Entre ciel et terre - Jón Kalman Stefánsson
"Il est mort de froid parce qu'il a lu un poème."
En début d'année, j'ai salivé puis craqué pour La tristesse des anges d'un auteur islandais, Jón Kalman Stefánsson. C'est Dominique qui m'a fait réaliser qu'il s'agissait du deuxième volet d'une trilogie, ce qui m'a contrariée étant donné que je me rappelais très bien avoir lu un billet mitigé de Lou sur Entre ciel et terre.
C'est le moment où je vous confie que cette chère Lou a dit n'importe quoi^^ et que ce premier tome est en fait une merveille.
Alors, de quoi ça parle ? Nous sommes au XIXe siècle, en Islande, au bord de la mer. La vie est rude pour les marins qui partent pêcher la morue. Barour et le gamin partagent leur amour de la lecture et une grande amitié. Lorsque Barour meurt, le gamin part à la recherche du propriétaire du Paradis perdu de Milton dont la lecture a coûté la vie à son ami, afin de lui rendre son exemplaire.
Si l'intrigue est très vague, la langue est absolument merveilleuse. Il n'y a pas le moindre signe de dialogues lorsqu'on parcourt rapidement les pages de ce livre, ce qui m'a inquiétée avant ma lecture. Et pourtant, j'ai été emportée comme rarement dans cette histoire, notamment la première partie, qui raconte comment des hommes, après une courte nuit dans des barraques de pécheurs, prennent la mer. L'un d'eux a oublié sa vareuse à cause du Paradis perdu de Milton, il le paiera de sa vie. Jón Kalman Stefánsson est surtout poète, et son écriture fait vivre les émotions les plus profondes des personnages à travers les éléments qui les entourent.
"D'après les cartes de géographie, les montagnes d'ici s'élèvent à neuf cent mètres dans les airs, ce qui est parfaitement exact, il y a des jours où c'est le cas, mais un beau matin, au moment où nous quittons les rêves de la nuit, nous jetons un oeil au dehors et leur altitude a considérablement augmenté, elles atteignent au moins trois mille mètres, elles rayent la surface du ciel et nos coeurs se recroquevillent sur eux-mêmes. Ces jours-là, on peine grandement dans les enceintes à rester penché au-dessus des tas de poisson salé. Les montagnes ne font pas partie du paysage, elles sont le paysage."
Il n'y a pas de transition entre les descriptions, les pensées des uns et des autres, comme si tout était parfaitement lié. Pour cette raison, entre autres, j'ai pensé à Virginia Woolf en lisant ce roman. Les thèmes abordés sont également proches de ceux de la romancière anglaise. Nous sommes au XIXe siècle, mais le lecteur est interpelé, les époques se répondent, les morts et les vivants se parlent. Tout ou presque se passe à l'intérieur des gens, et c'est beau à mourir.
Un énorme coup de coeur.
Les avis de Dominique, Lou (qui en vérité est juste coupable de n'avoir pas aimé ce livre autant que moi). Vous pouvez aussi trouver des informations passionnantes sur ce livre, son auteur et sa traduction sur le blog d'Eric Boury, le traducteur du livre.
Folio. 252 pages.
Traduit par Eric Boury.
2007 pour l'édition originale.