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lilly et ses livres
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5 juillet 2013

Testament à l'anglaise - Jonathan Coe

9782070403264"Il n'y a pas de jasmin par ici, n'est-ce pas ?"

Angleterre, 1942. Lors d'un raid aérien contre l'Allemagne, Godfrey Winshaw, fils de l'une des plus importantes familles de l'aristocratie anglaise, est abattu par les nazis. Sa soeur, Tabitha, accuse alors leur aîné, Lawrence, d'avoir comploté avec les Allemands et fait tuer Godfrey. Pour la récompenser, sa famille la fait enfermer dans un asile. C'est de là que quarante ans plus tard, elle contacte Michael Owen, un modeste écrivain, et lui demande d'écrire l'histoire des Winshaw. 

J'ai conscience de ne pouvoir vous donner qu'une vision tronquée de ce livre, mais vous devez savoir à quel point je l'ai aimé.
Testament à l'anglaise mélange aussi bien les genres (roman policier, satire politique et sociale) que les formes d'écriture (roman, journal, chronique, extrait de film...), et alterne autant les époques que les narrateurs (tour à tour chacun des membres de la famille Winshaw et Michael Owen).
Nous sommes dans l'Angleterre des année 1970 et 1980 et les Winshaw sont partout. Ils dominent le monde politique, celui de la finance, l'industrie agro-alimentaire, le marché de l'art, le trafic d'armes, et y inoculent leur venin. A travers eux, ce sont les années Thatcher et la première guerre en Irak que Jonathan Coe décortique. Animés par l'appât du gain ou des penchants pervers, les Winshaw démantèlent les services publics, piétinent tous les scrupules qui les empêcheraient de s'en prendre à un être humain ou un animal si cela peut leur apporter quelque profit. C'est évidemment tiré à l'extrême, caricatural, mais c'est amené avec un cynisme délicieux. J'ai particulièrement apprécié la tristesse de Mark après la mort de son épouse dans un accident de la route.

"Mark fut désespéré par cette perte. La voiture était un coupé Morgan Plus 8 1962 bleu nuit, l'une des trois ou quatre existant au monde, et elle était irremplaçable."

Tentant d'écrire sur cette famille, Michael Owen est un homme seul, qui vit dans son passé. Il reste fasciné par une scène du film What a carve up ! (qui est aussi le titre du roman en anglais) vu au cinéma alors qu'il était encore un enfant, ainsi que par le souvenir de Youri Gagarine, le premier homme à avoir voyagé parmi les étoiles. Ces éléments semblent assez anodins, mais prendront tout leur sens lors d'une dernière soirée au manoir des Winshaw, dont le récit clôture le livre, et qui revendique son lien de parenté avec les romans d'Agatha Christie.

"J'ai envie d'une bonne partie de Cluedo. Il n'y a rien de mieux."

Terriblement anglais et magistral.

Folio. 678 pages.
Traduit par Jean Pavans.
1994 pour l'édition originale.

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4 mars 2013

La Fascination de l'étang - Virginia Woolf

9782757832257Voilà longtemps que je n'avais pas parlé des oeuvres de Virginia Woolf par ici. J'avais déjà eu l'occasion de lire une partie de ce livre, mais sa réédition dans la jolie collection Signatures m'a donné envie de m'y replonger.

Les vingt-cinq nouvelles qui composent ce recueil couvrent presque toute la période d'écriture de Virginia Woolf. Certaines datent des années 1900, et les dernières ont été écrites peu avant sa mort en 1941.

