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lilly et ses livres
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2 septembre 2009

Ordalie ; Cécile Ladjali

5175020da6fa0f243cc12c429b2b9137_300x300_1_Actes Sud ; 201 pages.
2009
.

Comme l'année dernière, j'ai décidé de participer au challenge organisé par Levraoueg, qui consiste à lire 1% des nouveautés de la rentrée littéraire. Ceux qui lisent régulièrement ce blog savent que l'actualité littéraire et moi ne sommes pas souvent en harmonie, mais une fois par an, ça ne peut pas faire de mal. J'ai donc jusqu'à août 2010 pour vous présenter sept des textes publiés en ce moment. Mon premier choix s'est naturellement porté sur Cécile Ladjali, dont j'ai adoré Les Vies d'Emily Pearl et aimé Les Souffleurs.

Nous sommes en 1989. Le Mur de Berlin vient de tomber, et Zakharian pense à Ilse, sa cousine, qu'il a passionnément aimée durant toute sa vie.
Il est âgé d'une dizaine d'années quand ses parents sont tués dans un bombardement allié sur Berlin, durant la Deuxième Guerre mondiale. Recueilli par son oncle et sa tante, il va désormais partager le quotidien de ses cousins Otto, Lotte, et surtout Ilse, en Autriche.
Après la guerre, Ilse étudie la philosophie, fréquente les intellectuels de son époque, rêve de créer un monde meilleur, et devient une figure majeure de la littérature germanophone de son époque. Et puis surtout, elle rencontre Lenz, un poète juif apatride détruit par la guerre, qu'elle ne cessera jamais d'aimer. "Ilse et Lenz étaient trop semblables pour s'entendre ou pour envisager de mener une vie commune. Je pense qu'il aurait fallu pour cela une certaine insouciance qui jamais ne fut une composante de leurs caractères respectifs. La poésie les rongeait et ne leur laissait aucune place pour le coeur d'autrui, la compassion ou l'empathie. L'amour comporte ces dimensions. Mais je me trouve bien ridicule à philopsopher sur l'amour quand je sais de quoi je suis capable."
Zak ne pourra qu'être le témoin impuissant de cette passion destructrice entre les deux poètes. Toujours présent aux côtés de sa cousine, afin de grappiller un peu de son attention, il se nourrira seulement des souffrances des acteurs et victimes de cette histoire, ainsi que de celles de Rachel, sa petite voisine, qui aime Zak comme ce dernier aime Ilse.

Ordalie est un roman très bien ficelé, qui me fait toujours plus apprécier Cécile Ladjali, qui se renouvèle de roman en roman tout en gardant quelques sujets de prédilection (l'obsession des mots notamment).
Ilse et Lenz, ce sont en fait Ingeborg Bachmann et Paul Celan, deux poètes majeurs de l'après-guerre profondément blessés, qui se sont nourris l'un de l'autre, dans leurs oeuvres et dans leurs vies. Ordalie utilise leurs écrits pour dévoiler leur passion mais aussi une Europe détruite de l'après guerre confrontée à des choix. En suivant cet amour décrit par un narrateur plus pathétique qu'appréciable, nous traversons en effet l'Europe et les dilemmes de l'après guerre grâce à un jeu de miroirs habilement mis en place par Cécile Ladjali.
Ilse ne renonce jamais vraiment à Lenz. Lui se marie, avec une femme qui ne pourra jamais prendre la placebachmann_celan_1_ d'Ilse, mais avec laquelle il peut fonder une famille. En ce qui concerne le reste, le gouffre qui sépare les deux amants est le même. Après la guerre, il y a ceux qui, comme Ilse, croient encore au pouvoir des mots, tentent de le raviver, et de créer quelque chose de nouveau. La vision de Lenz et de Zak est beaucoup plus pessimiste, même si c'est pour des raisons opposées. Zak, malgré la fascination qu'exerce sa cousine sur lui, demeure nostalgique de l'époque nazie. Quant à Lenz, la guerre l'a laissé incapable d'espérer. Il se détourne de la politique, dédaigne les groupes littéraires qu'il juge snobs et vains. Pour les deux hommes, le verdict est sans appel : "Ilse s'était acharnée à vouloir faire fleurir les pierres", alors que "le coeur de l'humanité avait cessé de battre depuis sept ans."
La guerre n'est jamais mise au premier plan dans ce récit, qui se concentre exclusivement sur les personnages d'Ilse et de Lenz. Pourtant, à travers eux, c'est toute l'Histoire qui apparaît, et donne à cette biographie romancée d'un amour tourmenté une nouvelle dimension.

Paul Celan s'est donné la mort en 1970. Ingeborg Bachmann est morte brûlée vive trois ans plus tard, à Rome, dans l'incendie de sa chambre d'hôtel.

Je recommande plus que chaudement !

Challenge 1% de la Rentrée Littéraire 2009 : 1/7.
Photo : Ingeborg Bachmann et Paul Celan en 1952.

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30 août 2009

Le Gardien du Feu ; Anatole Le Braz

le_braz_1_Liv'Editions ; 254 pages.
1900
.

