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lilly et ses livres
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16 janvier 2021

L'amant - Marguerite Duras

amant" Très vite dans ma vie il a été trop tard. À dix-huit ans il était déjà trop tard. Entre dix-huit ans et vingt-cinq ans mon visage est parti dans une direction imprévue. À dix-huit ans j’ai vieilli. Je ne sais pas si c’est tout le monde, je n’ai jamais demandé. "

A quinze ans, alors qu'elle vit en Indochine et que sa mère essaie de se sortir d'un très mauvais investissement qui la ruine, Marguerite Duras rencontre un très riche Chinois de vingt-sept ans. Ils deviennent amants.

Voilà un livre que je pensais connaître sans l'avoir lu, et que je ne pensais d'ailleurs pas lire un jour. C'est peu dire que les relations entre un adulte et une adolescente ne me font pas rêver. Cependant, cette relation sert ici avant tout de fil conducteur, et fait partie d'un tout bien plus vaste. Par ailleurs, elle est évoquée de façon froide. Ce n'est que plus tard que la jeune fille réalise qu'elle était impliquée sentimentalement. L'amant n'est jamais nommé, et Duras l'évoque toujours dans sa faiblesse physique et morale.

" Le corps. Le corps est maigre, sans force, sans muscles, il pourrait avoir été malade, être en convalescence, il est imberbe, sans virilité autre que celle du sexe, il est très faible, il paraît être à la merci d’une insulte, souffrant. Elle ne le regarde pas au visage. Elle ne le regarde pas. Elle le touche. Elle touche la douceur du sexe, de la peau, elle caresse la couleur dorée, l’inconnue nouveauté. Il gémit, il pleure. Il est dans un amour abominable. "

En fait, L'Amant n'est pas un roman d'amour. C'est un livre sur la fin d'une époque que l'on pourrait désigner comme l'enfance, même si ce n'est pas complètement cela non plus. L'héroïne est à un âge où elle pressent beaucoup de choses, sur la féminité, sur l'amour, sur la mortalité de l'homme, mais sans pouvoir encore les expliquer. J'ai rarement lu des choses aussi justes sur l'adolescence.

" Je sais que le problème est ailleurs. Je ne sais pas où il est. Je sais seulement qu’il n’est pas là où les femmes croient. "

C'est un livre douloureux. La mère, le grand frère, le petit frère et l'héroïne ont des relations complexes. Tous ont disparu, dans la honte, la folie ou la souffrance. On ne comprend pas tout, beaucoup d'éléments sont suggérés sans détails, mais cela ne m'a pas empêchée d'être bouleversée.

" Dans les histoires de mes livres qui se rapportent à mon enfance, je ne sais plus tout à coup ce que j’ai évité de dire, ce que j’ai dit, je crois avoir dit l’amour que l’on portait à notre mère mais je ne sais pas si j’ai dit la haine qu’on lui portait aussi et l’amour qu’on se portait les uns aux autres, et la haine aussi, terrible, dans cette histoire commune de ruine et de mort qui était celle de cette famille dans tous les cas, dans celui de l’amour comme dans celui de la haine et qui échappe encore à tout mon entendement, qui m’est encore inaccessible, cachée au plus profond de ma chair, aveugle comme un nouveau-né du premier jour. "

Le style de l'autrice m'a complètement emportée. Il paraît qu'on l'aime ou qu'on le déteste, moi qui adore les romanciers comme Woolf, Faulkner, Proust ou James (même s'il est très exagéré de dire que je connais bien les deux derniers), je ne pouvais qu'adhérer à L'Amant. Avec une temporalité brouillée, une narration éclatée, Duras essaie de faire revivre des images, des sensations, des relations. Si vous rêvez d'une véritable intrigue, passez votre chemin, sinon laissez-vous engloutir.

L'avis de Stephie sur la bande-dessinée.

Les Editions de Minuit. 141 pages.
1984 pour l'édition originale.

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Commentaires
C
Un sujet assez dur ! Et cette mère qui pousse sa filel dans les bras de cette homme pour des raisons financières, quelle horreur ! je crois que j'ai lu presque tout Duras ! A moment donné c'était un passage obligé quand on fait des études de lettres. Mais je n'ai jamais complètement adhéré à ce qu'elle écrit.
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R
C'est L'amant qui m'a fait aimer Duras. J'avais lu Yann Andréas Steiner avant (il y a bien longtemps), texte que j'avais peu apprécié ... et Les cahiers de la guerre et autres textes que j'avais bien aimé lui par contre. Je me souviens de fragments saisissants. <br /> <br /> L'amant m'a fait ressentir Duras ... au fond de moi. Mais c'est depuis Un barrage contre le Pacifique que je cite cette auteure comme une de celle que j'apprécie le plus. Quelle claque! J'avais adoré. Je te le conseille mille fois!<br /> <br /> Depuis, je la relis régulièrement et j'adore à chaque fois. Ce qui me surprend assez d'ailleurs. Son écriture est décousue et particulière, ses sujets souvent durs et violents ... Mais j'aime ... et j'aurai du mal à expliquer pourquoi. Sa plume me bouleverse. C'est un souffle, une respiration. <br /> <br /> Depuis l'année dernière, je lis la bio de Duras écrite par Laure Adler. Je la grignote entre deux lectures. Je suis contente d'en apprendre plus sur cette femme que j'aime autant qu'elle m'insupporte ;).
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L
Hélène : je me demande comment on peut adapter un texte comme celui-ci...<br /> <br /> <br /> <br /> Lou : c'est vrai, on évolue beaucoup. J'essaie de relire chaque année quelques livres que j'ai adorés, surtout quand ma première lecture remonte à l'adolescence.
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L
Je me promets de le relire depuis longtemps. Je l'ai lu quand j'étais au lycée, j'avais bien aimé l'histoire mais n'avais pas été non plus subjuguée. Sauf que nos goûts évoluent beaucoup et que je serais assez curieuse de voir comment je perçois ce titre aujourd'hui. J'avais envisagé de lire Barrage contre le Pacifique à l'époque mais j'avais rapidement renoncé, il me fait un peu peur.
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H
j'ai adoré, je me souviens de l'avoir lu à vingt ans et d'avoir vu ce film magnifique avec la voix de Jeanne Moreau, un grand souvenir !
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