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4 mars 2013

La Fascination de l'étang - Virginia Woolf

9782757832257Voilà longtemps que je n'avais pas parlé des oeuvres de Virginia Woolf par ici. J'avais déjà eu l'occasion de lire une partie de ce livre, mais sa réédition dans la jolie collection Signatures m'a donné envie de m'y replonger.

Les vingt-cinq nouvelles qui composent ce recueil couvrent presque toute la période d'écriture de Virginia Woolf. Certaines datent des années 1900, et les dernières ont été écrites peu avant sa mort en 1941.

La nouvelle est un genre que j'apprécie modérément. Par conséquent, ce recueil n'atteindra jamais pour moi les sommets que sont les romans de Virginia Woolf. Il est pourtant remarquable à plus d'un titre.
Tout d'abord, il permet de voir une réelle évolution dans l'écriture de Virginia Woolf. Les premiers textes sont de facture assez classique, bien que Woolf y soit déjà déterminée et piquante. Les derniers sont des oeuvres de la maturité, faites de flux de conscience qui saisissent l'instant et relèguent l'intrigue au second plan. Tout va très vite et finit de façon abrupte. Pour quelqu'un qui n'a jamais lu l'auteur, j'imagine que ces nouvelles en particulier doivent surprendre, tant elles semblent sorties de nulle part, se contentant d'attraper un moment furtif, pas vraiment délimité par un début et une fin, et peu significatif si l'on n'est pas très attentif.
Ensuite, ces nouvelles sont très plaisantes pour la plupart. Elles contiennent les germes des grandes préoccupations de l'auteur, voire des thèmes qu'elle n'a jamais explorés dans ses romans. Ainsi, la place des femmes hors du mariage est questionnée, aussi bien dans Phyllis et Rosamond que dans Le journal de Maîtresse Joan Martyn. Phyllis et Rosamond sont deux soeurs, des filles de bonne famille destinées au mariage. Elles ont pourtant bien conscience que ce n'est pas un état qui leur conviendrait. Leurs amies qui vivent dans l'affreux quartier de Bloomsbury*, où l'on ose penser, viennent encore davantage perturber leur volonté de satisfaire leur famille. Mais au lieu de donner lieu à une rébellion, la nouvelle s'achève sur la volonté de Phyllis de ne plus penser, tout simplement... Le temps occupe aussi une grande place dans ce recueil, tout comme la volonté de saisir l'essence d'une personne, voeu irréalisable, ainsi que nous le démontre Mémoires de romancière.
Le fantastique a aussi sa part dans ce recueil, ce qui peut paraître surprenant, mais est finalement assez cohérent entre les mains de Virginia Woolf. Les animaux prennent vie. Un perroquet découvre un trésor pour une vieille dame, la couverture recouverte d'animaux de l'infirmière Lugton s'anime lorsqu'elle s'endort, et Bohême la petite chienne a eu une attitude très humaine pendant son existence auprès de ses maîtres.
Virginia Woolf expérimente avec ce livre. On y trouve des textes qui rappellent certains passages de ses romans. Le cas le plus frappant est évidemment Mrs Dalloway dans Bond Street, qui reprend le début de Mrs Dalloway. J'ai également eu d'agréables impressions de déjà-vu en lisant Sympathie ou encore La soirée.

Je recommande fortement ces nouvelles à ceux qui voudraient approfondir leur connaissance de l'auteur.

*Virginia Woolf s'installe avec son frère et sa soeur à Bloomsbury après la mort de leur père. C'est là que naîtra le groupe de Bloomsbury dont elle faisait partie.

Points. 289 pages.
Traduit par Josée Kamoun.

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28 février 2013

Emma - Jane Austen

EmmaLorsque j'ai découvert Jane Austen, ça a été une révélation. Je me suis enfilé la totalité de ses romans, et j'en ai profité pour voir toutes les adaptations que je pouvais trouver. Emma a été un peu maltraité cependant. C'est le dernier roman de l'auteur que j'ai lu, alors que je commençais à me lasser. Par ailleurs, j'ai regardé l'une de ses adaptations avant de découvrir le livre, chose qui me gâche systématiquement le plaisir de la lecture. Je gardais donc un mauvais souvenir de Miss Woodhouse. Mais alors que nous venons de fêter les deux cents ans de la publication d'Orgueil et Préjugés, je me suis dit qu'il était temps de me réconcilier avec elle.

Emma Woodhouse est une jeune fille riche de vingt et un an. Bien que plutôt intelligente et pleine de bonne volonté, elle a toujours été trop gâtée. Seul son beau-frère et voisin, Mr Knightley, lui trouve des défauts et se permet de les lui faire remarquer. Lorsque sa gouvernante, la "pauvre Miss Taylor", décide de se marier, Emma se retrouve seule avec son père hypocondriaque. Pour tromper son ennui, la jeune fille jette son dévolu sur Harriet Smith pour en faire sa compagne et l'un des objets de sa carrière d'entremetteuse.

