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lilly et ses livres
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deuxieme guerre mondiale
18 mars 2009

Lumière pâle sur les collines ; Kazuo Ishiguro

resize_4_10/18 ; 256 pages.
Traduit par Sophie Mayoux.
V.O. : A Pale View of Hills. 1982.

Lettre I du Challenge ABC :

Kazuo Ishiguro est l'un de mes auteurs préférés, même si jusque là je n'avais lu que Les vestiges du jour et surtout Auprès de moi toujours.
Avec Lumière pâle sur les collines, le premier roman de l'auteur, j'ai pu le suivre pour la première fois dans son pays d'origine, le Japon. Je pensais vraiment m'attaquer à une oeuvre assez mineure d'Ishiguro, mais je peux vous assurer que ce livre défend à lui tout seul le génie de l'auteur.

Etsuko est une Japonaise, qui a quitté son pays d'origine quelques années après la guerre, en compagnie d'un deuxième époux. De son premier mariage, elle avait eu une fille Keiko. Celle-ci vient d'être retrouvée pendue dans sa chambre à Manchester lorsque le livre débute, des années plus tard. Elle avait quitté sa mère depuis six ans, incapable de s'adapter à la vie en Angleterre et à sa nouvelle famille.
A l'occasion d'une visite de sa deuxième fille Niki, Etsuko se remémore son passé. Elle se souvient de Jiro, son premier mari, au temps où elle attendait Keiki. Elle revoit aussi les deux occupantes mystérieuses d'une petite maison près de chez elle, Sachiko et sa fille Mariko. Cette gamine qui aimait tant les chats, et qui ne voulait pas s'en aller.

Dans ce livre, on retrouve tout ce qui fait le charme d'Ishiguro. Son style d'abord, faussement détaché, qui nous fait pourtant ressentir parfaitement l'atmosphère dans laquelle l'histoire se déroule. Les phrases se suffisent à elles mêmes, et ne nécessitent aucun artifice. Une remarque ironique n'a pas besoin d'être signalée, ni même un immense chagrin.
Etsuko nous emmène à Nagasaki, ville qui, comme chacun le sait, a été particulièrement meurtrie par la Deuxième Guerre mondiale. Les familles sont détruites, et les repères ont disparu. Car au-delà des personnages que nous cotoyons et des bâtiments détruits, le Japon tout entier voit s'opérer des changements très importants. Les légendes entourant l'Histoire du Japon sont remises en cause, les tenants de l'ancienne doctrine sont poussés vers la sortie. Tout n'est qu'opposition entre les modes de vie occidental et japonais, et l'existence d'Etsuko sera exactement à cette image.
Elle est mariée à un homme qui ne partage pas les événements qui le touchent avec elle, et qui lui accorde une place qui ferait bondir à peu près n'importe quel individu qui a intégré les valeurs occidentales (dans mes rêves en tout cas). Son beau-père est quant à lui profondément choqué d'apprendre qu'une femme peut ne pas partager les opinions politiques de son mari. En face d'Etsuko, se reflète l'image de Sachiko qui, elle, ne rêve plus que d'ailleurs, et qui refuse d'attendre la vieillesse dans les pièces vides et silencieuses de la maison de son oncle. Elle ne peut accepter une vie dans laquelle les femmes se battent pour faire le repas, non parce qu'elles aiment faire la cuisine, mais parce que cela leur permet de s'occuper un peu. Elle préfère espérer en vain plutôt que de renoncer. Elle veut offrir le meilleur à sa fille, et essaie de se convaincre qu'elle fait le bon choix.
Aucun jugement n'est prononcé dans ce livre, et personne n'est diabolisé. Au contraire, si on ressort de ce roman avec le sentiment que quelque chose n'a pas marché, on réalise surtout que toute décision aurait nécessité des sacrifices. Etsuko le sait, et l'on voit apparaître chez cette femme la terrible résignation propre aux personnages d'Ishiguro. Il m'arrive parfois de me demander comment je réagirais si dans quelques années, je devenais quelqu'un que la fille d'aujourd'hui mépriserait. Ce roman montre bien à quel point il s'agit d'une situation compliquée sans réponse toute faite. 

Lumière pâle sur les collines ne lève pas tous ses mystères, mais il s'agit surtout d'un livre magnifique et bouleversant. J'ai été soufflée.

