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lilly et ses livres
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9 novembre 2008

Le jardin de ciment ; Ian McEwan

51lZiuMXuUL__SL500_AA240_Points ; 174 pages.
Traduction de Claire Malroux. 1978.
Titre Original : The cement garden.

J'ai acheté On Chesil beach il y a quelques semaines, mais il se trouve que je ne l'avais pas sur moi lors d'un récent voyage en train. De ce fait, je me suis décidée à choisir ce titre de Ian McEwan qui me semblait assez peu attirant jusque là.

Quand leur mère meurt, quatre enfants qui ont déjà perdu leur père, la placent dans une cantine de la cave et la recouvrent de ciment. Ils ont peur d'être séparés si quelqu'un découvre leur situation. Comme l'été a commencé, et que les enfants sont en vacances, personne ne s'aperçoit de la situation, d'autant plus que la maison dans laquelle ils vivent est isolée.

Le jardin de ciment est le troisième roman de Ian McEwan que je lis, et même s'il n'a pas un rebondissement final aussi incroyable que dans Expiation ou Amsterdam, l'auteur avait de toute évidence décidé dès son premier roman que c'était lui qui mènerait la danse.
C'est vraiment glauque. D'ailleurs je pense que c'est le livre le plus glauque que j'ai jamais lu. Pendant tout le début du livre, je me suis sentie de plus en plus mal à l'aise. Sauf que c'est tellement glauque que ça en devient comique. En cela, Le jardin de ciment m'a beaucoup fait penser à Tandis que j'agonise. D'autant plus que là aussi nous sommes en présence d'une fratrie dont les membres sont un peu étranges, mais s'aiment profondément. Du coup, ils sont à la fois repoussants et extrêmement attachants. Comme d'habitude avec McEwan, j'ai été incapable de lâcher les personnages, j'ai tourné les pages avec avidité, et j'en suis même arrivée à souhaiter qu'on les laisse tranquilles. Situation assez incroyable quand on y réfléchit deux minutes, tellement Derek a raison de trouver cette histoire malsaine, entre la mère encastrée dans du ciment (j'ai cru vomir quand Jack s'approche de la fente du ciment abîmé), Tom qui s'habille en fille et se prend pour un bébé, et l'inceste menaçant. Le problème est que les alternatives à cette existence sont celles qui paraissent absurdes.

Bref, encore un chef d'oeuvre à rajouter au crédit de Ian McEwan.

Les avis de Lily, Florinette, Yueyin, et Thom.

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7 octobre 2008

La Traversée des Apparences ; Virginia Woolf

233473vb_1_Le Livre de Poche ; 576 pages.
Traduction de Ludmila Savizky. 1915.
Titre original : The Voyage Out.

La lecture de Mrs Dalloway m'a donné envie de me replonger dans le premier roman que j'ai lu de Virginia Woolf, et qui est aussi le premier livre écrit par l'auteur. J'avais éprouvé un véritable coup de coeur la première fois, et ça s'est confirmé tout au long de cette deuxième lecture. En plus, ça me permet de refaire mon billet, même s'il m'est toujours aussi difficile de parler de ce roman.

Ce roman raconte la traversée de l'Atlantique depuis Londres, ville embrumée, jusqu'à l'Amérique du Sud, continent ensoleillé, par la jeune et naïve Rachel Vinrace, accompagnée de son père, les Ambrose (sa tante et son oncle), et de trois autres passagers. Au contact de ces nouvelles connaissances, Rachel va débuter sa transformation, et commencer sa quête de la vérité. Ce processus continue à son arrivée en Amérique du Sud, lorsqu'elle rencontre notamment deux jeunes gens, Hewet et Hirst, qui partagent ses interrogations.

Ce résumé est très pauvre et peu engageant, j'en ai bien conscience. Pourtant, La traversée des apparences est un roman beaucoup plus abordable et beaucoup plus vivant que Mrs Dalloway. Il s'agit en fait d'une confrontation entre plusieurs conceptions des choses, qui dévoilent la modernité du discours de Virginia Woolf. Ainsi, très tôt, les personnages débattent sur le droit de vote des femmes, certaines conversations sont très libérées, avant d'être à nouveau bridées par l'apparition d'une figure plus conventionnelle. La religion aussi en prend pour son grade, entre Hirst qui lit Sappho à la messe et Mrs Ambrose qui s'arrange pour que ses enfants imaginent Dieu "comme une espèce de morse".
Cette confrontation entre diverses conceptions du monde est symbolisée par le personnage de Rachel. Au début du roman, elle désespère sa tante tant elle lui semble mal dégrossie :

"Sa mentalité en était au même stade que celle d'un homme intelligent sous le règne d'Elizabeth : elle croyait pratiquement tout ce qu'on lui racontait, elle inventait des raisons à tout ce qu'elle disait elle-même." (p 66)

En plus, elle ose avouer à une Clarissa Dalloway outrée qu'elle n'aime pas Jane Austen (oui, oui, j'avais complètement oublié que les Dalloway étaient dans ce livre) ! Mais Rachel est une jeune femme remplie de curiosité, et suite à un baiser volé, elle devient prête à tout pour découvrir la réalité du monde.
Ce roman n'est cependant pas un conte de fées, car Virginia Woolf n'est pas un auteur qui oublie d'évoquer la dualité des choses. Rachel et Hewet tombent amoureux, mais leur recherche du bonheur est trop grande, et devient vite insupportable :