Il est intéressant de lire un auteur à plusieurs années d'intervalle. En effet, contrairement à mes premières lectures des livres de Jane Austen, ce qui a le plus retenu mon attention ne sont pas les aventures de l'héroïne et de ses nombreux prétendants. Cet aspect du livre m'a plutôt ennuyée en fait, mais je vais y revenir. Ce qui fait le grand intérêt d'Emma, c'est la peinture de la petite société de Highbury et de tous les personnages qui la composent. Emma, pour commencer, est une héroïne très emma_1_1_austenienne. Elle a beau être riche contrairement à ses consoeurs, elle est surtout aussi imparfaite qu'elles. En effet, Emma est bornée, sûre de son rang et de ce qu'elle fait. Or, son intérêt pour Harriet relève davantage du caprice que d'un souci réel pour la jeune fille, et elle se montre donc très mauvaise enseignante.

"Les projets qu'Emma nourrissait en vue de meubler l'esprit de sa jeune amie à grand renfort de lectures et de conversations instructives n'avaient encore jamais dépassé le stade de quelques premiers chapitres, et l'intention de poursuivre le lendemain. Bavarder était chose plus facile qu'étudier. Il était plus distrayant d'abandonner son imagination à des rêves concernant l'avenir d'Harriet que de s'attacher à cultiver son intelligence ou de l'appliquer à des sujets concrets."

Elle peut aussi se montrer vaniteuse, même si c'est plus pour ses amis que pour elle-même, comme lorsqu'elle refuse l'idée d'une union entre Harriet et Mr Martin.
Jane Austen se montre encore plus féroce à l'égard des autres personnages, qui sont assez nombreux à occuper le devant de la scène. Mr Woodhouse et sa fille aînée, Isabelle, passent leur temps à craindre pour leur bien-être et celui de leurs proches. Le mari d'Isabelle, qui est aussi le frère cadet de Mr Knightley, est doté de davantage de bon sens, mais son caractère lunatique gâche sa personnalité. Parmi les amis des Woodhouse, la plupart sont aimables, mais à l'image de Mr Woohouse, surtout "mentalement inactifs", pour reprendre une expression de l'auteur. Ainsi, Harriet S30145252mith est charmante, mais naïve et incapable de penser par elle-même tant elle est occupée à boire les paroles d'Emma. A travers elle, Jane Austen se moque une nouvelle fois du romantisme et des héroïnes passionnément amoureuse d'un homme tant qu'elle n'en ont pas aperçu un autre sur lequel reporter toute leur affection. Miss Bates est tout aussi humble et gentille, mais ses interminables monologues feraient perdre patience à Jane Bennet en personne. Quant à Jane Fairfax, le point de vue d'Emma qui est adopté par la romancière nous la rend moins remarquable qu'elle ne l'est en réalité.
 D'autres personnages sont ridicules ou détestables, voire les deux. Mr Elton est un pasteur doté de tous les défauts les plus méprisables sous ses airs de gentilhomme. Son épouse n'est pas en reste avec ses grands airs et son hypocrisie. Quant à Frank Churchill, le séducteur de ces dames, j'avoue avoir du mal à lui pardonner son caractère égoïste et manipulateur.
En fin de compte, seuls Mrs Weston et Mr Knigthley nous permettent de ne pas désespérer de l'humanité en lisant Emma.
Tous ces personnages forment une petite société où il est nécessaire de prendre sur soi et de s'entendre, sous peine de perdre le peu de distraction que la vie à la campagne a à offrir. Dans ces conditions, les allers et retours de Frank paltrow-emmaChurchill, la maladie de sa tante, le cadeau anonyme envoyé à Jane Fairfax et tous les petits événements sortant de l'ordinaire donnent lieu à un grand émoi. L'intrigue de ce roman repose beaucoup sur les coups de théâtre et le ton constamment ironique et vif de Jane Austen, ce qui permet de le savourer malgré la quasi absence d'action.
Si cette relecture d'Emma m'a permis d'apprécier davantage ce livre auquel je reconnais de nombreuses qualités, j'ai dû m'accrocher durant les cent dernières pages. Je l'ai dit plus haut, les intrigues amoureuses qui sont résolues à la fin de l'histoire m'ont beaucoup ennuyée. Cela s'étale sur beaucoup trop de pages pour garder le lecteur en veille. Par ailleurs, je vais sans doute me faire huer, mais j'ai un problème moral avec le couple principal. Mr Knightley a contribué à l'éducation d'Emma, il l'a connue toute sa vie et se comporte de manière paternelle envers elle durant tout le livre. Par conséquent, je pense davantage "beurk" que "oooh" devant leur histoire d'amour... Je m'y fais en pensant que, comme pour Mansfield Park, où nous assistons à l'union de deux cousins germains, cela vient d'un décalage entre les époques. Je sais, j'ai un esprit étroit...

Emma ne sera jamais mon favori dans l'oeuvre de Jane Austen, mais il reste tout à fait recommandable !

Côté adaptations, j'ai pu voir les deux films sortis en 1996 ainsi que la mini-série de 2009. Toutes trois se complètent assez bien, mais j'avoue avoir un gros penchant pour celle d'ITV avec Kate Beckinsale et Mark Strong (en attendant de revoir l'Emma de Romola Garai, que je n'ai vue que rapidement lors de sa diffusion).

Lou, Romanza et Maggie ont aussi lu et aimé ce livre.

Le Livre de Poche. 511 pages.
Traduit par Pierre Nordon.
1815.

