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lilly et ses livres

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24 avril 2021

La Conjuration des imbéciles - John Kennedy Toole

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"Maman, je ne te comprends vraiment pas du tout. Tu es une maîtresse de maison, n’est-il pas quelque tâche à l’accomplissement de laquelle tu te sentes tenue de voler ? J’ai cru remarquer ce matin que les moutons du corridor atteignaient des proportions monstrueuses. Nettoie la maison. Téléphone à l’horloge parlante. Fais quelque chose. "

Ignatius J. Reilly, individu d'une trentaine d'années physiquement et intellectuellement hors normes, attend sa mère devant un magasin lorsqu'un policier tente de l'interpeler. Il proteste violemment, avec le soutien de la foule qui ne comprend pas qu'on embête un gentil garçon qui attend sa maman. Un petit vieux surrenchérit et traite le policier de "communisse", une insulte qui n'est pas à prendre à la légère dans l'Amérique des années soixante.
Le policier arrête alors le petit vieux, et Ignatius et sa mère trouvent refuge dans un bar, Les Folles nuits, dont la patronne les exclue rapidement, ne les trouvant pas dignes de boire ses alcools fortement dilués dans de l'eau.
Soûls, ils remontent en voiture et emboutissent un bâtiment dont le propriétaire ne tarde pas à réclamer une forte somme en dédommagement. Ignatius n'a alors pas d'autre choix que de quitter ses draps jaunis et de se mettre en quête d'un travail.

Il m'a fallu du temps pour réellement apprécier cette lecture. J'ai même eu un gros coup de mou qui m'a fait me demander si je n'allais pas abandonner. Mais la magie a fini par opérer et je peux dire que La Conjuration des imbéciles se place parmi les meilleures lectures que j'ai faites depuis le début de l'année.

C'est un livre grotesque, qui dénonce à peu près tout, se moque de toutes les catégories de personnes, et qui est en même temps le livre qui m'a le moins semblé caricatural parmi tous ceux que j'ai lus ces derniers temps. Je ne pense pas qu'une personne dotée d'un peu d'autodérision puisse se sentir heurtée par ce livre.
John Kennedy Toole fait le procès de l'Amérique et de ses excès, des militants professionnels, des intellectuels autoproclamés, de la morale hypocrite. Il dénonce un système raciste, qui exploite les êtres humains, les patrons déconnectés, les faux idéalistes. Cette histoire est tellement transposable que j'ai éclaté de rire en lisant un paragraphe accusant les universités d'être remplies de communistes, sans doute les ancêtres des "islamo-gauchistes" chers à notre gouvernement...

Les personnages sont insuportables, involontairement drôles, souvent pathétiques. Il est difficile de s'identifier à eux, mais leurs péripéties ont fini par me passionner et je n'oublierai pas de sitôt Ignatius, sa casquette, son anneau pylorique et son obsession pour Boèce, ni les autres personnages de cette démonstration de misère humaine.

La Nouvelle-Orléans apparaît sous nos yeux, exubérante, cosmopolite, faite de divers matériaux et témoignant de diverses époques. Les lieux de tourisme côtoient les quartiers délabrés. Pour certains, c'est un lieu de refuge, pour d'autres la ville est un endroit dont on ne peut s'échapper.

Tout cela est fait avec un ton absurde, qui m'a fait penser à un mariage entre Eugène Ionesco et Philip Roth. Pour le coup, ça passe ou ça casse. J'ai lu des avis très circonspects et des témoignages de grands lecteurs épuisés de ne pas voir où l'auteur veut en venir qui ont fini par lâcher l'affaire. Pour ma part, je vous recommande sans aucune réserve de vous lancer dans cette lecture.

10/18. 533 pages.
Traduit par Jean-Pierre Carasso.
1980 pour l'édition originale.

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20 avril 2021

Normal People - Sally Rooney

rooneyMarianne et Connell sont originaires d'une petite ville du nord-ouest de l'Irlande. Bien que Marianne soit issue d'une famille très aisée, elle n'a aucun ami dans le lycée qu'ils fréquentent. Ce n'est pas le cas de Connell, le fils de la femme de ménage, après lequel toutes les filles courent. Durant leur année de terminale, les deux adolescents entament une relation amoureuse, que Connell exige de tenir secrète.
L'année suivante, Marianne et Connell se retrouvent à Trinity College. A Dublin, c'est Marianne dont on recherche la compagnie et qui séduit les hommes, tandis que Connell vit dans un appartement exigu et doit travailler pour financer ses études.