"Comme lui-même avait-il osé vivre avec tant de hâte et d'insouciance, courir d'un objet à l'autre, aimer Rachel à ce point ? Jamais plus il n'éprouverait un sentiment de sécurité, une impression de stabilité dans la vie. Jamais il n'oublierait les abîmes de souffrance à peine recouverts par les maigres bonheurs, les satisfactions, la tranquillité apparente. Jetant un regard en arrière, il se dit qu'à aucun moment leur bonheur n'avait égalé sa souffrance présente. Il avait toujours manqué quelque chose à ce bonheur, quelque chose qu'ils souhaitaient mais qu'ils n'arrivaient pas à atteindre. Cela restait fragmentaire, incomplet, parce qu'ils étaient trop jeune et ne savaient ce qu'ils faisaient." (pp 534-535)

En fait, en contemplant les différents personnages de ce livre, on en vient à se dire que finalement, on a le choix entre être quelqu'un qui reste à la surface des choses, et qui ne souffre pas parce qu'il ne prend pas de gros risques, ou partir comme Rachel à la recherche du pourquoi des choses, au risque de le payer très cher.
Je vous parlerais bien du style de Virginia Woolf, mais à part vous dire qu'elle écrit extraordinairement bien, ce qui est d'une banalité sans nom, et qu'elle mène son roman d'une main de maître, je ne vois pas vraiment ce que je pourrais vous dire.

Les romans qui comptent le plus pour moi sont ceux que je referme en me disant que décidément, l'auteur avait tout compris. La traversée des apparences en fait définitivement partie.

27 septembre 2008

Le bruit et la fureur ; William Faulkner

412N12CQA3LFolio ; 384 pages.
Traduction de Maurice Coindreau. 1929.
Titre original : The Sound and the Fury.

Comme vous le savez, je suis d'une nature extrêmement généreuse, et cela donne souvent lieu à des abus. Ainsi, après ma lecture laborieuse de Tandis que j'agonise, Erzébeth, la bouche en coeur, m'a demandé de tester Le bruit et la fureur qui la tentait bien.
Bon, j'avoue que j'avais ce titre en ligne de mire depuis Lumière d'août. La petite fille de la couverture me fait penser à ma cousine (même si ce n'est qu'une impression, de près elles ont juste eu la même coupe de cheveux à un moment donné). Du coup, je ne l'ai pas non plus ouvert en traînant des pieds, et bien m'en a pris.

Encore une fois avec Faulkner, il est impossible de faire un résumé de ce livre. Il se découpe en quatre parties, quatre dates, mises dans le désordre, et dont la chronologie individuelle est également perturbée puisque l'histoire se passe dans la tête de narrateurs troublés. Nous suivons en effet les Compson, une ancienne famille respectée de Jefferson, qui s'effondre.

Ce roman est pour moi le livre de l'année, et sans doute bien plus. Il ne détrône pas Wuthering Heights, je suis bien trop fidèle à mes amours de jeunesse, mais Le bruit et la fureur intègre assurément mon top 10 des meilleurs livres. 
C'est bien simple, il y a tout dedans. On ne comprend d'abord pas dans quoi on se plonge, comme d'habitude, mais c'est encore plus normal dans Le bruit et la fureur que dans les autres romans de Faulkner que j'ai lus. Parce que c'est un roman vrai. Nous suivons les pensées des narrateurs, du coup ces derniers ne pensent pas toujours à préciser de quoi ils parlent, ni de qui, ni de quand, ni d'où. Les phrases sont coupées, parce que les pensées s'entremêlent. Tout cet ensemble donne une justesse et une force incroyable au récit, et dégage une émotion que l'on ne ressent que dans les meilleurs romans. D'une façon générale, des trois livres de Faulkner que j'ai lus, il s'agit de celui qui est étrangement le plus facile à suivre. Dès le début, alors même que l'on ne comprend pas encore qui est qui, ni à quelle date nous sommes, le récit est déjà passionnant. Les pages sans ponctuation, dont il faut deviner les dialogues, sont celles qui m'ont le plus touchée. Parce que ce sont celles où le narrateur (Quentin en l'occurrence) est le plus désespéré.
Oui, parce qu'on peut le dire, ce n'est pas la joie chez les Compson. Ils sont torturés, à la limite de la folie, et remplis d'obsessions, dans une maison lugubre et maudite selon Caroline, la mère. Mais encore une fois, ils sont vrais, grâce à l'usage incessant des monologues intérieurs chers à Faulkner, qui bien que décousus d'apparence, permettent de voyager dans le temps et de comprendre les personnages. Tous les garçons Compson ont une tare. Ben est handicapé, Quentin est amoureux de la seule femme qui lui est absolument défendue, et Jason n'a rien d'un type charmant. Pourtant, si j'ai autant aimé ce roman, c'est parce que ses personnages m'ont bouleversée. Surtout Ben et Quentin, j'ai toujours eu un faible pour les personnages au destin brisé. Nous avons accès à leurs réflexions, à leurs ressentis, et c'est parfois terrible. Même Jason peut être attendrissant, malgré son comportement odieux dans bien des circonstances.
Autour des enfants Compson et de leur mère gravitent les Noirs qui les servent. Ils sont la vie et la stabilité de l'histoire, les derniers piliers de la famille Compson encore debout. Dilsey a élevé les enfants, prépare les repas, empêche les bagarres. Luster s'occupe de Ben. Par ailleurs, le fond et la forme se mêlant sans cesse dans ce livre, ce sont également ces serviteurs qui donnent sa cohérence à l'ensemble du roman.   

Un livre dur donc, mais surtout très émouvant, et parfaitement maîtrisé. Pour moi, il s'agit incontestablement d'un chef d'oeuvre. 

L'avis de Thom.

23 septembre 2008

Le soleil se lève aussi ; Ernest Hemingway

749746_1_Folio ; 274 pages.
Traduction de Maurice Coindreau. 1926.
Titre original : The Sun also rises.

