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lilly et ses livres
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angleterre
5 avril 2010

Plus jamais d'invités ! ; Vita Sackville-West

9782253126287_G_1_Le Livre de Poche ; 213 pages.
Traduit par Micha Venaille. 1953
.

Séance de rattrapage pour ce livre, lu il y a déjà plusieurs mois, mais qui vaut le détour. De Vita Sackville-West j'avais déjà dévoré Toute passion abolie, un texte plein de charme. Le Livre de Poche a eu la très bonne idée de nous offrir un nouveau roman d'elle il y a quelques mois, que je me suis empressée de découvrir.

Rose Mortibois, mariée depuis plus de vingt ans à Walter, un mari qui lui offre tout le confort matériel qu'elle peut souhaiter mais qui semble n'aimer que son chien, Svend, décide d'inviter sa soeur, le mari de cette dernière ainsi que leur fils qui revient des Indes, pour le week-end de Pâques. Gilbert, le frère de Walter, est présent également, ainsi que Juliet Quarles, une amie des Mortibois plutôt extravagante.
Les conversations entre ces individus qui se côtoient finalement peu d'ordinaire, ou alors de façon superficielle, vont faire voler en éclat la tranquillité de ce week-end à la campagne.

Ce qui m'a plu dans ce roman est sa légèreté feinte. Vita Sackville-West nous surprend en effet avec ses personnages, qui se révèlent peu à peu bien différents de ce que l'on imaginait au premier abord.
Dick et Lucy sont bien plus coincés que Rose et Walter en réalité. Rose est une femme honteuse de sa condition, et le contrat imposé par Walter la blesse bien plus qu'elle ne veut se l'avouer. Dick est plutôt en retrait. Quant à Lucy, qui donne l'impression d'être une femme ouverte en ménage et libre d'esprit, elle se retrouve finalement dans le rôle d'une bigote coincée, à côté de la plaque et ridicule. La scène où Rose lui parle d'un communiste et imagine qu'elle lui annonce qu'elle ne va pas à l'église pour Pâques est irrésistible. Seul Walter reste inatteignable, mais il est tout de même à l'image de tous ces gens "biens" qui peuplent le roman, à savoir une image qui se brise dès que l'on y regarde de plus près. Cette mise à jour des vrais visages des personnages du livre est favorisée par un point de vue changeant ainsi que par un usage recours appuyé aux dialogues.
C'est là qu'intervient Gilbert, le frère de Walter, image du savant un peu fou et décalé, qui n'en peut plus de voir sa belle-soeur malmenée.

"-Pauvre Rose, ce n'est pas une vie ! D'abord ce cocon qui ne se laisse pas approcher. Puis une chrysalide toute raide sur son lit, enfin un papillon qui s'envole jusqu'au Palais de Justice où vous ne pouvez plus le poursuivre avec vos bouillottes et votre arrow-root."

Les thèmes abordés par ce roman qui semble un peu léger sont pourtant très sérieux. La sexualité, la religion, les relations conjugales et filiales, le pourquoi de l'existence imprègnent les dialogues entre les personnages.

Il ne s'agit pas d'un roman extraordinaire, mais j'y ai trouvé une histoire attachante peuplée de personnages que j'aurais apprécié voir davantage dévoilés.

L'avis de Papillon.

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12 août 2009

Le Proscrit ; Sadie Jones

resize_6_Buchet Chastel ; 377 pages.
Traduit par Vincent Hugon.
The Outcast. 2008.

J'attends depuis des mois que Fashion s'impatiente de ne pas revoir son livre, et qu'elle m'envoie le Docteur pour le récupérer. En vain...*

Angleterre, 1957. Lewis vient de sortir de prison, et il décide de rentrer à Waterford, chez son père et sa belle-mère, là où tout le monde voudrait l'avoir oublié. Deux ans plus tôt, alors qu'il n'avait que dix-sept ans, Lewis a incendié l'église du village.
Nous suivons dès lors le fil de sa vie, depuis le retour de Gilbert, son père, du front de la Deuxième Guerre mondial, alors que Lewis n'a que sept ans. Trois ans plus tard, sa mère, une femme aimante, et originale selon la communauté de Waterford, se noie sous les yeux impuissants de Lewis. Gilbert se remarie quelques mois plus tard avec Alice, une jeune femme qui ne parviendra pas plus que son époux à établir un lien avec l'enfant, qui va peu à peu être mis à l'écart par les autres, jusqu'à ce qu'il commette un crime. "Lewis était pour elle pareil à un oiseau blessé. Et les oiseaux blessés finissaient toujours par mourir."  