C'est Wictoria qui m'a donné envie de découvrir cet auteur que je ne connaissais jusque là que de nom.

1876. Goulven Dénès est le gardien du phare de Gorlébella (ou phare de la Vieille), au large de la pointe du Raz, en Bretagne. Ils sont trois à se relayer dans ce lieu coupé de tout, toujours deux dans le phare et un à terre.
Le récit débute alors que Goulven a enfermé sa femme Adèle et Louarn, l'un de ses collègues, dans une chambre du phare. Il a appris quelques temps auparavant que celle qu'il adorait le trompait avec l'homme auquel il a offert une position. Sa vengeance est à la hauteur de sa souffrance, et il laisse ses prisonniers mourir de faim.
La Gardien du Feu est l'histoire de sa vie par lui-même.

Voilà un livre étrange dont j'ai apprécié la lecture, même si j'avoue que je m'attendais à être davantagesecouée.
Il nous fait remonter dans le temps, à une époque où la Bretagne était considérée comme une terre vaste, divisée en pays ayant des coutumes diverses, voire incompatibles. En épousant Adèle, une Trégorroise, Goulven est avertiPointe_du_Raz qu'il pourrait bien le regretter. Surtout qu'ils poussent l'audace jusqu'à se rendre sur la pointe du Raz, là où tout est embrumé, où l'on regarde les étrangers d'un air étrange, et où les légendes ne prédisent rien de bon.
Ceci donnait au livre un côté sympathique mais sans plus. Durant la première partie de ma lecture, j'avais du mal à me fondre réellement dans l'ambiance, et à comprendre l'intérêt que présentait réellement ce texte.
En fait, je suis complètement entrée dans le jeu d'Anatole le Braz, qui manipule la narration et la connaissance qu'il a des mystères de sa Bretagne pour tromper le lecteur, et lui faire lire au premier degré un récit bien plus noir et original qu'il n'y paraît. La fin du livre se lit avec un oeil neuf, douloureusement, parce notre regard n'est plus détourné et que l'on connait déjà l'issue du calvaire conté par un Goulven qui n'entend plus que sa haine. Contrairement à Wictoria, je n'ai aucun doute sur ce qu'il s'est réellement passé, même si l'on ne peut effectivement que le deviner.

Yvon a également lu ce texte. Il existe une adaptation de ce roman en bande dessinée, appréciée par La Liseuse

3 août 2009

Le coeur cousu ; Carole Martinez

resize_4_Folio ; 442 pages.
2008.

Heureusement qu'il y a des jours où le nombre de livres que l'on a emportés en vacances est trop peu important, et où en plus il fait un temps qui rend toute baignade/ballade impossible, parce que je ne sais pas si j'aurais terminé ce livre dans d'autres circonstances, et cela aurait été dommage.

Espagne, fin du XIXe siècle. Soledad est une vieille femme avant l'heure quand elle prend la plume pour nous conter l'histoire de sa mère, la couturière qui possédait un don pour coudre les vêtements, mais aussi les coeurs, et pour réparer les chairs. Mariée à seize ans, elle donne naissance à de nombreux enfants, dont un fils, tous dotés d'étranges pouvoirs. Il y aura les frasques de son mari, les accoucheuses un peu sorcières, l'ogre, mais aussi l'exil, les tourments politiques et amoureux, et enfin l'Afrique du Nord, où elle pourra transmettre à ses filles la mystérieuse boîte qui appartient à sa famille depuis des générations, et qui contient les secrets des femmes. "Depuis le premier soir et le premier matin, depuis la Genèse et le début des livres, le masculin couche avec l'Histoire. Mais il est d'autres récits. Des récits souterrains transmis dans le secret des femmes, des contes enfouis dans l'oreille des filles, sucés avec le lait, des paroles bues aux lèvres des mères."   

J'ai finalement passé un moment très agréable avec ce roman, mais il m'a fallu cent-cinquante pages pour que j'arrête de soupirer devant ce roman qui ne me paraissait pas vraiment original, et certainement bien moins captivant que je l'espérais. Le tout était bien mignon, mais cela n'allait pas plus loin.
Puis, le dépaysement est venu, avec la dimension plus profonde et plus noire du récit. J'ai sans doute enfin pu capter des éléments qui ne se contentaient pas simplement de me faire un effet semblable à celui que j'ai ressenti en lisant La Mécanique du coeur (roman qui manque à mon avis cruellement de profondeur avant de foncer tête baissée dans l'ennui).
Au final, je ne sais pas vraiment ce que je peux vous dire pour ne pas vous effrayer, et vous faire penser à tort que je n'ai pas aimé ce livre. Carole Martinez est parvenue à jouer avec les codes du conte, les histoires de grand-mère et les clichés, afin d'en tirer un récit émouvant, familier, et conscient de la noirceur des choses et des hommes. Même la magie ne peut rien contre la cruauté, les médisances et l'ombre, mais les enfants Carasco, dans toute leur innocence, parviennent à peu près à s'en sortir et à nous ensoleiller entre les mauvaises rencontres. J'ai notamment  lu la dernière partie avec le coeur très très gros. 
Il ne s'agira pas pour moi du roman de l'année, mais il est incontestablement doté d'un pouvoir de séduction très fort. Ce livre est finalement surprenant (il m'a un peu fait penser à Sylvie Germain) et je ne peux que rajouter Carole Martinez à ma liste d'auteurs à suivre.

