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lilly et ses livres
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30 avril 2015

La dernière fugitive - Tracy Chevalier

product_9782070455645_195x320Suite à une déception sentimentale, Honor quitte l'Angleterre pour suivre sa soeur Grace en Amérique, où cette dernière doit rejoindre son futur mari. La traversée est très rude pour Honor, mais c'est finalement Grace qui ne survit pas au voyage. Désormais seule, Honor décide de rejoindre celui qui aurait dû être son beau-frère, tout en sachant que la situation ne peut qu'être provisoire.

De Tracy Chevalier, j'avais beaucoup aimé Prodigieuses créatures il y a quelques années. Ce nouvel ouvrage ayant été encensé, j'avais naturellement envie de le lire.
Au final, je suis déçue. Certes, ça se lit très facilement. Honor est un personnage plutôt sympathique, fidèle à ses valeurs tout en ayant conscience de certaines réalités. Elle sait à quel point, en tant que femme, sa marge de manoeuvre est faible. Pas de conte de fées ici. On a bien un adorable prétendant et un bad boy assez séduisant, mais notre héroïne sait où sont ses priorités.
Elle a beaucoup de mal à s'intégrer, les mentalités américaines étant très différentes de ce qu'elle a connu.
Les autres aspects intéressants du livre sont les détails historiques. Je ne connaissais pas les quakers et leurs principes. Il est aussi beaucoup question de la conquête de l'ouest américain et de l'esclavage.
Mais, c'est creux. Les sujets abordés ne le sont que de façon très artificielle voire caricaturale. C'est un roman historique comme on en trouve des tonnes. Rien qui sort de l'ordinaire.

Autre point noir, le style. Je n'ai pas le souvenir d'avoir été marquée par l'écriture de Tracy Chevalier lors de notre précédente rencontre, mais j'ai trouvé qu'ici elle était particulièrement plate. En général, quand il ne faut que quelques heures pour avaler un roman de presque quatre cents pages, c'est mauvais signe.

Je n'ai donc pas vraiment apprécié cette lecture. Je pense que le sujet m'a beaucoup moins intéressée que celui de Prodigieuses créatures et qu'il m'a donc laissé voir les qualités assez réduites d'écrivain de Tracy Chevalier.

Les avis de Dominique et de Choupynette.

Merci à Anna pour le livre.

Folio. 400 pages.
Traduit par Anouk Neuhoff.
2013 pour l'édition originale.

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28 octobre 2014

Les apparences - Gillian Flynn

78219143_oLe matin de leur cinquième anniversaire de mariage, la femme de Nick Dunne, Amy, disparaît. Restent dans la maison des traces de lutte ainsi que le premier indice de la chasse au trésor que la jeune femme avait organisée pour son époux.
Alors que la police puis le système médiatique s'emparent de l'affaire, il devient évident que les deux époux cachent de lourds secrets qui font de Nick le coupable idéal.

J'ai repéré Gillian Flynn depuis au moins un an, mais le choix de ce titre vient bien entendu du fait que l'adaptation est sortie récemment au cinéma.
Ce n'est pas un hasard, étant donné que ce thriller semble avoir été écrit pour être porté à l'écran. Les chapitres défilent à cent à l'heure, les indices pleuvent, les rebondissements aussi, les deux personnages principaux sont charismatiques, le cocktail parfait pour une adaptation à succès.
L'histoire de départ est plutôt banale, celle d'un couple marié qui s'enfonce dans l'ennui, la routine et les mensonges. Comme tant d'autres, Nick et Amy ont d'abord joué aux amants parfaits, persuadés d'être différents des couples de leur entourage qui s'étripent ou tentent de se dresser l'un l'autre pour correspondre à la personne cool qu'on a tous envie d'être et d'avoir auprès de soi. Une fois la passion retombée, l'arrivée du chômage, les problèmes de santé des parents de Nick, le retour dans le Missouri après la belle vie à New York, ont eu raison de tous ces efforts pour faire semblant d'être heureux.
Mais leur couple a beau suivre un parcours banal jusqu'au jour où Amy disparaît, ce qui apparaît au cours de l'enquête nous fait réaliser à quel point les Dunne ne sont pas un couple ordinaire. Ni certains de leurs proches. C'est à se demander lequel est le plus tordu dans toute l'histoire, et cette dimension psychologique, qui crée une ambiance aussi dérangeante que fascinante, est ce qui empêche de reposer le livre avant de l'avoir terminé. La fin ne met pas un terme à ce malaise, puisqu'elle révèle à quel point on peut se convaincre que tout va pour le mieux alors que c'est le contraire.
Outre la folie des personnages, impossible de ne pas évoquer celle des médias et de la société, dont le jugement est beaucoup plus important que celui rendu dans un tribunal. A l'heure de la téléréalité, il vaut mieux ne pas avoir un air trop désinvolte, être intérieurement dévasté ne suffira pas.