Je mentirais en disant que j'ai détesté ce livre. Je l'ai lu en deux jours et j'étais pressée de le retrouver entre chaque pause. Pourtant, objectivement, le succès de ce livre, en particulier dans le secteur adulte, est assez incompréhensible.
Sur la forme tout d'abord, on ne peut que remarquer l'absence totale de style de l'auteur. Les phrases sont courtes et banales. Les personnages sont des caricatures jusque dans leurs vêtements. Ils boivent comme des trous, fument comme des pompiers, et vomissent quand ils se sentent coupables (que celui qui a déjà vu quelqu'un faire ça ailleurs qu'à la télé lève la main).

Sur le fond ensuite, on ne peut que déplorer la superficialité de l'histoire. Tout va très vite puisqu'on balaie en trois cents pages très aérées une relation de plusieurs années.
Sally Rooney nous rapporte presque uniquement des dialogues entre Marianne et Connell, et c'est là que le bât blesse. Si l'on finit par avoir une idée de la relation entre ces deux jeunes gens (assez intéressante au demeurant), tous les autres sujets abordés comme la maltraitance, l'amour de la littérature, la difficulté de s'élever socialement, sont à peine développés.
Je trouve de plus en plus que les auteurs masculins ne savent pas créer des personnages féminins convaincants, originaux, qui sortent des fantasmes habituels. Ce livre est la preuve que les autrices ne sont pas toujours plus douées. J'attends avec impatience que l'on me présente un jeune homme qui, comme Connell, tire d'Emma de Jane Austen une leçon de vie...

"Un soir, la bibliothèque a fermé au moment précis de sa lecture d’Emma où l’on croit que Mr Knightley va épouser Harriet, et après avoir refermé le livre il est rentré chez lui dans un étrange état d’agitation émotionnelle. Il rit de lui-même, de se laisser prendre aux rebondissements de ce genre de romans. Ce n’est pas très sérieux, intellectuellement, de s’inquiéter pour des personnages de fiction qui décident de se marier. Mais il n’y peut rien : la littérature l’émeut."

A part à la toute fin du roman (et encore, c'est d'une banalité affligeante et utilisé pour clôturer le livre), nous n'avons aucune démonstration du talent de Connell pour l'écriture.

A aucun moment, les discussions entre les personnages ne mettent en valeur les questions soulevées par l'auteur. Marianne boude lorsque Connell dépasse les bornes. Elle ne le confronte jamais, bien qu'il se soit permis de dissimuler leur relation par peur d'entacher sa réputation. A l'inverse, lorsque Marianne décroche une bourse dont elle n'a pas besoin, Connell ne lui dit à aucun moment que son attitude est la définition même de l'égoïsme. C'est au lecteur de remplir les manques.

La deuxième moitié du livre est un peu plus intéressante, puisque Connell questionne sa relation avec Marianne, sa dépendance vis-à-vis de lui et son envie de se sentir normal. Pour sa part, Marianne découvre l'envers de ses amitiés et prend davantage sa vie en main, surtout avec son ultime décision (même si je ne suis pas convaincue que c'est ce que l'auteur voulait montrer). Malgré tout, il n'y a pas de réelle rupture avec le début du roman.

Ce livre n'est donc pas la meilleure pioche si vous aimez les campus novels. Dans le même genre, chez le même éditeur et en nettement plus réussi, je vous conseille Le Roman du mariage de Jeffrey Eugenides. Pour ma part, n'étant pas à une contradiction près, je vais rapidement visionner la série qui l'adapte et dont j'ai entendu le plus grand bien.

Editions de l'Olivier. 320 pages.
Traduit par Stéphane Roques.
2018 pour l'édition originale.

17 avril 2021

Le Tumulte des flots - Yukio Mishima

Mishima"Dans l’après-midi la lumière du soleil qui s’abaissait fut coupée par le mont Higashi et les environs du phare furent dans l’ombre. Un faucon tournoyait dans le ciel clair au-dessus de la mer. Du haut du ciel il repliait une aile, puis l’autre comme pour les essayer, et au moment où l’on croyait le voir tomber, il se retirait brusquement vers l’arrière et planait, les ailes immobiles."

Shinji vit sur la petite île d'Utajima avec sa mère et son petit frère. Ils sont pauvres, comme la plupart des habitants de l'île. Chef de famille depuis la mort de son père pendant la guerre, Shinji est un pêcheur sérieux et un grand nageur. Sa mère, à l'image des autres femmes, plonge pour cueillir des algues.
La tranquilité d'Utajima est troublée un soir par l'apparition d'une inconnue. C'est Hatsue, la fille de l'homme le plus aisé de l'île, qui fait son retour.

Lorsqu'on se penche sur la littérature japonaise, on croise inévitablement le nom de Yukio Mishima. Auteur mondialement apprécié, il est aussi connu pour ses idées nationalistes et sa fin tragique par seppuku, après un coup d'Etat raté.
Le Tumulte des flots est un livre prometteur, mais je suis contente de lire qu'il n'est pas le plus représentatif de l'oeuvre de Mishima car sa fin s'est révélée un peu décevante.