L'avis d'Erzébeth, conquise elle aussi (et là je vois que Fashion n'aime pas Ishiguro !!). Erzébeth, si tu passes par là, j'aimerais bien discuter de quelques trucs avec toi.
Rose aussi a aimé.

Mon compte en banque tient aussi à remercier la personne qui a revendu Un artiste du monde flottant dans sa toute nouvelle édition Folio à mon bouquiniste, sans même l'avoir ouvert visiblement. 

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16 février 2009

Le cher ange ; Nancy Mitford

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La Découverte ; 276 pages.
Traduction de Olivier Daria.
V.O. : The Blessing. 1951.

Je vous en prie, dîtes-moi que vous aussi vous trouvez la couverture de ce livre affreuse ! On dirait celle d'un mauvais roman à l'eau de rose, et lorsqu'on ne connaît pas la signification du titre, ni l'auteur, je comprends que l'on parte en courant...
De Nancy Mitford, j'avais lu La poursuite de l'amour, un livre très sympathique, mais qui ne m'avait pas non plus entièrement conquise. Le cher ange s'est chargé de le faire, ce livre est absolument exquis !

Grace, une jeune et riche anglaise, rencontre Charles-Edouard de Valhuibert, de passage à Londres pendant la Deuxième Guerre mondiale. Il est Français, de haute lignée, passionné d'art, et coureur de jupons insouciant. Bien que fiancée à un autre homme, Grace accepte d'épouser Charles-Edouard, dont elle est tombée éperdument amoureuse. Après une courte et singulière lune de miel, Charles-Edouard part sur le front, où il demeure sept ans.

« Quand, durant les années solitaires à venir, Grace tentait de se remémorer ces dix brèves journées, la même image s’offrait toujours à son esprit : Charles-Edouard déplaçant les meubles. »

A son retour, il retrouve son épouse, ainsi qu'un petit garçon, Sigismond. Le couple se rend immédiatement en France, où les habitudes de vie différentes des deux époux, qui étaient jusque là uniquement un sujet de plaisanterie, deviennent un sujet de discorde.  

C’est alors que le rôle de Sigismond prend toute son importance. Le « cher ange », comme le baptisent volontiers sa mère et sa Nanny, délaissé par son père lorsque ses parents étaient heureux, devient le centre de toutes les attentions, et n’est pas près à renoncer à ce nouveau statut.

Ayant moi-même vécu à l’étranger, je sais combien passer une simple frontière peut déboussoler un individu, même lorsque celui-ci est plein de bonne volonté. Les personnages de ce roman sont tous ou presque fort sympathiques, curieux, mais si pleins de préjugés, envers les autres nationalités, envers l’autre sexe, que cela donne lieu à des situations loufoques, et parfois douloureuses. L’Europe se relève difficilement des ravages occasionnés par la Seconde Guerre mondiale, et malgré l’entente cordiale, la "vieille petite Europe" et les "grands Etats-Unis d'Amérique" ne se comprennent pas davantage que les Anglais et les Français. De toute façon, même lorsqu’ils ont des points communs, ils sont incapables de les voir. 

Heureusement, l’ironie de Nancy Mitford bat son plein dans ce roman. J’avais souri dans La poursuite de l’amour, Le cher ange se sert admirablement de l’humour pour calmer les esprits, relativiser, envisager tous les points de vue, et finalement accepter l’autre et arrêter de ne percevoir la situation qu’à travers ses propres principes. Ce Charles-Edouard ! Il ressemble d’abord à un horrible type, mais comme on comprend Grace à la fin ! J’aime sa façon de voir les choses, et même si je partage plutôt les conceptions de Grace, la manière dont il envisage parfois le mariage est tellement naïve qu’on la lui envie. Lorsque sa femme lui avoue qu’elle a pensé épouser deux autres hommes,  voilà ce qu’il lui répond :

« Extraordinaire ! Avouez que vous ne vous seriez jamais amusée autant qu’avec moi ?
- L’amusement n’est pas le but du mariage, fit Grace, très digne.
- Vous en êtes sûre ? »


Sans commentaire. Il n’est pas tout le temps comme cela non plus, il sait aussi agir en adulte, et pourquoi il a épousé Grace (non, rien à voir avec l’argent, même si, comme tout le monde le sait, les Français, qu’ils soient richissimes ou non, ne négligent jamais la perspective d’en avoir encore plus…).