Je suis terriblement contrariée. La couverture de mon livre n'est pas celle-ci, et ça m'énerve d'autant plus que l'autre me plaisait beaucoup. Mais impossible de retrouver la vraie, donc vous devrez vous contenter de cette image là...
Bon, je vais essayer de me calmer pour vous parler de ma première rencontre avec Ernest Hemingway, l'un des monstres de la littérature américaine. Comme tous les monstres, Hemingway me fait peur. Mais ici encore plus, puisque mon papa, qui a passé toute sa jeunesse à dévorer les bibliothèques des établissements qu'il fréquentait, l'apprécie énormément. Je pensais plutôt lire L'adieu aux armes ou Pour qui sonne le glas, mais il se trouve que le supermarché dans lequel j'ai cherché un livre cet été n'avait que Le soleil se lève aussi.

Faire un résumé de ce livre est assez délicat. Nous sommes dans les années 1920. Nous suivons Jake, un journaliste américain installé à Paris, et sa bande "d'amis", avec lesquels il partage une passion commune, Brett, une femme qui vit sa vie sans se poser de questions, faisant succomber tous les hommes qu'elle croise. Il y a Robert Cohn, écrivain divorcé et difficile à supporter, qui est dévoré d'amour pour Brett au point de faire enrager tous ses compagnons. Il y a aussi Mike, le fiancé de Brett, qui attend qu'elle finalise son divorce et qui semble accepter les frasques de sa promise sans ciller. Après avoir séjourné à Paris, tous ces personnages, ainsi que Bill, un ami de Jake, décide de partir pêcher en Espagne, ou ils vont également assister à une fiesta

Très souvent, je suis capable de dire au bout de quelques pages seulement si un livre va me plaire ou non. Dans ce cas précis, je n'ai pas attendu longtemps avant de me dire que j'allais me régaler. J'en suis même arrivée à me passionner pour la corrida, c'est tout dire. Hemingway rend la chose incroyablement gracieuse et vivante. J'ai essayé de fermer les yeux au moment des mises à mort parce que bon, je reste une âme sensible, mais j'ai enfin compris que cela pouvait attirer les foules dans les arènes.
Bien sûr, il n'est pas seulement question de corrida dans ce roman. On y parle aussi de fêtes, d'alcool, de pêche, d'alcool, d'amour, et encore d'alcool. Car même si les personnages ne vivent rien d'extraordinaire, Hemingway joue énormément sur les non-dits. En fait, ce livre est extrêmement émouvant. Chacun des personnages, à part Bill, qui sert à éviter la catastrophe, est terriblement malheureux. C'est d'ailleurs une réussite incroyable d'être parvenu à faire comprendre au lecteur, sans utiliser de longs monologues intérieurs, ce que vit chacun des personnages.
Jake, le narrateur, est particulièrement attachant. Son amour pour Brett, impossible à concrétiser, sa recherche de plaisirs dans la pêche ou la corrida sont aussi pathétiques et rageant qu'admirables. J'ai dit plus haut que j'avais adoré les passages sur la corrida, ce sont ceux où Jake et Brett semblent enfin vivre, trouver l'espace de quelques instants un sens dans leur existence banale, et combler la blessure de Jake qui les empêche de vivre leur amour.
Et puis, c'est quand même un livre rempli d'humour. Cohn, même s'il est exaspérant la plupart du temps, donne lieu à des situations hilarantes. J'adore le passage où il est tellement ivre qu'il dort sur un tonneau, ou lorsqu'il se dispute avec ses compagnons.
J'ai beaucoup enragé en lisant ce roman, parce que les personnages ne peuvent s'empêcher de réagir de façon humaine, mais c'est tellement bien fait* que ça n'empêche pas Le soleil se lève aussi d'être un roman extraordinaire. Mon papa peut être fier de moi, même s'il ne se souvient plus s'il a lu ce titre...   

"Personne ne vit complètement sa vie, sauf les toreros." (page 23) 

Les avis de Thom, Livrovore et Loupiote.

*L'édition par contre est truffée de coquilles énormes. Moi qui considère Folio comme une maison soigneuse, j'ai du mal à comprendre comment des fautes de frappe pareilles passent inaperçues...

22 septembre 2008

Gatsby le Magnifique ; F. Scott Fitzgerald

gatsbyL'année dernière, le roman de Gilles Leroy, Alabama Song, a fait le tour des blogs. A cette occasion, j'avais pu m'apercevoir que j'étais visiblement la seule qui ne connaissais Fitzgerald que de nom. L'histoire de sa vie et ses romans m'étaient totalement inconnus. Quand on me connaît, cela n'a rien de surprenant. Je suis une inculte complète en matière de littérature américaine. Cette actualité m'a quand même intriguée, alors j'ai jetée mon dévolu sur Tender is the night que j'ai naturellement oublié sur une étagère. C'est la couverture de Gatsby le Magnifique qui m'a de nouveau amenée à F. Scott Fitzgerald. Je trouve cette photo superbe.

L'histoire se déroule au début des années 1920, sur la côte est des Etats-Unis. Nick Carraway s'installe à proximité de New York afin d'y travailler. Là-bas, il retrouve sa cousine, Daisy, installée depuis peu avec Tom, son mari volage dans une splendide demeure. Nick fait également la connaissance de son voisin, M. Gatsby, qui donne en permanence des soirées auxquelles tout ce que New York compte de personnes en vogue se rend. Des rumeurs, toutes plus farfelues les unes que les autres circulent au sujet de ce personnage apparu d'on ne sait où. Très vite, Nick apprend que Gatsby n'est autre qu'un ancien soupirant de sa cousine Daisy, et qu'il est bien décidé à la reconquérir.