Les avis de Fashion, Dda, Clarabel, Sylvie, Liliba, Karine, Leiloona, Schlabaya, Amanda,  (je crois que ce serait plus simple de recenser ceux qui ne l'ont pas lu... allez voir sur Blog-o-Book en fait ! )

21 juillet 2009

Nos amis des confins ; Sylvie Doizelet

resize_3_Seuil ; 137 pages.
2009.

Ceci est mon 400ème billet, et il est lamentable...

Avant de recommencer à vous bassiner avec Virginia Woolf, je vais vous parler d'un petit livre que j'ai découvert il y a déjà quelques semaines.

Debbie Williams vient de quitter les Etats-Unis et son mari pour retourner en Angleterre, son pays d'origine. Bien que travaillant à Londres, elle décide de s'établir à Grays. L'agence immobilière et son gérant, l'étrange G.M., lui ouvrent donc les portes du cottage de Mary Seddon, une poétesse anglaise.
Très vite, Debbie se lie d'amitié avec un groupe d'amis, dont G.M. et Henrietta, cette dernière organisant les Ghost Walks, la visite des lieux hantés de la ville. Ils se retrouvent au Theobald, dont le régisseur est absent. Peu à peu, tous ceux que Debbie connaît se mettent à agir bizarrement, puis à disparaître.

Voilà une jolie lecture qui m'a fortement convaincue. Sylvie Doizelet parvient à créer une ambiance qui n'est pas angoissante certes (contrairement à un autre livre que je viens de terminer), mais qui intrigue le lecteur en lui faisant comprendre que des événements difficilement explicables se produisent autour de Debbie. Les personnages sont tous mystérieux. Même Debbie n'a pas tout dit, et notamment sur son retour en Angleterre. Certains des habitants semblent craindre quelque chose, et cela est amplifié par l'idée du cottage d'une poétesse dont la vie à Grays est elle aussi inconnue.
Le lecteur est entraîné dans un jeu, dont la fin m'a un peu déçue (pour des raisons personnelles), et qui permet en fait d'aborder les relations des vivants. L'étrangeté des personnages ne sert pas uniquement l'ambiance. La fuite les habite, et ils l'expriment de différentes manières. Il y en a qui sont partis de façon inexplicables, d'autres qui ne semblent pas pressés de revenir, et d'autres enfin qui vivent leur vie comme un véritable jeu de cache-cache.
Je n'ai pas grand chose à ajouter. Sylvie Doizelet, qui m'était inconnue jusqu'alors, a écrit un texte intéressant, très plaisant à lire, et je suis ravie de cette découverte.   

Les avis de Lou (que je remercie pour le prêt) et de Malice.

4 juillet 2009

Voyage au bout de la nuit ; Louis-Ferdinand Céline

resize_2_Folio ; 505 pages.
1932.

Parmi les romanciers qui me terrorisent, Céline occupe une place de choix. Voyage au bout de la nuit est acclamé par à peu près tout le monde, de nombreuses remarques relatives au style ou encore à l'ambiance du livre circulent et contribuent à faire de ce texte un épouvantail. Quant à la bête en elle même : 500 pages écrites en tout petit (d'ailleurs, si Folio réduit encore la police, je propose Voyage au bout de la nuit pour une prochaine chaîne de livres)...
Toutefois, vous me connaissez, je suis une blogueuse de parole, et je mets un point d'honneur à réaliser les défis que je me lance (hum), donc j'ai pris une grande inspiration, et je me suis lancée à la découverte de cette oeuvre.

Résumer cette oeuvre est très difficile. Disons simplement que nous suivons Bardamu, un jeune homme qui correspond à l'idée que l'on se fait d'un raté, dans la nuit humaine.

