Tobie des marais ; Sylvie Germain
J'ai acheté ce livre il y a des mois, suite à une recommandation de Lou. Je connaissais seulement l'auteur de nom jusque là, et je n'avais aucune envie de la lire. En fait, j'associais son nom à la couverture hideuse de l'édition Albin Michel de Magnus. Je suis ravie d'avoir mis mes préjugés de côté, parce que j'ai découvert une très jolie plume de la littérature française.
Un soir d'orage, un conducteur et son passager rencontrent un bambin en ciré jaune, avec un tomahawk en plastique vert pomme accroché dans le dos, qui pédale comme un fou sur un tricycle rouge. Son père l'a envoyé au Diable, après que sa mère soit rentrée chez elle décapitée sur le dos de sa jument. Ce petit garçon s'appelle Tobie, et la tête de sa mère reste introuvable. Fou de douleur, son père refuse de sceller la tombe de son épouse tant que le corps restera mutilé, et sombre dans la folie. C'est donc Déborah, l'arrière grand-mère de Tobie, qui vient s'occuper du petit garçon. Toute sa vie, cette femme que le destin a mystérieusement épargné, a vu les siens non pas mourir, mais disparaître.
Pour écrire son livre, Sylvie Germain, s'est appuyée très librement sur Le Livre de Tobie. Déborah est effectivement juive, même si elle a arrangé un peu sa manière de pratiquer sa religion. Il s'agit de la seule chose réconfortante qu'elle a pu conserver depuis sa Pologne natale jusqu'à Ellis Island, puis en Europe. Le reste n'est que malheur et malédiction, et Sylvie Germain nous le raconte avec un style d'une incroyable poésie et très imagé. Tobie des marais n'est pas un roman comme les autres. On se croit dans un conte plus que dans la réalité, mais les émotions qu'il provoque en sont d'autant plus fortes. J'ai particulièrement aimé l'image de la tombe qui pleure toutes les larmes que Déborah n'a pas su verser malgré les chagrins qu'elle a connus.
Les personnages appartenant à un même ensemble, à une même histoire, à une même famille, leurs drames se répondent, et nous permettent de voyager durant près d'un siècle, de traverser plusieurs guerres, et de voir comment un seul petit garçon peut tout apaiser.
Un livre triste et mélancolique, mais qui réconforte finalement. Sylvie Germain et moi n'en avont pas terminé.