Les Anglais ont vraiment un don pour savoir écrire des romans passionnants, oppressants, même lorsqu'au départ, le sujet n'était pas particulièrement original.
L'hypocrisie de la société, la peur de l'autre, le besoin de se trouver des boucs émissaires et d'en créer sont des éléments que l'on retrouve dans nombre de romans, mais c'est malgré tout une histoire particulièrement intense que nous livre Sadie Jones. Ce livre est douloureux et sa lecture n'est pas souvent agréable, car les personnages que l'on voit évoluer sont pour beaucoup au bord de l'étouffement. Il fait gris en permanence, et l'explosion finale semble de plus en plus inévitable. Rien n'est dit, aucune tentative de parler d'autre chose que du temps qu'il fait n'aboutit. Les personnages, qui s'expriment tour à tour, vont de malentendu en malentendu. C'est particulièrement visible entre Lewis, son père et sa belle-mère, mais chez les Carmichel, la situation est tout autant tendue. L'alcoolisme, la mort, les coups, la maladie, tout se fait en secret. Dire la vérité est donc le pire des crimes. "Frapper sa femme avait quelque chose d'irrationnel et leur avait toujours paru honteux à tous les deux, tandis que corriger sa fille, même avec une grande sévérité, appartenait au domaine des comportements admis. Peut-être Kit ne s'en porterait-elle que mieux. Claire ne voulait simplement pas voir ça."
Par conséquent, un personnage comme Lewis est tout simplement intolérable, d'autant plus que la petite Kit Carmichel est amoureuse de lui, et que sa famille lui a donné de nombreuses raisons de se rebeller. Le parcours de ce garçon, qui passe d'une enfance avec une mère aimante à un foyer froid se développe logiquement sous les regards dédaigneux des bourgeois de Waterford et impuissants du lecteur. Lewis est près à tourner la page et à rentrer dans le rang, mais il fait trop peur aux autres, qui ne tardent pas à le cataloguer, et finalement à le pousser à réagir exactement à l'opposé de ce qu'ils voulaient.

Un très beau roman qu'il est difficile de lâcher une fois commencé.

Les avis de Fashion (qui ajoute une vidéo du teaser, qui rappelle furieusement Expiation de Ian McEwan je trouve, mais qui donne bien le ton), de Cathulu, de Lily, de Cuné, de Clarabel, d'Amanda et de Tamara.

*merci quand même !

21 juillet 2009

Nos amis des confins ; Sylvie Doizelet

resize_3_Seuil ; 137 pages.
2009.

Ceci est mon 400ème billet, et il est lamentable...

Avant de recommencer à vous bassiner avec Virginia Woolf, je vais vous parler d'un petit livre que j'ai découvert il y a déjà quelques semaines.

Debbie Williams vient de quitter les Etats-Unis et son mari pour retourner en Angleterre, son pays d'origine. Bien que travaillant à Londres, elle décide de s'établir à Grays. L'agence immobilière et son gérant, l'étrange G.M., lui ouvrent donc les portes du cottage de Mary Seddon, une poétesse anglaise.
Très vite, Debbie se lie d'amitié avec un groupe d'amis, dont G.M. et Henrietta, cette dernière organisant les Ghost Walks, la visite des lieux hantés de la ville. Ils se retrouvent au Theobald, dont le régisseur est absent. Peu à peu, tous ceux que Debbie connaît se mettent à agir bizarrement, puis à disparaître.

Voilà une jolie lecture qui m'a fortement convaincue. Sylvie Doizelet parvient à créer une ambiance qui n'est pas angoissante certes (contrairement à un autre livre que je viens de terminer), mais qui intrigue le lecteur en lui faisant comprendre que des événements difficilement explicables se produisent autour de Debbie. Les personnages sont tous mystérieux. Même Debbie n'a pas tout dit, et notamment sur son retour en Angleterre. Certains des habitants semblent craindre quelque chose, et cela est amplifié par l'idée du cottage d'une poétesse dont la vie à Grays est elle aussi inconnue.
Le lecteur est entraîné dans un jeu, dont la fin m'a un peu déçue (pour des raisons personnelles), et qui permet en fait d'aborder les relations des vivants. L'étrangeté des personnages ne sert pas uniquement l'ambiance. La fuite les habite, et ils l'expriment de différentes manières. Il y en a qui sont partis de façon inexplicables, d'autres qui ne semblent pas pressés de revenir, et d'autres enfin qui vivent leur vie comme un véritable jeu de cache-cache.
Je n'ai pas grand chose à ajouter. Sylvie Doizelet, qui m'était inconnue jusqu'alors, a écrit un texte intéressant, très plaisant à lire, et je suis ravie de cette découverte.   

Les avis de Lou (que je remercie pour le prêt) et de Malice.

