Beloved - Toni Morrison
Après la Guerre de Sécession, Sethe vit à Cincinnati avec sa belle-mère, Baby Suggs, et sa fille, Denver. Son mari a disparu. Quant à ses fils, ils se sont enfuis il y a des années, car la maison du 124 est hanté par le fantôme d'une petite fille de deux ans. Puis, Baby Suggs meurt. Un jour, Sethe trouve devant chez elle Paul D, un des anciens du Bon Abri.
Beloved n'est pas un livre qui laisse indifférent. La description de l'esclavage et les reflexions sur cette thématique m'ont évidemment bouleversée et passionnée. L'autrice montre sans retenue les horreurs de ce système qui traitait les Noirs comme des êtres sans le moindre droit, de leur naissance à leur mort souvent brutale. Aucune émotion ne leur est permise, et eux-mêmes apprennent très vite à ne pas s'attacher et à faire preuve d'une force et d'une capacité à l'oubli qui les sauve de la folie.
Toni Morrison s'interroge aussi sur la possibilité de quantifier la cruauté des maîtres. Bien que les anciens esclaves que nous suivons aient bénéficié durant quelques années d'un maître bien moins terrible que les autres (ce qui se traduit par une absence de viols, de sévices physiques ou de privations alimentaires...), ils ne sont pas tous d'accord sur les bénéfices qu'ils en ont tiré. Par ailleurs la précarité de cette situation a éclaté au grand jour à la mort du maître.
Le roman se déroule à une période charnière, alors que nos personnages sont libres en théorie. Cependant, la fin de l'esclavage ne met pas un terme à leur calvaire. La loi ne peut effacer d'une signature le racisme et la violence à l'égard des Noirs en place depuis des siècles. Et puis surtout, rien ne peut effacer les horreurs dont ont été victimes, ce que l'autrice construit avec brio dans une narration brouillée faisant alterner les narrateurs et les époques.
J'ai cependant beaucoup plus de réserves concernant la partie fantastique du livre, que je trouve trop grossièrement utilisée, en particulier dans la dernière partie. Cela m'empêche d'avoir un avis complètement enthousiaste concernant cette lecture. Par ailleurs, je m'en veux d'avoir lu ce livre en français tant il me paraît évident qu'un tel texte doit être différent en version originale.
Il me faudra donc relire l'autrice. Avez-vous des titres à me conseiller ?
Une lecture faite pour la session mensuelle de Les classiques, c'est fantastique sur la littérature afro-américaine.
10/18. 379 pages.
Traduit par Hortense Chabrier et Sylviane Rué.
1987 pour l'édition originale.