angoissante, magique et enfantine, qui est tout de même ancrée dans la réalité coloniale (j'ai trouvé les scènes entre les commères très réussies, et j'irais bien faire un tour dans les paysages de l'Afrique du Sud de cette époque). J'ai trouvé le changement de rythme opéré au milieu du livre très astucieux. Après nous avoir plongé dans la vie à Hébron, avoir mis en place les différents points à éclaircir, la tension atteint son maximum, et nous sommes tenus en haleine jusqu'à la fin, qui n'est absolument pas décevante !   
J'ai trouvé les dernières lignes très belles et très émouvantes. Elles ne révèlent pas l'intrigue, donc je les mets ici :

"Devant la porte, une troisième petite fille agite les bras.
     "Attendez-moi", crie-t-elle, et elle se met à courir, dévalant la pente pour les rattraper. Derrière elle, ses cheveux noirs flottent au vent."

En cherchant les avis, je vois que je suis comme Lou : j'ai désormais des envies de lire des ouvrages sur l'époque de la colonisation et sur l'Afrique en général.

Les avis de Praline, Malice, Amanda... (et bien d'autres)
Et encore merci à Lou pour cette très jolie découverte !

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