8 juillet 2009

Les Années ; Virginia Woolf

untitledFolio ; 572 pages.
Traduit par Germaine Delamain et Colette-Marie Huet. Préface de Christine Jordis.
V.O. : The Years. 1937.

Il est très difficile de parler des romans d'un auteur que l'on aime comme j'aime Virginia Woolf. Dans ces cas là, l'objectivité est encore plus éloignée, et il ne s'agit plus seulement de parler d'un texte, mais d'une relation (je suis très sentimentale, mais si vous saviez tout ce que je dois à Virginia Woolf...).

Je me suis plongée dans Les Années parce qu'après Céline, je savais qu'il serait difficile de ne pas trouver mes lectures fades. J'ai eu mille fois raison, ce livre est un immense roman.
Que s'y passe t-il ? Tout et rien en même temps. Nous suivons une famille anglaise, les Pargiter, depuis 1880 jusqu'aux années 1930, mais il ne s'agit aucunement d'une saga familiale.
Les personnages sont attachants, deviennent familiers. J'ai bien sûr complètement fondu devant Edward, cet homme assommant d'érudition, mais aussi d'une grande beauté et surtout au coeur irrémédiablement brisé, un être "dont l'intérieur a été dévoré, ne laissant que les ailes et la carapace". Les événements politiques et sociaux apparaissent en toile de fond, rythment le récit, et ce pied dans la réalité nous permet de voir l'évolution extérieure des choses et des hommes.
Toutefois, si je dit qu'il n'est pas non plus faux d'affirmer qu'il ne se passe rien, c'est parce que le lecteur à la recherche d'une intrigue suivie et palpitante de manière traditionnelle sera nécessairement frustré. Il y a beaucoup d'inachevé (volontaire) dans ce livre. Les personnages que l'on croise en 1880 ne réapparaissent pas forcément avant que la dernière partie ne se déroule, ou alors seulement en tant que fantôme. Je pense notamment à Delia, cette jeune femme incapable de pleurer une mère qu'elle ne pouvait plus aimer, que l'on revoit seulement un demi siècle plus tard. Les phrases sont souvent inachevées, les personnages ne s'écoutent que rarement parler les uns les autres, de nombreuses scènes sont énigmatiques, et les réponses n'arriveront pas toujours.
Il s'agit en fait pour Virginia Woolf d'équilibrer son roman, de laisser de la place à ce qui est finalement aussi important. La quatrième de couverture a à mon avis raison de dire que le grand meneur de ce texte, c'est le temps. Le temps qui interrompt, qui mène l'histoire et les lecteurs, qui ébranle tout sur son passage, comme le vent que l'on retrouve à de nombreuses reprises. Il fait vieillir les personnages à une vitesse incroyable. Les Pargiter ont à peine le temps de s'interroger sur le sens des choses qu'il ne leur reste déjà plus que des souvenirs, et les lambeaux de leur chair. "Voilà à quoi aboutissent trente ans de vie commune, entre mari et femme - tut-tut-tut et tchou-tchou-tchou. On aurait cru entendre des bestiaux ruminer plus ou moins distinctement dans leur étable - tut-tut-tut et tchou-tchou-tchou - en piétinant la paille douce et fumante de leur litière, de la même manière qu'ils se vautraient jadis dans les marais primitif ; nombreux, prolifiques, à peine conscients, se disait North, tandis qu'il écoutait d'une oreille distraite le jovial clapotement, qui soudain s'adressa à sa personne."
Le texte entier est empreint d'une grande mélancolie, de grands questionnements, portés par une écriture qui n'oublie aucune émotion, mais la fin est étrangement plutôt ouverte et paisible. La dernière partie contient également davantage de descriptions comiques que le reste du roman.

En fait, avec ce texte, pour reprendre des mots de Virginia Woolf picorés dans la préface, l'auteur parvient à combiner "le fait et la vision" à merveille. Il s'agit d'un aboutissement parfaitement réussi pour elle, qui jusque là avait privilégié soit l'un soit l'autre. Cette préface est également très intéressante pour les informations qu'elle contient sur la genèse du texte, et sur les ellipses contenues dans le roman.

"Une rafale soudain s'engouffra dans la rue ; elle chassa un morceau de papier le long du trottoir et un petit tourbillon de poussière sèche lui courut après. Au-dessus des toits s'étendait un de ces couchers de soleil de Londres, rouges et changeants, qui allument dans chaque fenêtre l'une après l'autre, des flambées d'or. Cette soirée de printemps avait quelque chose de sauvage ; même ici à Abercorn Terrace la lumière variait, passait de l'or au noir, du noir à l'or. Delia laissa tomber le rideau ; elle se retourna et vint au milieu du salon en disant tout à coup :
' Oh ! mon Dieu !' "

26 mai 2009

L'Etrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde ; Robert L. Stevenson

resize_5_Le Livre de Poche ; 93 pages.
Traduit par Jean-Pierre Naugrette.
VO : The Strange case of Dr Jekyll and Mr Hyde. 1886.