Je ne sais pas vraiment par où commencer pour vous parler de ce roman que j'ai dévoré aussi vite que j'ai pu. Gatsby le Magnifique est plus ancien, mais j'ai pensé au cours de ma lecture à La traversée de l'été de Truman Capote. La frivolité de Daisy rappelle un peu le personnage de Grady. C'est New York, c'est l'été, il fait une chaleur épouvantable, et le drame se dessine peu à peu.
Naturellement, Gatsby le Magnifique est plus creusé, moins brutal. Francis Scott Fitzgerald cerne parfaitement le côté désabusé de la société qu'il décrit dans ce roman. C'est la fête, mais le vin est triste, et les gens se disputent. Les foules se pressent chez Gatsby, mais il n'a jamais été si seul. La dernière scène dont il est le héros est d'une tristesse épouvantable. Tout semble éphémère et impitoyable dans ce livre. Les principaux protagonistes de l'histoire  sont instables, égoïstes et frivoles, tellement que Fitzgerald donne la parole à un personnage secondaire pour narrer l'histoire, Nick Carraway. Ce dernier se décrit lui même comme foncièrement honnête, et sa non appartenance au monde dont il dresse le portrait lui donne un détachement précieux pour nous raconter l'histoire de Gatsby, même si naturellement son discours n'est pas aussi neutre que prévu.
L'écriture de Fitzgerald, très belle, dirige efficacement le récit. L'ambiance, bien que désenchantée, donne une impression d'élégance permanente, et est parfois empreinte de poésie et d'ivresse nocturne. Gatsby, est un héros émouvant, avec ses rêves qu'il ne veut pas abandonner et sa part d'ombre qui plane. Tout comme le narrateur, on s'y attache énormément.

"Je ne pouvais ni m'attendrir, ni lui pardonner, mais j'ai compris que sa façon d'agir était tout à fait normale à ses yeux. Qu'il n'y avait dans tout cela qu'insouciance et maladresse. Tom et Daisy étaient deux êtres parfaitement insouciants -ils cassaient les objets, ils cassaient les humains, puis ils s'abritaient derrière leur argent, ou leur extrême insouciance, ou je-ne-sais-quoi qui les tenait ensemble, et ils laissaient à d'autres le soin de nettoyer et de balayer les débris." (pp 228-229)

Les avis de Karine et de Frisette

Le Livre de Poche ; 250 pages.
Traduction de Jacques Tournier. 1925.
Titre original : The Great Gatsby.

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26 juin 2008

Lumière d'août ; William Faulkner

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Folio ; 627 pages.

Ça fait des mois que Thom me bassine avec Faulkner, du coup j'ai mis de côté la terreur que m'inspirait cet auteur pour m'attaquer à Lumière d'août (je vous assure que ce fut d'autant moins facile qu'Erzébeth a cru bon d'en rajouter trois couches dans le genre "tu vas voir c'est trooooop bien").  Bon, je ne vous garantie pas que j'ai compris quelque chose au cours de ma lecture, mais ce livre est assurément un monument.

Je sais que pour donner envie de lire un livre, il est logique d'en faire un résumé. Mais je crois que toute tentative serait forcément réductrice. Même s'il y a bel et bien un personnage principal ainsi qu'une intrigue dans ce roman, le reste est tout aussi important. Du coup, je vais simplement vous raconter le premier chapitre.
On y suit Lena, une jeune fille qui quitte son Alabama pour rejoindre le géniteur de l'enfant qu'elle attend. Elle ignore où il se trouve, mais grâce aux gens qu'elle croise, elle finit par arriver dans la ville de Jefferson, alors que la maison de Miss Burden brûle.   

Je sais que vous n'êtes pas du tout avancés avec ces trois lignes de résumé du premier chapitre, car encore une fois, ce livre est un tout. Avec Lumière d'août, Faulkner relègue définitivement tous les auteurs qui m'avaient jusqu'alors interpellée par l'audace dont ils avaient fait preuve dans la construction de leurs romans au rang d'amateurs (et encore, je suis vraiment très gentille). Lumière d'août m'a donné l'impression que j'ouvrais à chaque chapitre un tiroir d'une commode, et cela pas toujours dans l'ordre. Le récit n'est pas linéaire, pourtant il est parfaitement maîtrisé, et en fin de compte, on avance sans même s'en rendre compte. C'est d'ailleurs justement ça qui est incroyable.  Le livre commence quand tout est finit ou presque. Il y a seulement deux mois écoulés entre le premier et le dernier chapitre, mais le roman couvre en fait une histoire sur plusieurs générations. Il y a beaucoup de retours en arrière, pour comprendre les points de vue de chacun, et surtout le pourquoi du comment. Certains chapitres avancent plus vite que d'autres, et ceux qui traînent un peu en longueur ne laissent entrevoir leur importance que par la suite. Lena, la première personne que l'on suit, n'est pas le personnage principal du roman. Elle n'est présente qu'au début et à la fin, pour justifier le reste du livre et pour donner une stabilité au roman. Comme tous les personnages de ce roman, elle est à la fois secondaire et indispensable. En fait, je ne sais pas si on peut dire qu'il y a un personnage principal dans ce livre. C'est certes principalement l'histoire de Joe Christmas qui est racontée, mais sans Lena, Byron Bunch ou un autre, Lumière d'août ne serait pas le roman qu'il est.
Car c'est aussi de Jefferson, du sud des Etats-Unis et de sa mentalité raciste, puritaine et misogyne dont il est question. Pour ceux qui entrevoient un livre engagé, je ne pense pas que ce soit le cas. J'ignore tout de Faulkner, mais j'ai l'impression qu'il décrit davantage qu'il ne dénonce une situation avec ce livre.
Les personnages de ce roman sont souvent excessifs. Il y a les puritains, comme McEarchen, qui sont affreusement misogynes, car les femmes représentent leurs désirs "diaboliques". L'obsession à propos du "sang noir" de Christmas est aussi assez hallucinante (même si je sais que venant d'habitants du Mississippi dans les années 1920, c'est normal).
En face des puritains, on a les débauchés, les personnes qui ne sont pas vraiment des êtres humains. Avec en tête les femmes, qui critiquent, qui mentent, qui couchent, qui tombent enceinte à tous les coups (sauf quand ça les rend encore plus méprisables de ne pas se faire engrosser), et qui parlent pour ne rien dire. Christmas rentre dans les deux catégories. Il a des comportements qui font penser que McEarchen a bien réussi à lui inculquer quelques "principes", mais les femmes (encore elles) et le whisky le perdent. Pire, lors de sa fuite il se transforme complètement en animal, ne mangeant plus que par instinct. Finalement, il est encore une fois le point de rencontre de tous les personnages (même si le regard du lecteur n'est attiré sur son personnage qu'au bout d'un bon moment).
J'oubliais les braves types. Ils se laissent évidemment manipuler par les femmes, mais ils sont là parce qu'il y a toujours des braves types.

