Sanctuaire ; William Faulkner
Folio ; 375 pages.
Traduit par R.N. Raimbault et Henri Delgove, revu par Michel Gresset.
V.O. Sanctuary. 1931.
C'est en lisant les quelques pages dépourvues de ponctuation de Titus d'Enfer que j'ai été prise d'une folle envie de reprendre ce livre que j'avais feuilleté durant un cours magistral soporifique il y a quelques mois (Peake et Faulkner n'ont absolument rien en commun, c'est juste moi...).
De ce livre je pensais connaître l'intrigue, mais en fait les résumés que j'avais lus évoquent tous des événements qui interviennent très tard dans le récit. Je pense notamment au fameux épi de maïs que j'ai attendu pendant si longtemps que je me demandais si je ne me trompais pas de livre...
Des crimes sont bien commis, mais ils ne sont pas présentés de façon traditionnelle. Dans Sanctuaire, Faulkner étudie une fois de plus la noirceur et la déchéance des habitants du sud des Etats-Unis, à partir du viol d'une jeune fille et du meurtre d'un homme, qui entraînent l'arrestation d'un innocent. Cet état lamentable du sud apparaît d'autant plus clairement ici que l'un des personnages nous fait espérer un dénouement plutôt positif. Au lieu de cela, on a droit à un ouvrage qui se clôture de façon pour le moins ironique et insatisfaisante.
Je crois que je n'avais jamais perçu une telle noirceur dans les livres de Faulkner. Il ne juge pas, les personnages ne valent pas mieux les uns que les autres (sauf peut-être Benbow, mais il n'a clairement rien à voir avec le monde qu'il veut réformer), et je crois que là est bien ce qu'il y a de pire. Tous ces gens sont corrompus, débauchés, se contaminent mutuellement et s'enfoncent toujours plus profond dans la déchéance humaine. Et c'est comme ça. Certaines scènes sont absolument terribles, mais j'étais plutôt prête à rire tellement on est tombé bas.
En effet, en parallèle, l'auteur est plus qu'ironique, et l'hypocrisie de la société est parfaitement mise en valeur. Etre trafiquant d'alcool au moment de la Prohibition semble bien moins grave que de vivre avec quelqu'un (et d'en avoir un enfant) sans être marié. Cela vous place aussi en bonne position lorsqu'il s'agit de retrouver l'auteur d'un meurtre et d'un viol.
Sanctuaire est le livre de Faulkner que j'ai lu avec le plus d'avidité. La chronologie bouleversée et les informations qui arrivent un peu au compte-goutte rendent le roman encore plus captivant, je trouve que c'est encore plus flagrant que dans les autres romans de l'auteur que j'ai lus. Il faut attendre la fin du livre afin de connaître la totalité de l'histoire, et de pouvoir confirmer ce qui avait jusque là été surtout suggéré. Bon, j'ai quand même eu du mal avec quelques passages. Je suis quelqu'un qui a besoin qu'on lui explique clairement les choses et qui croyait connaître l'histoire, aussi ai-je lu plusieurs dizaines de pages avant de comprendre qui avait été tué (c'est très étrange de connaître le nom du meurtrier mais pas avec certirude celui de la victime), mais c'était entièrement ma faute.
Je crois que j'ai encore plus aimé ce livre que Le bruit et la fureur (Edit du 31/03/09, en fait non), et je suis convaincue que je le relirai. Difficile de croire que Faulkner ne l'a écrit que pour l'argent...