Gone girl.
Sonatine. 573 pages.
Traduit par Héloïse Esquié.
2012 pour l'édition originale.

20 octobre 2014

Les robots ont-ils une âme ?

esprit-d-hiver,M119310Holly se réveille avec un horrible pressentiment le matin de Noël. Elle a trop dormi, son mari Eric aussi. Alors que ce dernier se précipite à l'aéroport pour y chercher ses parents, elle se retrouve seule avec leur fille, Tatiana. Holly doit donc se préparer à l'arrivée de toute sa belle-famille ainsi que de deux familles d'amis, mais rien ne va.

Esprit d'hiver avait beaucoup fait parler de lui lors de sa sortie l'an dernier. Je savais donc que je devais m'attendre à un rebondissement final frappant, mais il a dépassé toutes mes prévisions et je termine ma lecture nauséeuse (certes, je suis malade aussi).
Il y a beaucoup de choses dans ce livre, un peu trop d'ailleurs, mais les romans de Laura Kasischke ont toujours un côté too much pour moi. D'habitude, c'est la fin qui me dérange le plus, cette fois c'est plus l'accumulation de choses qui sont arrivées à Holly dans sa vie et qui rassemblées semblent avoir une signification qui me gêne. Je ne crois pas au destin, ce qui fait que j'aurais toujours à redire sur les livres de cet auteur. Je sais, je l'aime pourtant assez pour en être à mon troisième livre d'elle, elle me fascine et m'agace à la fois.
Fermons cette parenthèse pour évoquer ce qui est une réussite totale dans ce livre, le huis-clos auquel on assiste, et la tension qui se fait de plus en plus forte au fur et à mesure que l'on se rapproche de l'explication finale. Holly est une mère adoptive et plus généralement une femme angoissée, soucieuse de ce que l'on pense d'elle et désireuse de faire le bonheur de sa fille ramenée de Russie presque quatorze ans plus tôt. En ce jour de Noël, les invités vont se décommander les uns après les autres en raison de la mauvaise météo, laissant Holly en tête à tête avec une adolescente irritée, distante, puis progressivement violente et terrifiante.

Pourquoi Tatiana se change t-elle constamment ? Pourquoi accuse t-elle sa mère de choses complètement absurdes ? Qui est ce M. Inconnu qui harcèle Holly sur son portable ?

Par des allers-retours entre le présent et le passé, on remonte peu à peu le fil de l'histoire. Très habilement, Laura Kasischke nous laisse nous impatienter, capturer les indices qu'elle a semés, devenir presque hystérique à force de nous demander si l'on a trouvé la bonne explication (de la plus logique à la plus irrationnelle) à toute cette tension avant de nous asséner un coup de massue dans les dernières lignes.

Un roman sur la maternité très réussi et glaçant.

Les avis de Titine et d'Emma.

Esprit d'hiver. Laura Kasischke.
Christian Bourgeois.
283 pages. 2013

22 avril 2014

Les filles de l'ouragan - Joyce Maynard

Les Filles de l'ouragan

Pour moi, Joyce Maynard, c'était à première vue une personne méprisable. Construire sa réputation et se faire de l'argent sur le dos de Salinger, qui était connu pour ne pas supporter que l'on s'imisce dans sa vie privée, ça me dérange.
Puis les blog sont passés par là, et j'ai mis mes reproches de côté pour découvrir Les filles de l'ouragan.

Ruth Plank et Dana Dickerson sont toutes les deux conçues lors d'un ouragan et naissent le même jour dans le même hôpital. Ces deux "soeurs d'anniversaire" n'ont pas grand chose en commun, mais leurs mères s'arrangeront pour qu'elles se croisent régulièrement durant toute leur vie.

Je ne vais pas y aller par quatre chemins, je suis très moyennement convaincue par ce livre.
Ca avait pourtant bien commencé avec les récits alternés de Ruth et de Dana. Ruth est élevée dans une famille de fermiers avec ses soeurs. Elle se sent très proche de son père qu'elle adore suivre dans son travail, mais ne comprend pas la froideur qu'elle lit dans les yeux de sa mère. Dana mène une vie complètement différente. Ses parents se complaisent dans la désinvolture, déménageant au gré des idées farfelues du père, et vivant des oeuvres de la mère. Chacune des jeunes filles se sent à l'écart, seule, et il est difficile de ne pas s'y attacher.