C'est un livre très beau, poétique, sur l'éveil amoureux et la puissance de la nature. Il fait la part belle à la simplicité, opposant l'excitation et l'oppulence de la ville au dénuement d'Utajima, où les habitants ignorent le vol, s'organisent pour entretenir les biens communs et respectent la supériorité des éléments. Chacun, mère, jeune gens, homme, a son rôle à tenir et le fait sans rechigner.

"Contrairement aux milieux bourrés de tant d’excitations dans lesquels vit la jeunesse des villes, à Utajima on ne trouvait pas un établissement avec billard mécanique, pas une seule buvette, une seule serveuse. Le seul rêve bien simple du garçon était seulement de posséder un jour un bateau à moteur et de faire du cabotage avec son jeune frère."

La rencontre entre Shinji et Hatsue est dans la lignée de cette vision des choses. Leurs sentiments, l'attirance physique qu'ils éprouvent sont simples et purs.
Malheureusement pour eux, des considérations financières et la jalousie vont venir menacer leur bonheur. Utajima est un paradis, mais un paradis humain. J'ai particulièrement aimé le personnage de Chiyoko, la fille du gardien du phare. Convaincue de sa laideur, principale responsable presque malgré elle des malheurs de Shniji, il s'agit du personnage le plus touchant du roman.

Cette fille qui, par raison, n’avait jamais eu une aventure à Tôkyô, espérait chaque fois qu’elle retournait dans l’île que quelque chose de merveilleux lui arriverait, quelque chose qui changerait complètement le monde où elle vivait.

Même si ce livre nous conte une histoire plutôt sérieuse, l'auteur parsème son récit de petites touches d'humour bienvenues. Il va même jusqu'à conclure son roman d'une façon qui m'a semblé un peu trop en décalage avec le reste. Peut-être que mes attentes étaient trop précises également. Je rêvais de bruit et de fureur, j'ai bien croisé un typhon (de loin la scène la plus remarquable du roman), mais de façon trop furtive.

Une lecture qui n'a pas été complètement convaincante, mais Yukio Mishima vaut assurément le détour.

Folio. 256 pages.
Traduit par Gaston Renondeau.
1954 pour l'édition originale.

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13 avril 2021

Vivre ! - Yu Hua

yu huaUn colporteur rencontre au cours de l'un de ses voyages un vieil homme, Fugui, dont l'histoire le marque profondément. Son attitude inconséquente dans sa jeunesse lui a valu de perdre tous ses biens et de plonger sa famille dans la misère.
Lors de l'affrontement entre les forces nationalistes et celles de Mao, il est enrôlé contre son gré, mais s'en sort avec la vie sauve.
Cependant, la terreur communiste et la révolution culturelle passeront aussi par là.

Yu Hua est un auteur chinois qui m'était complètement inconnu jusqu'à ces derniers mois où j'ai vu fleurir les avis concernant Brothers, qui raconte l'histoire de deux hommes traversant l'histoire de la Chine durant la deuxième moitié du XXe siècle et dont la taille (mille pages) m'a conduite à me tourner vers Vivre !, bien plus court.
J'ai d'abord un peu regretté d'avoir joué la carte de la prudence. Arrivée au tiers du livre, je lui trouvais un goût de trop peu, un enchaînement d'événements trop rapide. Je trouvais que Fugui s'en sortait plutôt bien. Laissez-moi vous dire que j'étais dans la position idéale pour que la claque que constitue la suite de l'histoire me laisse dévastée.

Comme son nom l'indique, Vivre ! est une histoire de résilience. Les coups du sort successifs n'empêchent pas les personnages de trouver la force de continuer. Plus de quoi faire cuire le riz livré aux forces nationalistes assiégées ? Il suffit de profiter des bagarres pour voler le caoutchouc des chaussures d'autres soldats !!! Toutes les épreuves ne seront malheureusement pas aussi faciles à contourner, mais il y a dans ce livre un véritable optimisme. La nature est belle, les êtres humains même dépouillés ne peuvent rester insensibles face à la souffrance d'autrui. Le bonheur, bien que souvent fugace et inattendu, permet aux personnages de ne pas mener une existence vaine.
Même seul, Fugui continue, à l'aide de ses buffles imaginaires, à conserver ses proches auprès de lui.

La brièveté du livre ne permet pas d'avoir une vision complète de ce qu'a réellement été le régime maoïste, mais la dimension historique du livre est passionnante. Après la guerre civile, nous assistons à la nationalisation et au partage des terres entre les habitants. Les anciens propriétaires et les personnes occupant des postes à responsabilité sont harcelés, battus, exécutés. Pour les autres, les bonnes nouvelles ne durent pas. Les mauvaises décisions en matière agricole entraînent la famine et la mort de millions de personnes. Sans aucune protection sociale, les individus sont mal soignés et travaillent souvent jusqu'à en mourir.