La nouvelle est un genre que j'apprécie modérément. Par conséquent, ce recueil n'atteindra jamais pour moi les sommets que sont les romans de Virginia Woolf. Il est pourtant remarquable à plus d'un titre.
Tout d'abord, il permet de voir une réelle évolution dans l'écriture de Virginia Woolf. Les premiers textes sont de facture assez classique, bien que Woolf y soit déjà déterminée et piquante. Les derniers sont des oeuvres de la maturité, faites de flux de conscience qui saisissent l'instant et relèguent l'intrigue au second plan. Tout va très vite et finit de façon abrupte. Pour quelqu'un qui n'a jamais lu l'auteur, j'imagine que ces nouvelles en particulier doivent surprendre, tant elles semblent sorties de nulle part, se contentant d'attraper un moment furtif, pas vraiment délimité par un début et une fin, et peu significatif si l'on n'est pas très attentif.
Ensuite, ces nouvelles sont très plaisantes pour la plupart. Elles contiennent les germes des grandes préoccupations de l'auteur, voire des thèmes qu'elle n'a jamais explorés dans ses romans. Ainsi, la place des femmes hors du mariage est questionnée, aussi bien dans Phyllis et Rosamond que dans Le journal de Maîtresse Joan Martyn. Phyllis et Rosamond sont deux soeurs, des filles de bonne famille destinées au mariage. Elles ont pourtant bien conscience que ce n'est pas un état qui leur conviendrait. Leurs amies qui vivent dans l'affreux quartier de Bloomsbury*, où l'on ose penser, viennent encore davantage perturber leur volonté de satisfaire leur famille. Mais au lieu de donner lieu à une rébellion, la nouvelle s'achève sur la volonté de Phyllis de ne plus penser, tout simplement... Le temps occupe aussi une grande place dans ce recueil, tout comme la volonté de saisir l'essence d'une personne, voeu irréalisable, ainsi que nous le démontre Mémoires de romancière.
Le fantastique a aussi sa part dans ce recueil, ce qui peut paraître surprenant, mais est finalement assez cohérent entre les mains de Virginia Woolf. Les animaux prennent vie. Un perroquet découvre un trésor pour une vieille dame, la couverture recouverte d'animaux de l'infirmière Lugton s'anime lorsqu'elle s'endort, et Bohême la petite chienne a eu une attitude très humaine pendant son existence auprès de ses maîtres.
Virginia Woolf expérimente avec ce livre. On y trouve des textes qui rappellent certains passages de ses romans. Le cas le plus frappant est évidemment Mrs Dalloway dans Bond Street, qui reprend le début de Mrs Dalloway. J'ai également eu d'agréables impressions de déjà-vu en lisant Sympathie ou encore La soirée.

Je recommande fortement ces nouvelles à ceux qui voudraient approfondir leur connaissance de l'auteur.

*Virginia Woolf s'installe avec son frère et sa soeur à Bloomsbury après la mort de leur père. C'est là que naîtra le groupe de Bloomsbury dont elle faisait partie.

Points. 289 pages.
Traduit par Josée Kamoun.

9 novembre 2012

Retour à Brideshead - Evelyn Waugh

9782221103838_1_75Parmi les auteurs anglais qu'il me reste à découvrir, Evelyn Waugh occupait une place de choix. J'ai acquis plusieurs de ses livres ces dernières années, dont ce titre, en pensant découvrir des romans plutôt classiques avec beaucoup d'humour. J'avais tout faux, et ce n'est pas plus mal.

C'est la Deuxième Guerre mondiale, et Charles Ryder se retrouve stationné avec ses hommes dans une grande demeure, Brideshead. Il ne l'a pas revue depuis des années, et se remémore alors tout ce qu'il a vécu dans cette maison, et surtout avec ses propriétaires.
Tout commence vingt ans plus tôt, lorsque Charles Ryder rencontre Sebastian Flyte lors de sa première année à Oxford. Les deux jeunes gens se lient d'une amitié qui durera toute leur vie d'une certaine manière. Charles a perdu sa mère, et dépend d'un père riche, plutôt généreux, mais surtout incapable de feindre l'affection qu'il ne ressent pas pour son fils. Sebastian est l'enfant d'un couple séparé dans le scandale. Sa mère est catholique, son père a fuit sur le continent. Il ne se sépare jamais d'un ours en peluche lors de ses années à Oxford. Ensemble, Charles et Sebastian font les quatre cents coups. Les choses ne tardent pas à mal finir pour Sebastian, mais la vie continue. 

Comme à chaque fois que je lis un roman qui m'a retournée, je ne sais pas par où commencer pour en parler. Retour à Brideshead est très dense. Il y a du Graham Greene, du E.M. Forster, et même du Downton Abbey chez Evelyn Waugh.
Le premier pour la religion et les tourments qu'elle provoque, question centrale de ce livre. C'est parce qu'ils sont catholiques que les Flyte chavirent autant. Evelyn Waugh était lui même catholique, et l'on sent dans ce livre ce qu'il pouvait ressentir dans un pays et à une époque où cette confession est si minoritaire et dépréciée. Les mariages dans cette famille sont de terribles échecs ou de véritables blagues. Sebastian peut encore moins que les autres s'en sortir, en raison de son orientation sexuelle, au point de sombrer et de mener une vie minable jusqu'à la fin. Quant à Julia, sa perspective de bonheur est ruinée en une seule phrase de la part de son austère frère Brideshead. L'étrange Anthony Blanche a donc raison de conseiller à Charles de se méfier de cette famille qui brise tout ce qu'elle touche. Il n'en fera rien et s'y brûlera les ailes.
On ne peut pas ne pas penser à E.M. Forster à cause de la première partie du livre, lorsque Charles et Sebastian hantent Oxford comme Maurice et Clive l'avaient fait à Cambridge (bien qu'il soit impossible que les deux livres se soient inspirés l'un de l'autre, Maurice ayant été écrit puis caché avant la création de Retour à Brideshead), et pour le thème de l'homosexualité. Même si la nature exacte de la relation entre Sebastian et Charles demeure floue et les pensées de Sebastian inatteignables, Charles admet des années plus tard à quel point son ami a compté et compte encore pour lui.