Dans ce roman, il est aussi question de l'évolution de la société américaine. Ruth se rend à Woodstock, rejoint le frère de Dana qui s'est réfugié au Canada pour échapper à la guerre du Viêtnam. Le domaine des Plank subit des intemperries et les vautours sont toujours plus nombreux à attendre qu'il soit vendu. Dans les années 1980, Dana, qui vit avec une femme universitaire, voit cette dernière perdre son poste de titulaire en raison de sa sexualité.
C'est donc toute une époque qui est apparaît derrière nos personnages, et c'est pas mal fait, même si je ne trouve pas que ce soit traité de façon originale.

ATTENTION Spoilers :

Mais mon principal problème avec ce livre est que je n'ai pas compris le besoin de créer un grand mystère (qui n'en est un que si l'on est ultra naïf au passage). Très vite, des indices énormes font comprendre au lecteur qu'il y a eu erreur sur la marchandise. Ruth est dédaignée par sa mère qui ne semble agir que par devoir et non par instinct maternel envers elle. Elle est aussi passionnée d'art et éprouve un grand attachement pour la ferme paternelle. Dana a pour sa part tout de la fermière forte et peu féminine. Je veux bien avoir l'esprit ouvert, mais l'amour de l'agriculture ou de l'art ne sont pas inscrits dans les gènes. Ici, on peut deviner l'identité des parents des deux personnages rien qu'en observant leur caractère...

Fin des spoilers

Je crois que je n'aime pas spécialement la manie qu'ont beaucoup d'auteurs américaines (Andrew Sean Greer, Laura Kasischke...) de créer un rebondissement final aussi bancal qu'inutile. On peut écrire sur la famille, le passé, l'adolescence, le sentiment de ne pas être à sa place sans inventer une histoire à coucher dehors.

J'ai lu ce livre avec intérêt dans l'ensemble, parce que j'aime la littérature américaine et qu'il traite des thèmes que j'apprécie particulièrement, mais je trouve que Joyce Maynard ne se distingue pas spécialement, que ce soit par son style ou par le fond de son livre.

Theoma, Miss Léo, Mrs Figg et Emma ne sont pas du tout d'accord avec moi.

Philippe Rey. 330 pages.2010 pour l'édition originale.

12 janvier 2014

Zeitoun - Dave Eggers

zeitounZeitoun est un entrepreneur venu de Syrie établi à la Nouvelle Orléans depuis plus de dix ans en août 2005. Marié à une Américaine convertie à l'Islam, Kathy, il est aussi le père de trois filles et son activité professionnelle en fait une personne très respectée. 
Lorsque Katrina  s'abat sur la Nouvelle Orléans, il reste d'abord pour s'occuper de ses biens, puis se met à arpenter la ville, sur son canoë, afin de secourir des habitants et des animaux.  
Au bout de quelques semaines, il est finalement arrêté et accusé de pillage par les autorités.               

Ce livre est assez particulier dans sa forme. En fait, il raconte une histoire vraie. Les personnages existent, les faits se sont réellement produits. C'est cependant écrit comme un roman, avec des dialogues, des pensées retranscrites. Ca ne m'a pas du tout gênée en fin de compte, mais j'avoue avoir été un peu surprise. 
N'allez donc pas chercher un grand roman ici, l'intérêt principal de Zeitoun est qu'il nous rapporte comment la première puissance mondiale a géré le fait qu'une de ses grandes métropoles se soit transformée en espace du tiers monde suite à une catastrophe naturelle mal anticipée.       
Au début, les habitants de la Nouvelle-Orléans ne croient pas du tout au danger de Katrina. Zeitoun en a vu d'autres, il ne voit pas en quoi cela pourrait être différent cette fois. Même lorsque Kathy décide de fuir, et que les autorités ordonnent l'évacuation de la ville, il décide de rester, inconscient du danger.
Lorsque Katrina s'abat finalement sur la ville, la situation dépasse toutes les prévisions. La plupart des quartiers de la Nouvelle-Orléans sont inondés, il n'y a évidemment plus d'électricité, les habitants sont obligés de se réfugier dans les étages et d'attendre une aide qui ne vient pas forcément.
L'évacuation, qui ne devait initialement durer que quelques jours se prolonge. De nombreux animaux ont été laissés par leurs propriétaires et meurent donc de faim. Dans les rues, l'eau est de plus en plus polluée et les pillages commencent. Au début, Zeitoun se sent en sécurité. Il utilise son canoë pour aider des gens, surveiller des maisons. Il veut se rendre utile à cette ville qui lui a apporté la stabilité et ignore donc les supplications de sa femme et de son frère qui lui demandent de partir.
La tension monte au fil des jours, Zeitoun et le lecteur le sentent, mais l'entrepreneur décide de l'ignorer. Puis, Kathy doit affronter plusieurs semaines de silence, d'un seul coup. Elle apprend seulement grâce à un religieux qui a décidé d'enfreindre la loi que son mari a été arrêté et qu'il est emprisonné. En fait, Zeitoun et plusieurs de ses compagnons ont passé quelques nuits dans une prison de fortune, à dormir à même le sol et à se voir attribuer de la nourriture ne respectant pas ses convictions religieuses avant d'être tranférés vers une maison d'arrêt. L'attitude des gardiens dans ce premier lieu est à vomir. La situation est tellement hors de contrôle qu'ils gazent les prisonniers, s'en prenant même à un homme visiblement handicapé qui n'a pas respecté des consignes qu'ils ne peut pas comprendre.
Nous sommes dans une Amérique post-11 Septembre, et cela a un impact très fort sur ce qui arrive à Zeitoun. Certes, il n'est pas le seul à être arrêté, et parmi les prisonniers accusés injustement de pillage, certains sont des Américains pur jus. Cependant, de par ses origines, Zeitoun est suspecté de bien plus. Il faut à Kathy une énergie folle et de nombreux contacts pour avoir l'assurance que son mari est bien en vie, et encore plus pour le voir et le faire libérer. 