Le couple formé par Grace et Charles-Edouard est victime des manigances de Sigismond, mais ce dernier sait aussi être plus attendrissant aux yeux du lecteur, lorsqu’il entreprend de se faire gâter également par ceux qui aspirent à devenir ses beaux-parents. L’une des maîtresses de Charles-Edouard, afin de conquérir le garçon, organise un bal où les enfants sont conviés. C’est une première dans la bonne société parisienne, et une véritable catastrophe. Les adultes s’arrachent les enfants, relégués à la campagne d’ordinaire, afin d’être admis au bal, deux mères incapables de reconnaître leur bébé à la fin de la soirée tirent au sort l’enfant qu’elles vont remporter, et le petit Sigismond s’endort, tandis que son père est parti s’amuser avec une honnête épouse... 

Un roman délicieux, idéal en cas de petite baisse de morale ou simplement pour se divertir.

Emjy aussi a adoré.

29 mars 2008

La voleuse de livres ; Markus Zusak

9782266175968R1_1_Pocket ; 640 pages.
7,70 euros.

Un bon conseil : n'écoutez pas les mauvaises langues^^. Je viens de terminer ce livre, et je suis encore sonnée.

Liesel est encore une petite fille quand sa mère les conduit, elle et son petit frère dans la banlieue de Munich, à Molching. C'est dans le train que Liesel rencontre pour la première fois la Mort, qui vient emporter son cadet. Après les funérailles, Liesel trouve un livre dans la neige et l'emporte. A Molching, elle est accueillie par Rosa et Hans Huberman. C'est avec eux ainsi qu'avec Rudy, son meilleur ami, qu'elle va vivre la Deuxième Guerre mondiale, surveillée en coin par la Mort. Hans Huberman se lève toutes les nuits pour la consoler après son cauchemar récurrent. Avec lui, elle apprend à lire, se passionne pour les livres, qu'elle vole, et finit même par fasciner les autres habitants de la rue Himmel en leur faisant la lecture lors des bombardements.

La voleuse de livres est un livre auquel il est difficile de rester insensible quand on le croise sur un présentoir. La couverture est vraiment bien trouvée et le titre accrocheur. J'avais été un peu refroidie par les avis mitigés voire carrément écoeurés lus sur les autres blogs, du coup j'ai attendu la sortie poche (au grand bonheur de mon porte-monnaie).
En fait, même s'il m'a fallu une cinquantaine de pages pour vraiment rentrer dans l'histoire, le style m'a beaucoup amusée. J'imagine qu'en VO, cela doit encore mieux rendre, parce que Markus Zusak joue avec les mots, intègre différentes formes, et démontre le pouvoir des mots. Max se sauve de Stuttgart parce que le titre Mein Kampf écrit sur le livre qu'il porte dissimule qu'il est juif. Markus Zusak fait simple, puis nous dévoile certaines choses, avant de revenir en arrière. Tout cela sans créer de confusion, au contraire. Cela permet au lecteur de mieux enregistrer, de mieux comprendre. 
Contrairement à Clarabel, j'ai trouvé la Mort plutôt attachante. Son "Doux Jésus, Rudy..." est terrible. C'est bien simple, je n'ai pas pu retenir mes larmes sur la fin. Pourtant, je pleure rarement en lisant un livre.
Il faut dire qu'ils sont vraiment attachants ces personnages. Liesel, Rudy, Hans, Rosa, Tommy, et même la vieille guigne qui crache chaque jour sur la porte des Huberman. Le sujet est grave, mais l'histoire est ensoleillée. J'ai éclaté de rire à plusieurs reprises, Liesel n'est qu'une enfant, et ses actes sont ceux de quelqu'un qui ne s'attache qu'à ce qui compte vraiment. Rudy et elle ne comprennent pas tout, mais ils ont les bonnes intuitions. Il y a l'accordéon d'Hans, les hurlements de Rosa, les "saurkel" et les "saumensch" à tout va. Parce qu'il y aura toujours plus tard pour se dire que l'on s'aime. Enfin, c'est ce que l'on croit.
Ce livre est vivant, distrayant, grave et puissant.
Courez l'acheter !

" Désormais, je ne veux plus espérer. Je ne veux plus prier pour que Max soit sain et sauf. Ni Alex Steiner.
     Parce que le monde ne les mérite pas. "
(page 599)

Les avis d'Emjy et de BlueGrey.

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