"Il vivait en moi tous les jours avec Julia ; ou mieux, c'était Julia que j'avais appris à connaître en lui, en ces lointaines journées d'Arcadie."
 
La vision de l'amour dans ce livre est désabusée. On aime mal, on aime pour de mauvaises raisons, on aime pour soi, et au final on est toujours seul.
Autour de ces personnages qui prennent coup sur coup se trouve un monde qui a été bouleversé par le premier conflit mondial. Les Flyte tentent de s'accrocher à ce qu'ils peuvent pour conserver leurs illusions. Ils dénigrent avec leurs amis la menace que représente l'Allemagne, ils nient la diminution de leur fortune, mais c'est bien une demeure vide que Charles Ryder trouvera pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Ce qui frappe dans ce livre, c'est qu'il ne s'y passe rien, et qu'en même temps il parle aussi bien de la vie des hommes. Charles dit une phrase terrible à propos de la plus jeune soeur de Sebastian, une phrase qui pourrait s'appliquer à tous les personnages.

"Cela faisait mal de penser à Cordélia devenant 'tout à fait ordinaire'."

Nous commençons ce livre comme un roman d'apprentissage, mais c'est tout autre chose lorsqu'il s'achève, et c'est ce qui en fait un très grand roman.

Les avis de Céline et de Lou.

Brideshead Revisited.
Robert Laffont. 606 pages.
Traduit par Georges Belmont.
1945 pour l'édition originale.

11 juillet 2012

Un bonbon anglais

9782290035467"A l'heure de sa vieillesse, Flora aurait beau oublier constamment le nom des gens, les évènements qui s'étaient produits une semaine plus tôt, les titres des livres, le côté éphémère de la vie, elle se rappellerait toujours aussi bien le quai de Dinard où, plantée sous la pluie battante, elle regardait les vedettes s'éloigner."

L'été dernier, j'ai passé un moment délicieux avec La Pelouse de camomille de cet auteur anglais qui a commencé à écrire à soixante-dix ans. Alors pour une fois, quand j'ai acheté ce livre, je l'ai immédiatement entamé, et le charme a de nouveau opéré.

Nous sommes en 1926 à Dinard, où de nombreuses familles anglaises viennent passer leurs vacances. Flora Trevelyan a dix ans, et elle promène les chiens des uns et des autres, vaguement surveillée par une gouvernante, jusqu'au jour où elle rencontre Cosmo, Hubert, Félix, Mabs, Tashie et Joyce. Bien que plus âgés, les adolescents sont séduits par les grands yeux de Flora et choqués par le comportement de ses parents. Obsédés l'un par l'autre, ces derniers ne voient en elle qu'une gêne, et s'en occupent le moins possible. Peu importe, Flora passera les meilleures vacances de sa vie, avant d'être envoyée pendant des années dans une pension où elle reste 1er janvier au 31 décembre, ses parents étant repartis en Inde où Denys Trevelyan travaille.
Elle retrouvera finalement ses amis des années plus tard, après avoir souvent rêvé des bras de Cosmo, Hubert et Félix.

Bon, pour être tout à fait honnête, je pense que La Pelouse de camomille est un livre largement supérieur à celui-ci, mais ça n'empêche pas de passer un bon moment.
Au niveau des thématiques abordées, Mary Wesley continue à créer des personnages féminins forts, qui se libérent des chaînes de leur condition en essayant d'exister autrement qu'à travers le mariage et la maternité. Flora est une enfant qui n'a pas été désirée, et que les gens se sont amusés à enfermer pendant des années loin des quelques personnes qui se soucient d'elle, à déguiser comme une poupée, ou à se refiler sans se soucier une seconde de son bien être. Elle saura en tirer le meilleur parti pour sa vie d'adulte.
L'auteur gratte aussi avec une impertinence rare le vernis autour des braves gens, appelant un chat un chat et se moquant des petits secrets des uns et des autres. Les parents de Flora sont probablement les pires parents de la terre, et les mensonges sur lesquels ce mariage d'amour repose finissent par être délicieux tellement on en vient à les détester.
Malgré cette ironie mordante présente tout au long du livre, on ressent une certaine nostalgie à sa lecture, qui s'explique sans doute par l'âge de son auteur. Une nouvelle fois, la jeunesse des personnages passe vite, et le prix de la liberté est fait de désillusions et de sacrifices. Les rêves d'une enfant de dix ans sont souvent décevants lorsqu'ils finissent par s'accomplir.