Honnêtement, je n'aurais pas cru que Lumière d'août allait autant me marquer. Les premiers chapitres m'ont vraiment déconcertée d'ailleurs. Il faut vraiment être attentif en lisant ce livre. Je me suis même demandée si certains passages (pourtant écris une seule fois) n'étaient pas quand même destinés à être lus à plusieurs reprises : au tout début, lorsque Faulkner nous dit que Lena a ouvert sa fenêtre, j'ai dû relire ce paragraphe plusieurs fois avant de comprendre comment elle avait réussi à se retrouver enceinte au paragraphe suivant. De même, quand un même événement est raconté à plusieurs reprises, je me suis parfois demandé si je n'avais pas repris ma lecture au mauvais endroit.
Il m'a fallut plusieurs chapitres avant d'arrêter de me demander où l'auteur voulait en venir. Lumière d'août étant le premier roman de Faulkner que je lisais, je ne pouvais pas deviner que je n'avais pas encore tout vu de ce qu'il avait construit. Malgré cela, j'ai lu ce livre sans ennui, car on se pose très vite des questions, et qu'on est trop occupé à admirer la maîtrise dont l'auteur fait preuve de la première à la dernière page de son livre. Je craignais d'ouvrir un roman plombant dans lequel rien ne se passe, mais je me suis finalement laissé embarquer sans problème. Lumière d'août n'est peut-être pas un livre des plus réjouissants, mais on y trouve des personnages auxquels on finit par vivement s'intéresser et surtout une histoire dans laquelle on voudrait bien continuer à naviguer tellement elle est bien construite. En fait, c'est tout simplement un chef d'oeuvre.

J'ai fini par trouver l'avis de Thom (qui m'inquiète en disant que la chronologie n'est pas beaucoup triturée dans Lumière d'août).

" La mémoire croit avant que la connaissance ne se rappelle. Croit plus longtemps qu'elle ne se souvient, plus longtemps que la connaissance ne s'interroge. Connaît, se rappelle, croit un corridor dans un long bâtiment froid, délabré, rempli d'échos, un long bâtiment de briques d'un rouge sombre, tachées par la pluie de plus de cheminées que les siennes, construit sur une sorte d'aggloméré d'escarbilles, sans un brin d'herbe, entouré d'usines fumantes, et ceint d'une clôture en fil de fer haute de dix pieds, comme un pénitencier ou un jardin zoologique. "

26 juin 2007

Lignes de faille ; Nancy Huston

41FQYEPRTWLActes Sud ; 487 pages.
21,60 euros.

Je viens de terminer ce livre, et je peux vous dire que c'est pour moi un grand coup de coeur.

J'ai l'impression ces derniers temps que les romans qui évoquent la Seconde Guerre mondiale sont à la mode. Je ne dis pas que c'est gênant en soi. Cela nous permet au contraire de découvrir des horreurs méconnues.  Surtout, ça prouve ce que Nancy Huston révèle dans ce livre, et que l'on semble vouloir oublier ces temps-ci : le fait que, même si l'on fait ses propres choix, le passé imprègne également le présent. Ainsi, si l'on n'a pas réglé les blessures du passé, elles nous poursuivent inlassablement, de génération en génération.
Ce qui me gêne dans cette "mode", c'est que tout le monde peut y aller de son propre hommage très facilement. Or, quand on écrit un roman, il y a d'autres exigences, littéraires celles-ci, qui devraient servir le sujet, le cadrer, et ne pas s'effacer devant lui. C'est dans ce piège que n'est pas tombée Nancy Huston, que je ne connaissais pas et qui m'a véritablement époustouflée.

Ce sont quatre enfants de six ans d'une même famille et à des époques différentes qui enquêtent pour nous, à travers leurs jeunes yeux un peu naïfs, mais pas tant que cela en fait. Ils ont tous six ans et un grain de beauté un peu étrange, parce que l'histoire se répète à chaque génération depuis 1944. Comme ils ne comprennent pas l'importance des faits dont ils sont les témoins involontaires, leur récit est dépourvu de tout artifice, et donc sincère. Ils sentent seulement qu'un secret empoisonne l'histoire de leur famille, y crée une atmosphère tendue, mais ni ce qu'est ce secret, ni de quand il date.