J'ai refermé ce livre extrêmement émue et avec la ferme intention de ne pas en rester là avec Yu Hua. Une (presque) première expérience  avec la littérature chinoise très convaincante.

Babel. 248 pages.
Traduit par Yang Ping.
1994 pour l'édition originale.

10 avril 2021

La Papeterie Tsubaki - Ito Ogawa

ito ogawaAprès la mort de l'Aînée, Hatoko est revenue à Kamakura pour tenir la papeterie familiale. Ses clients lui achètent généralement des articles de bureau, mais requièrent aussi ses services d'écrivain public pour des demandes particulières et souvent délicates.

Cela fait quelques années que je vois passer les livres d'Ito Ogawa sur les blogs et les réseaux sociaux. J'ai profité de la perspective du Mois du Japon pour la découvrir.

La Papeterie Tsubaki est un livre sur un métier tombé en désuétude, celui d'écrivain public.
De nos jours, la plupart des Occidentaux savent écrire. Nous n'utilisons d'ailleurs plus tellement nos stylos puisque la correspondance est de plus en plus électronique.
Pourtant, qui n'aime pas recevoir du courrier ? Certaines circonstances méritent particulièrement que l'on prenne le temps de montrer que nous n'avons pas fait les choses à la va-vite. Dans une société aussi policée que le Japon, c'est encore plus vrai.
A travers les rencontres que son héroïne fait dans sa papeterie, Ito Ogawa révèle l'art d'écrire. Qui, mieux qu'un écrivain public connaît l'importance du choix des mots, de l'encre, du timbre, ou même du papier ?

En tant que novice, aussi bien en ce qui concerne la littérature japonaise que dans la connaissance de l'histoire de l'écriture, j'ai sans doute davantage adhéré à ce livre qu'un lecteur averti le ferait. Cela dit, je dois reconnaître qu'il ne m'en reste déjà plus grand chose.
Les personnages sont sympathiques mais sans originalité et l'auteur creuse trop peu son histoire pour qu'elle soit réellement émouvante.

Un livre à découvrir pour passer un doux moment, mais qui ne marquera pas mon parcours de lectrice.

Moka est nettement plus convaincue que moi. Lewerentz partage mon avis.

Le Livre qui parle. 6h50.
Lu par Peggy Martineau.
2016.

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7 avril 2021

L'Amour au temps du choléra - Gabriel García Márquez

garciaA la fin du XIXe siècle, au bord de la Mer des Caraïbes, deux adolescents, Florentino Ariza et Fermina Daza, tombent amoureux. Cette relation juvénile ne survivra pas à la confrontation du réel.
Plus d'un demi-siècle plus tard, alors qu'elle est devenue veuve du très respectable Docteur Juvenal Urbino, Fermina Daza reçoit la visite de son ancien fiancé qui lui renouvelle son amour.

C'est avec beaucoup de soulagement que j'ai terminé ce roman qui me laisse un peu perplexe. Il est rare qu'un livre me fasse autant passer d'un extrême à l'autre, à tel point que je suis incapable de dire si je l'ai adoré ou détesté (oui, on en est là ! ).

Il a des qualités indéniables. Déjà, il est très bien écrit, avec des variations brutales de registres qui nous font passer de la douceur à la puanteur et de la bienveillance à la hargne. Derrière les plus sages et les plus policés des êtres humains se cachent des moments de spontanéité, d'abandon et de colère.
Si vous espérez sentir le vent des Caraïbes souffler sur votre nuque, respirer le parfum des fleurs exotiques et être ému par les sérénades amoureuses des Sud-Américains, sachez qu'il vous faudra également affronter les nuées de moustiques, les cadavres flottants, la puanteur des rues et les parties de sexe brutales.

"Les maisons coloniales bien équipées avaient des latrines avec des fosses septiques mais les deux tiers de la population déféquaient dans des baraquements au bord des marécages. Les excréments séchaient au soleil, se transformaient en une poussière que tout le monde respirait avec une délectation réjouie dans les fraîches et bienheureuses brises de décembre."

Nous sommes dans un pays se livrant à une guerre civile absurde et meurtrière, en proie à la corruption et aux actions néfastes pour l'environnement. Bien que présent surtout en toile de fond, ce cadre donne une ambiance unique à ce roman et le fait presque passer pour un conte pour adultes.