"Tandis qu'elle défaisait le lit de ses employeurs, elle se prit à regretter d'avoir revu Félix ; il l'avait dépouillée d'un rêve qui, bien que fâné, lui avait été doux."

 Theoma a aussi été conquise.

J'ai Lu. 539 pages.
Traduit par Michèle Albaret.
1990 pour l'édition originale.

 

1 avril 2012

Arlington Park - Rachel Cusk

60265267"Tous les hommes sont des assassins, pensa Juliet. Tous. Ils assassinent des femmes. Ils prennent une femme et, petit à petit, ils l'assassinent."

Le hasard fait bien les choses. Comme je vous l'ai dit, Le Magazine Littéraire vient de publier un numéro consacré à Virginia Woolf. Je ne l'ai que feuilleté pour l'instant, mais dans la bibliographie sélective que propose le magazine, dans la rubrique "Autour de Mrs Dalloway", on trouve Arlington Park de Rachel Cusk. Le roman que je viens de dévorer en fait.

Juliet, Maisie, Amanda, Christine et Solly sont des femmes mariées et mères de famille bourgeoises, vivant de nos jours à Arlington Park, une banlieue de Londres. Elles travaillent un peu pour certaines, mais leur principale fonction est celle de ménagère. Nous les suivons durant une journée, tour à tour, jusqu'à leur réunion le soir, chez Christine.

Ce livre est une merveille. J'ai été complètement hapée dès la première page, et cette description de la pluie qui tombe sur Arlington Park. La référence à Virginia Woolf existe déjà, et l'écriture de Rachel Cusk est incroyable, au point de rendre ce simple phénomène métérologique à la fois inquiétant et excitant.
Il nous permet de pénétrer dans la vie des personnages, et de découvrir Juliet, puis les autres, dont la vie de famille s'accorde bien avec le temps maussade.
Pour être honnête, il ne se passe presque rien durant ces 260 pages. On se contente de suivre le quotidien et les pensées de chacune de ces femmes coincées dans leur rôle d'épouse et de mère. De plus, elles ne sont même pas attachantes. Elles aiment médire des autres, ont des idées navrantes sur le monde qui les entoure (idées qu'elles tiennent sûrement de leur mari ou de la télé), et mériteraient des baffes pour leur incapacité à se bouger les fesses. Même la forme est étrange. Ce n'est ni tout à fait un roman ni un recueil de nouvelles.
Pourtant, ce portrait acide du mariage et de la vie bourgeoise est fascinant. Ces femmes sont plus ou moins conscientes de leur condition. C'est encore plus frappant avec Solly et Amanda, qui peuvent voir dans une soeur, une étudiante ou une locataire le reflet de ce qu'elles sont devenues et celui de ce qu'elles auraient pu être. Elles frémissent en voyant ces électrons libres, tout en les jalousant au fond d'elles mêmes.

"Pendant un moment, Amanda avait vécu dans la crainte que Susannah ne devienne célèbre, mais maintenant elle avait trente-cinq ans et Amanda sentait qu'elle pouvait quitter sa soeur des yeux, bien que, chaque fois qu'elle la voyait, il semblât que Susannah avait trouvé une nouvelle façon d'être belle. Elle résonnait dans l'austérité de la maisonnée Clapp bien après son départ ; elle suggérait que la vie devrait moins tendre vers un ordre meurtrier et plus dans la direction du risque et de la fantaisie."

Malgré cela, elles continuent à admirer et servir un mari qui les humilie un peu plus chaque jour, qui ne lève le petit doigt qu'à contrecoeur, et qui est bien plus prompt à repprocher un appel téléphonique au moment de préparer le repas, ou une tenue peu recherchée, qu'à reconnaître que coucher deux enfants fait aussi partie de ses obligations. J'ai pesté, eu du mal à me dire que ces histoires se passaient bien à notre époque. Pourtant, même si évidemment Rachel Cusk force un peu le trait pour servir son propos, je dois reconnaître que beaucoup des attitudes décrites dans ce livre ne me sont pas si étrangères (je les connais en tant qu'observatrice, hein ! ). Elle assoie aussi son propos dans le temps, puisque Juliet évoque les enfants Brontë et leurs parents, un couple dans lequel le mari était tyrannique.

"Elle se rappelait avoir lu quelque part que Patrick Brontë avait en plus déchiré en lambeaux une robe de sa femme, des années plus tôt. C'était une belle robe, qui datait d'avant son mariage. C'était la seule jolie chose qu'elle possédait. Elle la conservait dans un coffre fermé à clé à l'étage. Il avait pris la clé et avait découpé la robe en petits morceaux avec des ciseaux. Oh, c'était un véritable meurtrier."