Après ma lecture de Jean-Pierre Ohl, j'ai naturellement plongé dans ma PAL à la recherche de livres de Stevenson. Je n'ai pas trouvé Le maître de Ballantrae (erreur que j'ai réparée depuis), mais un livre beaucoup plus connu, acheté il y a dix jours parce que je ne trouvais plus l'exemplaire de ma soeur, L'Etrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde. Que j'avais déjà lu. Je ne m'en souvenais pas, mais certains détails m'ont vite interpellée. En plus de cela, j'ai vu une des adaptations du livre quand j'étais au collège, mais je ne suis pas capable de me rappeler laquelle.

L'histoire est narrée par un notaire, Mr Utterson, qui apprend une étrange histoire de la bouche de son cousin, Mr Enfield. Une nuit, ce dernier est témoin d'un choc frontal entre une petite fille qui courait et un homme qui marchait d'un pas vif. Au lieu de s'arrêter, l'homme piétine la fillette, et tente de continuer sa route avant d'être arrêté par les passants. Il doit alors dédommager les parents de l'enfant, et pour cela il pénètre dans la maison du Dr Jekyll, un vieil homme tout à fait respectable. Mr Utterson se trouve être le notaire et l'ami du docteur, et lorsqu'il entend le nom de l'agresseur, Mr Hyde, il se souvient qu'il s'agit de l'homme auquel Jekyll offre la totalité de ses biens dans son testament. Il s'inquiète dès lors beaucoup sur les liens qui unissent ce respectable docteur et ce jeune homme brutal.    

J'ai apprécié ma lecture de cette nouvelle, mais ce n'est pas du tout pour les raisons que j'imaginais. Parcestevenson que je suis une lectrice du XXIe siècle, et que toute cette histoire est entrée dans les moeurs, les révélations qu'elle contient n'en sont plus. Le texte est très court, et laisse donc peu de place pour faire gonfler l'intrigue, ou pour développer d'autres aspects plus sociaux. Mais avec énormément de subtilité, Stevenson y parvient. Durant la majeure partie du récit, les personnages m'ont de plus semblé très lointains. Sans doute assez bien croqués pour en faire des êtres universels, mais pas assez personnalisés pour émouvoir. 
Et puis, le personnage du Dr Jekyll, la figure même de l'homme respectable, mais qui s'ennuie, captive et éclaire tout le récit. A partir du moment où il prend les rênes du récit, il se transforme en un être dont on ne peut que pardonner les méfaits. "Il m'arrivait d'avoir envie de m'amuser, et comme mes plaisirs étaient (pour le moins) peu distingués, comme j'étais non seulement très connu et très estimé, mais déjà d'un âge respectable, l'incohérence de mon existence me pesait chaque jour davantage. C'est par ce biais que je fus séduit par ce nouveau pouvoir avant d'en devenir l'esclave." Dans une société où la réputation est à la fois tout et très fragile, la frustration peut avoir des conséquences terribles. La dernière phrase est sobre en apparence, mais elle clôt un récit bouleversant.
Le fait de créer un personnage principal qui n'est pas celui qui vit le drame qu'il raconte me semblait étrange, mais il permet de berner le lecteur, et de le mettre entre les mains d'un personnage qui n'est pas aussi neutre qu'on le pensait. Mr Utterson est un honnête homme pour la société victorienne, mais je me demande maintenant comment il a réagi au récit de son ami. Et qui est vraiment à mépriser dans cette histoire. 

J'ai maintenant commencé Le Maître de Ballantrae pour poursuivre avec cet auteur. Je vous en reparle très vite !

Les avis d'Isil, Romanza et de Fée Bourbonnaise. Erzébeth en a écrit deux mots. Lou n'a pas aimé.

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22 mai 2009

Alice au Pays des Merveilles ; Lewis Carroll

0915_clip_image001_1_Folio ; 140 pages.
Traduit par Jacques Papy.
1865.

Voilà longtemps que je voulais découvrir Lewis Carroll. Bien entendu, je connais le dessin animé, qui m'effrayait quand j'étais petite. Je suis surprise, maintenant que je suis plus grande, de constater à quel point les oeuvres destinés aux enfants peuvent être cruelles et/ou sombres. Souvenez-vous de toutes ces chansons que vous connaissiez par coeur, et dont vous ne saisissez le sens qu'aujourd'hui...