10 octobre 2012

Les New-Yorkaises - Edith Wharton

9782290311462_1_75Ca faisait bien longtemps que je n'avais pas plongé dans l'univers d'Edith Wharton. Mais, comme j'ai du mal à me plonger dans des romans depuis quelques semaines, il a fallu retourner vers les valeurs sûres. Bon, pour être honnête, j'ai ressenti une petite déception à la lecture de ce livre, mais je n'ai pas perdu mon temps non plus.

Nous sommes à New York durant la première moitié du XXe siècle. Le mariage n'est plus l'institution irrévocable qu'il était, et Pauline Manford en a profité il y a vingt ans pour divorcer de son premier mari et en trouver un autre. Depuis, elle est injoignable même pour sa fille Nona, son ancien époux, Spécimen A, et son mari, Dexter, qui doivent presque prendre rendez-vous pour qu'elle les reçoive. 
Cependant, les difficultés conjugales de Jim Wyant, le fils que Pauline a eu de son premier mari, forcent les Manford à se poser des questions et à partir se mettre au vert pendant quelques semaines.

Ce qui m'a gênée dans ce roman est le goût d'inachevé qu'il m'a laissé. Sa fin est grostesque et obscure, ce qui est d'autant plus regrettable que Wharton tire beaucoup de ficelles et croque la société qu'elle décrit avec la même habileté que d'habitude.
Cette fois, on a trois personnages féminins qui occupent le devant de la scène. Pauline Manford est une femme très occupée à accomplir de grandes choses qui se contredisent les unes les autres. Elle est fascinée par les médecines alternatives et court après tous les charlatans qu'elle peut croiser. A la fois moderne et vieux jeu, bigote et rentre dedans, son portrait est merveilleusement croqué par l'auteur.
Sa fille Nona semble partagée entre admiration et incompréhension à son égard. La jeune fille perçoit avant sa mère les menaces qui pèsent sur la tranquillité de la famille. Au milieu de ces individus qui font n'importe quoi, elle finira désabusée avant même d'avoir eu le temps de vivre quoi que ce soit.
Enfin, Lita, la belle-fille, est une écervelée qui s'ennuie très vite, qui se moque du mal qu'elle peut faire, mais qui a le mérite de ne pas se laisser enfermer dans la case où les membres de sa belle-famille souhaiteraient qu'elle reste.
La société américaine est en pleine évolution au moment où se déroule l'intrigue de ce roman, ce qui rend les classes dominantes nerveuses à l'idée de perdre leur pouvoir de décider qui gouverne. En effet, la modernité, c'est aussi l'arrivée du cinéma hollywoodien et de ces stars qui font fortune, quand peu de temps auparavant, elles exerçaient un métier jugé choquant et vulgaire. Que Lita, la superficielle épouse de Jim puisse rêver de devenir actrice fait s'évanouir d'horreur sa belle-famille. Cette dernière voit en elle une ingrate à qui l'on a offert un statut et une bonne famille mais qui n'en tient aucun compte.
Comme toujours chez Wharton, les thématiques abordées servent à évoquer le mariage et ses travers. L'union de Pauline et Dexter n'a rien d'un mariage heureux. Pauline a délaissé depuis longtemps son époux, même si elle continue à rêver sa vie, ce qui lui causera quelques sévères désillusions. Lita a épousé Jim par caprice, et lui a donné un enfant, mais elle ne voit pas ce qui pourrait la retenir dans un mariage qui la lasse. Enfin, Nona aime un homme lié à une épouse qui lui refuse le divorce. Dans tous les cas, fuir à toutes jambes semble être l'unique solution. Ou alors, pour ceux pour qui ce n'est pas trop tard, foncer dans un couvent apparaît comme une perspective heureuse...

Ce n'est certes pas un livre réjouissant, mais j'ai trouvé Wharton très piquante dans ce livre. La manière qu'elle a de présenter ses personnages est souvent comique, et la morale de l'histoire aussi impertinente que pleine d'humour.

Voilà donc un bon Wharton, mais qui n'atteint pas le niveau des meilleurs livres de l'auteur à cause d'un final un peu bâclé à mon goût.

Céline et Mango l'ont beaucoup apprécié.

Traduit par Jean Pavans.
J'ai lu. 318 pages.
1927 pour l'édition originale.

7 mars 2011

Charivari ; Nancy Mitford

34811908_8232115Christian Bourgois ; 260 pages.
1935.

Dans la famille Mitford, il y avait six soeurs. Nancy était l'aînée, et elle se distingua en tant qu'écrivain. Pamela et Deborah, deuxième et sixième ont mené des vies relativement tranquilles. Jessica, la cinquième, fut une femme particulièrement battante, mais la palme revient sans conteste à Diana et Unity, tristement célèbres pour leurs relations très serrées avec les milieux nazis.
Alors, quand Nancy Mitford publia Wigs on the green pour la première fois en 1935, cette satire du national-socialisme et de l'aristocratie anglaise jeta un certain froid entre la romancière et ses deux soeurs admiratrices d'Hitler (Unity s'est quand même tiré une balle dans la tête en apprenant la déclaration de guerre de l'Angleterre à l'Allemagne, balle qui ne l'a tuée que des années plus tard au passage).  

