Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
lilly et ses livres
Newsletter
Derniers commentaires
22 avril 2012

Nous étions les Mulvaney - Joyce Carol Oates

1168537_gfJ'ai découvert Joyce Carol Oates l'été dernier par le biais de deux textes très courts qui m'ont beaucoup marquée. Dans ma bibliothèque se trouvait aussi un pavé racontant l'histoire d'une famille américaine vivant dans l'Etat de New York, les Mulvaney.

C'est Judd, le cadet de la famille, qui nous raconte rétrospectivement l'histoire de ses parents, Corinne et Michael, de ses deux frères, Michael Jr et Patrick, de sa soeur, Marianne, et de leurs innombrables bestioles. La famille est d'abord heureuse et prospère, à High Point Farm, une "maison de rêves", et la population de Mont Ephraïm respecte les Mulvaneys, au point de les admettre (même si c'est en grinçant des dents) dans des cercles très sélectifs. Tout change le 14 février 1976, lorsque Marianne est violée après le bal de la Saint-Valentin.

Dans ce roman, Joyce Carol Oates dresse un portrait très dur de l'humanité en général, et de la société américaine en particulier. Comme dans Viol, une histoire d'amour, elle fait enrager le lecteur, lorsque Marianne, la victime, est incapable de témoigner. "J'avais bu. C'est si difficile de se rappeler. Je ne peux pas le jurer. Je ne suis pas sûre. Je ne peux pas porter de faux témoignage." Comme chacun le sait, une fille violée est une fille qui regrette, qui l'a cherché... Le coupable peut compter sur l'argent de papa, l'hypocrisie de maman, le sexisme et le puritanisme ambiant pour ne pas être ennuyé. Dans ce contexte, il faut un coupable, et pour les parents Mulvaney, ce sera la victime elle-même qui servira de défouloir à leur impuissance à la protéger, aussi absurde et injuste que cela puisse être.

 "Je croyais que papa et maman n'étaient que des 'victimes'. Pourquoi leur reprocher de traiter Marianne comme de la merde, s'ils ne sont que... quoi, déjà ?... des grenouilles sucées par des araignées d'eau jusqu'à ce que mort s'ensuive ?
- Pour la même raison qui fait que papa en veut à Marianne. Tu sens juste viscéralement que tu n'as pas envie de voir une certaine personne."

Nous assistons alors à l'explosion de cette famille si unie qui connaissait tous les codes du bonheur jusque là. Les Mulvaney trouvent refuge dans la religion, la boisson, le travail, contribuant ainsi à la destruction de tout ce qu'ils avaient bâti. A partir du viol, on ne fait plus que feindre le bonheur. Marianne et Corinne, qui essaient de garder la tête hors de l'eau, se répètent sans cesse que tout va bien, que tout va rentrer dans l'ordre très bientôt, et elles prient tant qu'elles peuvent.

"Il y avait d'excellentes raisons qui poussaient des gens comme sa soeur - et sa mère, et la mère de sa mère - la majeure partie de l'humanité, en fait - à croire ce qu'ils croyaient contre la raison même : ils croyaient parce que, comme des enfants, ils avaient peur du noir. Prenaient à tort la lumière d'une Vérité inhumaine et implacable pour la simple obscurité."

Personne d'autre n'est dupe. Les portes claquent au nez des Mulvaney, le père est furieux contre la terre entière, les frères furieux contre leur père, et pendant ce temps les coupables continuent à vivre.
Ce qui fait aussi la réussite de cette saga familiale est l'originalité de sa construction, qui la différencie d'autres romans du même genre que j'ai pu lire. Joyce Carol Oates décortique en effet chacun des détails qui font que les Mulvaney sont une famille unie, heureuse, puis une famille qui vole en éclat. Elle parle des codes connus seulement des membres de la famille, elle s'attache à suivre chacun des Mulvaney, et montre comment il réagit au viol de Marianne. Et puis, il y a toujours ce style percutant, qui prend le lecteur à la gorge et ne le laisse pas souffler un seul instant.

J'ai lu ce livre en deux jours. J'avais besoin d'y retourner dès que je le posais, de façon un peu malsaine (ce n'est pas vraiment une lecture agréable). Un très bon moment de lecture.

Ce livre a été très lu sur la blogosphère. D'autres avis chez Papillon, Manu, Perrine, Céline, Stéphie, Dominique, Titine, Romanza et sûrement beaucoup d'autres.    

1996 pour la version originale.
Traduit par Claude Seban. 699 pages.

Publicité
Commentaires
L
Athalie : j'ai trouvé "Zarbie..." moins incisif que d'habitude moi aussi, mais j'ai bien aimé quand même.
Répondre
A
Bonsoir Lilly,<br /> <br /> En fait, j'en suis à la découverte de cette auteure ... j'ai lu depuis "Zarbie les yeux verts", assez décue, mais il s'est avérée que c'était un roman pour ado (je n'ai rien contre la littérature pour ado, au contraire, mais comme cela n'était pas mentionné sur l'édition en 10/18, du coup, je n'ai pas bien compris le recentrage de l'intrigue ...) Et je n'arrive pas à accrocher au " triomphe du singe araignée" que je recommence pour la troisième fois.Mais j'ai noté d'autres titres (notamment sur ce blog), et compte bien persister !<br /> <br /> A bientôt.
Répondre
L
Athalie : tu en as lu d'autres d'elle depuis ?
Répondre
A
Bonsoir,<br /> <br /> J'ai découvert cette auteur par ce roman, et grâce à la blogosphère .... C'est un roman de l'explosion, effectivement, d'une famille, de l'amour, de tout ce que l'on croyait sûr et serein au début, un conte de fées qui prend l'eau en plein vol, c'est sûr, c'est pas facile, mais un régal de lecture !
Répondre
C
C'est un très beau roman, très touchant. Il déborde d'humanité, mais quelle violence !
Répondre
Publicité