Frankenstein ou le Prométhée moderne - Mary Shelley
"Je serai près de toi le soir de ton mariage."
Frankenstein ou le Prométhée moderne est probablement l'un des romans d'épouvante les plus connus. Pourtant, j'ai comme l'impression que beaucoup de préjugés entourent ce livre écrit par une jeune fille de dix-neuf ans, fille d'une grande féministe et épouse d'un poète majeur du romantisme anglais, Mary Shelley. Moi-même, je n'avais concernant ce livre que l'image d'un monstre recousu de partout aux dents pourries et quelques souvenirs de mes années de fac. Ma lecture du livre original aura donc été pour le moins intéressante.
Un jeune homme ambitieux et passionné de science décide, lors de ses études, de créer un être immortel. Ce faisant, il espère apporter à l'humanité ce dont elle a besoin. Le résultat le terrifie tellement qu'il décide d'abandonner sa créature et de retourner profiter des siens. Le monstre se rappellera cependant bien vite au bon souvenir de son créateur, en privant ce dernier de tous ceux qu'il aime.
Contrairement à ce que l'on imagine sans doute souvent, Frankenstein ou le Prométhée moderne n'est pas vraiment un roman fantastique. Dès le début, on est plongé dans le récit d'un héros désespéré, qui nous décrit son enfance dans le cadre somptueux de la Suisse, et nous parle de sa famille et de sa bien-aimée sans nous épargner le moindre de ses chagrins. C'est donc avant tout à un roman aux accents gothiques et romantiques prononcés que nous avons affaire, et c'est sans doute ce qui le rend très lourd parfois (le cap des cent premières pages est une véritable victoire sur l'ennui).
Si l'on survit aux états d'âme de ce cher Victor, qui élève l'égoisme, l'immobilisme et l'auto apitoiement au rang d'art, il est cependant possible de trouver à ce livre de réelles qualités. Tout d'abord, l'histoire de Frankenstein et de sa créature a un sens particulier lorsqu'on la replace son contexte d'écriture. En effet, les XVIIIe et XIXe siècles sont le théâtre d'un essor scientifique. Les techniques progressent, la révolution industrielle naît en Angleterre avant de s'étendre à toute l'Europe, et la science semble de manière générale être une solution à tout. Cependant, certains s'élèvent pour mettre en garde contre les dérives que pourraient avoir ces idées. Un de mes anciens professeurs avait cité Frankenstein comme exemple en évoquant ce dernier fait, je comprends maintenant pourquoi. En jouant les apprentis sorciers, Victor Frankenstein dépasse les bornes de ce que l'on appelerait aujourd'hui l'éthique, et attire sur lui les conséquences de son insouciance.
Si Frankenstein m'a beaucoup agacée, sa créature (qui n'est jamais nommée), m'a beaucoup plus intéressée et touchée. Abandonnée, elle survit en se cachant dans les montagnes et en résistant au froid. Ses tentatives pour entrer en contact avec les hommes sont des échecs causés par la terreur que son physique terrifiant provoque. Elle finit par trouver refuge dans une hutte qui se trouve contre un chalet où vit une famille exilée de France et réduite à la misère. Des mois durant, le monstre observe ses "hôtes". Il apprend peu à peu leur langage (on passera sur le côté crédible de cet apprentissage), et en vient à les aimer, tout en ayant déjà conscience que sa sensibilité et sa soif d'apprendre le fragilise.
"Combien étrange est la nature de la connaissance ? Elle s'accroche à l'esprit, lorsqu'elle s'en est saisie, comme le lichen au rocher. J'aurais voulu parfois dépouiller toute pensée et tout sentiment ; mais j'appris qu'il n'était qu'un seul moyen de vaincre la douleur, à savoir trouver la mort, état que je craignais sans pourtant le comprendre."
En effet, ce livre s'interroge beaucoup sur la nature humaine, et sur le Bien et le Mal qui la composent. Cela conduira Frankenstein et sa créature (peut-être une véritable part de lui même si on joue les docteurs Freud) à se combattre jusqu'à la mort.
J'ai craint à plusieurs reprises de ne pas parvenir à apprécier cette histoire. Cependant, malgré ses lourdeurs, j'ai trouvé de nombreux passages passionnants et je pense en garder un souvenir assez précis.
Céline a fait une très belle lecture de ce livre.
Flammarion. 380 pages.
Traduit par Germain d'Hangest.
1818.