Viennent alors les questions : comment une ville comme la Nouvelle-Orléans a t-elle pu être dévastée dans de telles proportions par un ouragan ? Comment les autorités ont-elles pu être prises de cours à ce point ? Comment la situation a t-elle ensuite pu dégénérer, donnant libre cours aux pillages d'une part, aux arrestations arbitraires et au non respect des bases de la justice d'un sytème démocratique d'autre part ?                        

C'est évidemment une histoire révoltante et un livre à charge. A découvrir.           

Merci à Lise pour le livre.

Folio. 416 pages.
Traduit par Clément Baude. 
2009 pour l'édition originale.

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22 septembre 2013

Bent Road - Lori Roy

bentArthur Scott retourne au Kansas après vingt ans d'absence en compagnie de son épouse Celia et d'Elaine, Daniel et Evie, leurs trois enfants. Arthur avait fui la ferme de ses parents après que la mort de sa soeur Eve, disparue dans d'horribles circonstances. En revenant chez lui sur la très dangereuse Bent Road, il retrouve son autre soeur, Ruth, qui a épousé Ray, le fiancé d'Eve. Au même moment, un fou furieux s'échappe, et la petite Julianne Robison aux grands yeux bleus et aux cheveux blonds, comme Eve, disparaît.

Inutile de faire durer le suspens, Bent Road est une très belle découverte en cette rentrée littéraire, un livre aussi poignant qu'original.
Tous ses personnages sont touchants et très seuls dans le malheur qui semble les emprisonner un peu plus chaque jour. Nous suivons leurs pensées et leurs confidences, tour à tour. Celia, la mère, se heurte à un mari distant, un beau-frère dont elle n'apprécie pas le regard, une belle-mère désagréable, et surtout à un fantôme, celui d'Eve. Celle-ci lui ressemblait paraît-il, mais personne ne veut lui dire qui l'a assassinée et pourquoi. Les Scott s'acharnent à laisser le passé dans le passé et à refuser son incidence sur le présent.
Daniel a perdu tous ses amis en venant. Son père ne cesse de lui dire qu'il n'est pas un homme et de lui préférer Jonathon, le prétendant de sa soeur Elaine. Alors il apprend à tirer en cachette avec Ian, un être difforme et malade, le seul ami qu'il se soit fait. 
La petite Evie est très isolée également. A l'école, tout le monde lui reproche sa présence, comme si elle était responsable de la disparition de Julianne. Elle s'imagine donc que la tante Eve qui lui ressemble tant et dont elle porte le nom est à ses côtés. Elle porte ses robes en cachette, lui offre à déjeuner et garde précieusement une photo de sa tante disparue dans les bras d'un Ray fou de bonheur.
Enfin, Ruth est une femme adorable mais très malheureuse. Elle a épousé Ray, dont beaucoup pensent qu'il a assassiné sa soeur et qu'il est responsable de la disparition de Julianne, tout en sachant qu'il ne l'aimerait jamais. Devenu alcoolique, il est aussi violent avec elle. L'arrivée de son frère lui permet de voir que tout le monde ne la rejette pas.

