Sarn - Mary Webb
Le nom des Sarn vient du lieu où la famille vit modestement depuis plusieurs générations. Au milieu des bois, près de l'étang, ils cultivent fruits et céréales et élèvent quelques bêtes. Dans ces contrées partagées entre les croyances païennes et le christianisme puritain, Prue est née avec un bec-de-lièvre. Malédiction ou tare physique, cela la condamne aux moqueries et au célibat. Lorsque le père meurt, son frère, Gédéon, décide de sortir de sa condition à la force de ses bras et de ceux de sa famille.
Encore un livre qui attendait de nombreuses années dans ma bibliothèque et dont la lecture aura été un immense plaisir. Lire Mary Webb, c'est pénétrer dans le monde enchanteur de Prue Sarn, qui s'emerveille de la beauté des libellules et des nénuphars ainsi que de la contemplation de la valse des saisons.
Malgré les querelles, la communauté vit en bonne entente et la solidarité est ancrée parmi les habitants. La plupart des gens vont à l'église tout en respectant les coutumes qui obligent à prévenir les corneilles des décès. Et si les hommes sont souvent autoritaires et butés, c'est un plaisir de voir les femmes (et un homme) leur tenir tête et les manipuler pour parvenir à leurs fins.
Cependant, Mary Webb ne ressemble pas à Thomas Hardy seulement pour son amour de la campagne anglaise. La fragilité du bonheur, de la condition féminine et la brutalité de la société, incarnée avant tout par Gédéon, apparaissent aussi dans Sarn. Il y a ici une sorte de manichéisme (et donc de moralisme) qui aurait pu m'agacer en temps normal, mais la forme adoptée par Mary Webb est celle du conte et l'autrice laisse le lecteur interroger de lui-même les actions de celui qui s'entête tellement qu'il en oublie le sens de ses actions.
Une lecture commune fait avec Lili pour la première session de cette nouvelle saison des Classiques c'est fantastique sur le thème "En un mot" (et j'ai découvert avec étonnement que de nombreux livres entraient dans cette catégorie) et pour ouvrir ce nouveau Mois Anglais.
Grasset. 375 pages.
Traduit par Jacques de Lacretelle et Madeleine T. Guérite.
1924 pour l'édition originale.