Alice est allongée dans l'herbe aux côtés de sa soeur, quand elle voit passer près d'elle un lapin blanc qui semble pressé. Quand le lapin s'écrie " Ô mon dieu ! Ô mon dieu ! Je vais être en retard ! ", la petite fille n'y voit rien d'étrange. Mais quand il sort une montre de son gilet, Alice se lance à sa poursuite, "dévorée de curiosité". Elle pénètre ainsi dans un terrier, et finit par tomber, à au moins sept kilomètres de profondeur, avant de se retrouver dans un monde étrange, où toutes les idées farfelues du monde réel prennent vie.

Il n'a fallu que quelques lignes à Lewis Carroll pour me faire plonger dans son univers. La dédicace qui ouvre ce texte est juste vraie et belle :

Prends cette histoire, chère Alice !mw66619
Place-la, de ta douce main,
Là où les rêves de l'Enfance,
Reposent, lorsqu'ils ont pris fin,
Comme des guirlandes fanées
Cueillies en un pays lointain.

Avec ce texte, on navigue entre l'absurde, le rêve et la peur.
Les perceptions sont brouillées, Alice ne sait plus se repérer. Les éléments les plus étranges deviennent familiers. Il y a bien quelques indices, comme les transformations subites, les mots qui ont une signification différente, le temps qui s'écoule de façon étrange. Mais tout cet absurde poursuit malgré tout une logique, telle qu'il y en a dans tous les rêves-cauchemars. Et dans le monde des enfants.

J'ai vu dans ce livre, à travers tous ces personnages hauts en couleurs et tous ces jeux de mots, une critique forte du monde réel. Alice semble comme un vilain petit canard qui ne sait pas se tenir, et qui ne cesse de dire ce qu'il ne faut pas.
Le Pays des Merveilles apparaît alors comme un refuge, un lieu secret où l'on peut se rendre discrètement à tout moment, pour ceux qui veulent garder leur coeur d'enfant.

Avant de clore ce billet, un petit clin d'oeil à Erzébeth (y'a pas de raison) :

"Parlez rudement à votre bébé ;
Battez-le quand il éternue ;
Ce qu'il en fait, c'est pour vous embêter,
C'est pour cela qu'il s'évertue."

L'avis Alice.

* La photo représente Alice Liddell, la petite fille pour laquelle Lewis Carroll a écrit les aventures de la petite fille du même nom. Le cliché est également de l'auteur. J'aime les profils, on y trouve plus de sincérité je trouve.

20 mai 2009

Ivanhoe à la rescousse ! ; William Makepeace Thackeray

9782743619732_1_Rivages ; 112 pages.
Traduit par Thierry Beauchamps.
V.O. : Rebecca and Rowena. 1850.

Lettre T du Challenge ABC :

Vous vous souvenez tous d'Ivanhoe j'imagine, ce héros de Walter Scott imortalisé par Robert Taylor en 1952, dans un film que je vénérais quand j'étais petite. Personnellement, j'étais dans la camp des admiratrices de la belle Rowena (en même temps, Joan Fontaine n'est pas la femme la plus repoussante du monde, ce qui est un argument qui pèse lourd pour les petites filles à la recherche de modèles). J'étais donc bien contente qu'Ivanhoe la préfère à Rebecca (bien que brune moi même, je donnais toujours le mauvais rôle à ma seule barbie qui l'était, tellement je la trouvais moche).

W.M. Thackeray n'était pas de mon avis. Il avait lu le livre de Walter Scott, et les cheveux "filasses" de Rowena ne suffisaient pas à le séduire. "Si elles avaient été mises sur un pied d''égalité, il m'a toujours semblé que c'est Rebecca qui se serait mariée et non Rowena, qui alors aurait dû partir se cloîtrer dans un couvent où, dois-je le confesser, je ne me serais jamais soucié de prendre de ses nouvelles." De plus, en tant que lecteur, il est souvent frustré lorsque le mot "fin" apparaît. Il décide donc d'écrire ce qui s'est passé dans la vie d'Ivanhoe après le livre de Scott.

Ce texte est tout simplement délicieux. Thackeray se livre à un bouleversement des codesimages de la culture courtoise avec sa verve habituelle. On croit assister à une pièce de théâtre, dans laquelle les acteurs surjouent, et qui met bout à bout des scènes complètement en décalage les une avec les autres. Cet aspect artificiel (totalement volontaire, contrairement à d'autres, Thackeray maîtrise parfaitement les codes qu'il manipule) rend le récit très drôle. Ivanhoe, modèle de chevalier, tout comme Richard Coeur de Lion, sont totalement tournés en dérision avec ce récit. J'ai adoré les larmes que verse Ivanhoe quand il quitte Rowena, non parce qu'il est réellement triste à la base, mais parce qu'en tant que chevalier, il se doit d'être bouleversé par une telle situation. Et Richard, présenté en roi stupide et cruel (comme le montrerait mon illustration si elle s'affichait en plus grand format), est encore plus malmené. On est également loin d'obtenir un roman d'amour chevaleresque, ceux qui espèrent voir Rebecca prendre toute sa place seront déçus. Cette relation inachevée n'est qu'un prétexte au livre de Thackeray.
En marge, l'auteur en profite pour donner des coups de canif à la belle Chrétienté, en s'amusant avec son lecteur (je sais que certains sont agacés par la manie qu'a Thackeray à intervenir dans son récit, mais ce n'est pas mon cas, bien au contraire) et ses personnages.