"Arthur ne l'a pas regardée comme tous les autres. Il l'a regardée comme s'ils étaient de nouveau jeunes, avant que le malheur frappe. Avant qu'Eve meure. Il l'a regardée comme s'il l'aimait toujours."

Ce livre est décrit comme un roman policier, mais c'est beaucoup plus que ça. Il n'y a pas d'enquête à proprement parler, le rythme est beaucoup plus lent que celui d'un livre à suspens, et les réponses viennent en même temps que les secrets de famille se dévoilent. Bent Road est d'abord un roman d'ambiance, l'histoire d'une famille, d'une communauté. Il parle de drames familiaux, de culpabilité, d'enfants qui voudraient être grands, ou encore du poids du catholicisme. Ray est rejeté et soupçonné par tous d'être un malade, mais aux yeux des gens, et en particulier du Père Flannery, Ruth devrait rester sous sa coupe et serrer les dents. Jusqu'au bout, on ne saisit pas à quel point la malveillance des gens a pu briser des vies.
La fin, que je ne dévoilerais pas, a un côté généreux qui aurait pu être exaspérant mais qui m'a finalement beaucoup plu. Que se serait-il passé si les langues s'étaient déliées plus tôt ? Quelle aurait été la vie des gens alors ? Il n'est pas question d'excuser n'importe quoi, mais d'admettre que les choses ne sont pas aussi simples que le disent le Père Flannery ou même Arthur, et cela seule Celia, avec son regard extérieur, peut le faire.

L'avis de Ys.

Le Masque. 317 pages.
Traduit par Valérie Bourgeois.
2011 pour l'édition originale.

10 avril 2013

Les revenants - Laura Kasischke

9782253164524-TUn jour, j’ai lu un livre de Laura Kasischke et je n’ai pas aimé. Depuis, je suis poursuivie par une lectrice de ce blog déterminée à ce que je donne une nouvelle chance à cet auteur. Or, il se trouve que quand j’ai vu passer le dernier roman qu’elle a écrit, il avait tout pour me plaire. C’est donc le moment de réparer mon erreur.

Nicole est une jeune fille de dix-huit ans à la beauté virginale lorsqu’elle trouve la mort dans un accident de voiture un soir de pleine lune. Shelly est la première sur les lieux, mais dans les jours qui suivent, le compte-rendu qu’elle lit dans tous les journaux ne correspond pas à ce dont elle a été témoin. La version la plus macabre des événements, qui montre le petit-ami de Nicole, Craig, comme le grand responsable du drame, est celle qui est retenue. Les deux jeunes gens étudiaient à Honors Grove College, où les confréries d’étudiants cultivent avec ferveur le secret autour de leurs pratiques. Nicole était elle même membre d'une sororité, et ses anciennes "soeurs" semblent déterminées à la venger.
Quelques mois plus tard, des apparitions étranges ont lieu. Craig, mais aussi Perry, qui a connu Nicole toute sa vie, ou encore des membres de l'université, vont être entraînés dans des événements incompréhensibles qui semblent avoir un lien avec le mystère qui entoure la mort de la jeune fille.

Contrairement à la dernière fois, dès les premières pages, aussi belles que terribles, qui décrivent une jeune fille figée dans la mort après un accident de voiture, j’étais conquise.
En lisant le résumé (très moyen d’ailleurs), on s’attend à lire une histoire de fantômes. C’est bel et bien le cas d’un certain point de vue, mais les fantômes sont loin d’avoir l’aspect que l’on imagine. Roman sur la mort, le deuil, le corps, mais aussi critique de la société américaine, thriller aux accents fantastiques et campus novel, ce livre est en plus doté d’une construction efficace. Différents personnages qui ne se connaissent pas toujours initialement prennent tour à tour la parole et apportent leur part dans la résolution de l'histoire. L'une des principales protagonistes de l'histoire est Mira, un professeur d'anthropologie spécialisé dans l'étude de la mort. A travers elle, nous découvrons au fil de pages passionnantes les rituels qui entourent la disparition des êtres humains, faits à la fois de chagrin et de répulsion. Nicole est-elle vraiment revenue sur le campus ou bien ses apparitions sont-elles des manifestations du deuil ?
Outre cela, les personnages doivent se débattre au milieu des pièges qui leur sont tendus pour protéger les secrets qui entourent Honors Grove College. L'image de cette université repose sur beaucoup d'hypocrisie et de menaces, et nos personnages semblent bien isolés et impuissants. Ce sont tous des êtres un peu ratés. Mira est empêtrée dans un mariage sans amour et sa carrière professionnelle ne tient qu'à un fil. Shelly est une homosexuelle manipulable. Quant à Craig et Perry, ils ne sortent aucunement du lot et ne sont rien d'autre que des pions dans une partie dont on ne leur a pas expliqué les règles. Pourtant, dès le début il semble évident que certaines choses ne sont pas claires dans la mort de Nicole. Pourquoi la version officielle est-elle si différente de ce dont Shelly a été témoin ?
Avec tout cela, rien d'étonnant à ce que les pages défilent à toute allure.

