A Suspicious River - Laura Kasischke
Leila, vingt-quatre ans, travaille comme réceptionniste dans un motel du Michigan bordé par une rivière. Mariée à un homme obsédé par son alimentation et son corps, elle offre ses charmes sur son lieu de travail en échange de quelques dizaines de dollars.
Ce livre m'a été conseillé il y a plus de dix ans par une lectrice de mon blog qui le considérait comme le plus grand roman de Laura Kasischke. Cette dernière, spécialiste des fins à rebondissement qui ne me convainquent pas (sauf dans le thriller Esprit d'hiver), nous livre ici un texte moite, dont les répétitions finissent par nous donner la nausée. Leila est une femme abusée et désabusée, brisée dès l'enfance par le monde des adultes et des mesquineries d'école.
Sommes nous des êtres pleins, guidés par cette résilience avec laquelle la mode du développement personnel nous bassine à longueur de temps ? Si c'est le cas, pourquoi nous précipitons-nous vers ce qui fait de nous des objets ? Avons-nous tous, enfoui au plus profond de nous, un désir de mort qui se manifeste par le besoin de la plupart des gens de correspondre à de lisses standards ?
A priori, le quotidien de cette jeune femme, qui se considère elle-même comme une poupée passive, comme un corps ne devant être qu'une source de jouissance pour le hommes, n'a rien à voir avec la vie des lecteurs de ce livre. Pourtant, il se dégage de son héroïne une humanité universelle. Celle de ceux qui n'avaient presque rien et que la brutalité et l'hypocrisie des hommes ont continué à dépouiller. Celle des petites villes où tout le monde connaît vos pires secrets et attend que vous trébuchiez de nouveau.
On quitte A Suspicious river avec un immense sentiment de malaise, le même que l'on ressent après la lecture de certains romans de Joyce Carol Oates. Je ne sais pas si j'ai aimé ce livre, mais il m'a fascinée et bousculée.
Points. 403 pages.
Traduit par Anne Wicke.
1996 pour l'édition originale.