Certes, ce livre est incomparable avec La Foire aux Vanités, mais il se lit d'une traite et nous fait passer un très agréable moment.

L'avis de Fashion.

16 mai 2009

L'étalon ; David Herbert Lawrence

resize_2_Phébus ; 195 pages.
Traduit par Marc Amfreville et Anne Wicke.
V.O. : St Mawr. 1925.

Voilà un livre que j'ai ouvert en traînant un peu des pieds, puisque L'amant de Lady Chatterley n'était pas vraiment parvenu à me convaincre il y a quelques années.

Lou est une jeune américaine qui séjourne en Europe avec sa mère, Mrs Witt, quand elle tombe amoureuse d'un futur baronnet, Sir Henry (Rico pour les intimes). Ils se marient, mais leurs rapports deviennent très vite simplement formels et presque hypocrites. Lou est une jeune femme pleine d'attentes. Aussi, quand elle rencontre St Mawr, un superbe étalon, elle s'imagine l'allure qu'aurait un homme un vrai sur un tel animal. Mais cet homme, elle ne l'a pas encore trouvé.

Contrairement à toutes mes attentes, j'ai trouvé ce livre véritablement excellent. Il m'a davantage demandé des efforts de concentration que mes précédentes lectures, et je lui ai trouvé quelques longueurs, mais je pense toutefois qu'il me marquera beaucoup plus.
L'étalon est un livre qui dégage énormément de sensualité. Grâce à St Mawr bien sûr, qui symbolise la virilité, la dignité, l'inaccessible, pour Lou qui a toujours obtenu tout ce qu'elle désirait. Mais aussi grâce à certains personnages, tels Phoenix et Lewis, ou des descriptions.
Dans le même temps, cette sensualité est parfaitement insolente. Les hommes, et particulièrement les Anglais, sont ridiculisés dans ce texte. Aucun ne peut soutenir la comparaison avec St Mawr, les Anglais sont décrits comme des êtres féminisés, et cette défaite semble être inconsciemment acceptée par Rico, le mari insipide de Lou, qui parle de se faire appeler Lord St Mawr au cas où il serait anobli. De plus, les seuls hommes qui ont une consistance réelle, même si elle doit se révéler illusoire, sont Lewis et Phoenix, deux domestiques. L'étalon est un texte mordant également par d'autres aspects. Les échanges entre Mrs Witt et Rico sont délicieux. Cette Américaine est un vrai bonheur, comme quand elle évoque le fait que sa maison soit bordée par un cimetière. " -Je n'aurais jamais pensé, Louise, avoir un jour un vieux cimetière anglais en guise de pelouse, de massifs de fleurs et de parc, ni des gens en deuil en guise de daims et de cerf familiers. C'est très curieux. Pour la première fois de ma vie, un enterrement veut dire quelque chose. Je pourrais presque écrire un livre sur la question."
Sous ces aspects plaisants se cache pourtant un récit finalement très sombre, et le lecteur suit ses héroïnes aller de désillusion en désillusion. Lou cherche l'amour, le vrai, celui qui lui donnera le sentiment d'être vivante. Elle n'en peut plus de tous ces faux-semblants qui régissent la société dans laquelle elle évolue. Mais l'Amérique, où elle pense trouver des êtres différents est décevante, et cette très jeune femme semble se résigner très tôt. Un livre audacieux à découvrir absolument !

Les avis de Clarabel et de Choupynette.   

13 mai 2009

Toute passion abolie ; Vita Sackville-West

34899188_p_1_Le Livre de Poche ; 224 pages.
Traduit par Micha Venaille.
V.O. : All Passion Spent. 1931.

Dans sa biographie de Virginia Woolf, Nigel Nicolson, qui était le fils de Vita Sackville-West, évoque la liaison que sa mère et l'auteur de Mrs Dalloway ont entretenue. Il semblerait d'ailleurs que la vie de Vita Sackville-West soit digne d'un roman. Epouse d'Harold Nicolson, lui-même bisexuel, elle mène une vie libre, et il me semble que les deux époux ont vécu à l'étranger du fait du statut de diplomate d'Harold.
Si je vous raconte tout ça, ce n'est pas parce que j'ai décidé de transformer mon blog en un répertoire d'informations sulfureuses, mais parce que ces éléments semblent avoir eu une incidence sur l'écriture de Toute passion abolie.