Il m'a fallu deux semaines pour achever cette lecture, mais quelle fin ! Ne vous en faîtes pas, je vais vous barber avec le style de Céline, mais la fin de Voyage au bout de la nuit m'a tellement impressionnée que c'est par là que je vais commencer. Les pérégrinations de Bardamu à la guerre, puis en Afrique et en Amérique se déroulent et s'achèvent de façon parfaitement naturelle. Mais à partir du moment où Bardamu s'installe à Rancy, même si la misère humaine est toujours décortiquée avec autant de brio, je voyais la fin se rapprocher dangereusement, en me demandant si j'allais avoir droit à une conclusion qui ne me laisserait pas sur le trottoir. Non seulement ça n'a pas été le cas, mais en plus les derniers événements donnent une telle puissance et un tel sens à tout le reste que Voyage au bout de la nuit restera un immense souvenir debbd82ed50350bb3597933445577434d414f4541_1_ lecture pour moi. En fait, à ce moment là, je me suis sentie un peu comme face à Lumière d'août il y a un an. Le texte de Céline est linéaire, mais à l'image de celui de Faulkner, on ne peut l'apercevoir qu'une fois la lecture achevée.
Attention, je ne suis pas en train de dire que j'ai compris le quart du tiers de la moitié de ce qui est contenu dans Voyage au bout de la nuit. Il va même falloir que je me documente sérieusement, parce que je veux en savoir plus à propos de ce texte. Toutefois, j'ai suffisamment goûté ma lecture pour me prendre une formidable gifle.
Outre les aspects de la construction que je viens d'évoquer, j'ai savouré la prose de Céline comme je l'avais rarement, voire jamais fait. Le texte semble avoir été écrit à la va vite, le récit de Bardamu est parsemé de fautes de langue qui le rendent parfois difficilement compréhensible, mais tout a en réalité été soigneusement pensé. J'ai voulu noter les phrases qui me frappaient, mais j'ai vite réalisé qu'il me faudrait recopier le texte en intégralité. Voyage au bout de la nuit est un livre qui transpire d'intelligence. Chaque phrase fait mouche, l'argot devient poésie, le sombre devient comique. Dans le même esprit, Bardamu, ce raté, et même Robinson, ce double raté, semblent finalement les seuls à avoir pris la mesure de la situation.
On m'avait dit que Céline vomissait le monde des hommes avec ce livre, je me suis contenté de le trouver vrai. L'absurdité de beaucoup de choses dans l'existence, la recherche de l'habitude et de la conformité plutôt que du bien être, la politique de l'autruche, ça ne vous rappelle vraiment rien ?
Je vais m'arrêter là, parce que j'ai vraiment honte de mon billet. Je vous livre quelques unes des citations que je n'ai pu m'empêcher de relever :

"Mentir, baiser, mourir. Il venait d'être défendu d'entreprendre autre chose. On mentait avec rage au-delà de l'imaginaire, bien au-delà du ridicule et de l'absurde, dans les journaux, sur les affiches, à pied, à cheval, en voiture. Tout le monde s'y était mis. C'est à qui mentirait plus énormément que l'autre. Bientôt il n'y eut plus de vérité dans la ville."

"Le monde ne sait que vous tuer comme un dormeur quand il se retourne le monde, sur vous, comme un dormeur tue ses puces. Voilà qui serait certes mourir bien sottement, que je me dis, comme tout le monde, c'est-à-dire. Faire confiance aux hommes, c'est déjà se faire tuer un peu."

"La vérité, c'est une agonie qui n'en finit pas. La vérité de ce monde c'est la mort. Il faut choisir, mourir ou mentir. Je n'ai jamais pu me tuer moi."

"Elle leur cache tout la vie aux hommes. Dans le bruit d'eux-mêmes ils n'entendent rien. Ils s'en foutent. Et plus la ville est grande et plus elle est haute et plus ils s'en foutent. Je vous le dis moi. J'ai essayé. C'est pas la peine."

"Le train est entré en gare. Je n'étais plus très sûr de mon aventure quand j'ai vu la machine. Je l'ai embrassée Molly avec tout ce que j'avais encore de courage dans la carcasse. J'avais de la peine, de la vraie, pour une fois, pour tout le monde, pour moi, pour elle, pour tous les hommes.
C'est peut-être ça qu'on cherche à travers la vie, rien que cela, le plus grand chagrin possible pour devenir soi-même avant de mourir.
Des années ont passé depuis ce départ et puis des années encore... J'ai écrit souvent à Detroit et puis ailleurs à toutes les adresses dont je me souvenais et où l'on pouvait la connaître, la suivre Molly. Jamais je n'ai reçu de réponse.
La Maison est fermée à présent. C'est tout ce que j'ai pu savoir. Bonne, admirable Molly, je veux si elle peut encore me lire, qu'elle sache bien que je n'ai pas changé pour elle, que je l'aime encore et toujours, à ma manière, qu'elle peut venir ici quand elle voudra partager mon pain et ma furtive destinée. Si elle n'est plus belle, eh bien tant pis ! Nous nous arrangerons ! J'ai gardé tant de beauté d'elle en moi et pour au moins vingt ans encore, le temps d'en finir.
Pour la quitter il m'a fallu certes bien de la folie et d'une sale et froide espèce. Tout de même, j'ai défendu mon âme jusqu'à présent et si la mort, demain, venait me prendre, je ne serais, j'en suis certain, jamais tout à fait aussi froid, vilain, aussi lourd que les autres, tant de gentillesse et de rêve Molly m'a fait cadeau dans le cours de ces quelques mois d'Amérique. "

"Derrière la Pérouse, c'est la grande ruée du ciel. Une abominable débâcle, il en arrive tournoyants des fantômes des quatre coins, tous les revenants de toutes les épopées... Ils se poursuivent, ils se défient et se chargent siècles contre siècles. Le Nord demeure alourdi longtemps par leur abominable mêlée. L'horizon se dégage en bleuâtre et le jour enfin monte par un grand trou qu'ils ont fait en crevant la nuit pour s'enfuir."