En effet, Charivari se déroule dans les années 1930, alors que la montée du nazisme en Allemagne fait écho à la déchéance de l'aristocratie anglaise.
Noel Foster, qui vient d'hériter quelques milliers de livres d'une de ses tantes, décide de partir chasser la riche héritière. Il a le malheur d'en parler à Jasper Aspect, aristocrate sans le sou manipulateur, qui décide de l'accompagner et de se faire entretenir par son ami. Noel et Jasper jettent leur dévolu sur Eugenia Malmains, l'une des plus grosses héritières d'Angleterre, et s'installent dans une auberge très confortable à côté de la demeure de la jeune fille. Celle-ci est extravagante et passionnée, et a décidé de mettre cette énergie au service du national-socialisme. 
Noel et Jasper s'empressent de souscrire à son mouvement, autant par conviction (ce sont de sympathiques jeunes gens...) que par intérêt (ils espèrent ainsi entrer dans ses bonnes graces).
Mais Eugenia est aussi une jeune fille du scandale, sa mère étant une femme adultère (ce qu'elle ignore), et un symbole bien malgré elle de la "déliquessence des valeurs morales" traditionnelles de l'aristocratie anglaise. Le trio est bientôt rejoint par une duchesse en fuite, sa compagne qui a quitté son mari volage, et une bourgeoise locale dont le romantisme et l'imagination débordante ne sont pas satisfaits par un époux passionné par les vaches.

J'avais déjà pu constater le mordant dont Nancy Mitford sait faire preuve dans ses romans, cette fois elle y va sans aucun complexe pour nous livrer un panel de personnages tous plus méprisables les uns que les autres. Alors évidemment, leurs opinions politiques donnent lieu à des discours effarants sur la société idéale et pure que souhaite établir le national-socialisme. Je vous laisse savourer quelques mots d'Eugenia sur la place des femmes :

"- Au coeur de la bataille, dit Eugenia froidement, le devoir de la femme est de se tenir à la place qui est la sienne, la chambre à coucher. Si elle intervient dans les affaires des hommes elle doit accepter un destin d'homme."

Le tout est cependant nuancé par quelques arrangements avec la réalité. Poppy ne devrait pas avoir de liaison et aller retrouver son mari, mais étant donné que c'est un grossier personnage non-aryen, il vaut mieux qu'elle divorce. Quelques personnages sont moins convaincus par ce genre de discours, mais leur lâcheté et leur vanité les rendent incapables de faire preuve d'un peu de jugement critique. Les classes dominantes voient les rênes de la société leur échapper de plus en plus. Ils sont ruinés, cachés dans des asiles invraisemblables ou au fond de leur demeure, le scandale n'épargne ni ne choque plus personne, et le résultat est vraiment laid à regarder.

Outre ce discours politique, Nancy Mitford discourt comme à son habitude sur l'amour et le mariage. C'est évidemment un constat amer qu'elle dresse, tournant un peu plus en ridicule ces odieux personnages qui peuplent le livre.

Malgré tout, l'humour cinglant de la romancière rend cette lecture facile, tout en mettant encore mieux en valeur ce qu'elle critique. C'est cette légèreté sur des thèmes si graves que Nancy Mitf1718394131ord a utilisé quelques années plus tard pour expliquer son refus de voir son livre réédité. Outre les soucis familiaux qu'il avait pu lui causer, elle soulignait en effet que les atrocités nazies rendaient les blagues sur le sujet de très mauvais goût.

Ce n'est pas mon avis. Charivari, loin d'être une blague, est un livre subtil, qui montre l'idéologie nazie dans toute son absurdité, et qui ne stigmatise que ses adhérents. Il faut le lire.

7 août 2010

Les Boucanières ; Edith Wharton

9782757818879Points ; 511pages.
Traduit par Gabrielle Rolin. 1938.
Achevé par Marion Mainwaring
.

L'histoire débute aux Etats-Unis, à la fin du XIXe siècle, alors que les familles St. George, Elmsworth et Closson séjournent à Saratoga. C'est ainsi que Nan, et Virginia St. George, Mabel et Lizzy Elmsworth, et Conchita Closson, deviennent les meilleures amies du monde. Elles sont jeunes, belles et pleines de vie. Cependant, le grand monde les snobe, jugeant leurs origines insuffisantes à en faire des membres de la haute société new-yorkaise.
L'arrivée de Miss Tesvalley, parente de Dante Gabriel Rossetti, qui doit être la gouvernante de Nan, après avoir travaillé pour diverses familles de l'aristocratie anglaise, et le mariage de Conchita Closson avec un fils cadet de marquis britannique, convainquent Mrs St. George et Mrs Elmsworth d'aller en Angleterre avec leurs filles, en espérant y obtenir davantage de succès.
C'est ainsi que les Anglais voient débarquer quatre Américaines, qui ne tardent pas à les fasciner et à les terrifier. En effet, si Conchita Closson n'a épousé qu'un fils cadet désargenté et volage, ses quatre compagnes rencontrent des succès qui scandalisent bien davantage les Anglais (ce qui donne lieu à des scènes souvent cocasses).
De leur côté, nos cinq amies, d'abord éblouies par ce nouveau monde, ne vont pas tarder à connaître quelques désillusions, et à révéler un tempérament calculateur bien éloigné de leur spontanéité première. 

