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lilly et ses livres
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1 juin 2020

Middlemarch - George Eliot

middlemarch" Middlemarch, ce livre magnifique qui, malgré toutes ses imperfections, est l'un des rares romans anglais écrits pour des adultes." (Virginia Woolf)

Alors que l'Angleterre est en proie à des bouleversements religieux et politiques, Tertius Lydgate, jeune et ambitieux médecin, vient s'installer à Middlemarch. Avec le soutien du riche M. Bulstrode, il veut créer un nouvel hôpital et bouleverser les pratiques traditionnelles de la médecine, au grand dam de ses confrères. La douce et belle fille du maire, Rosamond Vincy, est séduite par ce nouveau venu.
Dorothea Brooke, de son côté, rejette la main de Sir James Chettam, préférant s'unir au vieux M. Casaubon dans lequel elle voit un grand intellectuel, digne de Pascal ou Milton, qui aurait bien besoin d'une épouse aussi admirative que dévouée pour l'aider dans son travail.

Je pense que Middlemarch était dans ma PAL depuis ma découverte de la littérature anglaise, soit depuis 2006...
Comme souvent lorsqu'on découvre un tel livre, je me suis demandée pourquoi j'avais attendu si longtemps avant de le lire. Je suis cependant ravie de l'avoir gardé de côté puisque certains aspects qui m'ont enchantée m'auraient peut-être moins intéressée il y a quelques années. Il m'a fallu quelques pages pour entrer dans l'histoire, mais ensuite cela a été un plaisir jusqu'à la dernière page.

Si la plume de George Eliot n'a pas la finesse de celle de Jane Austen, si son monde est moins sombre et passionné que celui des soeurs Brontë, elle leur est supérieure par bien d'autres aspects. Middlemarch est un roman réaliste, brillant et complet. En le lisant, j'avais en tête les mots de Mona Chollet sur la tendance des auteurs féminins à parler de l'intime quand les auteurs masculins évoquent ce qui est considéré comme les "grands problèmes du monde". George Eliot réalise avec succès la synthèse de ces deux objectifs.

George EliotJ'ai dû au cours de ma lecture relire une brève biographie de l'auteur, parce que j'étais persuadée qu'elle était l'épouse tranquille d'un pasteur (ce qui est en réalité la vie d'Elizabeth Gaskell) et que cela me semblait très incompatible avec l'écriture d'un livre tel que Middlemarch. George Eliot a eu une vie bien plus sulfureuse, et cela se ressent dans ce roman, aussi bien dans la vision de la société qu'il offre que dans la peinture de ses personnages, les femmes en particulier.

L'auteur n'hésite pas à parler des affaires du monde, qu'il s'agisse de politique, de religion ou de sciences. Middlemarch est une ville dans laquelle les forces en présence sont représentatives de la société et s'affrontent plus ou moins violemment. Ce livre est loin de n'être qu'un roman intimiste comme on pourrait s'y attendre en lisant son résumé. La destinée des personnages est avant tout guidée par leurs prises de position (ou celles de leurs proches) dans les débats qui agitent la société anglaise. Le docteur Lydgate en particulier, très attaché à l'idée de pratiquer une médecine moderne et honnête, est immédiatement haï des autres médecins de la ville qui n'attendent qu'une occasion de lui faire perdre toute crédibilité. Son attitude déconcerte aussi nombre de ses patients en attente de miracles et de méthodes placebo.
Dorothea se bat pour l'amélioration des conditions de vie des métayers, harcèle son oncle et son beau-frère, se lamente lorsqu'elle ne peut trouver des individus à soutenir. Comme le souligne son ami Will Ladislaw, l'équilibre de la société est en train d'être bouleversé, que les Lords le veuillent ou non.

Dorothea Brooke et Will LadislawLa place des femmes est aussi un sujet central du roman. A la docile cadette des Brooke, Célia, qui trouve dans le mariage et la maternité l'aboutissement heureux de son existence, s'opposent les trois figures féminines principales du roman, Dorothea Brooke, Mary Garth, et même à sa façon et malgré elle, Rosamond Vincy. George Eliot en fait des personnages de caractère, ayant leur propre vision de ce qu'une femme est en droit d'exiger dans le mariage. De leur côté les hommes voient dans les femmes des êtres incapables de prendre des décisions bonnes pour elles-mêmes (et, souligne ironiquement George Eliot, pour la réputation de leur digne famille). Dorothea est ainsi tenue dans l'ignorance d'un fait la concernant soit-disant pour son bien, un fait décidé encore une fois pour l'empêcher de commettre une grave erreur. Même Lydgate, qui a à coeur le bonheur de sa femme et admire en Dorothea la femme indépendante et déterminée, espère trouver en Rosamond "ce parfait échantillon de féminité qui allait vénérer l'esprit de son mari à la manière d'une sirène accomplie et ne se servir de son peigne et de son miroir et ne chanter ses chansons que pour offrir à son mari une détente à la sagesse de ce seul homme adoré" (on appréciera le sarcasme dont fait preuve l'auteur).
Que ce soit en matière d'amour, de relation matrimoniale ou de politique, les représentantes de la gent féminine n'hésitent pas à interpeler violemment leurs interlocuteurs et à dénoncer leur lâcheté en les regardant droit dans les yeux. 

Pour finir, Middlemarch est également un roman délicieusement anglais, avec des vieilles filles appréciant de participer aux complots des amoureux, de vertueuses femmes mariées plaignant aussi sincèrement que possible les scandales éclaboussant leurs amies tout en savourant leur thé, et des individus prêts à se jeter sur le moindre morceau d'héritage ou d'argent à portée de main sans la moindre pudeur.

Un incontournable pour tous les amateurs de littérature anglaise et de quoi débuter ce Mois anglais de la meilleure façon !

Les avis de Keisha et de Dominique.

logo-le-mois-anglais-2020

Folio. 1152 pages.
Traduit par Sylvère Monod.
1862 pour l'édition originale.

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Commentaires
P
Je l'ai commencé, en parallèle de Virginia ! Pas sûre de le terminer avant la fin du mois mais contente de lire qu'il t'a tant plu. ça devrait être une belle découverte !
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L
Choup : j'espère découvrir prochainement le livre que tu cites. Eliot m'a vraiment surprise.<br /> <br /> <br /> <br /> Alexielle : merci, j'espère que tu découvriras ce livre.<br /> <br /> <br /> <br /> Colo : ça ne m'étonne pas, c'est un livre qui se relit.
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C
Quel beau et intéressant billet...qui me donne très envie de le relire, merci, bon week-end.
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A
Très belle analyse qui donne envie de se jeter sur le livre : je note !
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C
j'ai The mill on the Floss dans ma pal. En VO. un bon gros pavé dont je recule toujours l'ouverture... je vais peut-être me laisser tenter pour cette fin de mois (pas pour participer, je sais que je n'aurai pas le temps) quand le boulot aura ralenti, avant la "reprise des hostilités" avec la préparation de la rentrée! en tout cas, un super billet, merci!
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