" Mais si! qu'il lui a répondu. Que j'en ai du courage! et sûrement bien autant que toi !... Seulement moi si tu veux tout savoir... Tout absolument... Eh bien, c'est tout, qui me répugne et qui me dégoûte à présent ! Pas seulement toi !... Tout!... L'amour surtout !... Le tien aussi bien que celui des autres... Les trucs aux sentiments que tu veux faire, veux-tu que je te dise à quoi ça ressemble moi ? Ça ressemble à faire l'amour dans des chiottes! Tu me comprends-t-y à présent ?... Et tous les sentiments que tu vas chercher pour que je reste avec toi collé, ça me fait l'effet d'insultes si tu veux savoir... Et tu t'en doutes même pas en plus parce c'est toi qui es une dégueulasse parce que tu t'en rends pas compte... Et tu t'en doutes même pas non plus que tu es une dégoûtante!... Ça te suffit de répéter tout ce que bavent les autres... Tu trouves ça régulier... Ça te suffit parce qu'ils t'ont raconté les autres qu'il y avait pas mieux que l'amour et que ça prendrait avec tout le monde et toujours... Eh bien moi je l'emmerde leur amour à tout le monde !... Tu m'entends ? Plus avec moi que ça prend ma fille... leur dégueulasse d'amour !... Tu tombes de travers !... T'arrives trop tard ! Ça prend plus, voilà tout !... Et c'est pour ça que tu te mets dans les colères ?... T'y tiens quand même toi à faire l'amour au milieu de tout ce qui se passe?... De tout ce qu'on voit?... Ou bien c'est-y que tu vois rien ?... Je crois plutôt que tu t'en fous !... Tu fais la sentimentale pendant que t'es brute comme pas une... Tu veux en bouffer de la viande pourrie ? Avec ta sauce à la tendresse ?... Ça passe alors ?... Pas à moi !... Si tu sens rien tant mieux pour toi ! C'est que t'as le nez bouché ! Faut être abrutis comme vous l'êtes tous pour pas que ça vous dégoûte... Tu cherches à savoir ce qu'il y a entre toi et moi ?... Eh bien entre toi et moi, il y a toute la vie... Ça te suffit pas des fois ? "

Les avis de Wictoria, Roxane, Julien et Thom.
Lu dans le cadre du défi Blog-o-trésors que j'achève ainsi.

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27 juin 2009

La Pleurante des rues de Prague ; Sylvie Germain

resize_3_Folio ; 128 pages.
1992.
 

Cette lecture commence à vraiment remonter. Tant pis, je voulais vraiment vous en parler.

Depuis quelques années déjà, les capitales d'Europe de l'est me fascinent. C'est donc tout naturellement que j'ai décidé de poursuivre ma découverte de Sylvie Germain avec ce titre.

" Elle est entrée dans le livre. Elle est entrée dans les pages du livre comme un vagabond pénètre dans une maison vide, dans un jardin à l'abandon. Elle est entrée, soudain. Mais cela faisait des années déjà qu'elle rôdait autour du livre. Elle frôlait le livre qui cependant n'existait pas encore, elle en feuilletait les pages non écrites et certains jours, même, elle a fait bruire imperceptiblement ces pages blanches en attente de mots.
Le goût de l'encre se levait sur ses pas. "

Les quelques lignes qui ouvrent ce récit plongent immédiatement le lecteur dans une histoire au style très travaillé, et empreinte d'une mélancolie profonde.
Le narrateur nous guide à travers ses rencontres avec la Pleurante des rues de Prague, cette apparition au physique déformé, moins femme que symbole. Elle cristallise toutes les souffrances de la ville de Prague, le deuxième grand personnage de l'histoire. Depuis Jan Hus jusqu'au temps présent, en passant par la Seconde Guerre mondiale, nous traversons les époques, les rues, les blessures et les injustices renfermées par cette capitale mystérieuse à laquelle Sylvie Germain rend un vibrant hommage.
Nous explorons ainsi avec ce récit à fleur de peau, le coeur humain dans ce qu'il a de plus douloureux. Nous vivons l'absence, l'adieu, le manque, la mémoire, sentiments collectifs ou plus intimes, mais qui anéantissent, toujours. "Les gens dont le coeur est trop nu, inconsolé, sont ainsi. Plus rien ne peut vêtir ceux dont le coeur gît dans la nuit, dont les pensées s'effrangent au fil des rues désertes." Il n'y a pas un seul dialogue dans ce livre, les apparitions sont toujours furtives, mais la Pleurante est dotée d'un pouvoir de fascination suffisant pour porter le récit. "Elle a toujours cette allure de quelqu'un qui s'en va, de quelqu'un qui s'éloigne pour ne plus revenir, et cependant, chaque fois qu'elle paraît, elle arrive en plein coeur du témoin de son apparition. Elle avance à rebours dans le regard et la mémoire."

