La jeune fille suppliciée sur une étagère suivi de Le sourire des pierres ; Akira Yoshimura
Édition Actes Sud ; 141 pages.
6,50 euros.
Lettre Y Challenge ABC 2007 :
" Elle a seize ans, elle vient de mourir. Allongée sur un tatami, elle voit deux hommes arriver et offrir de l'argent à ses parents. Par-delà la mort, elle observe alors ce qu'il advient de son corps vendu à la science. Eichi et Sone se retrouvent par hasard. Voisins dans l'enfance, ils vivaient près d'un cimetière ouvert à tout vent, un fantastique terrain de jeux où ils faisaient parfois de terrifiantes découvertes. Mais Sone a déménagé à la mort de son père et personne n'a su ce qu'il était devenu... Deux magnifiques récits à travers lesquels Yoshimura fait preuve d'une remarquable modernité d'écriture. Pour aborder le thème de la mort sans jamais se laisser gagner par le sinistre ou le morbide, il atteint une pureté de style dont la sonorité cristalline fait écho à l'étrangeté de son univers. "
Je lis peu de littérature asiatique, cependant le Challenge avec sa lettre "Y" m'a amenée à considérer ce titre, qui me tentait bien, avec beaucoup d'attention. Le titre est assez étrange, mais cela s'accorde très bien avec les deux nouvelles qu'il contient.
Ce livre évoque la mort du point de vue d'une jeune fille décédée, et de celui d'un jeune homme qui la redoute. Il y a quelque chose d'un peu morbide (le mot est peut-être un peu fort) dans ce livre.
J'avoue que certains passages de La jeune fille suppliciée sur une étagère m'ont mise mal à l'aise. La première nouvelle est très crue au niveau du vocabulaire employé. La jeune fille nous parle de façon totalement détachée de ce qu'il advient de son corps sans vie. Elle nous montre comment la vie continue pour les autres après la mort d'une personne, et comment un corps jeune et vivant devient un objet d'étude que l'on découpe sans aucun scrupule. Pour certains, ce corps est même un objet presque de fantasme. Et pourtant, on sent bien que, dans ces morceaux de corps humain, il y avait autrefois une personne pensante. Malgré son ton détaché, on perçoit de la solitude, de la peur, de la peine chez cette adolescente. Parce qu'elle a beau comprendre le besoin d'argent de ses parents, c'est difficile pour elle d'avoir le sentiment d'être un fardeau pour eux, et pas un être cher perdu tragiquement. A seize ans, alors qu'elle devrait être une jeune fille pleine de vie et d'illusions, elle laisse l'image d'une enfant non désirée par sa mère, d'une strip-teaseuse ayant du gagner sa vie avant de mourir, ou encore d'un corps ni féminin ni même humain dans un bac, puis dans une urne promise à la poubelle.
La deuxième nouvelle évoque la mort également, par suicide cette fois. Les personnages qui composent ce court récit vivent à côté d'un cimetière qui semble les menacer en permanence. Sone et la soeur de Eichi n'ont plus vraiment de raison d'exister. Sone est comme un ange de la mort depuis qu'il a découvert une femme pendue alors qu'il était encore très jeune. Son père et sa maîtresse se sont donnés la mort. Puis la propre amante de Sone. Eichi est terriblement inquiet lorsqu'il commence à déceler quelques gestes inhabituels chez sa soeur. Mais comment peut-on être sûr qu'une personne va se tuer ? La fin, qui nous laisse interrogateur, est rageante.
Cette lecture est plaisante, pourtant il y a une sorte de malaise qui en ressort. J'ai eu du mal à savoir où l'auteur avait voulu m'amener. Si vous avez des éclaircissements à me fournir, je suis preneuse.