Quelques légers bémols quand même qui m’empêchent de parler de révélation. Tout d’abord, le système de rebondissement final qu’adopte Laura Kasischke dans tous ses livres ne passe pas avec moi. J'ai très vite trouvé le pot aux roses, et les éléments qui me manquaient m'ont été fournis bien avant la fin du livre. Alors que j'étais au bord du coup de coeur, ce procédé donne un aspect artificiel au livre qui m'a fait terminer ma lecture avec un sentiment d'inachevé.
J’ai également du mal à me prononcer sur le style de l’auteur, et cela pour une raison simple  : j’ai perçu la traduction à plusieurs reprises. Ainsi, Nicole évoque à un moment le temps qu’il lui faut pour faire "un cent" de roses, ou encore Karess demande à Perry si "le chat [lui] a mangé [la] langue" (dont l’équivalent français est plutôt "tu as perdu ta langue ? " ). Heureusement, le livre n’est pas truffé d’exemples de la sorte, et l’on se plonge dedans sans la moindre difficulté une fois embarqué.

Un grand roman qui dévoile le poison qui coule dans les veines de la société américaine où jouer l’emporte souvent sur le fait de penser aux conséquences.

Plein d'autres avis chez Solenn, Theoma, Brize et Miss Leo.

The Raising.
Le Livre de Poche. 663 pages.
Traduit par Eric Chédaille.
2011.

3 avril 2013

Le roman du mariage - Jeffrey Eugenides

C_Le-roman-du-mariage_9524"Il n'y a pas de bonheur en amour, sauf à la fin d'un roman anglais." 

Contre toute attente, voilà l'un des meilleurs romans victoriens que j'ai lus ces derniers temps. En effet, le but de Jeffrey Eugenides avec son dernier roman est d'écrire un roman à la sauce XIXe bien que l'on soit au XXIe siècle. C'est une véritable réussite.

Madeleine, la vingtaine, est étudiante à l'université de Brown au début des années 1980. Ses idoles sont les auteurs anglos-saxons du XIXe siècle, de Jane Austen à Henry James, en passant par Elizabeth Gaskell ou encore George Eliot. Lorsqu'elle s'inscrit à un cours de sémiologie, elle découvre Jacques Derrida et surtout Roland Barthes, au point de ne plus voir la vie qu'à travers Fragments d'un discours amoureux. Ce livre hante même sa relation avec Leonard, le jeune homme brillant qu'elle a rencontré dans son fameux cours, qui est aussi doué en biologie qu'il est maniaco-dépressif. Une autre silhouette apparaît dans le sillon de Madeleine, celle de Mitchell, étudiant en théologie et amoureux fou de notre héroïne.  

Nous suivons ces trois personnages se débattant chacun dans leur domaine pour trouver la réponse aux questions qu'ils se posent sur une année environ, bien davantage si l'on prend en compte les souvenirs d'enfance, les changements de points de vue et les bouleversements qui s'opèrent en Madeleine, le personnage central du récit. La construction du livre est un véritable atout. Elle rend le récit dynamique, passionnant, elle fait cogiter le lecteur et sert à mettre en perspective bon nombre d'aspects qui seraient apparus anodins ou opaques si l'histoire avait été contée de façon linéaire.
Le fond n'est pas en reste. Les questions centrales du livre sont le mariage et le roman, ainsi que la manière dont les deux s'articulent. Si le mariage a été l'un des sujets favoris des romanciers à une époque où c'était un pilier des sociétés occidentales, la banalisation du divorce et la libération des femmes ont changé les choses. Dès lors, Jeffrey Eugenides cherche avec son livre à écrire une histoire sur le mariage qui prend en compte ces nouvelles données. Mais les liens entre mariage et roman ne sont-ils pas définitivement morts ?
Madeleine est une véritable héroïne de roman comme on en trouve chez les auteurs anglo-saxons du XIXe et du début du XXe siècle. Elle vient d'une bonne famille, où l'on se marie davantage par convenance que par amour. Comme beaucoup de ses consoeurs de roman, Madeleine profite de la première occasion qui se présente pour laisser exploser son tempérament rêveur et idéaliste. Cela l'amène à commettre les même erreurs qu'elles en choisissant le mauvais garçon. Léonard est difficile à cerner, mais il n'a rien du gendre idéal, ce qui est toujours un gros avantage lorsque l'on souhaite séduire une jeune fille riche qui souhaite ne pas marcher dans les pas de sa mère et de sa soeur.  Ce n'est pas un mauvais bougre, mais sa maladie le rend égoïste, parfois méchant, et ses sentiments pour Madeleine relèvent davantage du caprice que d'un attachement sincère. Mitchell est un jeune homme qui se cherche en étudiant la théologie et en se rendant jusqu'en Inde. Amoureux de Madeleine depuis le début, c'est le héros parfait d'un roman anglais, celui qui devrait avoir la fille au bout du compte.

