La Femme changée en renard ; David Garnett
Grasset ; 183 pages.
Traduit par Jane-Simone Bussy et André Maurois.
1924.
Sans le Challenge Bloomsbury organisé par Mea, je n'aurais probablement pas découvert cette œuvre de David Garnett dans l'immédiat. Ami des membres du goupe, ancien amant de Duncan Grant, il épousera plus tard la fille de ce dernier, Angelica (qui est aussi le prénom de l'un des personnages de La Femme changée en renard).
Lors d'une promenade dans les bois, Mr et Mrs Tebrick entendent le bruit d'une chasse au renard. C'est alors que cette jeune femme, de façon impromptue, se trouve métamorphosée en cette petite bête. Son époux, bien qu'abattu, décide de prendre soin d'elle, qui semble avoir conservé sa personnalité de jeune fille bien éduquée de la bonne société.
Il décide de dissimuler la nouvelle apparence de sa chère Sylvia en renvoyant les domestiques et en se terrant dans sa demeure. L'événement n'a aucune explication logique, mais il espère retrouver son épouse. Cependant, tandis les jours défilent, il ne peut que constater que sa renarde agit de plus en plus avec son instinct, et que son affection pour lui compense de moins en moins sa soif de liberté.
La Femme changée en renard est un texte extrêmement surprenant, qui a l'allure d'une fable sans en être explicitement une.
Je pense que David Garnett s'est amusé à lancer quelques piques à son époque avec ce texte. La forme elle même lui inspire des lignes savoureuses :
"Une femme faite est changée d'un seul coup en renard. Voilà qui ne peut être expliqué par aucune philosophie naturelle. Le matérialisme de notre époque ne nous est d'aucun secours. C'est à la lettre un miracle ; un fait entièrement étranger à notre monde ; un événement que nous accepterions volontiers si nous le rencontrions dans l'Écriture Sainte revêtu de l'autorité de la Révélation Divine, mais qui nous déroute quand il se passe dans l'Oxfordshire, parmi nos voisins et presque de nos jours."
Mais ce que David Garnett veut démontrer avec précision dans ce livre, on ne peut que le supposer. Mr Tebrick a t-il réellement sombré dans la folie comme le disent les ragots ? Cette renarde est-elle une simple renarde, tandis que la vraie Mrs Tebrick court le monde avec un amant ? Ou bien s'agit-il d'une façon pour l'auteur de plaider pour une nouvelle place de la femme dans la société ? Ou encore, est-ce le contraire ? En effet, si Sylvia Tebrick est d'abord un animal qui a conservé sa bonne éducation, sa pudeur et son affection pour son époux, elle est de plus en plus sujette à ses instincts de renard. Or, cet animal est malin et trompeur selon la symbolique traditionnelle. D'un autre côté, l'amour inconditionnel de l'époux est touchant, et le ton ironique avec lequel l'auteur traite ce pauvre garçon prouve la maîtrise qu'il a de son texte.
J'avoue ne pas trop savoir sur quel pied danser après cette lecture. Contrairement à la préface, qui en appelle à l'admiration conditionnelle, même si l'on ne comprend pas, j'ai du mal à apprécier totalement un texte dont je ne parviens pas à saisir le moindre fragment.
Vercors a semble t-il écrit une réponse à cette oeuvre, j'y trouverai peut-être quelques réponses.
L'interprétation de Sylvie est convaincante et charmante.