Laissez-moi : Commentaire - Marcelle Sauvagot
"Je veux bien perdre la tête, mais je veux saisir le moment où je perds la tête [...]. Il ne faut pas être absent de son bonheur. "
Alors qu'elle se soigne dans un sanatorium, une femme reçoit une lettre de rupture de l'homme qu'elle aime. Il lui annonce son mariage et l'assure de son amitié. La narratrice lui répond dans des lettres qu'elle ne lui enverra jamais.
Ce court texte écrit au début des années 1930 est un concentré de finesse et d’intelligence (sans parler du style, superbe). Cette introspection nous montre tout ce qu'il y a d'égoïste dans l'amour (et en quoi ce n'est pas forcément négatif). La narratrice commente les sentiments provoqués par sa rupture, mais aussi ses rapports passés avec son ancien partenaire et les actions qu’elle entreprend suite à l’annonce qui lui est faite.
Le sentiment d’être aimé nous fait exister, encore plus lorsqu’on vit comme la narratrice, hors du monde. La rupture fait douter, provoque une remise en question. Pour ceux qui la connaissent, elle provoque la crainte les heures sombres à venir.
On est avant Beauvoir et la femme comme Autre, pourtant cela n’a pas échappé à Marcelle Sauvageot. "L’homme est : tout semble avoir été mis à sa disposition. " Il serait ainsi, dans une rupture, facile d’oublier sa propre valeur face aux reproches pointés par l’homme pour justifier sa désertion.
Blessée et déçue ne veut pourtant pas dire détruite et incapable de raisonner. L’esprit d’indépendance de la narratrice, qui agaçait l’homme lorsqu’ils étaient en couple, est ce qui lui permet de conserver un certain contrôle sur sa vie.
Un texte remarquable. A lire en période de rupture ou pour ne pas oublier que l’on existe avant tout en tant qu’individualité.
Phébus. 134 pages.
1934 pour l'édition originale.