J'ai été un peu déboussolée au début par le discours de Sol, qui m'a paru beaucoup trop mature (et à moitié cinglé). Mais les autres enfants sont beaucoup plus crédibles. De plus, pour Sol, c'est le moyen qu'a trouvé Nancy Huston pour nous montrer, sans trop faire de psychologie, que l'éducation que l'on reçoit, les choses dont nous sommes témoins enfant, même lorsqu'on ne les comprend pas, sont assimilées et servent à se façonner. Randall a choisit le protestantisme pour brouiller les cartes, sa femme cherche même à effacer la tache sur la figure de son fils, qui témoigne du passé, mais le fait est que ce n'est pas aussi simple.
Il faut alors faire ce que Sadie a tenté de faire adulte, en tant qu'historienne, déterrer le passé. Au fur et à mesure que l'on remonte dans le temps, on comprend le présent. Car dans ce livre, la chronologie est inversée. Ca peut sembler dépourvu de logique si l'on considère l'histoire de façon linéaire, comme quelque chose de progressif. Mais pas ici. Car l'enfance de Sol de nos jours s'explique par l'enfance de Randall en 1982, qui fait écho à celle de Sadie en 1962, elle même étant le résultat de ce qui s'est produit en 1944 pour Erra. On a d'abord du mal à aimer Randall, Sadie et Erra adultes, puis on écoute l'enfant qu'ils ont été et on finit par comprendre ce qu'ils sont devenus.

Si le spectre du nazisme est présent au cours du livre, et est le point d'aboutissement de l'histoire, Nancy Huston est parvenue à ne pas le laisser entacher son récit. Elle le tient véritablement à distance en utilisant surtout des suggestions, ainsi qu'un ton plutôt léger. A aucun moment, l'histoire ne tombe dans le larmoyant, nous suggère de façon artificielle que c'est le moment de pleurer. Nancy Huston ne se pose pas en juge, elle se contente de nous laisser découvrir l'histoire de cette famille et de tirer nos propres conclusions.
Finalement, Nancy Huston se sert autant de l'histoire de cette famille pour évoquer les horreurs méconnues de la Seconde Guerre mondiale, que des blessures infligées par le nazisme pour évoquer l'influence du passé sur le présent.

Cela donne un livre maîtrisé de bout en bout, modéré, et donc efficace. En effet, ce roman bouleverse le lecteur parce qu'il lui fait prendre le recul qui permet de réfléchir par soi même. L'émotion n'est donc pas frontale et superficielle, elle s'insinue progressivement, subtilement et profondément en nous.
En refermant ce livre, j'ai eu le sentiment que Nancy Huston m'avait mis délicatement les cartes en main pendant cinq cents pages, et qu'elle me regardait les sourcils relevés, comme pour dire "Et oui..." .

" Le lendemain pendant la récré un garçon me court après en criant "Juive ! juive ! " - mais comme j'ai promis à Peter de ne plus jouer à ce jeu, je prends mes jambes à mon cou et trébuche et tombe et m'érafle le genou et dois aller à l'infirmerie, et quand l'infirmière ôte mon bas je vois que mon genou saigne et j'entends l'Ennemi Ricaner sur un ton jubilatoire en disant : Du sang nazi, Sadie ! Du sang nazi ! " (page 367)

Je vais essayer de vous trouver les nombreux avis déjà en ligne (c'est marrant, on n'a pas forcément apprécié les mêmes choses, certains avis se concentrent sur des choses que j'ai à peine notées) : Papillon, Lisa, Lily, Anne-Sophie, Camille, Gachucha, Lorraine, Essel, Jules, Thom, Agapanthe (j'ai dû en oublier la moitié).

Et Clochette, un tout petit peu moins enthousiaste.

8 mai 2007

Amsterdam ; Ian McEwan

410DH3VGA9LÉdition Folio ; 252 pages.
4,40 euros.

" Loin des années hippies de leur jeunesse, deux amis liés depuis trente ans battent la semelle au cimetière tandis qu'achève de se consumer leur ex-maîtresse Molly Lane, critique gastronomique et photographe bien connue : Clive Linley, compositeur célèbre, et Vernon Halliday, directeur de la rédaction d'un prestigieux journal londonien. Ils partagent la même hostilité envers un autre ancien amant de Molly, Julian Garmony, ministre des Affaires étrangères. Tout occupés à défendre leurs situations, ils n'hésitent pas à piétiner les valeurs morales, Clive au nom de son art, Vernon afin d'augmenter les chiffres de diffusion de son journal. A quel drame le plan monté par Vernon contre Garmony va-t-il aboutir ? L'intrigue diabolique de ce roman brillamment inscrit dans notre société contemporaine est traitée par Ian McEwan avec l'humour corrosif dont il a le secret. "

Vous l'avez peut-être remarqué, mais je m'englue depuis quelques temps dans Possession de A.S. Byatt. Je trouve ce livre extrêmement poussiéreux, mais comme il semble faire l'unanimité (ou presque), je vais encore persister un peu. Pour me donner de l'air, j'ai choisi un autre roman lauréat du Booker Prize, Amsterdam. Ian McEwan est l'un de ces auteurs qu'on voit partout sur les blogs. J'étais quand même un peu sceptique, lire un roman de celui qui est présenté comme "le maître du glauque" (dans des termes plus élogieux, mais qui veulent dire ça), mouais...

