Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
lilly et ses livres
Newsletter
Derniers commentaires
24 décembre 2023

Villette -Charlotte Brontë

20231213_104417b

Lucy Snowe est une jeune fille sans attaches, mais dont l'éducation soignée lui a permis d'être dame de compagnie en Angleterre. Lorsque sa maîtresse décède, elle décide de s'embarquer pour la Belgique où elle trouve une place de gouvernante puis d'enseignante d'anglais dans le pensionnat de Madame Beck. Ses principes anglais et protestants se heurtent vite au catholicisme et aux manières continentales, mais sa drôle d'amitié avec une pensionnaire britannique, ses retrouvailles avec un compagnon de son passé et ses relations complexes avec le professeur Emmanuel animent son quotidien.

Si j'ai lu Jane Eyre et les romans des autres soeurs Brontë il y a bien longtemps, je n'avais jamais pris le temps de découvrir le reste de l'oeuvre de Charlotte, publiée après la mort de ses soeurs. Ce nouveau livre est très intéressant, mais j'ai le sentiment de l'avoir en partie apprécié pour des raisons qui n'étaient pas prévues par l'autrice.

Largement autobiographique, Villette s'inspire de l'expérience de l'autrice au pensionnat de Madame Héger à Bruxelles. Comme Lucy Snowe, Charlotte Brontë espérait pouvoir une jour ouvrir sa propre école. Quant au professeur Paul Emmanuel, il s'agit sans doute d'un hommage à Constantin Héger, pour lequel l'autrice a éprouvé des sentiments ambigus.

Cette expérience bruxelloise n'a vraisemblablement pas été très positive tant la rancoeur de l'autrice à l'égard de la Belgique (nommée de façon peu subtile Labassecour ! ) et des Français, est visible. Lucy Snowe se montre ainsi très critique de la religion qui se fiche bien de l'intelligence tant que les individus lui sont soumis, et des principes rigides du catholicisme en général et du jésuitisme en particulier. Les passages abordant ces questions sont très justes, mais Charlotte Brontë ne pousse pas le talent jusqu'à faire preuve d'une telle clairvoyance envers sa propre foi et cet aspect est avant tout nourri par ses propres préjugés anti-papistes.

Consciente de sa condition de femme n'ayant que peu d'attraits et aucune fortune (ce que son élève-amie Ginevra Fanshawe prend un malin plaisir à lui rappeler), Lucy est une héroïne bien moins lisse qu'il n'y paraît. Elle a des opinions très sûres en matière de religion (nous venons de le voir) ou d'art. Les scènes où elle se moque ouvertement de Ginevra au point de jouer avec la vérité donnent au livre une vraie dimension comique. Même lorsqu'elle se laisse toucher par des remarques masculines sur le comportement que doivent adopter les femmes, elle souhaite rendre avant tout des comptes à elle-même. Face à elle, le (pas si) parfait Docteur John, qui s'émeut d'un regard un peu lubrique, et le très autoritaire Paul Emmanuel n'ont que peu de chances de briller pour un lecteur du XXIe siècle. Le professeur est initialement écrit pour séduire les lecteurs en même temps que l'héroïne, mais mon intérêt pour ce personnage s'explique avant tout pour ce qu'il exprime de médiocre.

"Quelles que fussent mes capacités -féminines ou non-, c'est Dieu qui me les avait octroyées et j'étais bien décidée à n'avoir honte d'aucun de Ses dons."

Roman beaucoup moins sulfureux que Jane Eyre, il y a cependant dans Villette une dimension inquiétante qui se manifeste à plusieurs reprises. Ainsi, la nonne dans le grenier est l'occasion d'évoquer les maladies mentales, thème omniprésent dans l'univers des Brontë (hanté par la mort de la mère et des soeurs, l'alcoolisme et la violence du frère aîné). La légende du pensionnat est-elle vraie, s'agit-il d'une plaisanterie ou bien Lucy Snowe souffre-t-elle de dépression nerveuse, de mal du pays ou de folie ? Certaines scènes de la fin (et jusqu'aux tous derniers paragraphes) nous plongent dans une ambiguïté qui contraste avec la tranquillité du reste du récit. Les personnages deviennent alors plus complexes à appréhender et moins fiables que ce que l'on croyait au premier abord.

Une lecture étrange donc, qui m'a occasionné des sentiments contradictoires, mais que je ne regrette absolument pas.

Archipoche. 713 pages.
Traduit par Gaston Baccara.

Publicité
16 décembre 2023

Le Quinconce - Charles Palliser

20231213_103745b

Il est difficile de résumer ce livre en cinq parties elles-mêmes divisées en cinq parties formées de cinq chapitres (vous suivez ?). Lorsque débute Le Quinconce, John Mellamphy vit dans une relative aisance avec sa mère, Mary. Alors qu'un cambriolage se produit chez eux, il commence à percevoir l'étrangeté de certains comportements de cette dernière. Peu après, des changements dramatiques dans la situation financière de la famille conduiront John à tenter de découvrir le rôle qu'il joue dans une querelle d'héritage et à chercher refuge à Londres.