Si vous cherchez à découvrir Edith Wharton, ou tout simplement une lecture fraîche et intelligente afin de profiter de vos vacances, ce livre est pour vous. Il n'est pas parfait (notamment en raison de la fin rédigée par un autre auteur que Wharton), et il n'est pas aussi émouvant que Chez les heureux du monde, mais il se lit avec avidité et délice.
Comme à son habitude, Edith Wharton attache beaucoup d'importance au contexte dans lequel elle place son récit, et ce dernier lui sert avant tout à élaborer une réflexion sur les rapports entre l'Ancien Monde et le Nouveau, sur l'organisation des sociétés occidentales, leurs moeurs, la place de l'amour, de la sexualité et du mariage.
Rejetées aux Etats-Unis, les cinq boucanières prennent leur revanche en s'introduisant au fil des années au sein de la plus haute noblesse britannique. Celle qui "réussit" le mieux est la jeune Nan St. George, qui épouse un duc. Cependant, contrairement à ses amies (à l'exception peut-être de Conchita), Nan n'avait rien calculé. Pourtant, la désillusion sera au moins aussi grave que celle de ses amies. Émue par des ruines et une ambiance romantique, elle s'est simplement contenté de croire que l'homme qui déambulait dedans était nécessairement bon. Son mari se révèle finalement obsédé par l'ordre (ce qui est symbolisé par son obsession des horloges, qui doivent absolument être à l'heure), et lorsque Guy Thwarte, un homme qu'elle avait innocemment aimé de façon très éphémère quelques années plus tôt,  réapparaît, l'absurdité de son mariage et l'impossibilité pour elle de tenir son rang (et donc notamment de donner à son mari un maximum de fils) lui deviennent insupportables.

"Cette jeune femme qui, selon toute apparence, était aujourd'hui (depuis deux ans), Annabel Tintagel avait été auparavant Annabel St. George et la personnalité d'Annabel St. George, son visage, sa voix, ses goûts et dégouts, ses souvenirs, ses sautes d'humeur constituaient une petite réalité vacillante qui, bien que proche de la nouvelle Annabel, n'en faisait pas partie, ne se fondait pas, pour former une Annabel centrale, avec la doublure étrangère qui, dans la chambre Corrège de Longlands, face aux jardins privés de la duchesse, aspirait à n'être qu'une personne. A certains moments, la quête de sa véritable identité l'inquiétait ou la décourageait à tel point qu'elle était heureuse d'y échapper pour remplir automatiquement les devoirs de sa nouvelle condition. Mais pendant les intervalles, elle s'acharnait à se chercher et ne se trouvait pas."

 

Face à ces révélations, Nan est très seule. En effet, personne ou presque (et certainement pas sa propre soeur), ne peut concevoir que bonheur et réussite sociale puissent être totalement distincts, et encore moins que l'on puisse sacrifier cette dernière pour obtenir le premier.

Ce livre n'a pu être achevé par l'auteur, qui décède en 1937, alors que la fin n'existe encore que sous forme de notes. C'est donc Marion Mainwaring qui termina l'écriture du roman, et je trouve malheureusement que cela se sent. J'ai trouvé que la fin était plutôt artificielle. Même si tout est loin d'être rose (le roman est quand même d'Edith Wharton), le ton change et les ramifications avec le reste du livre manquent de naturel à mon goût.

Malgré tout, je le répète, j'ai absolument adoré cette lecture, et le personnage de Nan en particulier.

L'avis de Cécile.

Merci à Titine d'avoir organisé son jeu-concours avec les éditions Points. Cette lecture entre par ailleurs dans le cadre du challenge Edith Wharton.

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22 avril 2009

Mémoires de deux jeunes mariées ; Honoré de Balzac

177267_0_1_Le Livre de Poche ; 380 pages.
1842.

J'ai récemment fait la découverte d'un texte de Balzac intitulé Physiologie du mariage, qui contient des idées étonnantes (pour l'époque) sur les femmes en tant qu'épouses. Je ne l'ai pas lu (à part un bout d'extrait contenu dans mon édition du Père Goriot), mais ce qu'on m'en a dit m'a donné envie de dépoussiérer Mémoires de deux jeunes mariées, où je pensais voir développés des principes du même ordre.

1824. Louise de Chaulieu et Renée de Maucombe viennent de quitter le couvent où elles ont vécu pendant un peu moins de dix ans.
La première appartient au meilleur monde, et retrouve à Paris une famille qui ne désirait pas vraiment la revoir. Elle découvre peu à peu la société des hommes, mais aucun ne provoque en elle un intérêt quelconque. Alors que son père est nommé à Madrid, pour l'accompagner, elle prend des leçons d'espagnol avec un jeune homme exilé. Il est laid, mais il l'intrigue de plus en plus. Elle finit par apprendre qu'il est un grand d'Espagne déchu, qui a renoncé à son titre et à sa fiancée au profit de son frère.
Louise est une amoureuse de l'amour, aussi va t-elle se lancer à coeur perdu dans son histoire avec Felipe, et jouir de la passion qu'il éprouve à son endroit, sans éprouver le bonheur de la maternité (je n'aurais jamais pensé écrire ces mots ici...).
Renée a quant à elle été sortie du couvent pour être mariée à un noble campagnard, Louis de l'Estorade. Il a été brisé par la retraite de Russie, de laquelle il n'est rentrée qu'après des années d'angoisse pour ses parents. Il a trente-sept ans, et s'éprend follement de Renée, qui ne l'aime pas, mais qui se laisse épouser. Pour la jeune fille, le bonheur viendra de la maternité.
Nous suivons les deux amies au gré des lettres qu'elles s'échangent durant plus de dix années, rythmées par les nombreux bouleversements politiques que connaît la France.

