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lilly et ses livres
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31 juillet 2023

Beloved - Toni Morrison

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Après la Guerre de Sécession, Sethe vit à Cincinnati avec sa belle-mère, Baby Suggs, et sa fille, Denver. Son mari a disparu. Quant à ses fils, ils se sont enfuis il y a des années, car la maison du 124 est hanté par le fantôme d'une petite fille de deux ans. Puis, Baby Suggs meurt. Un jour, Sethe trouve devant chez elle Paul D, un des anciens du Bon Abri.

Beloved n'est pas un livre qui laisse indifférent. La description de l'esclavage et les reflexions sur cette thématique m'ont évidemment bouleversée et passionnée. L'autrice montre sans retenue les horreurs de ce système qui traitait les Noirs comme des êtres sans le moindre droit, de leur naissance à leur mort souvent brutale. Aucune émotion ne leur est permise, et eux-mêmes apprennent très vite à ne pas s'attacher et à faire preuve d'une force et d'une capacité à l'oubli qui les sauve de la folie.
Toni Morrison s'interroge aussi sur la possibilité de quantifier la cruauté des maîtres. Bien que les anciens esclaves que nous suivons aient bénéficié durant quelques années d'un maître bien moins terrible que les autres (ce qui se traduit par une absence de viols, de sévices physiques ou de privations alimentaires...), ils ne sont pas tous d'accord sur les bénéfices qu'ils en ont tiré. Par ailleurs la précarité de cette situation a éclaté au grand jour à la mort du maître.

Le roman se déroule à une période charnière, alors que nos personnages sont libres en théorie. Cependant, la fin de l'esclavage ne met pas un terme à leur calvaire. La loi ne peut effacer d'une signature le racisme et la violence à l'égard des Noirs en place depuis des siècles. Et puis surtout, rien ne peut effacer les horreurs dont ont été victimes, ce que l'autrice construit avec brio dans une narration brouillée faisant alterner les narrateurs et les époques. 

J'ai cependant beaucoup plus de réserves concernant la partie fantastique du livre, que je trouve trop grossièrement utilisée, en particulier dans la dernière partie. Cela m'empêche d'avoir un avis complètement enthousiaste concernant cette lecture. Par ailleurs, je m'en veux d'avoir lu ce livre en français tant il me paraît évident qu'un tel texte doit être différent en version originale.

Il me faudra donc relire l'autrice. Avez-vous des titres à me conseiller ?

Une lecture faite pour la session mensuelle de Les classiques, c'est fantastique sur la littérature afro-américaine.

Source: Externe

10/18. 379 pages.
Traduit par Hortense Chabrier et Sylviane Rué.
1987 pour l'édition originale.

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6 juillet 2023

Joseph Fouché - Stefan Zweig

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"Tout, dans ce visage, tout dans cet homme reflète, pour ainsi dire, une vitalité très limitée : on dirait quelqu’un aperçu à la lumière du gaz, livide et blafard."

Personnage resté dans les mémoires pour avoir élevé le machiavélisme au rang de discipline olympique, Joseph Fouché est l'un des hommes les plus haïs de l'histoire de France. Fils de marin devenu l'homme le plus redouté et indispensable de France, il a régné sur le pays pendant vingt-cinq ans, de la Terreur à la chute de Napoléon, en retournant sa veste au gré des changements de régime. Trois fois exilé, il reparaît, toujours plus fort et quitte à piétiner ses bienfaiteurs.

"Pendant toute sa vie il restera dans l’ombre – mais il enjambera les corps de trois générations ; Patrocle est depuis longtemps tombé, et Hector, et Achille, qu’Ulysse vit encore, Ulysse fécond en artifices."

Il n'est pas évident de percer les mystères de Joseph Fouché, la discrétion ayant été son arme principale. Par ailleurs, tous ses documents ont été détruits à sa demande à la veille de sa mort, que ce soit par un excès soudain de générosité ou par envie de garder jalousement et pour l'éternité les secrets récoltés tout au long de sa vie. Enfin, les Napoléon ont contribué à l'effacer en faisant disparaître les documents relatifs à son action en tant que chef de la police.

Sans ma lecture d'Une Ténébreuse affaire de Balzac, le seul, selon Zweig, a avoir su reconnaître le génie de Fouché (sans le rendre aimable pour autant), je n'aurais probablement jamais pris le temps de découvrir cette passionnante biographie. L'auteur fait renaître à travers son personnage la Révolution. On assiste aux échanges et aux rivalités entre les députés, ainsi qu'aux débats sur la mort du roi. Dans l'ambiance atroce de la Terreur, Fouché, dont le seul parti sera toujours celui des gagnants, garde un sang froid presque inhumain. Alors que la plupart des acteurs de la Révolution répugnent à faire couler le sang, Fouché, qui n'a jusque-là fait exécuter personne, devient le boucher de Lyon (puis se rétracte lorsqu'il sent le vent tourner). 

Ses grands adversaires seront des hommes comme lui, impitoyables, intellectuellement brillants et mégalomaniaques : Robespierre, le puritain, Talleyrand, comme lui ancien homme d'église opportuniste et Napoléon, le bourreau de millions d'Européens. Il les sert puis les trahit. La cruelle histoire les lie par la haine, la défiance, mais aussi un certain respect.

Plus qu'une simple biographie, Joseph Fouché est aussi une analyse politique et historique. Sa lecture nous permet de comprendre comment les événements relatés ont pu se produire. Comment des massacreurs peuvent être accusés de trop de clémence, comment un individu peut être amené à porter l'intégralité des crimes de ses nombreux complices, ou encore comment les réactionnaires finissent toujours par prendre leur revanche.

"Hélas ! l’histoire universelle n’est pas seulement, comme on la montre le plus souvent, une histoire du courage humain ; elle est aussi une histoire de la lâcheté humaine ; et la politique n’est pas, comme on veut absolument le faire croire, l’art de conduire l’opinion publique, mais bien la façon dont les chefs s’inclinent en esclaves devant les courants qu’eux-mêmes ont créés et orientés. C’est ainsi que naissent toujours les guerres : en jouant avec des paroles dangereuses, en surexcitant les passions nationales ; c’est ainsi que naissent les crimes politiques ; aucun vice, aucune brutalité sur la terre n’a fait verser autant de sang que la lâcheté humaine."

A bon entendeur...

Le Livre de Poche. 279 pages.
Traduit par Alzir Hella et Olivier Bournac.
1930 pour l'édition originale.

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