J'ai pu voir que ce livre était souvent comparé à Desesperate Housewives, et que cela avait créé des déceptions. Heureusement pour moi, j'ai toujours trouvé cette série bien moins provocatrice et subtile qu'on ne le dit (avec beaucoup de mauvaise foi, je n'ai jamais eu l'envie de la suivre de façon continue). Ici, on grince des dents plus qu'on ne rit, j'imagine que pas mal de gens pourraient se sentir visés, mais c'est bien meilleur. 

D'autres avis chez la livrophile, Cathe, Clarabel et Valériane.

Points. Traduit par Justine de Mazères.
2006 pour l'édition originale.

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10 mars 2012

The Woman in Black - Susan Hill

the-woman-in-black-susan-hill_f4ef21c_2Après cette lecture, je ne crois toujours pas aux fantômes, mais aux miracles, c'est une autre histoire. Quand j'ai appris la sortie prochaine du film, je ne pensais pas une seule seconde que j'aurais le temps de lire le roman. Finalement, alors que je me promenais innocemment, mon regard a été attiré par la couverture hideuse de The Woman in Black (sur mon exemplaire, le gros plan est encore plus important, et le Daniel Radcliffe, ça ne lui va pas au teint). Vous pensez bien que quand j'ai vu la taille du livre, je me suis sentie d'humeur téméraire, et voilà !

Mais trève de bavardages, parlons un peu de l'histoire. Un jeune avocat, Arthur Kipps, est chargé par son patron d'assister aux funérailles d'une cliente et de mettre de l'ordre dans ses papiers. Mrs Drablow était une vieille femme qui vivait à Eel Marsh House, une demeure isolée du monde au point qu'elle n'est accessible que lorsque la mer se retire. Lorsqu'il arrive sur place, Arthur Kipps espère qu'il n'en a que pour quelques jours, et qu'il pourra ainsi rapidement retrouver Stella, sa fiancée.
Le jour de l'enterrement, il aperçoit pour la première fois une femme voilée, qui semble ravagée par la maladie. Cette apparition et la répugnance qu'on les gens des alentours à évoquer tout ce qui concerne Eel Marsh House amènent rapidement le jeune homme à comprendre que d'horribles choses se sont produites.

Bien que son titre soit très certainement un hommage à Wilkie Collins, The Woman in Black démarre d'une façon semblable au Tour d'écrou de Henry James, au coin du feu, alors que l'on se raconte des histoires de fantômes. Arthur Kipps est alors un homme mûr et hanté par son passé. A la demande de sa famille, et pour tenter de se guérir de ce qui lui est arrivé, il va livrer le récit de ce qui s'est passé à Eel Marsh House.
Pour être honnête, jusqu'à la moitié du roman, j'étais loin d'être convaincue. Je trouvais que Susan Hill appuyait trop sur l'ambiance "terrifiante" de son livre. De ce côté là, on est servi. On a la vieille maison isolée (il faut être timbré pour habiter là-dedans), la brume, les gens terrifiés, les sables mouvants, les secrets, etc. En plus, le narrateur m'agaçait à répéter qu'il était traumatisé à vie par des événements qui n'arrivaient pas, et je m'attendais à trouver cette lecture correcte au mieux.
Au final, la trouillarde que je suis a complètement marché dans cette histoire. A partir de la moitié du roman, l'ambiance devient vraiment malsaine, et on se demande comment Arthur Kipps va pouvoir se sortir de cette situation. Susan Hill manie plutôt bien le suspens, et plusieurs scènes m'ont fait le même effet que dans les films, lorsque vous vous bouchez les oreilles parce que le héros va ouvrir une porte alors que tout le monde sait qu'il ne devrait pas, et que la musique devient insupportable (je suis très impressionnable).

Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il s'agit d'un chef d'oeuvre. L'histoire reste très classique, et le style de Susan Hill est loin d'être exceptionnel. En revanche, The Woman in Black fonctionne très bien si vous voulez vous plonger dans une histoire de fantômes anglais.

D'autres avis chez Lou, Cachou, Stephie, Mango...

The Woman in Black. Susan Hill.
1983. 200 p.