Que dire, si ce n'est que j'ai encore passé un excellent moment avec Balzac grâce à ce livre ? Pour être tout à fait honnête, il n'aurait pas fallu que ce soit plus long, mais j'ai lu ce livre pratiquement d'une traite. Je suis impressionnée par les capacités de l'auteur à se mettre dans la peau des deux héroïnes. Si je n'avais pas su qu'il s'agissait d'un roman de Balzac, j'aurais été convaincue que seule une femme pouvait avoir écrit un tel roman. 
Avec ces lettres, on entre directement dans le domaine de l'intime de ces deux héroïnes, entre lesquelles un280px_BalzacMemoirsYoungWives01_1_ parallèle se tisse tout au long du livre. Elles sont jeunes et piquantes au début, dans une certaine mesure, mais surtout pleines de considérations sur le monde, considérations issues de leur éducation au couvent et de quelques lectures (autrement dit, pas grand chose de concret). Elles parlent de bonheur, le vivent différemment. Renée est comblée par la maternité, et se contente d'une vie morne à travers ses enfants. Elle suit le schéma qui a été décidé pour elle.
Louise est différente. Elle méprise sa mère qu'elle a du mal à considérer comme telle, et son choix de vivre passionnément et pleinement ses amours semble la priver de la possibilité d'avoir des enfants. Elle est manipulatrice (j'ai trouvé la scène où Felipe descend de son arbre au plus vite extrêmement drôle, j'ai honte), et devient peu à peu pathétique, mais je préfère mille fois sa vie à celle de Renée. Son insouciance, qui va jusqu'à lui faire croire que l'on peut vivre indéfiniment d'amour et d'eau fraîche est naïve, et lui coûte très cher, mais il s'agit d'un trait de personnalité que je ne peux reprocher. Ce n'est d'ailleurs pas comme si elle ignorait la fragilité de sa position : "Je suis si haut que s'il y avait une chute je serais brisée en mille miettes."
Ces deux jeunes femmes sont en effet étranges, complexes, et mènent leur bonheur en fonction de leurs illusions, tout en ayant une conscience des réalités très poussée.
On voit assez peu la société dans ce roman de Balzac, ou plutôt on la voit avec un angle différent de celui qui était adopté dans Le Père Goriot par exemple. Mais son ombre est bien présente : "tu as sagement accompli les lois de la vie sociale, tandis que je suis en-dehors de tout. "
Et l'on a ce qui me touche le plus chez cet auteur, les décors vivants, dans lesquels se reflètent les hommes.

Je dois encore vous parler de Ferragus, et je devrais ensuite passer à un autre auteur. Peut-être qu'Emma Bovary va finalement me convaincre...

19 avril 2009

Gobseck ; Honoré de Balzac

280px_BalzacGobseck01_1_Omnibus ; 45 pages.

Après avoir achevé Le Père Goriot, j'ai voulu immédiatement savoir comment les choses s'étaient achevées entre Mme de Restaud et son époux. Gobseck m'a permis d'assouvir ma curiosité et plus encore.

Nous sommes vers 1830. Derville, un avoué, se trouve chez la duchesse de Granlieu. Celle-ci voit d'un mauvais oeil l'idée d'une union entre sa fille Camille, et Ernest, le fils aîné de Mme de Restaud (qui était l'une des demoiselles Goriot). Afin de venir en aide aux amoureux, Derville se propose de raconter comment sa vie a été liée à celle des de Restaud, par le biais d'une usurier hollandais, un certain Gobseck.

Ce très court texte est à nouveau un enchantement que nous offre Balzac. Il a été écrit avant Le Père Goriot, mais il met en scène des événements qui se déroulent en parallèle (l'affaire des diamants) et après cette histoire.
En moins de cinquante pages, Balzac nous donne un aperçu très piquant de la "belle société", où chacun tente de rouler l'autre, et s'incline comme la plus misérable créature devant l'argent.
Gobseck est un individu qui n'a que cette valeur, et qui est absolument impitoyable, ce qui le rend presque effrayant. On ne peut qu'apprécier sa clairvoyance à l'égard des stéréotypes que symbolisent Maxime de Trailles et Mme de Restaud :

"Ces sublimes acteurs jouaient pour moi seul, et sans pouvoir me tromper. Mon regard est comme celui de Dieu, je vois dans les coeurs."

L'usurier règne sur ces désespérés, qui semblent si sûrs d'eux par ailleurs. Je vous ai mis une illustration de l'une des scènes les plus marquantes du livre : Mme de Restaud qui met sa perfidie au service de ses enfants, mais qui ne fait finalement que les livrer un peu plus à Gobseck. Elle est complètement désemparée dans ce texte. La description de sa chambre lors de la première visite du vieil avare chez les de Restaud m'a également fait une forte impression. 
Et que dire de l'ironie avec laquelle l'usurier dépeint le pauvre M. de Restaud, qui est de "ces âmes tendres qui, ne connaissant pas de manière de tuer le chagrin, se laissent toujours tuer par lui".
D'autant plus qu'au final, Gobseck ne connaît pas un destin différent, et finit par pourir comme ces gages qu'il préfère laisser à la moisisure plutôt que de céder sur son avarice.

A lire absolument !

 

*Illustration d'Edouard Toudouze, prise sur Wikipedia.