L'Amour au temps du choléra est un roman surprenant, bien loin de la bluette à laquelle on pourrait penser en lisant son résumé. S'il est question d'amour et de choléra, ce n'est pas seulement parce que la maladie sévit sur les terres colombiennes, mais aussi parce que ses symptômes ressemblent souvent à ceux de l'amour.
Qu'est-ce que l'amour, d'ailleurs ? La relation entre Fermina Daza et Florentino Ariza est un fil conducteur, mais peut-on parler d'amour pour qualifier un simple échange de lettres sans contact physique ? Peut-on aimer simplement parce qu'on le veut ? Un mariage fait de quotidien, d'incompréhensions et fondé sur le devoir n'est-il pas, parfois, ce que l'on pourrait considérer comme une véritable histoire d'amour ? Encore plus intéressant, l'amour physique après soixante-dix ans est-il répugnant ? A partir de quand notre vie s'arrête, au point qu'il ne nous reste plus qu'à attendre le tombeau ?
En inscrivant son roman dans la durée, Gabriel García Márquez nous offre toutes les nuances de l'amour à l'aide de son triangle amoureux.

Mais, si ce livre parvient à prendre le lecteur à contrepied par certains aspects, je l'ai aussi trouvé caricatural dans la construction de ses personnages et dans leurs relations (si l'on excepte celles du trio principal, ce qui est, je vous l'accorde, un sacré morceau). Cela se résume souvent à qui couche avec qui, les femmes sont toutes des chattes en chaleur n'attendant qu'un mâle viril pour les faire grimper aux rideaux, les viols sont excitants et il est normal pour un séducteur de plus de soixante-dix ans de s'envoyer une jeune fille d'à peine quatorze ans...

"Elle n’était plus la petite fille à peine débarquée dont il ôtait les vêtements un par un avec des cajoleries de bébé : d’abord les chaussures pour le nounours, puis la chemise pour le chien-chien, puis la petite culotte à fleurs pour le lapinou, et un baiser pour la jolie petite chatte à son papa."

Je vous passe aussi les "aréoles juvéniles", le "pubis de japonaise", et les "putes" à toutes les sauces... D'après l'article de Lire Magazine Littéraire du mois de mars consacré à la littérature sud-américaine, que j'ai par hasard lu pendant ma découverte de ce roman, les personnages féminins ne sont pas ce qu'il y a de plus remarquable chez les auteurs du "boom latino-américain". Il semble qu'il y a de quoi en discuter, en effet...

Pour ne pas complètement sombrer dans la mauvaise foi, j'ai salué les efforts de García Márquez pour évoquer la cage dorée des femmes comme Fermina Daza.

"C’était un mari parfait : il ne ramassait rien, n’éteignait jamais la lumière, ne fermait jamais une porte. Le matin, dans l’obscurité, lorsqu’un bouton manquait à ses vêtements, elle l’entendait dire : « Un homme aurait besoin de deux femmes : une pour l’aimer, l’autre pour lui coudre ses boutons. » "

J'ai aussi savouré l'éclat de voix de cette même Fermina Daza à l'encontre de sa fille à la fin du roman. D'ailleurs, elle est très réussie cette fin. Du genre à vous provoquer un sifflement d'admiration et à (presque) vous faire oublier les moments d'ennui et d'agacement...

Les avis dithyrambiques de Karine et Praline.

Le Livre de Poche. 442 pages.
Traduit par Annie Morvan.
1985 pour l'édition originale.

2 avril 2021

Instantanés d'Ambre - Yôko Ogawa

ogawaSuite à la mort de la plus jeune de ses quatre enfants, une femme décide de se retirer du monde avec ceux qu'il lui reste. Rebaptisés Opale, Ambre et Agate, les trois petits êtres grandissent entre les murs d'une vieille demeure entourée d'un jardin aux hauts murs et dans la peur du "chien maléfique" qui a enlevé leur benjamine.

Parmi mes résolutions de l'année, il y avait mon envie d'élargir mes horizons littéraires. J'ai vogué un petit mois en Amérique Latine et fait quelques escales en Europe de l'Est (même si la Russie n'est plus depuis quelques années une destination complètement inconnue). Il est temps de se tourner vers l'Asie.

De Yôko Ogawa, j'ai lu il y a des années La Petite pièce hexagonale qui m'avait laissée perplexe. Cette autrice semble flirter avec le surnaturel et le fantastique pour dévoiler les failles de la nature humaine, ce qui n'était pas ce à quoi je m'attendais alors. Cette nouvelle approche a été bien plus satisfaisante.

L'autrice utilise la capacité qu'ont les enfants à se créer un monde pour nous faire naviguer entre un imaginaire merveilleux et une réalité cauchemardesque. Instantanées d'Ambre est donc un livre dérangeant qui berce le lecteur avec un style poétique tout en lui contant une histoire de maltraitance.
Agate, Opale et Ambre peuvent avoir un bonhomme dans l'oreille ou une petite soeur disparue dans l'oeil. Ils intègrent aussi à leur imaginaire des vêtements trop petits et des maladies mal soignées.
Je disais récemment combien j'adhérais aux propos d'Alberto Manguel sur les usuels. J'ignorais que le hasard me ferait découvrir une histoire où les encyclopédies exercent tout leur pouvoir. Elles inspirent d'inombrables jeux à la fratrie, les abreuve de savoirs variés, et permet à Ambre, encouragé par la folie de sa mère, de ressusciter sa benjamine avec les fameux instantanés du titre.
Bien que non perçue de façon consciente, cette enfance terrible continue de hanter Ambre alors qu'il est dans une maison de retraite des décennies plus tard.