24 février 2012

Paola - Vita Sackville-West

paolaL'oncle Noble est mort, et ses proches se rendent à la Grange, la maison familiale du Westmorland où il vivait, pour l'enterrer et pour assister à la lecture de son testament. Là-bas se trouvent déjà ses enfants. Austen, né du premier mariage de Noble est l'héritier naturel aux yeux de tous. Paola est quant à elle la fille issue du second mariage, avec une paysanne italienne. Gervase Godavary, son cousin, ne la connaît pas. Cela fait trente ans qu'il n'a pas mis les pieds à la Grange. Quand il arrive, il est submergé par les souvenirs et la familiarité qu'il éprouve à l'égard de ce lieu qu'il a déserté des années auparavant. Mais il sent surtout une tension très forte, dont Paola est en grande partie responsable.

Paola est le troisième roman que je lis de Vita Sackville-West, et encore une fois je suis conquise. J'ai été bluffée par la manière dont l'auteur décrit les relations entre les personnages. Gervase, le narrateur, est distant par rapport aux autres, mais très clairvoyant quant à leurs sentiments. Tout le monde est sur les nerfs, malheureux. Noble n'était pas un homme généreux, et l'on sent très vite qu'il n'a sans doute pas tiré sa révérence sans s'amuser une dernière fois avec les sentiments de ses proches. Il n'avait sans doute pas prévu la manière dont ça allait finalement tourner...
Paola est un personnage difficile à saisir, peu sympathique et très manipulateur. Contrairement aux autres membres de la famille, qui se sentent tous liés les uns aux autres, au point d'être interchangeables, elle reste à part. Eux sont coincés, n'osent jamais rien, et semblent avoir traversé la vie en faisant le moins de vagues possible. Ils sont complètement déstabilisés par Paola, qui les attrape sans peine dans ses filets, et les soumet sans qu'ils tentent quoi que ce soit pour la contrer.
Heureusement, il y a pas mal d'humour noir pour contrebalancer le malaise grandissant que l'on ressent au fur et à mesure de cette lecture. Les mésaventures avec le cercueil trop large pour la cage d'escalier m'ont notamment permis de me décrisper un peu.
Et puis, ce livre nous propose aussi une merveilleuse promenade dans le nord de l'Angleterre, où l'on sort même quand il pleut. Les descriptions de la campagne sont un vrai délice, amplifié par le fait qu'on la voit à travers les yeux de Gervase, qui y retrouve son enfance.
Le seul reproche que je pourrais adresser à ce livre est sa brièveté, qui entraîne un manque de profondeur dans l'analyse de Paola. Connaître les raisons de son acte final m'aurait vraiment intéressée. Du coup, j'ai ressenti une certaine frustration à voir Gervase s'éloigner sans mener son enquête.

Malgré cela, je pense que c'est le texte le plus abouti de l'auteur que j'ai lu jusqu'à présent. A lire quand on est en manque d'une lecture anglaise !

Clarabel et Lou ont également apprécié ce livre.

Paola. Vita Sackville-West.
Traduit par Micha Venaille. 1932.
78 pages.

4 février 2012

Les empreintes du diable - John Burnside

JBurnside

Je sais... un billet de lecture sur ce blog, vous n'y croyiez plus. Moi non plus d'ailleurs. J'ai commencé plusieurs billets ces dernières semaines, qui sont restés en friche. Cette fois, c'est un roman conseillé par Titine que j'ai lu, qui est bien de saison, puisque c'est en Écosse que je vais finalement commencer mon année bloguesque.

Un jour, les empreintes du diable auraient été aperçues dans la neige, à Coldhaven.
Des années plus tard, Moira, une femme du pays, prend son mari pour le diable, et se tue, emportant avec elle ses enfants, à l'exception d'Hazel, sa fille aînée.
Michael, qui est sorti avec Moira des années auparavant, est frappé par la lecture de ce fait divers dans le journal. Dans la maison de ses parents, où il vit désormais avec sa femme, Amanda, il se souvient de son arrivée à Coldhaven, et de tout ce qui a suivi. En plongeant dans le passé, il rouvre de vieilles blessures, et tente de jeter un regard plus net sur ce qu'il a fait de sa vie.