Je n'ai pas été captivée par chaque page de ce livre, et j'ai parfois trouvé les effets de style un peu lourds. Toutefois, La Pleurante des rues de Prague demeure un bel ouvrage qui nous donne envie de le chérir, et de découvrir toujours plus Sylvie Germain.

Les avis de Sylvie, Nanne (qui nous offre en plus de superbes photos) et Michel.

24 mai 2009

Les maîtres de Glenmarkie ; Jean-Pierre Ohl

resize_4_Gallimard ; 360 pages.
2008.

Manu a été fabuleuse lors du Victorian Christmas Swap. Ce troisième livre, que je viens de refermer, m'a procuré un plaisir de lecture immense. Fashion, Cryssilda, Erzébeth, Karine, Isil, Pimpi, Cuné (pour Dickens) et tous les amoureux de littérature anglaise, vous devez ab-so-lu-ment lire ce roman ! (les autres aussi d'ailleurs)

Ce texte à deux voix commence dans les années 1950, en Ecosse, sur l'île d'Islay. Mary Guthrie s'apprête à partir à Edimbourg afin d'y effectuer des études de lettres. Elle est curieuse et impulsive. "Je raffolais des têtes de chapitres interminables à la Tom Jones, tous les Dans lequel..., Où il advient que... Ma propre vie, pensais-je, n'en était encore qu'à ces préambules, mais connaîtrait bientôt des développements insoupçonnés." Elle est troublée par Ebenezer Krook, le prêtre catholique de l'île, avec lequel elle connaît une aventure d'une nuit. Le lendemain, il fuit, mais Mary a découvert un moyen de continuer à le sentir près d'elle. Il a le sang des Lockhart, une famille écossaise restée fidèle aux Stuarts lors de la première révolution anglaise. Thomas Lochkart est son représentant le plus célèbre. Cet auteur farfelu a, selon la légende, amassé un trésor destiné à la lutte pour le rétablissement des Stuarts sur le trône d'Angleterre, avant de mourir de rire en 1660. Mary va donc entreprendre un mémoire de recherche sur ce personnage, ce qui va la mener à fréquenter la demeure des Lockhart, peuplée de personnages improbables, et de secrets aussi intrigants que dangereux.
En parallèle, Krook renonce à l'Eglise après sa nuit avec Mary, qui est suivie d'une bonne cuite en compagnie de Robin Dennison, un journaliste d'Edimbourg, et d'une bagarre avec son évêque. Il part donc en compagnie de Robin, qui lui trouve un emploi à la librairie Walpole, où l'on ne vend que des livres qui ont plus de cinquante ans, et qui possède des clients aussi loufoques qu'attachants. Krook ne se sépare jamais de Martin Eden, le roman de Jack London que son père, disparu pendant la guerre civile espagnole affectionnait, mais au départ il n'aime pas lire. Il va en découvrir peu à peu le plaisir, et remonter peu à peu la trace du passé de sa famille.

Les maîtres de Glenmarkie est l'un de ces livres qui nous font nous demander comment on a pu attendre aussi longtemps avant de les lire, et qui nous obligent à rogner sur nos heures de sommeil.
La première chose qui séduit est bien évidemment le cadre dans lequel se déroule le récit, les Hébrides intérieures, Edimbourg, le manoir des Lockhart. Le charme de ces lieux semble encore plus familier grâce aux multiples références qui parsèment l'histoire. Dickens est le premier que l'on repère, avec le personnage d'Ebenezer Krook. Stevenson également, est très présent, et je pense que je réaliserais à quel point lorsque j'aurais davantage découvert son oeuvre. Walter Scott, Jacques London, George Orwell, Shakespeare, mais aussi quelques auteurs français et américains sont encore convoqués.
Car ce livre est une véritable déclaration d'amour à la littérature, aux livres, au lecteur et à l'écrivain. Je me suis régalée en notant les références des romans dont il est question, en faisant la connaissance de la librairie Walpole (pour Horace ? ), en écoutant le libraire Walpole parler des livres qu'il vend et des lecteurs loufoques qui poussent la porte de sa merveilleuse boutique (Duff et ses petites-amies qui lui volent toujours sa collection complète de Shakespeare quand elles le quittent, Mitchell qui voudrait établir les règles de la librairie), ou en observant le rapport entre Krook et les livres évoluer. "La première fois que je suis venu, j'ai poussé la porte et j'ai dit : 'Vous avez le dernier... ? ' Mais il ne m'a pas laissé finir, il a dit simplement : ' Non. - Comment ça, non ? - Non, je n'ai pas le dernier roman de Mr. Encore-lui. Ni le quatorzième tome des mémoires de Mrs. Toujours-là... et pas davantage l'ultime opus des gentlemen Coucou-c'est-moi, Je-publie-impertubablement-un-livre-par-an, et Celui-là-est-encore-plus-mauvais-que-le-précédent...' Vous imaginez la tête que je faisais... 'Mais qu'est-ce que vous vendez alors ? - Seulement des livre parus depuis au moins cinquante ans. - Dommage pour James Joyce, Virginia Woolf et Malcolm Lowry... -Sans doute, mais c'est la règle. Cinquante ans, pas un de moins : c'est le no man's land qui nous sépare de l'ennemi... La digue qui nous sépare du flot malsain des livres de circonstance. Des livres superflus, vite écrits, vite lus, vite oubliés.' Il avait son petit air en coin, à la fois patelin et furibard. Puis il m'a tendu la main et offert un cigare ! Et vous savez le plus drôle ? Chez McAvoy ou chez Stone, j'achète les nouveautés en douce, comme si j'avais quelque chose à me reprocher ! "
A ces éléments, Jean-Pierre Ohl a associé une intrigue absolument passionnante, qui amène le lecteur à explorer dans une course folle les secrets d'une famille minée par les émotions trop fortes, par la folie et par la haine, en voyageant dans le temps et dans l'espace, depuis Cromwell jusqu'à la guerre civile espagnole. Le tout avec une bonne dose d'humour, des personnages irresistibles (la folie des Lockhart a eu un effet aphrodisiaque sur moi, je suis tombée amoureuse de Thomas, d'Alexander et de Krook, rien de moins !).