A la fois campus novel, roman d'apprentissage ou encore pastiche littéraire, ce livre est une sorte de pièce montée dont on ne comprend le sens que dans les dernières phrases, superbes, que je me retiens de vous révéler tant elle m'ont émue.

C'est un gros coup de coeur.

D'autres avis enthousiastes et passionnants chez Cathulu et chez Papillon.

L'Olivier. 552 pages.
Traduit par Olivier Deparis.
2011 pour l'édition originale.

10 octobre 2012

Les New-Yorkaises - Edith Wharton

9782290311462_1_75Ca faisait bien longtemps que je n'avais pas plongé dans l'univers d'Edith Wharton. Mais, comme j'ai du mal à me plonger dans des romans depuis quelques semaines, il a fallu retourner vers les valeurs sûres. Bon, pour être honnête, j'ai ressenti une petite déception à la lecture de ce livre, mais je n'ai pas perdu mon temps non plus.

Nous sommes à New York durant la première moitié du XXe siècle. Le mariage n'est plus l'institution irrévocable qu'il était, et Pauline Manford en a profité il y a vingt ans pour divorcer de son premier mari et en trouver un autre. Depuis, elle est injoignable même pour sa fille Nona, son ancien époux, Spécimen A, et son mari, Dexter, qui doivent presque prendre rendez-vous pour qu'elle les reçoive. 
Cependant, les difficultés conjugales de Jim Wyant, le fils que Pauline a eu de son premier mari, forcent les Manford à se poser des questions et à partir se mettre au vert pendant quelques semaines.

Ce qui m'a gênée dans ce roman est le goût d'inachevé qu'il m'a laissé. Sa fin est grostesque et obscure, ce qui est d'autant plus regrettable que Wharton tire beaucoup de ficelles et croque la société qu'elle décrit avec la même habileté que d'habitude.
Cette fois, on a trois personnages féminins qui occupent le devant de la scène. Pauline Manford est une femme très occupée à accomplir de grandes choses qui se contredisent les unes les autres. Elle est fascinée par les médecines alternatives et court après tous les charlatans qu'elle peut croiser. A la fois moderne et vieux jeu, bigote et rentre dedans, son portrait est merveilleusement croqué par l'auteur.
Sa fille Nona semble partagée entre admiration et incompréhension à son égard. La jeune fille perçoit avant sa mère les menaces qui pèsent sur la tranquillité de la famille. Au milieu de ces individus qui font n'importe quoi, elle finira désabusée avant même d'avoir eu le temps de vivre quoi que ce soit.
Enfin, Lita, la belle-fille, est une écervelée qui s'ennuie très vite, qui se moque du mal qu'elle peut faire, mais qui a le mérite de ne pas se laisser enfermer dans la case où les membres de sa belle-famille souhaiteraient qu'elle reste.
La société américaine est en pleine évolution au moment où se déroule l'intrigue de ce roman, ce qui rend les classes dominantes nerveuses à l'idée de perdre leur pouvoir de décider qui gouverne. En effet, la modernité, c'est aussi l'arrivée du cinéma hollywoodien et de ces stars qui font fortune, quand peu de temps auparavant, elles exerçaient un métier jugé choquant et vulgaire. Que Lita, la superficielle épouse de Jim puisse rêver de devenir actrice fait s'évanouir d'horreur sa belle-famille. Cette dernière voit en elle une ingrate à qui l'on a offert un statut et une bonne famille mais qui n'en tient aucun compte.
Comme toujours chez Wharton, les thématiques abordées servent à évoquer le mariage et ses travers. L'union de Pauline et Dexter n'a rien d'un mariage heureux. Pauline a délaissé depuis longtemps son époux, même si elle continue à rêver sa vie, ce qui lui causera quelques sévères désillusions. Lita a épousé Jim par caprice, et lui a donné un enfant, mais elle ne voit pas ce qui pourrait la retenir dans un mariage qui la lasse. Enfin, Nona aime un homme lié à une épouse qui lui refuse le divorce. Dans tous les cas, fuir à toutes jambes semble être l'unique solution. Ou alors, pour ceux pour qui ce n'est pas trop tard, foncer dans un couvent apparaît comme une perspective heureuse...