John Burnside nous offre un roman étrange, que l'on pourrait facilement diviser en deux parties.
Le livre débute de manière plutôt romanesque. Le narrateur nous conte alors de nombreuses histoires qui nous font plonger dans l'Écosse brumeuse, sauvage que l'on imagine souvent. Il nous parle de son enfance, des rêves et des déceptions de ses parents, de sa rencontre avec Mrs Collings, cette femme retirée du monde, de sa confrontation avec Malcolm Kennedy, qui s'achèvera par la mort de ce dernier. Cette partie est fabuleuse. John Burnside possède une écriture merveilleuse, qui nous berce et nous permet d'imaginer tout ce qu'il décrit avec précision. Coldhaven apparaît à la fois comme un lieu irrésistible, où l'on rêverait de se perdre, et comme un endroit repoussant, à cause de son atmosphère malsaine et de la malveillance de ses habitants.
La deuxième partie m'a clairement moins plu. On abandonne alors ce qui faisait le charme du début du livre, toutes ces intrigues qui promettaient un dénouement passionnant, et on se met à suivre Michael dans un délire vain. Sa rencontre avec Moira, la sœur de Malcolm, des années après la mort de celui-ci, donne lieu à une relation malsaine, mais qui ne le marquera pas vraiment. Ce n'est qu'à la mort de Moira que les démons de Michael se réveillent. Il est mal dans sa vie présente, et imaginer qu'il est le père d'Hazel lui donne l'occasion de tout envoyer balader. J'attendais la confrontation entre ces deux personnages avec impatience, mais elle s'est avérée très décevante. Michael est juste un type incapable de faire quoi que ce soit. Ses questionnements et son attitude m'ont laissée perplexe. Hazel et lui ne font que s'utiliser mutuellement pour fuir. J'ai trouvé regrettable que les questions posées durant les trois quarts du livre restent finalement sans réponse, et que tout ne soit finalement destiné qu'à explorer la personnalité de Michael.

Une déception sur la fin, mais quand même beaucoup de plaisir à lire la majeure partie de cette histoire.

Bon, pas un billet des grands jours, mais je suis contente d'avoir réussi à le boucler. Maintenant, prochaine mission : jeter un oeil aux blogs des copines !

Les avis de Titine et Essel.

Métaillé. 217 pages.
Traduit par Catherine Richard. 2006.

15 août 2011

La Pelouse de Camomille - Mary Wesley

9782290016626FSCinq cousins, Calypso, Polly, Walter, Oliver et la petite Sophy, se retrouvent chaque été en Cornouailles, chez leur oncle Richard, amputé d'une jambe pendant la Grande Guerre, et leur tante Helena. La maison est bordée par une pelouse de camomille, et par des falaises, sur lesquelles les jeunes gens ont tracé le Parcours de l'épouvante, jeu auquel Sophy peut enfin participer cette année. Nous sommes en 1939,et c'est le dernier été de presque insouciance. Les jumeaux du pasteur, Paul et David, viennent s'ajouter à la joyeuse bande. Oliver, fraîchement rentré de la Guerre civile espagnol, est adulé par Sophy, mais n'a d'yeux que pour la belle Calypso, qui ne rêve quant à elle que d'épouser un homme riche. De leur côté, Richard et Helena, qui forment un couple morne, font la rencontre de deux réfugiés, Max et Monika Erstweiler, dont le fils Pauli est en camp de concentration.

Ce petit livre écrit par une dame venue à l'écriture à l'âge de soixante-dix ans est un véritable bonbon anglais, plein d'humour, d'impertinence, avec malgré tout un arrière-goût amer.
On se plonge avec délice dans les récits d'enfance de ces cousins, qui arrivent à l'âge adulte la tête pleine d'idées. Les garçons s'engagent dans l'armée le coeur vaillant, les filles restent à Londres pour travailler et, étrange consolation, mènent une vie qu'elles n'auraient jamais eu sans la guerre. A leur manière, Richard et Helena sortent aussi de leur coquille à partir de cet été 1939. C'est avant tout une histoire de femmes, puisque nous restons à l'arrière, et que les hommes sont essentiellement analysés dans leurs rapports avec les personnages de l'autre sexe et montrés sous un jour plutôt défavorable et peu nuancé, mais j'ai eu du mal à ne pas m'attacher aux plus jeunes personnages masculins.
La nostalgie embrume tout le récit, car il s'agit en fait de souvenirs, rapportés par plusieurs protagonistes quarante ans plus tard, à l'occasion d'un enterrement. Les fils de l'histoire sont ainsi peu à peu démêlés, dévoilant des choses que l'on n'aurait pas forcément soupçonnées (et l'on n'est vraiment pas épargnés parfois...).
On grince un peu des dents, parce que les personnages sont souvent égoïstes. Mais, ils mettent suffisamment d'honnêteté dans leurs actions pour qu'on les aime. Même Calypso, qui finit par tomber les masques, et même Helena, souvent détestable, qui apparaît bien plus avisée en vieille dame. Elle qui semblait ne se préoccuper que de sa personne et de ses nouvelles découvertes n'avait finalement pas les yeux dans sa poche pendant la guerre. Et puis, Polly, les jumeaux, Sophy... difficile de ne pas s'inquiéter pour eux, et de vivre leurs drames.1718394131

J'ai passé un excellent moment avec ce livre, lecture idéale en plein mois d'août. Une adaptation du roman existe sous la forme d'une mini-série. Le casting (Jenifer Ehle et Toby Stephens, entre autres) est très prometteur.

