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lilly et ses livres
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5 août 2013

L'autre moitié du soleil - Chimamanda Ngozi Adichie

imagesNigeria, années 1960. Les Anglais se sont retirés du pouvoir politique, laissant une situation très instable en raison des tensions existant entre les différentes populations nigérianes. Au nord, les Haoussas sont musulmans et ont été favorisés par la présence anglaise. Dans le sud-est, les Ibos, chrétiens, ne comptent pas abandonner leur part du gâteau.
Suite à de graves massacres en 1966, les Ibos proclament la République du Biafra en 1967. La guerre va durer trois ans.
Le livre débute alors qu'Ugwu, un jeune boy ibo, arrive chez Odenigbo, un professeur de l'université de Nsukka. Odenigbo est un homme très engagé, réunissant chez lui ses collègues afin d'envisager l'avenir. Lorsqu'Olanna, sa compagne issue d'une riche famille ibo, vient le rejoindre, leur combat s'intensifie. Olanna est très belle et passionnée. Elle a toujours éclipsé sa soeur jumelle, Kainene, dont le compagnon anglais Richard observe, captivé et envieux, la culture ibo. Quand la guerre éclate, ces cinq personnages espèrent trouver une nouvelle patrie.

Moi qui désespère souvent lorsque je vois à quel point je suis incapable de diversifier mes lectures, j'ai été servie niveau dépaysement et émotion avec ce roman. Chimamanda Ngozi Adichie nous livre une histoire complexe, qui développe aussi bien le contexte du Nigeria dans les années soixante que des histoires personnelles, à l'aide d'une construction habile qui fait alterner les époques et les points de vue. Trois narrateurs, représentant chacun un monde différent, s'expriment. Ugwu est un serviteur. Odenigbo et Olanna le traitent un peu comme leur enfant, en lui faisant faire des études qui lui auraient été inaccessibles autrement et en sacrifiant beaucoup pour lui. En échange, Ugwu sert et protège ses maîtres avec dévotion. Olanna est quant à elle une jeune femme ayant reçu une excellente éducation entre le Nigeria et l'Angleterre. C'est un personnage intéressant car très imparfait. Bien qu'elle admire Odenigbo sans retenue, les valeurs inculquées par ses parents refont parfois surface. Ainsi, elle ne peut s'empêcher d'éprouver du dégoût face à la saleté dans laquelle vivent d'autres membres de sa famille. Les enfants des autres lui semblent indignes de s'approcher de sa propre fille, et il lui arrive de déraper face à Ugwu, dévoilant ainsi le fait qu'elle ne le considère pas entièrement comme son égal. Enfin, Richard est un Anglais venu au Nigeria un peu par hasard. Après avoir fréquenté le monde raciste des expatriés et la haute société nigériane, il tombe amoureux de Kainene, et veut trouver une nouvelle place auprès d'elle.
Bien sûr, le contexte historique est essentiel dans ce livre. Les Anglais s'étant retirés, la population doit en subir les conséquences. Comme le dit Odenigbo, la Colonisation a créé des Etats qui avaient un sensFlag_of_Biafra essentiellement pour les Européens, forçant ainsi des peuples différents à vivre ensemble. L'alliance de ces derniers est d'autant plus difficile que les colons ont appuyé leur domination en appliquant la politique du "diviser pour mieux régner." Lorsque le Nigeria obtient finalement son indépendance, la partie est loin d'être gagnée. Aux côtés d'Olanna et de Richard, nous sommes ainsi les témoins des massacres perpétrés sur les ibos. Quand la République du Biafra, est proclamée, les ibos pensent obtenir leur tranquilité. Cependant, c'est dans cette région du Nigeria que se situent d'importants gisements de pétrole, et ni les nigerians ni la communauté internationale ne sont prêts à renoncer à leurs intérêts. Nous suivons donc nos personnages devant faire face aux pénuries de nourriture, aux enrôlements de force, à la corruption, à la suspiçion et à la propagande qui les laisse espérer jusqu'au bout la victoire du Biafra. La fin est particulèrement cruelle parce que tous ces sacrifices semblent avoir été vains.
Le livre pourrait s'arrêter là, mais il nous montre aussi le combat entre tradition et modernité. Olanna, Odenigbo et Kainene appartiennent à une élite citadine qui contraste avec le monde rural où les croyances populaires ont toujours cours dont Ugwu est issu.

C'est donc un Nigeria vivant une douloureuse métamorphose que nous décrit Adichie. Le ton employé pourrait donc être pesant, et pourtant, sans que les détails nous soient épargnés, jamais ce livre ne plonge ses lecteurs dans l'horreur trop longtemps. Il y a toujours Ugwu pour faire une bêtise, ou les autres pour nous redonner du courage. Peut-être pas un livre extraordinaire, mais je m'en souviendrai longtemps en raison de l'éclairage qu'il apporte sur l'histoire du Nigéria.

Folio. 663 pages.
Traduit par Mona de Pracontal.
2006 pour l'édition originale.

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Commentaires
L
Gangoueus : il faudra que je le lise alors.
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G
Une très belle critique, un très bon souvenir de lecture. Une petite préférence pour L'hibiscus pourpre, son premier roman.
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L
Karine : je crois que c'est "L'hibiscus pourpre" dont tu parles.
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K
Dis donc, tu te fais tentante avec ce roman. J'avais noté quelque chose de l'auteur mais je pense qu'il y avait une couleur dans le titre... c'était le commentaire édifiant du jour!
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L
Jackie Brown : Je note ce titre, on verra si je veux retourner au Nigéria. <br /> <br /> <br /> <br /> Manu : je te laisse tester cet autre titre alors.<br /> <br /> <br /> <br /> Titine : je vais voir ça.
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