Je ne peux pas vous en dire plus, ce serait un crime de vous gâcher un peu du plaisir intense que l'on éprouve à la lecture de cet excellent livre. Pour ma part, je tente de ne pas me jeter tout de suite sur le premier livre de l'auteur, parce qu'après il n'y en a plus...

Merci encore Manu pour ce cadeau.

Lou, Cécile (Le grand nulle part), Cécile (Cécile's Blog), Ys, Sentinelle, Chiffonnette, Celsmoon et Choupynette ont été conquises elles aussi.
Brize a été déçue. 

28 mars 2009

La place ; Annie Ernaux

29156_0_1_Folio ; 128 pages.
1983.

J'étais convaincue de connaître ce livre (et de ne pas l'aimer), mais absolument incapable de me souvenir pourquoi je pensais immédiatement à ma classe de CM2 quand on évoquait ce titre devant moi (ça me paraît jeune pour étudier La place, même si mon exemplaire, qui date de 1997, semble confirmer mes souvenirs). Le début du livre a suffit à me faire démêler toute la confusion qui existait autour de ce livre, et à me faire l'aimer aussi. J'ai assurément étudié des extraits de ce livre, mais ce n'était pas pour le français, et je ne pense pas avoir eu à le lire en entier.

La narratrice, Annie Ernaux, perd son père au moment même où elle obtient son capes. Il était un petit commerçant de Normandie, qui avait travaillé toute sa vie pour se faire une place dans la société qui soit honorable à ses yeux.
Annie Ernaux entreprend donc de nous raconter la vie de son père, depuis le Moyen-Âge où il est né jusqu'à sa disparition, tout en mettant à jour la relation complexe qu'elle entretenait avec lui.

Annie Ernaux emploie des mots très simples, et a clairement l'intention de ne pas provoquer chez son lecteur une émotion qui serait artificielle. Son texte n'en est pas moins troublant.
L'auteur emploie des formules très dures pour évoquer la vie de son père, et il devient vite évident que l'incompréhension grandissante entre ces deux êtres s'est peu à peu mue en un certain dédain de sa part. Elle est une intellectuelle, quelqu'un qui vivait dans son temps quand son père restait sur des positions dépassées. Il apparaît comme un homme qui non seulement n'a pas su se faire respecter des gens "biens", mais qui en plus ne l'a pas compris.
Cela pourrait nous faire haïr cette narratrice, mais elle ne fait que dire la vérité. Le fossé qui s'est creusé entre eux n'est pas arrivé du jour au lendemain, mais il s'est construit peu à peu, inévitablement. Comme dans beaucoup de familles en fait.
Et puis, on sent malgré tout beaucoup d'amour dans ce livre. Le père n'est pas un homme qui est resté inactif, mais qui a essayé d'obtenir une place. Il a aussi aimé sa fille, partagé entre son désir de la voir quitter son milieu, tout en ayant peut-être "le désir [qu'elle] n'y arrive pas". La fille se sent coupable de sa nouvelle place, nostalgique aussi sans doute, sinon le livre n'aurait pas eu de raison d'être. Son père meurt alors que, son capes obtenu, elle est définitivement partie. Ils n'ont plus rien à se dire, et la boucle est ainsi bouclée.

Un livre qui m'a donc beaucoup touchée, qui pose des questions qui concernent chacun de nous et que je recommande chaudement. 

"Je voulais écrire au sujet de mon père, sa vie, et cette distance venue à l'adolescence entre lui et moi. Une distance de classe, et particulière, qui n'a pas de nom. Comme de l'amour séparé."

Les avis de Tamara, de Levraoueg, de Nanne, de Stéphanie (qui est mitigée) et de Fashion (qui n'a pas du tout aimé).

22 mars 2009

Elles se rendent pas compte ; Boris Vian

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Le Livre de Poche ; 127 pages.
1950.

