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lilly et ses livres
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11 août 2014

Du côté de chez Swann - Marcel Proust

9782253059097-TDevenu adulte, notre narrateur nous raconte ses vacances d'autrefois chez ses grands-parents, à Combray. Il nous confie ses peurs d'enfant, son amour pour sa mère, le bonheur des promenades, la vie avec ses grandes-tantes, la servante Françoise et le fameux Charles Swann au nom si doux.

Je pensais que le jour où je viendrais enfin vous parler de ma découverte de Marcel Proust, la fierté d'avoir accompli un immense exploit serait la plus forte, mais je suis en fait éblouie.
Lire ce livre nécessite assurément d'être disponible, car chaque phrase se savoure. Mais ce n'est ni lent, ni ennuyeux, ni triste. Au bout d'une cinquantaine de pages, j'ai réalisé que cet auteur allait rejoindre la liste des auteurs qui me touchent le plus. Lire Proust, c'est vraiment regarder dans un miroir. Il capte les émotions et les décrit comme personne, à tel point qu'on a l'impression que c'est de nous en particulier dont il est question.
En lisant ces longues phrases et en percevant cette obsession pour le temps et les émotions, on ne peut que penser à Virginia Woolf, même si cette dernière peint quand Proust exprime (je suis encore super claire...). En d'autres termes et pour le dire de façon grossière, là où Woolf utilise les éléments qui l'entourent pour décrire les tourments intérieurs, Proust est beaucoup moins abstrait. J'étais surtout curieuse de connaître notre Marcel national pour le comparer à la romancière anglaise, et finalement je les sens à la fois proches et très différents l'un de l'autre.

La construction du livre en lui-même est aussi habile que surprenante. La première partie, Combray, restitue les souvenirs d'enfance du narrateur. C'est sublime, drôle, plein d'anecdotes qui nous rappellent notre propre enfance. La seconde partie, Un amour de Swann, contient le récit de la relation entre Swann et Odette de Crécy. On se croirait presque dans un roman de Zola ou de Balzac lorsqu'on assiste aux réceptions chez les horribles Verdurin et que l'on voit Odette mener Swann par le bout du nez. Enfin, Noms de pays : le nom clôture le livre en une quarantaine de pages. Cette fois, notre narrateur redevient le personnage principal. Il semble avoir grandit depuis Combray, et tombe sous le charme de Gilberte Swann.
A première vue, les trois parties ne semblent pas interdépendantes. Je me souviens qu'il y a quelques années les élèves de classes préparatoires scientifiques devaient d'ailleurs lire la deuxième partie uniquement. En effet, l'époque n'est pas la même, les personnages sont différents. Pourtant, Swann est au moins un fantôme dans chacun des textes. Sa position, ses fréquentations que l'on nous présente dans la seconde partie, il en est question dès le début, lorsque la grande-tante du narrateur évoque son horreur des gens qui se lient à des personnes appartenant à une classe sociale distincte de la leur. Et l'on comprend tout à la fin que malgré la savoureuse dernière phrase de la seconde partie, Swann n'est pas parvenu à se tirer d'embarras. En fait, quand on tourne la dernière page, on n'a pas l'impression d'avoir lu trois livres, mais plutôt d'en avoir raté un gros morceau (d'où les six autres livres je pense).

Si je peux maintenant affirmer que Proust a beaucoup d'humour, il y a tout autant de nostalgie dans ce livre. A la fin bien sûr, lorsque le narrateur réalise que l'époque a changé, que les tenues de Mme Swann n'existeront plus jamais. Mais aussi dans la première partie, à chaque fois qu'un élément rappelle au narrateur son enfance, que ce soit par le biais de la fameuse madeleine ou d'autre chose :

" ce parfum d'aubépine qui butine le long de la haie où les églantiers le remplaceront bientôt, un bruit de pas sans écho sur le gravier d'une allée, une bulle formée contre une plante aquatique par l'eau de la rivière et qui crève aussitôt, mon exaltation les a portés et a réussi à leur faire traverser tant d’années successives, tandis qu’alentour les chemins se sont effacés et que sont morts ceux qui les foulèrent et le souvenir de ceux qui les foulèrent. "

Après tout, quand il est question de "temps perdu", c'est assez normal d'être partagé entre le bonheur de ses souvenirs d'enfant et la tristesse d'avoir grandi.

Comme toujours lorsque j'évoque un livre de cette ampleur, je trouve mon billet minable tout en ayant besoin d'en garder une trace sur mon blog.
Alors pour fait un résumé très court, Du côté de chez Swann, c'est très très bien.

Les billets éclairés de Romanza et Titine.

Le livre de poche. 478 pages.
1913.

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Commentaires
E
Je suis contente de lire un si beau billet sur Marcel Proust. Si je ne l'aimais pas déjà, je me serais jetée sur le livre pour le découvrir. J'ai lu Du côté de chez Swann deux fois mais les deux lectures ne se ressemblaient pas du tout (le plaisir de la relecture !). On croit souvent qu'il est ennuyeux, mais Marcel est plein d'humour. D'ailleurs quand on s'intéresse un peu à lui, on découvre qu'il n'était pas toujours enfermé dans sa chambre (bien qu'à la fin de sa vie il y ait passé beaucoup de temps à cause de sa santé) mais qu'il courait les salons mondains. Un vrai dandy. Comme tu le dis si bien, il y a dans ce livre de l'ironie, du l'humour, et en même temps de la nostalgie et de la tristesse. Un vrai plaisir à lire.
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L
Céline : je n'en suis pas encore aux derniers volumes ;)
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C
Je me retrouve dans ton émerveillement. J'ai lu ce livre une nuit d'insomnie, pensant que le style de Proust allait m'aider à trouver le sommeil. Bien au contraire : j'ai été captivée et je n'ai pu le lâcher avant 3h du matin ...<br /> <br /> En revanche, les derniers volumes (Albertine disparue, ...) sont beaucoup plus difficiles à lire. Je ne me suis donc jamais décidée à lire Le temps retrouvé ...
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L
Karine : ça ne m'étonne pas que tu aies aimé. J'espère pouvoir lire le deuxième assez vite également.<br /> <br /> <br /> <br /> Bulle : je suis contente d'avoir attendu pour le lire. Je ne suis pas sûre qu'à vingt ans j'aurais su l'apprécier autant.
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B
C'est vrai que Proust manquait dans l'Olympe, voilà une chose bellement corrigé car ce pauvre Proust pâtit de sa réputation d'auteur difficile. ce qu'il n'est pas du tout, en tout cas bien moins qu'on le dit. Perso, il m'a fallu trois tentatives donc deux échecs pour finalement entrer avec bonheur dans l'univers de V. Woolf. ET Proust mis à mon programme de fac quand j'avais 20 ans m'a conquise immédiatement. Comme vous le dites, son oeuvre est drôle (il y a des pages d'anthologie sur le salon des Verdurin), fin, intelligent, terriblement humain. et c'est formidable de donner envie ainsi de le lire bravo!
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