Encore plus qu'Ambre, le personnage de la mère m'a fascinée. Elle est à la fois une mère que l'on ne peut que comprendre, abandonnée par celui qui lui a fait quatre enfants et brisée par la perte de sa benjamine. Et en même temps, c'est une mère terrifiante, qui enferme ses enfants dans une maison de plus en plus délabrée, leur retire leur nom, leur voix? et les enferme dans l'enfance. Une personne tellement neutre qu'elle s'intègre sans difficulté aux pages d'une encyclopédie et en même temps dotée d'un narcissisme perverti.

Il m'a fallu un peu de temps pour m'imprégner de l'ambiance de ce livre, mais je pense qu'il me restera longtemps en mémoire.

L'avis de Lili.

Babel. 301 pages.
Traduit par Rose-Marie Makino-Fayolle.
2015 pour l'édition originale.

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30 mars 2021

La Plongée - Lydia Tchoukovskaïa

La Plongée"- Vous n'avez pas encore lu La Plongée ?
- Non, cela parle de quoi, du travail des plongeurs ?
- Ne le lisez pas, c'est d'un ennui mortel.
- Pas du tout, il faut absolument le lire. Il y a quelque chose dans ce livre. Si vous voulez, je vous l'apporterai. Il n'y est pas du tout question de plongeurs."

URSS, 1949. Nina Sergueïevna, traductrice, se rend dans une maison de santé pour écrivains. Là, elle savoure la beauté de la fin de l'hiver, qui modifie chaque jour la forêt dans laquelle elle se promène. Elle oublie son quotidien moscovite et mène son travail de traductrice.
Elle ne peut cependant empêcher le spectre de l'année 1937, lors de laquelle son mari a été arrêté et envoyé dans un camp pour dix ans "sans droit de correspondance", de la rattraper. Il est dans ses cauchemars et dans les rencontres qu'elle fait avec les autres pensionnaires de la pension. Ces écrivains et journalistes sont tous des témoins, des victimes ou des collaborateurs du pouvoir soviétique.
Durant ce mois de retraite, parviendra-t-elle à effectuer la plongée nécessaire à l'écriture d'un texte libérateur ?

Grâce à Marilyne, je termine le Mois de l'Europe de l'est en beauté avec cette pépite largement autobiographique.
Lydia Tchoukovskaïa, l'autrice, est une femme remarquable. Malgré l'arrestation et l'exécution de son mari, elle poursuivit ses relations avec les milieux littéraires russes et prit la défense de certains auteurs attaqués par le régime soviétique.

Ce livre est un magnifique hommage au poète et à la littérature. Pas celle que l'on trouve dans la presse officielle, vidée de son sens et intéressée. La vraie, celle dont les mots doivent toucher tous les êtres humains, indépendamment de leur instruction ou de leur classe sociale. Le poète montre ce qui échappe au commun des mortel. Il dit ce qui est indicible.

"Et pourquoi nous figurons-nous  que nous sommes toujours capable de comprendre un poète dans tout ce qu'il écrit ? Le poète est en avance sur nous. Il est suscité par cette forêt, cette langue, ce peuple, et envoyé loin dans l'avenir, si loin qu'il disparaît aux yeux de ceux qui l'ont envoyé. Et notre mission, à nous qui savons lire, est d'essayer, dans la mesure de nos forces, de le comprendre, et, après l'avoir compris, d'apporter ce bonheur à Ania et à Lisa... Mais nous nous dérobons à notre devoir et nous trahissons... le poète et Ania aussi... qui, si elle l'avait compris, aurait pu se surpasser..."

Et en même temps, quelle place pour la littérature dans l'URSS ? Comment écrire sous la terreur soviétique ? Aucun auteur ne peut exercer son travail sans avoir dans un coin de sa tête la menace d'une mauvaise interprétation, d'une dénonciation. Pendant le séjour de Nina, le quotidien des pensionnaires est bercé par la radio officielle, qui accuse les "cosmopolites", c'est à dire les Juifs, d'être des traîtres à la nation.
Dans ces conditions, la fonction expiatoire de la littérature est impossible. La terreur appauvrit et dénature les oeuvres. Elle impose le silence. La tentation de trahir ses idéaux, ses disparus et l'avenir est alors grande.
La narratrice ne peut pourtant pas occulter le souvenir de l'arrestation de son mari, ni l'attente interminable pour obtenir des informations sur ce qui lui est repproché, ni les incessants efforts de son esprit pour imaginer ce qui lui est arrivé.
Tous ne font pas ses choix, mais rien n'est jamais complètement binaire.

