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lilly et ses livres
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20 janvier 2023

Un coeur si blanc - Javier Marias

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"Car bien que les mots soient si nombreux et si bon marché, si insignifiants, rares sont ceux qui sont capables de n’y prêter aucune attention. On leur donne de l’importance. Ou non, mais on les a entendus."

Juan vient d'épouser Luisa, traductrice et interprète comme lui pour de grandes institutions internationales. Depuis, il se sent perturbé sans parvenir à distinguer la source de son malaise. Est-ce à cause de l'attitude de son père lors de son mariage ou bien suite à des événements plutôt anodins ?

Un coeur si blanc est un roman déstabilisant. Il s'ouvre sur une scène de suicide décrite avec une précision chirurgicale avant de nous embarquer à La Havane et dans des réflexions sur le métier d'interprète qui laissent le lecteur, qui s'attend à lire la chronique d'un mariage tout neuf, perplexe. Mêlant tragédie shakespearienne, folkore et ancêtres de papier des applications de rencontre, ce livre fonctionne avec un système d'échos dont on ne perçoit la présence qu'une fois notre lecture achevée.

S'il ne craque pas, le lecteur découvre ainsi un livre passionnant qui l'amène à se questionner sur ce qui change le cours d'une vie. "Aucun homme n'est une île", et c'est ce qui caractérise la réalité de la condition humaine. Tous, nous avons senti dans notre dos le souffle d'individus, qui tels Lady MacBeth, ont provoqué des changements radicaux dans notre existence. Nous-mêmes, nous avons parfois été ces instigateurs de changement.

Le mariage est nécessairement un état favorisant des bouleversements, ce qui est d'autant plus dangereux qu'il va de ce fait détruire en partie la raison pour laquelle ses membres se sont unis.

"les deux contractants exigent l’un de l’autre une abolition ou neutralisation, l’abolition de celui que l’autre était et dont il s’était épris ou dont il avait peut-être vu les avantages, car l’amour n’est pas toujours préalable, il se révèle parfois plus tard, parfois n’apparaît ni avant ni après."

Doit-on tout se dire ? Le peut-on ? Se dit-on autre chose que ce qui ne compte pas ? Et en même temps, si aucun mot n'est posé sur une situation et si plus personne ne sait que cette situation a existé, est-elle réelle ?

"Ainsi, ce que nous voyons et entendons finit par ressembler et même par se confondre avec ce que nous n’avons pas vu ni entendu, ce n’est qu’une question de temps, ou bien suffit-il que nous disparaissions."

Si Javier Marias aime les longues phrases et les digressions qui n'en sont pas vraiment, il n'y a rien d'ennuyeux dans ce livre. L'auteur mêle à merveille la gravité de ses propos avec un ton grinçant voire cynique. Il se paie les hommes politiques au langage abscons, les traducteurs-interprètes (dont il était) aux puériles querelles de clochers, ou encore le mariage avec ses nombreux paradoxes. Chaque détail, même les vidéos de charme ou le billet tendu à des musiciens de rue, cherche à résoudre le questionnement du narrateur.

Une rencontre fracassante avec cet auteur grâce à Lou qui m'a offert ce livre il y a de très nombreuses années.

Folio. 392 pages.
Traduit par Anne-Marie Geninet et Alain Keruzoré.
1992.

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Commentaires
M
il me tente bien je le note illico dans mon pense-bête de babélio
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N
Pas totalement fan de l'auteur, je trouve qu'il s'écoute beaucoup. J'ai lu 2 romans de lui, mais c'est un recueil de nouvelles qui m'a le plus plu.
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A
Je me souviens l'avoir lu il y a très longtemps et il ne m'en reste rien sinon le souvenir que je n'avais pas aimé du tout et que j'y avais trouvé le temps long.
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R
Et bin a decouvrir...peut-etre....en tout cas, il ne laisse pas indifferent....;)
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K
Un de mes auteurs chouchous, j'ai tout lu je crois, sauf son dernier (hélas le dernier, car i lest décédé)
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