Je suis vraiment tombée amoureuse de la littérature en rencontrant les auteurs anglo-saxons. Fouiller le web à la recherche de titres à lire m'a permis de découvrir certains éditeurs, dont Phébus/Libretto, qui a sa propre étagère dans ma bibliothèque*. Lorsqu'on m'a proposé de recevoir le premier tome de ce roman écrit par un Américain passé par Oxford et passionné de littérature victorienne, j'y ai vu l'opportunité de sortir les trois tomes qui m'attendaient dans ma bibliothèque depuis plusieurs années. Cela a si bien fonctionné que j'ai lu toute la série en quelques semaines.

Cette œuvre à tiroirs, parsemée de rebondissements et aux innombrables personnages, emprunte aux plus grands auteurs victoriens, tels Charles Dickens, Wilkie Collins, et même George Eliot. Le mystère qui entoure l’héritage et les arcanes de la justice anglaise rappellent Bleak House. Les personnages n'ont pas le charisme de ceux de Dickens, mais chacun, du brigand pilleur de tombe à la vieille fille, a son rôle à jouer dans l'intrigue. Et gare à ne pas se fier à n'importe qui, les rares moments de confiance étant très souvent payés par les plus cruelles trahisons.

J'ai trouvé que l'auteur assommait un peu trop ses personnages de toutes les malchances dans les deux premiers tomes, mais il faut reconnaître que la reconstitution historique est remarquable. La ville de Londres surgit devant nos yeux dans toute sa crasse. Les pauvres le sont de nombreuses manières, des ateliers de couture où l’on travaille comme des forcenés pour une misère aux chercheurs d’or dans les égouts aussi répugnant que dangereux de la capitale**.

Attention à ceux qui n'aiment pas la frustration. Nous découvrons au compte-goutte, à travers les yeux du héros, le mystère qui l'entoure. Ce qui est à l'origine un combat pour sa vie se transforme peu à peu en dilemme moral. J'ai bien perçu dans le dernier tome qu'il se tramait des choses étranges. Mais quand Charles Palliser nous fait un pied de nez à la dernière seconde avec une habile non-révélation, il faut avoir le sens de l'auto-dérision...  et du temps pour tout relire !

*Je déplore toutefois le remplacement des vieilles couvertures pas des visuels plus modernes mais beaucoup trop lisses à mon goût.
** Un thème repris par Jack London dans Le Peuple d'en bas.

Libretto. 5 tomes.

9 décembre 2023

Brooklyn - Colm Toibin

20231112_110907b

Il n'y a pas beaucoup de perspectives pour les jeunes irlandaises dans les petites villes du comté de Wexford au milieu du XXe siècle. Ainsi, lorsqu'un prêtre, ami de sa soeur, lui propose de venir vivre aux Etats-Unis, Eilis n'ose pas refuser. Pour cette jeune fille timide et bien élevée, le défi est de taille.

J'éprouve un sentiment ambivalent à l'égard de ce livre. J'ai lu les deux cents premières pages avec une grande facilité mais sans enthousiasme. Le dernier tiers, en revanche, m'a fait refermer le roman avec regret. Le style de l'auteur est très simple, mais cela se ressent sur ses personnages qui manquent beaucoup de profondeur. Eilis vit une épreuvre particulièrement difficile. Dans les années 1950, un tel voyage n'avait rien de simple, surtout pour une jeune femme célibataire qui n'a pour la recommander qu'un homme (prêtre, certes) qu'elle a rencontré une seule fois. Pourtant, à part quelques vagues à l'âmes, elle ne rencontre que des individus bienveillants et réussit haut la main tout ce qu'elle entreprend. Dans un pays dont les romanciers ne cessent de célébrer les mensonges du rêve américain, j'imaginais qu'une personne aussi introvertie rencontrerait des obstacles plus importants.

En revanche, j'ai adoré le tiraillement final de l'héroïne, que je ne peux pas détailler pour ne pas vous gâcher la surprise. Brooklyn se transforme presque en roman d'apprentissage amer. Les choix que d'autres font à notre place nous engagent parfois pour la vie, surtout à cette époque. Cela peut frustrer certain lecteurs qui trouveraient le parti pris de l'auteur cruel. Pour ma part, je l'ai trouvé très juste.

10/18. 331 pages.
Traduit par Anna Gibson.
2009 pour l'édition originale.

8 décembre 2023

Hamnet - Maggie O'Farrell

20230527_153445b

Avec beaucoup de retard, je publie mon avis sur ce livre lu en juin et qui était resté dans mes brouillons.