Une superbe découverte.

L'avis de Patrice.

Le Bruit du Temps. 209 pages.
Traduit par André Bloch, revu par Sophie Benech.
1974 pour l'édition originale.

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26 mars 2021

Dieu, le temps, les hommes et les anges - Olga Tokarczuk

tokarczukLes gens croient vivre plus intensément que les animaux, les plantes et – à plus forte raison – les choses. Les animaux pressentent que leur vie est plus intense que celle des plantes et des choses. Les plantes rêvent qu’elles vivent plus intensément que les choses. Les choses, cependant, durent ; et cette durée relève plus de la vie que quoi que ce soit d’autre.

Antan est un village à la fois hors du temps et bien ancré dans la campagne polonaise, pris en étau entre l'immense Russie et l'Etat germanique.
Ses habitants sont à la fois des créatures merveilleuses et des êtres humains jusqu'à la moelle. Nous les suivons sur trois générations.

Sur les ossements des morts m'avait conquise l'an dernier, mais je comprends avec Dieu, le temps, les hommes et les anges pourquoi Olga Tokarczuk a sa place parmi les plus grands.
Je connais peu d'auteurs capables de jouer sur différents tableaux avec autant de réussite, et qui écrivent des livres aussi beaux tout en étant abordables par le plus grand nombre.

C'est un roman poétique, cruel, réaliste, qui nous propose une galerie de personnages inoubliables. Fidèle à son amour de la nature et des animaux, ces derniers occupent une place de premier ordre dans cette oeuvre de Tokarczuk.

Que sommes-nous ? Peu de choses, face aux éléments, comme le curé qui éprouve une haine absurde et vaine contre la rivière Noire ou comme Florentine qui craint la lune. Encore moins, face au Temps, le motif principal de ce livre, celui qui se glisse derrière chaque phrase, chaque élément, du petit moulin à café jusqu'au lilas poussant près de la maison des Divin. De nouveau-né, nous devenons enfant, puis adulte. Nous prenons le rôle de parent et de grand-parent. Chaque étape est une petite mort. Jusqu'à la vraie.

— Regarde, lui dit-elle, cette herbe saigne.
Il se pencha et aperçut des gouttes de sang qui perlaient à l’extrémité des tiges coupées. Cela lui parut monstrueux, il commença à avoir peur, voulut battre en retraite, tourna les talons, et découvrit Misia qui gisait dans l’herbe, les yeux clos, vêtue de son uniforme d’écolière. Il comprit qu’elle était morte du typhus. 
— Elle est vivante, dit la Glaneuse. Mais c’est toujours comme ça, il faut d’abord mourir.

Les humains ne sont pas les seuls à évoluer, les lieux également sont soumis aux caprices des saisons et des époques. L'histoire est cyclique mais se déplace, Antan est donc condamnée, comme ses habitants.

Quelle réalité est la bonne ? Celle de Florentine et ses deux lunes ? Celle de Ruth, qui croit Antan entourée d'un mur invisible et infranchissable ? Celle qui permet l'extermination de tous les Juifs du bourg voisin ?
Le châtelain Popielski, en cherchant la réponse à cette question (à moins qu'il ne s'y perde volontairement), perdra la raison. Isidor, le marginal, n'ira jamais plus loin que des listes de quatre éléments (mais lui aussi veut oublier).

celui qui a vu l’enceinte du monde souffre plus que quiconque de sa condition de prisonnier.

Enfin, vient la grande question : Dieu existe-t-il ? Le temps a-t-il un but ? La réponse semble évidente. Elle éclate dans les guerres, dans les viols que font subir les soldats aux jeunes filles, dans la négligence dont font preuve certains enfants envers leurs parents. Dieu n'est qu'un outil pour l'homme, qui le modifie pour l'accorder au temps présent (encore lui). On peut choisir de l'ignorer.

Un livre intemporel, qui emprunte au conte pour nous parler de condition humaine. Bouleversant.

Les avis de Claudialucia, Ingannmic, Marilyne, Agnès, Kathel et Athalie.

Robert Laffont. 394 pages.
Traduit par Christophe Glogowski.
1996 pour l'édition originale.

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22 mars 2021

Femmes, Race et classe - Angela Davis

davisSaviez-vous que le mot lynchage faisait référence au nom d'un planteur américain blanc ayant institutionalisé une justice expéditive et hors des procédures légales ? Cette habitude prise durant la Guerre d'indépendance américaine a ensuite permis la mise à mort de milliers de Noirs après la Guerre de Sécession, dans une impunité presque totale...