Lady Slane a quatre-vingt huit ans, et son mari vient de mourir. "C'est probablement parce qu'Henry Lyulph Holland, premier comte de Slane, vivait depuis si longtemps, qu'on avait finit par le croire immortel." Alors que ses enfants, qui sont tous plus irritants, hypocrites, et intéressés les uns que les autres, tentent de décider ce qu'ils vont faire de leur mère, Lady Slane prend une décision conséquente pour la première fois de sa vie. A la stupéfaction générale, elle s'installe à Hamstead, dans une petite maison pour laquelle elle avait eu un coup de foudre trente ans plus tôt, avec pour seule compagnie Genoux, sa servante français qui est à peine moins vieille qu'elle.
Elle décide de n'accepter que des individus ayant presque son âge et qu'elle apprécie pour lui rendre visite. Sa retraite lui permet ainsi de "pénétrer jusqu'au plus profond du coeur de la jeune fille qu'elle avait été", afin de sonder ses regrets, ses accomplissements, et de se créer enfin une existence qui ne soit pas celle que la société attend d'elle.

Je craignais un peu de me retrouver dans un récit ennuyeux sur la vieillesse, mais il ne se dégage de ce livre que fraîcheur, tranquillité, poésie et même exotisme. Evoquer la place d'une femme dans la société anglaise est certes un sujet qui peut sembler banal, mais Vita Sackville-West relève ce défi haut la main, et rend son récit bien plus complexe.
Il a suffit de quelques instants pour que la jeune Deborah Lee abandonne ses ambitions et, par son silence, autorise tous les membres de sa famille à décider comment elle doit mener sa vie. Ironie du sort, alors même qu'elle devient plus dépendante que jamais vis-à-vis des siens, une barrière insurmontable se dresse entre elle et eux. " Voilà l'instant où je suis descendue, balançant mon chapeau par son ruban, voilà celui où il m'a invitée à le suivre au jardin, s'est assis à mes côtés sur un banc près du lac, m'assurant qu'il n'était pas vrai qu'un cygne puisse briser la jambe d'un homme d'un seul coup d'aile [...] Brusquement, il cessa de parler du cygne, comme s'il l'avait seulement évoqué pour masquer sa gêne, et elle réalisa soudain que son ton était devenu différent, presque grave. Il se penchait vers elle, effleurant même un pli de sa robe, comme s'il était anxieux - tout en étant inconscient de son anxiété - d'avoir à établir un contact avec elle. Mais pour elle, ce lien avait été rompu à l'instant même où il avait commencé à parler si gravement, faisant du même coup s'envoler son désir d'avancer une main vers lui pour toucher les favoris bouclés de ses joues. "
Même ses enfants ne s'occupent que de lui dicter sa vie. Elle n'a plus d'époux pour le faire, ils croient pouvoir s'en charger. Les enfants Holland (qui ont tout de même la soixantaine bien avancée) sont dépeints comme de vrais vautours plein de mesquinerie, inconscients de leur ridicule, ce qui est pour le moins réjouissant. Deux d'entre eux seulement sont désintéressés, mais ils n'en sont pas moins surpris de voir leur mère penser par elle-même. Lady Slane sait s'amuser des tours qu'elle leur joue. Elle a beau s'être dévouée à ses enfants comme toute mère le doit, son affection pour eux semble, comme tout le reste, faire partie du rôle qui a été écrit pour elle.
Car au fond d'elle même, elle a toujours dissimulé une jeune personne qui rêvait de se travestir en homme pour fuir à l'étranger, explorer le monde sans avoir à porter les allures d'une vice-reine, et s'épanouir dans la peinture. Une jeune femme, qui a un jour dit à un jeune homme qu'il était romantique sur le ton de la moquerie, alors même qu'il lui offrait l'un des rares moments de vérité de sa vie. A quatre-vingt huit ans, Lady Slane peut enfin être elle même, et rejoindre ceux qui ont accepté de passer pour des excentriques. Ce livre adresse en effet une critique à la société dans son ensemble, à ces individus qui croient connaître les autres quand ils ne connaissent personne, et surtout pas eux-mêmes, et qui ont perdu leur détermination. Mais si le constat est sévère, il n'est pas ici question d'amertume, au contraire. Lady Slane refuse les médisances, elle préfère les laisser s'épanouir hors de chez elle. Elle n'a pas été malheureuse auprès de son époux, elle l'a aimé de toutes ses forces. Il lui manque simplement une occasion de croire qu'elle a pris une autre voie, pour imaginer à quoi sa vie aurait ressemblé.