15 avril 2009

Le père Goriot ; Honoré de Balzac

resize_4_Pocket Classiques ; 378 pages.
1835.

Je suis loin d'avoir lu toute la Comédie Humaine, mais j'aime énormément Balzac. Pour une raison inexplicable, je pensais que Le Père Goriot était un roman raté de l'auteur. Il est beaucoup étudié dans le secondaire, j'imagine que certains de mes camarades ont dû souffrir dessus. Il a fallu qu'Erzébeth fasse un billet plus qu'élogieux dessus pour que je me décide à l'acquérir, et encore plusieurs mois avant que j'éprouve l'envie de le lire.

1819. Nous sommes dans la pension Vauquer, une misérable institution où se côtoient des individus au train de vie modeste, mais qui ne manquent pas d'ambition. Parmi eux, le père Goriot est l'objet de taquineries perpétuelles. Après avoir eu pendant quelques temps des allures de riche homme, il semble de plus en plus en proie à des difficultés financières. Son malheur vient de deux femmes que les autres occupants de la pension imaginent être des courtisanes, mais qui s'avèrent être les filles du père Goriot. Ce dernier les a très richement mariées, et depuis, elles le dédaignent et ne viennent le voir que lorsqu'elles ont besoin d'un argent qu'elles ne peuvent demander à leurs maris. Goriot, aveugle car très aimant, cède à tous leurs caprices.
Nous faisons la connaissance des deux femmes par le biais d'un autre pensionnaire de Madame Vauquer, Eugène de Rastignac. Ce jeune provincial, issu d'une famille noble désargentée, parvient à entrer dans les meilleurs cercles de la société de Saint-Germain grâce à la vicomtesse de Beauséant, sa cousine éloignée. Il devient l'amant de Madame de Nucingen, la cadette des filles Goriot, ce qui lui attire les affections du vieillard. 

Voilà l'un des meilleurs livres de Balzac que j'ai lus. Le Père Goriot est un texte incroyablement vivant, ironique, foisonnant. Il ne se contente pas de suivre le malheureux vieillard qui se laisse ruiner par ses filles et de nous offrir une réflexion sur la paternité. C'est toute la société de Saint-Germain qui est passée à la loupe, avec d'innombrables clins d'oeil aux autres romans de l'auteur. J'ai une folle envie de me replonger dans La duchesse de Langeais, je vous parle bientôt de Gobseck, et il me faut La femme abandonnée. Sans parler de Rastignac et de Vautrin, qui sont parmi les personnages balzaciens les plus célèbres, et que je meurs d'envie de retrouver.
On ne s'ennuie pas une seconde tellement les destins abordés sont nombreux. Le paraître, les intrigues amoureuses ou autres, le mariage, l'amitié, sont développés dans un portrait très cynique de la société de Saint-Germain (la pension Vauquer n'est pas non plus épargnée). Cette pauvre vicomtesse de Beauséant, qui tient un salon où tout le monde veut paraître, et qui est finalement jetée à tous ces vautours venus contempler son coeur brisé, j'en ai encore mal pour elle... Si j'aime tant les personnages de Balzac, c'est parce qu'il a beau les décrire comme étant la représentation physique de ce qu'ils sont intérieurement, ils n'en sont pas caricaturaux pour autant. On les voit odieux puis misérables, parce qu'ils vivent finalement tous dans un milieu où les gens se mangent entre eux. J'imaginais que les filles de Goriot étaient de véritables mégères. Après lecture de ce roman, je n'approuve évidemment pas leur comportement. Mais elles ont leur part de malheur, et Goriot pense lui même qu'il est en partie responsable de sa situation.
Je me demande vraiment comment Rastignac va tourner dans cette société pourrie, et les suggestions de Bianchon concernant la décoration d'une certaine tombe m'ont fait beaucoup rire. La fin est vraiment plombante, même si Balzac nous offre comme d'habitude une petite pique pour achever son texte.

Si vous voulez lire cet auteur, ce livre me semble être une parfaite introduction à son oeuvre. Il ne comporte aucune longueur, la présentation de la pension Vauquer est juste jouissive, et il est de plus en plus difficile de poser ce roman au fur et à mesure qu'on avance dans l'intrigue. En plus, si j'en crois tous les commentaires lus ici et là sur la blogosphère, Vautrin est un vrai tombeur (même si j'avoue préférer Rastignac pour l'instant).

Les avis d'Erzébeth , d'Isil et de Yue Yin.

12 novembre 2008

L'homme démasqué ; Thomas Hardy

51QIH7ptHQLLe Serpent à Plumes ; 84 pages.
Traduction de Diane de Margerie.
Titre Original : Barbara of the house of Grebe.

Elizabeth Gaskell me plaisant seulement à petites doses depuis que j'ai commencé Cranford, j'ai décidé de m'offrir une parenthèse avec Thomas Hardy qui m'a très récemment enchantée avec Far from the madding crowd. C'est chez Cryssilda, l'une des organisatrices du Victorian Swap auquel je me suis inscrite, que j'ai pioché cette lecture.

Alors qu'elle est courtisée par Lord Uplandtowers, Barbara Grebe s'enfuit avec celui qu'elle aime (un jeune homme sans rang), au cours d'un bal organisé par ses parents. Le mariage est heureux durant quelques semaines, puis Mr Willowes, afin d'achever son éducation et de devenir digne de son épouse, part pour le continent. Il y reste près d'un an et demi, et lorsqu'il revient, son visage a été ravagé par les brûlures d'un incendie. Or, il était autrefois un homme d'une remarquable beauté, et sa femme est paralysée d'horreur lorsqu'elle le revoit.