Ce n'est certes pas un livre réjouissant, mais j'ai trouvé Wharton très piquante dans ce livre. La manière qu'elle a de présenter ses personnages est souvent comique, et la morale de l'histoire aussi impertinente que pleine d'humour.

Voilà donc un bon Wharton, mais qui n'atteint pas le niveau des meilleurs livres de l'auteur à cause d'un final un peu bâclé à mon goût.

Céline et Mango l'ont beaucoup apprécié.

Traduit par Jean Pavans.
J'ai lu. 318 pages.
1927 pour l'édition originale.

3 juillet 2012

Lointain souvenir de la peau - Russell Banks

I_Grande_47737_lointain_souvenir_de_la_peauLe Kid, jeune homme de vingt et un ans, vit sous le Viaduc où se réfugient les délinquants sexuels du comté de Calusa. Après avoir purgé une peine de prison, il doit porter un bracelet électronique et ne pas vivre à moins de huit cents mètres d'une école pendant dix ans. Alors, il s'est construit un semblant de vie, avec une tente et un vélo, un boulot d'aide-serveur dans un restaurant, et son seul ami, Iggy, qui a la particularité d'être un iguane.
Un jour, un homme se présentant comme le Professeur et travaillant au département de sociologie d'une université vient parler au Kid. Il lui dit souhaiter faire une enquête sur les délinquants sexuels sans-abri.

J'avais beaucoup aimé De beaux lendemains, j'ai de nouveau été séduite par Russell Banks. Dans ce roman, l'auteur fait encore le procès de la société américaine, mais cette fois à l'heure d'internet. Il évoque l'hypocrisie qui existe entre l'hypersexualisation des jeunes filles (assumée et encouragée par la publicité, la mode, etc)  et l'horreur de la pédophilie, à travers le personnage du Kid, encore un gamin lui-même. Cabossé, seul, physiquement petit et maigre, incapable de faire la distinction entre fantasme et réalité, entre affection et égocentrisme, il est tombé sans aucune surprise dans le premier piège qu'on lui a tendu. Evidemment, il n'est pas question de complètement le disculper, et encore moins d'innocenter d'autres personnages tels le Verreux, mais de recentrer le débat. Ce livre rappelle en effet qu'il y a des questions sur lesquelles la société est loin d'être claire. La haine des gens à l'égard de ce qu'ils ont contribué à créer, et leur façon de se défouler sur les autres de leur propre culpabilité, sont violemment mises en scène ici. Le lecteur boit la tasse avec le Kid, qui se retrouve jeté hors du seul endroit qu'il connaît par la police ou par les éléments, et séparé des quelques êtres auxquels il s'est lié. 

C'est un livre dur, sans espoir de progression réelle. Malgré tout, je l'ai trouvé bien plus fluide et moins oppressant que De beaux lendemains qui m'avait vraiment mise mal à l'aise. J'ai en effet trouvé quelques échappatoires avec les compagnons du Kid : Iggy, Annie, Einstein, respectivement iguane, chienne et péroquet. Il y a aussi Dolorès Driscoll (la conductrice du bus dans De beaux lendemains)  et son compagnon qui viennent un peu rompre la solitude du Kid, et qui laissent penser que l'humanité n'est pas complètement fichue. 

Je n'ai pas l'habitude de lire des livres aussi rapidement après leur sortie, mais je suis contente d'avoir fait une exception pour ce très bon roman.

"Il n'y avait évidemment aucun consensus sur l'endroit où les délinquants sexuels devaient être envoyés. C'étaient les parias absolus, les intouchables américains, une caste d'hommes classés bien au-dessous des simples alcooliques, des toxicomanes ou des malades mentaux sans-abri. Des hommes inaccessibles à la rédemption, aux soins ou aux traitements, méprisables mais impossibles à éloigner, et donc des hommes dont la majorité des gens souhaitaient simplement qu'ils cessent d'exister."

D'autres avis chez Yueyin et Sylire.

Actes Sud. 443 pages.
Traduit par Pierre Furlan.
2011 pour l'édition originale.

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