Les avis du Bibliomane et de Lune de Pluie.

10 mai 2009

Avril enchanté ; Elizabeth Von Arnim

resize_3_10/18 ; 366 pages.
Traduit par François Dupuigrenet-Desroussilles.
V.O. : The Enchanted April. 1922.

Cette semaine, j'ai entrepris de relire A Room with a View, qui comme chacun devrait le savoir, est un merveilleux roman qui se déroule en partie en Italie. Cela (ainsi que les billets de certaines blogueuses) m'a rappelé que j'avais un autre livre plein de promesses évoquant l'Italie.

Mrs Wilkins et Mrs Arbuthnot, deux jeunes femmes qui fréquentent le même club mais qui ne se connaissent pas, décident sur une impulsion de louer un petit chateau en Italie durant le mois d'avril. Elles en ont assez de mener une vie vertueuse mais plate auprès de maris qui ne les regardent plus. Afin de réduire les frais de leur entreprise, elles invitent deux autres inconnues à se joindre à elles. Lady Caroline est une jeune femme de vingt-huit ans lasse de ses prétendants et de sa vie sans éclat intérieur, et Mrs Fisher une veuve qui vit de ses souvenirs.

Voilà un livre extrêmement plaisant à lire, et qui ne se contente pas de raconter une jolie histoire comme il aurait été si facile (et si dommage) de le faire. Le cadre est véritablement enchanteur, avec ce château donnant sur la mer, les montagnes, et toutes ces fleurs dont on sent le parfum rien qu'en lisant. Lotty Wilkins, la plus impulsive, est la première à percevoir la magie des lieux :

"Toute la splendeur d'un avril italien semblait rassemblée à ses pieds. La mer bougeait à peine sous le soleil éclatant. De l'autre côté de la baie, de charmantes montagnes aux couleurs délicates paraissaient somnoler elles aussi dans l'éblouissante lumière. Sous la fenêtre, au pied de la pente herbue, fleurie, d'où s'élevait la muraille du château, on voyait un grand cyprès qui tranchait parmi le bleu, le violet et le rose tendre des montagnes et de la mer comme une immense épée noire. Elle n'en croyait pas ses yeux. Tant de beauté pour elle seule !"

Ce cadre a des conséquences très importantes sur les occupantes du château, qui en viennent à croire qu'il possède le pouvoir de tout arranger.
Tout n'est pourtant pas gagné d'avance. Si Lotty et Rose Arbuthnot sont déjà proches en arrivant à San Salvatore et se contentent de mettre inconsciemment les pieds dans le plat autant qu'elles le peuvent, Lady Caroline et Mrs Fisher savent se montrer parfaitement égoïstes et odieuses. On ne lit pas ce livre comme un texte où tout nous fait souhaiter être à la place des héroïnes. Ces dernières sont très différentes et cela donne lieu à des scènes très désagréables pour le lecteur. Heureusement, Elizabeth Von Arnim possède une plume pleine d'humour, qui tourne en ridicule les petites prétentions de chacune. La plupart du temps, l'absence de communication entre les habitantes du château les amène à se comporter de façon totalement insolite (comme Mrs Arbuthnot qui répète toutes les questions de Mrs Fisher pour lui signifier sans le lui dire clairement qu'elle n'est pas la maîtresse de maison...). 
De plus, bien qu'elles vivent ensemble, à l'exception de Lotty, toutes sont dévorées par des angoisses qu'elles ne souhaitent pas confier. Mrs Fisher est venue pour se reposer et penser à ses morts, mais ses compagnes ne cessent de lui rappeler à quel point elle n'est pas à l'aise dans le monde tel qu'il est à présent, et elle est incapable de lire ou d'écrire. Lady Caroline est assaillie par des pensées qu'elle ne devrait pas avoir à son âge, et souffre de ne pouvoir échapper à son pouvoir de séduction. Quant à Rose, elle ne parvient pas à jouir pleinement de son séjour puisqu'elle n'a personne avec qui partager son bonheur, et surtout pas son mari dont elle s'est éloignée depuis des années.
La fin pourrait ressembler à un happy end, mais elle est surtout malicieuse (cette Lotty !) et pas tout à fait satisfaisante. San Salvatore n'empêche pas les malentendus de perdurer, et je n'ai pu m'empêcher de m'inquiéter un peu pour mes héroïnes en refermant cet excellent livre. Elizabeth Von Arnim se refuse à nous donner l'illusion d'un bonheur parfait quand tout est plus complexe, mais cela ne l'empêche pas de nous livrer une histoire tendre et exquise. 

Allie, Chiffonnette, Malice et Maribel ont toutes été conquises par ce livre. 

 

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