Normal People - Sally Rooney
Marianne et Connell sont originaires d'une petite ville du nord-ouest de l'Irlande. Bien que Marianne soit issue d'une famille très aisée, elle n'a aucun ami dans le lycée qu'ils fréquentent. Ce n'est pas le cas de Connell, le fils de la femme de ménage, après lequel toutes les filles courent. Durant leur année de terminale, les deux adolescents entament une relation amoureuse, que Connell exige de tenir secrète.
L'année suivante, Marianne et Connell se retrouvent à Trinity College. A Dublin, c'est Marianne dont on recherche la compagnie et qui séduit les hommes, tandis que Connell vit dans un appartement exigu et doit travailler pour financer ses études.
Je mentirais en disant que j'ai détesté ce livre. Je l'ai lu en deux jours et j'étais pressée de le retrouver entre chaque pause. Pourtant, objectivement, le succès de ce livre, en particulier dans le secteur adulte, est assez incompréhensible.
Sur la forme tout d'abord, on ne peut que remarquer l'absence totale de style de l'auteur. Les phrases sont courtes et banales. Les personnages sont des caricatures jusque dans leurs vêtements. Ils boivent comme des trous, fument comme des pompiers, et vomissent quand ils se sentent coupables (que celui qui a déjà vu quelqu'un faire ça ailleurs qu'à la télé lève la main).
Sur le fond ensuite, on ne peut que déplorer la superficialité de l'histoire. Tout va très vite puisqu'on balaie en trois cents pages très aérées une relation de plusieurs années.
Sally Rooney nous rapporte presque uniquement des dialogues entre Marianne et Connell, et c'est là que le bât blesse. Si l'on finit par avoir une idée de la relation entre ces deux jeunes gens (assez intéressante au demeurant), tous les autres sujets abordés comme la maltraitance, l'amour de la littérature, la difficulté de s'élever socialement, sont à peine développés.
Je trouve de plus en plus que les auteurs masculins ne savent pas créer des personnages féminins convaincants, originaux, qui sortent des fantasmes habituels. Ce livre est la preuve que les autrices ne sont pas toujours plus douées. J'attends avec impatience que l'on me présente un jeune homme qui, comme Connell, tire d'Emma de Jane Austen une leçon de vie...
"Un soir, la bibliothèque a fermé au moment précis de sa lecture d’Emma où l’on croit que Mr Knightley va épouser Harriet, et après avoir refermé le livre il est rentré chez lui dans un étrange état d’agitation émotionnelle. Il rit de lui-même, de se laisser prendre aux rebondissements de ce genre de romans. Ce n’est pas très sérieux, intellectuellement, de s’inquiéter pour des personnages de fiction qui décident de se marier. Mais il n’y peut rien : la littérature l’émeut."
A part à la toute fin du roman (et encore, c'est d'une banalité affligeante et utilisé pour clôturer le livre), nous n'avons aucune démonstration du talent de Connell pour l'écriture.
A aucun moment, les discussions entre les personnages ne mettent en valeur les questions soulevées par l'auteur. Marianne boude lorsque Connell dépasse les bornes. Elle ne le confronte jamais, bien qu'il se soit permis de dissimuler leur relation par peur d'entacher sa réputation. A l'inverse, lorsque Marianne décroche une bourse dont elle n'a pas besoin, Connell ne lui dit à aucun moment que son attitude est la définition même de l'égoïsme. C'est au lecteur de remplir les manques.
La deuxième moitié du livre est un peu plus intéressante, puisque Connell questionne sa relation avec Marianne, sa dépendance vis-à-vis de lui et son envie de se sentir normal. Pour sa part, Marianne découvre l'envers de ses amitiés et prend davantage sa vie en main, surtout avec son ultime décision (même si je ne suis pas convaincue que c'est ce que l'auteur voulait montrer). Malgré tout, il n'y a pas de réelle rupture avec le début du roman.
Ce livre n'est donc pas la meilleure pioche si vous aimez les campus novels. Dans le même genre, chez le même éditeur et en nettement plus réussi, je vous conseille Le Roman du mariage de Jeffrey Eugenides. Pour ma part, n'étant pas à une contradiction près, je vais rapidement visionner la série qui l'adapte et dont j'ai entendu le plus grand bien.
Editions de l'Olivier. 320 pages.
Traduit par Stéphane Roques.
2018 pour l'édition originale.