Je l'ai donc ouvert avec réticence. Comme je vous ai déjà fait le coup plein de fois, le suspens ne marche plus, donc vous savez que j'ai été très agréablement surprise.
C'est plutôt court comme roman, mais ça se dévore quand même à une vitesse incroyable. Je me suis véritablement enfoncée dans cette histoire, avide d'en connaître la suite. Les personnages sont plus étranges qu'attachants, on ne comprend pas trop ce qui se passe, mais il y a une tension qui m'a maintenue en haleine tout au long du livre. Même lorsque Clive fait une randonnée décrite pendant plusieurs pages, j'ai savouré chaque mot avec une anxiété qui n'a fait qu'augmenter.
L'auteur traite de la morale, de l'ambition, de l'hypocrisie, des jeux malsains, de la complexité des relations humaines. L'atmosphère met mal à l'aise, mais je n'ai pu m'empêcher de trouver cela justifié. En effet, l'auteur met le doigt sur des choses pertinentes, il nous oblige à voir dans ce livre plus qu'une fiction.
Ce roman est maîtrisé de bout en bout, le dénouement se construit de façon progressive, absolument pas comme quelque chose de prévisible. Le personnage de Molly n'est qu'un prétexte pour lier les personnages entre eux. Ian McEwan est le seul maître à bord, et ne se laisse absolument pas dicter la direction à donner à son histoire. Contrairement à Flo, je n'ai vraiment compris que lors de la réception à Amsterdam ce qui se produisait (mais j'avoue que je suis longue à la détente...). Clive m'a complètement induite en erreur en se faisant passer pour la bonne poire de service prête à tout pardonner.
C'est un livre dont je suis ressortie assez troublée. A cause du cynisme, du ton froid avec lequel cette histoire est racontée. C'est un portrait sans concession de la société contemporaine que dresse Ian McEwan. Et ce n'est pas agréable à regarder...

Thom aussi a lu ce livre.

16 mars 2007

La foire aux vanités ; William Makepeace Thackeray

2070386635Édition Folio ; 1071 pages.
10,30 euros.

Lettre "T" Challenge ABC 2007 :

"Il s'agit de l'un des plus grands classiques du roman anglais. Le XIXe siècle britannique est divisé entre Dickens et Thackeray comme le nôtre entre Balzac et Stendhal. Thackeray (1811-1863) est l'égal de Stendhal et La Foire aux Vanités (1848), son chefs-d'œuvre. Il y utilise un style humoristique ou ironiquement épique pour donner l'un des plus grands romans de satire sociale en langue anglaise. La thèse fondamentale du livre est que, dans la société occidentale, le seul moyen d'arriver, si l'on est sans naissance ni fortune, est de violer tous les principes moraux que la société fait semblant de respecter. La question qu'il pose donc est : qui faut-il blâmer, ces aventuriers, ou le système qui les rend nécessaires ? Le personnage principal est une femme hypocrite, ambitieuse et sans scrupules : on assiste à son ascension au sommet de la société et à sa chute. Autour d'elle s'agite, dans une immense fresque, la " Foire aux Vanités ". "

Je viens d'achever la lecture de l'un des meilleurs livres que j'ai jamais lus, La foire aux vanités. Impossible de me détacher des trois cents dernières pages, qui m'ont encore plus comblée que les fantastiques sept cents premières. William Makepeace Thackeray nous raconte l'histoire de Rebecca, fille d'un maître de dessin et d'une danseuse, qui va se faire une place dans le monde en usant de ses charmes et de ses vices. En parallèle, nous suivons sa jeune et douce compagne de pension, Amélia, qui est aussi fragile et sincère que Rebecca est manipulatrice et forte. Autour d'elles gravitent de nombreux personnages, liés entre eux par une vanité excessive (c'est normal, nous sommes au coeur de la Foire aux vanités).
Grâce à cette profusion de personnages, dont la description est faite avec légèreté et humour, et qui évolue dans une société parfaitement comprise par l'auteur, nous sommes plongés avec délice dans cette histoire.
Dès leur sortie de la pension où elles ont passé plusieurs années, Rebecca et Amélia sont confrontées à une société où la réputation et l'argent sont considérés comme les seules preuves de vertu.
Rebecca en tirera son parti, Amélia se fera briser, du moins dans un premier temps. A force de cajoleries à l'égard des bonnes personnes, Becky parvient à se hisser dans les plus hautes sphères de la société anglaise. Quant à la jeune et honnête Emmy, après son mariage avec un personnage égoïste et faible, dont elle est cependant éperdument amoureuse, elle se retrouve rapidement veuve. Nous sommes en effet plongés au coeur des batailles napoléoniennes, où Georges Osbourne, le mari d'Emmy, trouve la mort. De retour en Angleterre, elle est rejetée par son beau-père qui s'était opposé au mariage de son fils avec la fille de celui à qui il devait toute sa fortune, mais dont la ruine l'a mis au ban de la société (les amitiés sont fragiles dans la Foire aux vanités...). De sombres années de tristesse et de misère attendent encore Amélia, tandis que Rebecca vit dans le luxe et la profusion. Mariée à un homme vaniteux, qui finit par devenir extrêmement touchant et qu'elle manipule à sa guise, elle dédaigne son fils, et passe ses soirées à flirter en compagnie de nombreux hommes.
Mais la roue de la Fortune tourne. Car la douce Emmy possède un ange gardien encore plus bienveillant et dévoué qu'elle qui veille sur son bien être. Quant à Rebecca, elle apprendra que l'illusion est éphémère, et que même (surtout) les anges sont capables de haïr et de détruire.

