Kim Jiyoung, née en 1982 - Cho Nam-Joo
"Comme si avoir une fille constituait une raison médicale, l’avortement des fœtus filles était pratiqué de façon massive. Cette tendance allait persister durant toutes les années quatre-vingt, jusqu’au début des années quatre-vingt-dix où la population atteignit le point culminant du déséquilibre des naissances garçon/filles. Au-delà du troisième enfant, la proportion de garçons était plus du double des filles."
Séoul, Corée du Sud. Alors qu'elle a tout pour être heureuse, Kim Jiyoung commence à parler avec les voix des femmes de sa connaissance. S'agit-il d'une pathologie inévitable, de sorcellerie ou bien de l'expression d'une souffrance liée à sa condition ?
Ce roman avait beaucoup de choses pour me plaire, en particulier son discours profondément féministe. Pourtant, c'est une petite déception.
Il est intéressant de lire des oeuvres remettant en cause l'image idéalisée que nous avons des pays comme le Japon et la Corée, que nous connaissons à travers des préjugés ou les arts qui font actuellement fureur (séries, groupes de musiques, mangas...).
Loin de ces images lisses, édulcorées, et avec l'aide de chiffres et de sondages, l'autrice nous immerge dans une famille coréenne classique, plutôt ouverte d'esprit et bienveillante envers ses membres. Malgré cela, les expériences de Kim Jiyoung seront toujours marquées par le sexisme qui sévit partout : dans son éducation, dans ses études, dans sa vie professionnelle, dans son mariage, dans sa maternité...
Je ne me suis pas ennuyée au cours de ma lecture. La vie de Kim Jiyoung est parsemée d'événements qui pourraient arriver à n'importe quelle femme française, et je n'ai heureusement pas atteint le moment où les discriminations à l'embauche, la culture du viol ou la charge mentale deviendront des sujets lassants.
L'héroïne est d'autant plus touchante qu'elle est consciente et révoltée d'endosser ce rôle qu'on la force à prendre. Un rôle qu'elle accepte de jouer parce que c'est parfois un moindre mal. Quand on gagne un salaire bien inférieur à celui de son époux et insuffisant pour faire vivre une famille, il est difficile de ne pas sacrifier sa vie professionnelle après la naissance d'un enfant.
Cependant, l'autrice semble avoir oublié en cours de route qu'elle écrivait un roman. Il n'est question des troubles de Kim Jiyoung que dans l'introduction du livre. Ce qui semble être la promesse d'une histoire jouant avec les codes du fantastique n'est finalement qu'un exposé des différentes étapes de la vie d'une femme coréenne et des obstacles qu'elle rencontre du fait de son sexe. Le seul moment faisant écho à l'introduction est un dernier chapitre brumeux dont le narrateur est un homme sorti de nulle part.
A aucun moment je n'ai compris la plus-value apportée par la forme romanesque de cet ouvrage par rapport à un essai sur le même sujet.
Si vous souhaitez vous informer sur la condition des femmes en Corée, ce livre sera une très bonne source d'information. Cela risque d'être moins satisfaisant si vos exigences littéraires sont plus élevées.
D'autres avis plus enthousiastes chez Usva et Pativore.
Avec cette lecture, je participe au challenge de Cristie.
10/18. 166 pages.
Traduit par Kyungran Choi et Pierre Bisiou.
2016 pour l'édition originale.