"Prenez garde à vos rêves, car ils risquent de se réaliser."

D'autres avis chez Theoma, Karine, Fashion, Lily.

Nouvelle participation au challenge nécrophile, puisque Mary Wesley est morte en 2002.

J'ai lu. 382 pages.
Traduit par Samuel Sfez. 1984.

26 mars 2011

"la réalité est un piètre conteur..."

36552413_8268928 J'ai découvert Somerset Maugham il y a quelques années avec La Passe dangereuse, qui a ensuite fait l'objet d'un film de qualité avec Edward Norton et Naomi Watts que je vous recommande. Ce que j'ignorais, c'est que cet auteur, outre sa carrière de romancier, avait mené une autre vie, celle d'agent secret britannique. Il a lié ces deux existences dans certaines de ses oeuvres.

Il se met ainsi en scène dans les huit nouvelles qui composent le recueil dont je vais vous parler sous les traits d'un certain Ashenden. Nous rencontrons ce personnage dans Miss King. Alors que la Première Guerre mondiale fait rage, Ashenden est posté à Genève, dans un hôtel qui grouille d'espions dont la couverture est risible. Bien que personne ne dise clairement les choses, chacun connaît ses ennemis, ce qui donne lieu à des situations cocasses. Ashenden s'entend ainsi très bien avec une baronne au service des empires centraux. Les intérêts anglais sont également menacés par le grondement de nationalistes dans les pays colonisés. C'est ainsi qu'un prince égyptien préoccupe Ashenden, qui aimerait bien obtenir des informations de la part de la vieille gouvernante anglaise des filles du prince, mais celle-ci refuse de lui accorder le moindre intérêt.
Dans Le Mexicain chauve, Ashenden doit faire équipe avec un général mexicain en exil à la gâchette facile, pour exécuter un émissaire turc chargé d'entrer en contact avec les Allemands.
Giulia Lazzari est une femme que les services secrets britanniques contraignent à livrer son amant indien, en faisant appel à Ashenden pour la surveiller et la guider.
Le Traître met en scène un couple formé d'un Anglais et d'une Allemande établis en Suisse. Ashenden doit entrer en contact avec le mari, qui a trahi l'Angleterre, et déterminer le sort qui lui sera réservé.
Son Excellence se déroule alors qu'Ashenden doit effectuer une mission avec le soutien des ambassades britannique et américaine. Lors d'une soirée avec le très protocolaire ambassadeur britannique, Ashenden reçoit des confidences troublantes.
Dans Pile ou face, Ashenden se trouve confronté à une décision impossible, que ses supérieurs lui délèguent afin de ne pas se mouiller.
Le linge de Mr Harrington se déroule en Russie. Ashenden doit prendre le transsibérien (soit plus de dix jours de voyage) en compagnie d'un Américain insupportable. Arrivé à Moscou, il doit empêcher la signature d'une paix séparée entre l'Allemagne et la Russie. Il retrouve aussi un ancien amour, mais la révolution éclate...
Enfin, Sanatorium met en scène un Ashenden diminué par la tuberculose, qui se rend dans un sanatorium afin de se faire soigner. Il y fait des rencontres étonnantes.


Si vous cherchez des nouvelles d'espionnage pur, passez immédiatement votre chemin. Les missions dont Ashenden est chargé par le mystérieux R. sont avant tout des prétextes que Somerset Maugham utilise pour sonder la nature humaine. De ce fait, nous avons droit à d'énormes surprises la plupart du temps. (d'autant plus que certaines nouvelles ne sont reliées que de très loin avec l'espionnage, du moins à première vue). Ashenden n'est pas James Bond. Il ne court pas partout, mais il observe, évalue, se trompe, dans un contexte où les cartes sont brouillées. Certaines nouvelles sont cocasses, la plupart sont cruelles et à la limite du cynisme, à l'exception de la dernière nouvelle qui a un goût étrange de générosité, mais c'est remarquablement fait.
L'amour, le patriotisme, l'hypocrisie, la stupidité, la solitude sont passés au peigne fin par le double de Somerset Maugham, qui est aussi vif d'esprit que son créateur. Lui-même n'est pas en reste, et se trouve souvent en position d'être espionné par le lecteur.1718394131

Je pensais avoir des difficultés à me plonger dans ce recueil de nouvelles (genre que j'aborde toujours avec réticence), mais elles sont toutes parfaitement maîtrisés, généralement d'une longueur raisonnable, et le fait de retrouver le même personnage ajoute naturellement à la cohérence de l'ensemble.

Merci à BOB et aux éditions Robert Laffont.

Mr Ashenden, agent secret. William Somerset Maugham. Robert Laffont ; 435 pages.

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