Captive - Margaret Atwood
Le 18 juillet 1843, au nord de Toronto, Thomas Kinnear et sa femme de charge, Nancy Montgommery, sont sauvagement assassinés. Les meurtriers sont James McDermott et Grace Marks, deux autres employés de la maison, qui s'enfuient ensuite avec les objets de valeur qu'ils peuvent emporter. Rattrapés aux Etats-Unis, ils sont enfermés puis jugés à Toronto, procès à l'issue duquel ils sont condamnés à mort. La peine de Grace Marks est finalement commuée en prison à vie.
Dès les premiers instants, des voix s'élèvent pour prendre la défense de Grace Marks. Des pétitions demandant la libération de la jeune fille de seize ans voient le jour. Ces défenseurs pensent que Grace n'est pas coupable et qu'elle est la troisième victime de James McDermott.
Des années plus tard, le docteur Simon Jordan décide de rencontrer Grace et de découvrir la vérité.
Quand on s'intéresse au féminisme et à l'histoire des femmes en général, Margaret Atwood est un auteur qui semble incontournable. Captive est en effet un portrait de femme, mais pas seulement.
A travers cette histoire, nous voyons apparaître devant nous le Canada du XIXe siècle. Née en Irlande dans une famille d'autant plus pauvre que le père dépense en alcool les maigres ressources à disposition, Grace s'embarque avec les siens vers le continent américain alors qu'elle est à peine une adolescente. La traversée est éprouvante, mais une partie de la famille arrive finalement en Ontario. Nous l'observons alors faire ses premiers pas en tant qu'employée de maison.
La période est instable, les tensions politiques et religieuses nombreuses. A cette époque, les femmes sont particulièrement vulnérables. Atwood nous décrit avec précision la vie de Grace, à tel point que le drame qui l'a rendue célèbre n'est pas toujours en ligne de mire. Aimant les romans ayant un fond historique, j'ai apprécié cet aspect du livre, même si je pense que quelques coupes auraient été appréciables. Grace Marks et James McDermott étant Irlandais, les enquêteurs sont d'autant plus sévères à leur égard que la réputation de cette population est mauvaise.
J'ai dit plus haut que Margaret Atwood était connue pour ses écrits engagés. Sur ce point, j'ai été un peu déçue. Il est bien question de femmes maltraitées, d'avortements, de grossesses et de relations sexuelles hors mariage. Mais le destin de Grace n'est pas assez utilisé pour faire une illustration de cela. Captive est une histoire basée sur des faits réels. C'est à la fois une force, puisque cela rend le récit plus palpitant et une faiblesse étant donné que le parti pris de Margaret Atwood est de ne pas trop dévier des faits connus. Cela donne une fin à mon sens assez décevante. Pendant tout le récit, on s'interroge sur Grace. On se demande s'il s'agit d'une victime, d'une femme souffrant de troubles mentaux, d'une Shéhérazade ou bien d'une manipulatrice hors pair. Pourtant, au lieu de nous dévoiler une femme dans toute sa complexité, Atwood tourne autour du pot et se contente d'utiliser Grace Marks pour évoquer l'arrivée de la psychologie dans les enquêtes et de poser sans y répondre la question de la responsabilité des criminels en cas de troubles mentaux.
Par ailleurs, la majeure partie du récit se concentre sur les souvenirs de Grace et sa version du drame. L'enquête du docteur sur le terrain commence très tardivement. Le personnage de Simon Jordan lui-même est décevant. Il disparaît au moment où l'on aurait besoin de son éclairage.
J'ai donc apprécié ma lecture tout en déplorant quelques longueurs et un contrat de base qui n'est à mon sens pas complètement respecté à cause d'un refus de l'auteur de prendre parti. Cela ne m'empêchera pas de lire d'autres de ses oeuvres.
Les avis de Lili et de Maggie.
Une lecture qui rentre dans le Challenge Pavévasion de Brize.
Audible. 18h.
Lu par Elodie Huber.
1996 pour l'édition originale.