La Fin d'une ère (La Saga des Cazalet, V) - Elizabeth Jane Howard
" Son rôle dans la vie consistait à prendre soin des autres, à ne jamais se soucier de son apparence, à comprendre que les hommes étaient plus importants que les femmes, à veiller sur ses parents, à organiser les repas et superviser les domestiques qui, hommes ou femmes, l'adoraient pour son dévouement et l'intérêt qu'elle leur manifestait. "
1956. Après presque quatre-vingt-dix ans de règne, la Duche s'éteint paisiblement. Les Cazalet sont d'autant plus déstabilisés que l'entreprise familiale est dans une situation périlleuse. Certains vieillissent ou tombent malades, les autres essaient péniblement de jongler entre leur situation financière, leurs obligations familiales et leurs ambitions personnelles. Serait-ce le temps des désillusions ?
Ce tome se lit avec beaucoup de plaisir puisqu'il s'agit de retrouver des personnages auxquels on s'est attachés durant les quatre délicieux tomes précédents (même si le deuxième et le troisième ont ma préférence). Les tentatives des frères pour sauver l'héritage transmis par leurs parents, leurs querelles dues à des visions antagonistes raviront les lecteurs qui apprécient la dimension historique de la saga. L'époque où un simple nom garantissait la prospérité est révolue. Par ailleurs, Rachel, sans doute le personnage le plus touchant et le plus constant, occupe ici une place prépondérante. C'est un déchirement de quitter Home Place pour toujours.
On m'avait prévenue que ce tome additionnel n'avait pas fait l'unanimité et même si cela m'ennuie de critiquer une saga que j'ai adorée jusqu'à présent, je suis très déçue par certains aspects de ce livre.
Tout d'abord, la brièveté des chapitres et le très grand nombre de parties rendent le récit superficiel, d'autant plus que de nombreux passages concernent les jeunes enfants des protagonistes, dont les brouilles et les passions sont ennuyeuses et redondantes.
Cela se fait particulièrement aux dépens des personnages féminins, qui étaient le gros point fort de la saga. Polly, Louise et Clary ne sont plus que l'ombre d'elles-mêmes. La première est désormais une mère de famille respectable si inintéressante qu'on la voit à peine. Les deux autres se débattent avec leur compagnon, chacune à sa manière. Si Villy, Zoë et Jemima s'en sortent bien, c'est surtout pour faire ressortir le contraste avec la vulgaire Diana. J'adore détester cette dernière, soyons clair, mais cela sert avant tout à réhabiliter Edward, qui n'en mérite pas tant.
Elizabeth Jane Howard ne semble accorder son indulgence et mettre l'accent sur la complexité des situations que lorsqu'il s'agit de dédouaner les personnages masculins. Tentative infructueuse en général. Ainsi, Archie, autrefois chevalier blanc, enterrine son statut de parfait goujat lorsqu'après avoir eu une attitude franchement méprisable durant l'intégralité du roman (je ne parle pas de ses erreurs humaines, mais de son incapacité à les assumer), il s'excuse avec condescendance et paternalisme pour le caractère pleurnichard de son épouse devant toute la famille.
Il y a de très beaux passages, en particulier sur la solitude de Villy et la fin de Miss Milliment. Quelques phrases éparpillées laissent entendre que l'autrice n'a pas complètement oublié les sacrifices qu'impose le mariage, mais c'est comme si elle avait écrit ce livre dans la précipitation et était tombée dans la facilité du conservatisme.
Une note un peu amère pour clôturer cette aventure avec les Cazalet, mais je relirai très certainement cette saga un jour. Je remercie les Editions de la Table Ronde pour le livre et pour avoir encore une fois rendu disponible une incontournable autrice anglaise.
La Table Ronde. 552 pages.
Traduit par Cécile Arnaud.
2013 pour l'édition originale.