Tandis que j'agonise ; William Faulkner
Folio ; 254 pages.
Traduction de Maurice Edgar Coindreau.
Addie Bundren agonise pendant que son fils Cash lui confectionne un cercueil. Autour, s'agitent son mari, Anse, ainsi que leurs autres enfants. Tous s'apprêtent à partir pour Jefferson, où Addie veut être enterrée.
En ce moment, il paraît que je suis en pleine crise d'adolescence. En tout cas, c'est ce que Thom a trouvé comme explication lorsque je lui ai dit que ce deuxième roman de Faulkner que j'étais en train de lire ne suscitait pas un enthousiasme débordant chez moi.
Etant donné que dans Lumière d'août aussi, on patauge pendant un certain temps avant de comprendre de quoi il s'agit, je ne me suis pas vraiment inquiétée dans un premier temps, savourant la première moitié en attendant que le reste me tombe dessus. Car il y a de quoi savourer quand même. Certes, la situation n'a a priori rien de très réjouissant. C'est même franchement lugubre. Mais tellement en fait, que ça en devient comique. L'agonie d'Addie se déroule avec le chant de la scie qui construit son cercueil comme musique de fond. Le chapitre qui énumère les réflexions extrêmement rationnelles de Cash sur ce même cercueil m'a fait éclater de rire tellement j'étais abasourdie de lire ça. Quant aux réflexions sur l'odeur qui se dégage du cercueil, elles se passent de commentaires...
Concernant la construction du livre, elle m'a parue beaucoup moins complexe que ce à quoi je m'attendais. La chronologie est à première vue bien respectée, les éléments s'enchaînent de façon normale. On a juste tout un tas de personnages qui semblent raconter la même histoire.
C'est d'ailleurs pourquoi, arrivée aux trois quarts du livre, j'ai commencé à ne pas trop comprendre quel était l'intérêt de ce récit. Ils ne sont assurément pas très doués ces Bundren. Et c'est peu de dire qu'il y a quelque chose qui ne colle pas. Mais je ne comprenais pas ce qu'il y avait d'extraordinaire là dedans.
J'ai réalisé presque à la fin du roman que j'avais raté la moitié de l'histoire. Car tous ces personnages qui semblent raconter la même chose ne disent finalement que ce qu'ils ont chacun perçu. Le père, qui devrait être un élément clé de la famille Bundren, ne pense qu'à lui, à sa promesse, à ses dents aussi. Jamais à sa femme. Les fils aussi ont d'autres soucis en tête. Cash pense à ses outils, Dewey Dell à sa grossesse. Quant à Jewel et Vardaman, le premier croit que sa mère est un cheval, et le second qu'elle s'est transformée en poisson. On pourrait presque penser que cette vieille bique de Cora a raison.
Sauf que, lorsque Vardaman raconte qu'il a vu quelque chose qu'il ne peut pas répéter, j'ai commencé à me sentir terriblement triste. Vardaman et Darl sont sans doute les seuls à avoir un peu conscience de la situation. En fait, j'ai eu l'impression que les personnages n'arrivaient pas à s'aimer. Jewel va donner son cheval, mais le fait en cachette. Tout le monde s'y met pour rendre ses outils à Cash, mais cela semble être davantage pour ne pas perdre du matériel que par affection. Et lorsque Darl est emmené, on a l'impression que Cash répète qu'il sera mieux là où il va pour ne pas s'en vouloir de l'avoir lâché. En fait, c'est pour ça que ces personnages sont attachants alors même qu'ils ne semblaient être que les membres d'une famille de dingues.
Finalement, la construction de Tandis que j'agonise n'est pas si simple qu'elle n'y paraît. Certaines clés de l'histoire ne sont fournies que de tardivement. Certaines réponses ne viennent pas, je pense que c'est au lecteur d'essayer de comprendre certaines motivations.
Je ne peux pas dire que j'ai aimé ce livre, je crois qu'il faudrait une seconde lecture pour ça. Mais Faulkner est assurément un auteur fascinant que je n'ai pas envie de quitter.
"Des fois, je ne sais pas trop si l'on a le droit de dire qu'un homme est fou ou non. Des fois, je crois qu'il n'y a personne de complètement fou et personne de complètement sain tant que la majorité n'a pas décidé dans un sens ou dans l'autre." (page 221)