Lettre V du Challenge ABC :

Je sais, j'avais dit que je lirai L'écume des jours cette année, et pas Elles se rendent pas compte. Mais je trichais déjà à la base, puisque j'ai lu au moins la moitié de L'écume des jours quand j'étais au lycée*. Je n'y avais rien compris, ce qui explique pourquoi je l'avais refermé avant la fin. Toutefois, il m'a énormément marquée, puisque je m'en souviens encore très bien. Depuis, il attend que je le reprenne et que je le finisse. En fait, j'ai préféré lire Elles se rendent pas compte, parce que je sortais de plusieurs lectures franchement déprimantes, et j'avais besoin de rire un peu.

Francis est invité à une fête costumée chez son amie Gaya, une jeune fille de bonne famille. Il s'y rend déguisé en femme, et prend beaucoup de plaisir à tromper tout le monde sur son identité.
Sa pseudo enquête commence lorsqu'il aperçoit un type bizarre, et qu'il retrouve Gaya complètement droguée (ce qui l'amuse encore à ce stade). Peu après, Gaya lui annonce ses fiançailles, et Francis a du mal à se contenir lorsqu'il rencontre le promis, qui aime clairement les garçons, et qui fait partie d'une bande plus que louche.

Je me suis véritablement éclatée avec ce très court roman. Le tout est éminemment impertinent et provocateur. L'auteur se lâche complètement dans ses idées, utilise un langage familier, met des pointillés pour signaler les scènes de plaisir qui auraient pu choquer les bonnes âmes, en rajoute autant qu'il peut. On a droit à autant de sexe et de violence qu'il est possible d'en mettre en si peu de pages et en aussi peu de temps (le tout décrit d'une manière totalement réjouissante),  les femmes et des hommes ne sont vraiment pas à leur place traditionnelle, le sauvetage de l'héroïne l'est encore moins... 
Le personnage principal se retrouve ainsi propulsé en héros et n'est évidemment pas à la hauteur de sa mission, bien que plein d'imagination (autant pour se mettre dans le pétrin que pour s'en sortir d'ailleurs). Il faut vraiment le faire pour tenter d'échapper à ses poursuivants en se travestissant ou pour songer à acheter ceux qui veulent vous tuer en couchant avec (et en les remettant sur le "droit chemin" par la même occasion). D'ailleurs, ces méchants, s'ils font grimacer, ne font pas vraiment peur pour autant. On est loin des histoires de meurtre habituelles.
   
Je n'ai pas beaucoup plus à dire sur ce livre, mais il m'a procuré un excellent moment de lecture, et j'espère trouver très rapidement les autres livres "légers" de Boris Vian.

L'avis de Tamara.

* Mon père en a trois exemplaires, ce qui était plutôt intrigant.

12 mars 2009

Tobie des marais ; Sylvie Germain

resize_3_Folio ; 264 pages.
1998.

J'ai acheté ce livre il y a des mois, suite à une recommandation de Lou. Je connaissais seulement l'auteur de nom jusque là, et je n'avais aucune envie de la lire. En fait, j'associais son nom à la couverture hideuse de l'édition Albin Michel de Magnus. Je suis ravie d'avoir mis mes préjugés de côté, parce que j'ai découvert une très jolie plume de la littérature française.

Un soir d'orage, un conducteur et son passager rencontrent un bambin en ciré jaune, avec un tomahawk en plastique vert pomme accroché dans le dos, qui pédale comme un fou sur un tricycle rouge. Son père l'a envoyé au Diable, après que sa mère soit rentrée chez elle décapitée sur le dos de sa jument. Ce petit garçon s'appelle Tobie, et la tête de sa mère reste introuvable. Fou de douleur, son père refuse de sceller la tombe de son épouse tant que le corps restera mutilé, et sombre dans la folie. C'est donc Déborah, l'arrière grand-mère de Tobie, qui vient s'occuper du petit garçon. Toute sa vie, cette femme que le destin a mystérieusement épargné, a vu les siens non pas mourir, mais disparaître.

Pour écrire son livre, Sylvie Germain, s'est appuyée très librement sur Le Livre de Tobie. Déborah est effectivement juive, même si elle a arrangé un peu sa manière de pratiquer sa religion. Il s'agit de la seule chose réconfortante qu'elle a pu conserver depuis sa Pologne natale jusqu'à Ellis Island, puis en Europe. Le reste n'est que malheur et malédiction, et Sylvie Germain nous le raconte avec un style d'une incroyable poésie et très imagé. Tobie des marais n'est pas un roman comme les autres. On se croit dans un conte plus que dans la réalité, mais les émotions qu'il provoque en sont d'autant plus fortes. J'ai particulièrement aimé l'image de la tombe qui pleure toutes les larmes que Déborah n'a pas su verser malgré les chagrins qu'elle a connus.

Les personnages appartenant à un même ensemble, à une même histoire, à une même famille, leurs drames se répondent, et nous permettent de voyager durant près d'un siècle, de traverser plusieurs guerres, et de voir comment un seul petit garçon peut tout apaiser.

Un livre triste et mélancolique, mais qui réconforte finalement. Sylvie Germain et moi n'en avont pas terminé. 

Les avis de Lou, Sylvie, Lisa, Anne et Malice.

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