Angleterre, XVIe siècle. Le jeune Hamnet court dans la maison de ses grands-parents paternels afin de trouver de l'aide. Sa sœur jumelle, Judith, est malade. Mais personne ne lui répond. Sa mère, Agnes, est à la campagne, dans la maison où elle a grandi, entre un père fuyant ses responsabilités et une belle-mère mauvaise. Quant au père des jumeaux, cela fait des mois qu'il est à Londres, où il a délaissé la profession de gantier pour devenir auteur de théâtre.

J'espérais beaucoup de ce roman, mais si j'ai trouvé ce livre plus réussi qu' I am, I am, I am, j'en suis ressortie mitigée.

Ni l'alternance des époques ni les différents points de vue n'ont été suffisant pour donner au livre un rythme suffisant. On sait dès le début qu'Hamnet est condamné, et pourtant, la tension dramatique qui sous-tend généralement les romans dont le point de bascule est connu des lecteurs, est ici inexistante. Cela vient de la construction du roman, qui ronronne longtemps et qui suggère des éléments cruciaux sans les expliciter (cela dit, on doit reconnaître que l'autrice ne tombe pas dans la sur-documentation qui alourdit souvent les biographies romancées).

Même Agnes, le véritable centre du roman, ne m'a pas convaincue. Maggie O'Farrell en fait un archétype de la puissance féminine très à la mode qui ne fonctionne absolument pas chez moi. Toutes ses réactions et ses certitudes semblent reliées à des intuitions. Elle est fille de sorcière et sorcière elle-même, ce qui l'empêche d'exister, jusqu'au drame où, enfin, elle se pare d'attributs humains. Comme je l'avais noté lors de ma précédente lecture de cette autrice, cette dernière fait preuve d'une pudeur qui conduit à une certaine superficialité, empêchant les personnages d'être véritablement incarnés (sauf de manière factice donc, comme avec la sorcellerie, mais cela ne fonctionne pas avec tout le monde).

Pendant longtemps, je me suis demandé pourquoi Maggie O'Farrell avait pris la peine d'emprunter la vie de quelqu'un pour écrire ce livre. Shakespeare n'est jamais nommé, et si ce n'est dans une très belle scène finale, sa particularité n'est jamais exploitée. La deuxième partie est de façon générale supérieure à la première, mais à l'exception de rares moments, je suis complètement passée à côté de cette lecture...

10/08. 403 pages.
Traduit par Sarah Tardy.
2020 pour l'édition originale.

3 décembre 2023

Evelina - Frances Burney

20231122_112933b

Evelina Ainville, jeune orpheline reniée par son père, est élevée par son bienfaiteur, Mr Villars. Elle grandit à la campagne à l'abri du monde et de sa vulgaire grand-mère française. Lorsque Lady Howard, une amie de Mr Villars, invite Evelina à séjourner chez elle, elle y fait la connaissance de Mrs Mirvan et sa fille, puis accompagne ces dernières à Londres pour ce qui doit être un bref séjour.

C'est peu dire que la thématique des Classiques c'est fantastique sur le XVIIIe ne m'enthousiasmait pas franchement. Cependant, je me suis rappelée l'existence de ce roman épistolaire de Frances Burney qui, à l'instar d'Ann Radcliffe ou encore Samuel Richardson, a inspiré Jane Austen. Et en cette période lugubre, un livre aussi charmant était exactement ce dont j'avais besoin.

Frances Burney n'a pas la finesse d'une Jane Austen. Ses personnages sont excessifs. Que ce soit devant la vulgarité d'un capitaine Mirvan et d'une Mrs Duval, ou face à la perfection d'un Lord Orville, on lève souvent les yeux aux ciel. De même, Evelina n'est pas une héroïne très vive, à tel point qu'on se demande ce que tous les hommes qui succombent à ses charmes peuvent bien lui trouver d'original. La forme épistolaire est également peu adaptée à un tel roman. La grande majorité des lettres est rédigée par Evelina, qui conte tout ce qui lui arrive à Mr Villars sans la moindre retenue, comportement pour le moins étrange venant d'une jeune fille si réservée.

Ces commentaires mis à part, je n'ai pas boudé mon plaisir en retrouvant la belle société déjà rencontrée dans l'oeuvre austenienne, dont l'existence est rythmée par des rencontres réglées selon un code de bienséance précis. Beaucoup de personnages et de lieux préfigurent ceux que l'on retrouvera plus tard dans Orgueil et Préjugés, Raison et sentiments, ou Northanger Abbey. Les scènes grotesques m'ont arrachée plus d'un sourire, et derrière le divertissement se cachent plusieurs réflexions d'Evelina sur la réputation extrêmement fragile des femmes et son impuissance face à des hommes qui ne tiennent souvent aucun cas de son ressenti et de son avis.

Penguin. 1778.

Source: Externe

Publicité
Publicité