A nouveau, j'ai été séduite par Thomas Hardy. Ce livre s'attache à dénoncer la superficialité qui conduit certains au mariage, en mettant à nouveau en scène des situations qui ont dû faire grincer bien des dents lorsque Hardy a publié ses écrits, d'autant plus que l'auteur manie très bien le cynisme lorsqu'il s'agit de parler de bonheur conjugal.
Hardy fait d'ailleurs preuve d'une très grande maîtrise tout au long de ce texte finalement très court. L'ambiance est malsaine. On a l'impression d'être en permanence dans des lieux où la lumière a du mal à pénétrer. La personnalité des personnages, qui est très bien croquée par l'auteur, ajoute à cette ambiance gênante. Lord Uplandtowers m'a beaucoup plu par exemple.
Quant à la chute, elle est très bien trouvée, et expose une nouvelle fois et avec beaucoup d'ironie la position de Thomas Hardy face aux mariages.

En résumé, une nouvelle qui n'a certes pas le charme de Far from the madding crowd, mais qui n'en est pas moins un vrai bonheur de lecture.

Même si je ne peux pas m'empêcher d'arranger la chose à ma sauce, comme d'habitude, j'ai entrepris d'accompagner Lou, Isil et Cryssilda dans leur découverte de romans victoriens en attendant les paquets du swap. En voilà une autre de faite !

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28 octobre 2008

Far from the madding crowd ; Thomas Hardy

1853260673_1_Wordsworth Classics ; 362 pages.
V.F. : Loin de la foule déchaînée. 1874.

Je disais il y a quelques jours que j'avais de Dickens l'image d'un auteur déprimant. C'est encore pire en ce qui concerne Thomas Hardy. Sauf qu'ici, j'ai quelques raisons de nourrir des préjugés contre cette auteur. Je connais vaguement les trames de Tess d'Uberville et de Jude l'Obscur, donc je sais que ça va très très mal pour les personnages.
Cela dit, ce n'est pas du tout la raison pour laquelle j'ai mis un peu de temps à achever ma lecture de Far from the madding crowd.

Ce n'est pas un livre très rigolo certes, mais en fait j'ai seulement eu un blocage avec les premières dizaines de pages. Bethsheba Everdene est une jeune femme née pour tourmenter bien des hommes, comme l'annonce son seul prénom. Le premier d'entre eux est le fermier Gabriel Oak, qui voit sa demande en mariage repoussée peu avant de perdre la totalité de ses brebis. Ruiné, il se retrouve par une ironie du sort au service de Miss Everdene, qui vient d'hériter des propriétés de son oncle. Le second est William Bolwood, un autre fermier qui, suite à un concours de circonstances, devient dangereusement passionné à l'égard de Bethsheba. Le dernier sera le sergent Troy, déjà fiancé à une jeune fille de basse extraction.

Dans ce roman, Thomas Hardy nous présente les différents types d'amour, en créant des personnages qui vivent tous différemment leur découverte de ce sentiment. Comme aucun n'est sur la même longueur d'ondes que les autres, ils s'entrechoquent et se brisent dès lors qu'ils entrent en contact. Pour certains, ce sera fatal. La mort de celle qui était trop naïve, trop dévouée, est bouleversante. Aucun personnage, à part Gabriel Oak, ne parvient à maîtriser ses émotions, et c'est ce qui rend un personnage comme le sergent Troy touchant. J'ai trouvé le passage où les fleurs plantées sur la tombe de celle qu'il a aimée sont éparpillées par le mauvais temps très beau et très triste. Oui, parce que si je savais que Far from the madding crowd n'était pas aussi plombant que d'autres livres de Thomas Hardy, la tragédie est tout de même là.
Au-delà des intrigues amoureuses, il est aussi question de la place de la femme dans la petite société rurale d'un Wessex imaginaire. Bethsheba sait ce qu'elle veut quand il ne s'agit pas d'amour. Elle n'est pas mariée durant la plus grande partie du roman, et est parfaitement déterminée à jouer son rôle de petite propriétaire terrienne, et à s'impliquer dans ses affaires. Les hommes qui travaillent pour elle sont davantage paternalistes que tentés d'exprimer un quelconque mécontentement, mais on sent très vite qu'elle a conscience de devoir démontrer que c'est elle qui commande. A plusieurs reprises d'ailleurs, elle réfléchit au genre de femme qu'elle est et à celui qu'elle ne veut pas être.
Il m'a fallu une quarantaine de pages avant de m'installer dans cette histoire. Je crois que je n'avais jamais lu un roman de cette époque qui adopte le point de vue de personnages ruraux qui n'ont pas une grande place sur l'échelle sociale anglaise de la fin du XIXe siècle, et cela m'a un peu surprise. Mais on s'habitue vite à leurs manières et à leur façon de parler. Il n'est pas toujours facile de s'identifier aux personnages, mais je crois que ce roman est de ceux qui marquent. Si vous avez des titres de cet auteur qui ne risquent pas trop de me faire sombrer dans la dépression à me conseiller, je suis preneuse !

 

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