Ceux qui aiment Jane Austen ne peuvent que savourer ce roman. Le ton employé par l'auteur rappelle les sarcasmes de celle-ci, avec encore plus de cynisme. Par ailleurs, j'ai apprécié le fait que Thackeray s'adresse au lecteur, un peu comme dans Northanger Abbey, créant une complicité encore plus grande entre lui et son lecteur. Il use à la perfection de l'ironie pour nous décrire cette "pauvre Becky" ou l'hypocrite Dobbin (même si celui-ci est une perle d'homme). Il existe beaucoup d'autres points communs entre les deux auteurs. J'ai beaucoup ri de ces personnages gonflés de vanité, qui se moquent les uns des autres sans voir à quel point eux mêmes sont ridicules. De plus, j'ai apprécié le fait qu'un même personnage, selon l'angle par lequel on l'étudie, soit tour à tour attachant, ridicule, méprisable ou même détestable.
Surtout, pour mon côté fleur bleue, j'ai adoré la présence d'un capitaine Wentworth en encore mieux (si si, c'est possible), le capitaine/major/colonel Dobbin (le seul personnage que j'ai aimé passionnément du début à la fin, avec la timide Lady Jane).

Vraiment aucune longueur, chaque phrase se savoure avec le même plaisir. J'aurais dévoré sans problème mille pages de plus. En fait, je ressors de ma lecture complètement désespérée. Je ne sais pas si vous avez déjà eu cette sensation que jamais vous ne retrouverez un livre de cette qualité... Vous qui n'avez pas encore lu cette merveille, précipitez-vous !

1 mars 2007

Léviathan ; Paul Auster

9782253139072_G_1_Édition Le Livre de Poche ; 320 pages.
5,50 euros.

Lettre "A" Challenge ABC 2007 :

"Comment et pourquoi Benjamin Sachs, jeune écrivain talentueux des années Reagan, est-il devenu le poseur de bombes qui plastique l'une après l'autre les multiples statues de la Liberté ornant les villes américaines ?
C'est à cette question que cherche à répondre son ami Peter Aaron dans ce récit traité à la manière d'une biographie, réponse anticipée aux enquêteurs du FBI, à la légende médiatique qui s'est déjà emparée de Sachs. Et le romancier du Voyage d'Anna Blume de nous donner, dans le sillage des écrivains prophètes que furent Whitman ou Thoreau, le portrait d'une Amérique déboussolée, qui a renié sans même s'en apercevoir ses valeurs fondatrices. Un récit d'une limpidité rigoureuse, aux personnages - notamment féminins - d'une remarquable vérité. "

Paul Auster est un auteur que j'ai connu en même temps que Jane Austen, pour la simple et bonne raison que leurs livres sont côte à côte dans les librairies. Mais c'est lorsque j'ai découvert les blogs littéraires que j'ai commencé à en découvrir un peu plus sur lui. J'ai donc décidé d'ouvrir l'un de ses livres pour voir un peu si cet enthousiasme qu'il suscitait était mérité.

C'est très étrange, j'ai énormément aimé ce livre, mais sa lecture a été douloureuse (sans doute dans le bon sens du terme, s'il y en a un...). D'un côté, je l'ai dévoré en une journée. Étant donné qu'il s'agit d'un monologue (ou presque) sur plus de 300 pages, cela démontre des qualités d'écriture chez Paul Auster. Je trouve également que ses personnages sont fouillés, absolument pas caricaturaux, ce qui les rend extrêmement intéressants. Paul Auster nous emmène vraiment à la découverte de la complexité de l'âme humaine, et c'est là que j'ai souffert.

Car la vie de Benjamin Sachs est difficile à regarder. C'est un homme qui a ses défauts, mais qui parvient à nous attacher à lui. A partir de là, il est difficile de ne pas être bouleversé par les drames auxquels il a été confrontés. C'est un homme tellement dur avec lui même, qui se déteste tellement qu'il ne peut que blesser ceux qu'il aime. En particulier sa femme, Fanny. Celle-ci également est attachante, mais même si je comprends qu'elle ait fini par partir, c'est difficile de voir que Ben a réussi à détruire un peu plus sa vie en la manipulant. Lillian non plus ne peut pas sauver Sachs (bien au contraire), pas plus que son meilleur ami, qui ne peut que tenter de le réhabiliter une fois qu'il est trop tard. Tous ces personnages sont des gens abîmés par la vie, mais contrairement à eux, Sachs ne parvient pas à cesser de s'auto-détruire. La psychologie a une place importante dans ce roman, et ce qu'elle nous permet de découvrir m'a mise très mal à l'aise. Benjamin Sachs réfléchit beaucoup, il a conscience du décalage qui existe entre nos belles paroles et la réalité. Il veut pouvoir se regarder en face en se battant pour ses idéaux, mais il ne parvient qu'à se démollir un peu plus à chaque fois qu'il agit.
Paul Auster nous parle de la perception des choses qui diffère selon les gens. La réalité n'est pas la même selon les personnes. La vérité non plus. Cela explique l'impossibilité pour chacun d'entre nous de prévoir la réaction des autres. Une simple gifle peut déclencher des événements d'une ampleur inconcevable.
J'ai vu que Flo avait eu du mal à lire la première partie du livre. Pour ma part, je trouve qu'elle permet de mettre en place les éléments d'une histoire complexe. Tout s'accélère vers la page 200, et tout se finit très vite. Quand j'ai refermé ce livre, des questions se bousculaient dans ma tête. Je crois que c'est ce que Paul Auster voulait provoquer.

J'aimerais bien en lire un autre de cet auteur, pour confirmer mon impression. J'ai trouvé qu'il faisait partie de ces rares auteurs contemporains capables d'allier le fond et la forme. Si vous avez en tête des titres un peu plus gais, je suis preneuse.   

Les avis de Flo et d'Allie. Pour en savoir plus sur Paul Auster et son oeuvre, allez faire un tour sur L'Austerblog de Flo et de Florinette.

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