Dans mon entreprise de découverte des grands noms du féminisme, celui d'Angela Davis, également militante antiraciste et communiste, s'est vite imposé. Femmes, race et classe est un essai passionnant et fluide, qui offre une perspective historique à la lutte pour les droits des femmes aux Etats-Unis, et étudie ses liens complexes avec le racisme et le capitalisme depuis le XIXe siècle jusqu'à la fin des années 1970.

Si les femmes en général ont presque toujours été effacées de l'écriture de l'Histoire, c'est d'autant plus vrai en ce qui concerne les femmes noires. Pourtant, au temps de l'esclavage, elles ont été utilisées au même titre que les hommes pour les travaux de force. N'ayant pas le moindre droit, elles ne pouvaient pas même allaiter leurs enfants durant leur journée de travail, ce qui leur provoquait des mastites répétition. Elles subissaient le fouet, même enceintes. Enfin, en plus des châtiments administrés aux hommes, elles étaient très souvent violées.

Pour justifier une oppression, il est commun de créer de mythes autour de la catégorie d'individus que l'on domine. Les Noirs n'ont pas échappé à cette règle. Le viol des femmes noires par les Blancs, arme de domination, est en plus tourné de façon si perverse qu'il se retourne contre ses victimes. Les femmes noires étaient donc vues comme des êtres particulièrement lubriques. Encore pire, cela (additionné à l'idée que les Noires dominaient leur foyer) a entretenu l'idée que l'homme noir était dépossédé de sa virilité naturelle, et qu'il compensait ce désavantage en étant plus enclin à violer, en particulier les Blanches...

Au XIXe siècle, cependant, de plus en plus de voix s'élèvent contre l'esclavage. La lutte pour l'abolition de l'esclavage est alors grandement aidée par les femmes blanches aisées. Angela Davis pense que l'ennui et la proximité entre la cause des Noirs et celle pour les droits des femmes a poussé les premières féministes à militer contre l'esclavage et la ségrégation, comme elle dénonçaient la situation de dépendance et d'infériorité que le mariage leur procurait.
Cependant, cette union cède rapidement le pas à une hostilité entre féministes et antiségrégationnistes. Antiesclavagiste ne signifie pas antiraciste. Refusant l'urgence des autres causes, les féministes bourgeoises n'hésitent pas à s'allier à des politiciens en leur servant un discours reprenant le mythe de l'homme noir violent et stupide. Elles vilipendent les militantes (souvent ouvrières) qui considèrent la lutte contre le capitalisme plus urgente que celle pour le droit de vote. Elles refusent souvent l'intervention des femmes noires dans les débats.

Ne suis-je pas une femme ?

Sojourner Truth

 

Pourtant, ces dernières sont parfois les meilleures porte-parole de leurs revendications. Ainsi, Sojourner Truth, qui utilise son passé de femme esclave, jamais aidée, exploitée, dont les treize enfants ont été arrachés à leur mère, pour répondre aux hommes qui refusent le droit de vote aux femmes alors que celles-ci "ne savent pas enjamber une flaque d'eau". Elle rétorque à ceux qui utilisent la religion pour refuser de droits aux femmes que le Christ venait de Dieu et d'une femme, aucunement d'un homme. Et à ceux qui évoquent Eve, elle rétorque :

"Si la première femme créée par Dieu était assez forte pour renverser le monde seule, les femmes devraient être capables de le remettre à l'endroit ! Et maintenant qu'elles le demandent, les hommes feraient mieux de les laisser faire. "

Il y a aussi Ida B. Wells qui luttera inlassablement contre les lynchages.

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Après l'abolition de l'esclavage, rien n'est encore gagné pour les Noirs. La majorité reste cantonnée à des emplois mal rémunérés. Leur instruction, interdite presque partout avant la Guerre de Sécession, reste limitée. Les lynchages sont une menace permanente.
Le racisme va également diviser les militantes pour les droits des femmes dans certains combats comme celui pour le droit à l'avortement. Les femmes racisées, étant victimes de stérilisations forcées, souhaitent davantage un travail sur le contrôle des naissances, qui leur permettrait d'accueillir leurs enfants ou d'avorter dans de bonnes conditions. Pour leur part, les femmes blanches souhaitent limiter leur nombre d'enfants, et sont accusés de provoquer un "suicide de la race". Surtout si elles sont riches.
Y a-t-il une meilleure arme que la division lorsqu'on souhaite faire échouer les revendications d'un groupe ?

Un livre qui permet de comprendre que certaines alliances et luttes ne sont pas si évidentes qu'elles le semblent, et qui éclaire jusqu'à l'actualité américaine contemporaine.

Des femmes. 295 pages.
Traduit par Dominique Taffin et le collectif des femmes.
1981 pour l'édition originale.

 

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