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lilly et ses livres
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30 avril 2023

Confessions d'un masque - Yukio Mishima

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Yukio Mishima est un auteur dont l'histoire laisse interrogateur, à tel point qu'on lui préfère souvent d'autres auteurs japonais de la même époque, plus consensuels. Confessions d'un masque est un roman autobiographique étonnamment détaillé et moderne, dans lequel l'auteur se livre sur la découverte de son homosexualité et les fantasmes qui hantaient son univers, de son enfance à l'âge adulte, qui coïncide avec la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

Dès sa naissance, Kôchan est confisqué à ses parents par sa grand-mère qui l'installe dans sa chambre. L'enfant, de santé fragile, se voit prédire une vie brève. Bien que très choyé, il cherche très tôt des réponses à ses questions dans la bibliothèque de son père. A cause ou en parallèle de sa conscience d’avoir des attirances sexuelles non conformes aux normes établies, Kôchan développe des penchants sadiques (même si je m’attendais à bien pire en lisant d’autres avis) ainsi qu’une pulsion de mort omniprésente, renforcée par sa fragile condition physique. Pourtant, bourré de contradictions (ce qui semble être une caractéristique très nette de toute la vie de Mishima), notre héros préfère mentir pour éviter d’être envoyé au front.

"Je préférais m'imaginer comme un être délaissé par la "mort". Et les étranges tourments de celui qui, malgré son désir de mourir, est ainsi rejeté par la mort, je me plaisais à les jauger avec l'extrême concentration nerveuse et les gestes distants du chirurgien en train d'opérer un organe interne."

Lu en parallèle de La Recherche, j’ai trouvé dans ce texte des accents proustiens, bien que la forme autobiographique soit assumée de façon plus nette par Mishima. Il y a une mise à nue surprenante et un réel souci de la part de l'auteur de convaincre son lecteur de la véracité des pensées et actions rapportées. Si Kôchan est égoïste et égocentrique, il reconnaît que beaucoup d'éléments le rapprochent de ses semblables, et donne ainsi à son personnage le loisir de tirer des leçons universelles. Il rencontre aussi son Albertine, mais en matière de relation toxique, rien ne peut détrôner le narrateur de ce cher Marcel.

Le Tumulte des flots ne m’a pas laissé un grand souvenir, mais cette deuxième rencontre avec Mishima a été une excellente surprise.

Folio. 286 pages.
Traduit par Dominique Palmé.
1949.

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23 avril 2023

Sous la verte feuillée - Thomas Hardy

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A Mellstock, la chorale occupe une place importante dans la vie de la communauté. Elle fait la tournée des maisons le soir de Noël et joue à l'église pendant l'office dominical. La famille Dewy est très impliquée dans ce choeur. Lorsque le jeune Dick Dewy aperçoit la nouvelle institutrice, Miss Fancy Day, il en tombe amoureux. Mais d'autres hommes plus fortunés et bien nés que lui sont également sensibles aux charmes de la jeune fille, et cette dernière a des apparences de frivolité.

Je craignais un peu cette lecture tant j'ai pu lire qu'il s'agit d'un roman mineur de Thomas Hardy que j'apprécie davantage à chaque lecture. Il est certain que la minceur de l'intrigue et quelques maladresses inhabituelles chez l'auteur expliquent le plaisir nuancé de beaucoup d'adeptes de l'écrivain. Sous la verte feuillée fait pâle figure face au roman qu'il annonce, Les Forestiers, et qui est à ce jour mon favori.

Pourtant, dès les premières lignes, le charme opère avec la plume de Thomas Hardy décrivant la nature de façon somptueuse. Il nous plonge dans son univers à la fois imaginaire et très réaliste, avec pour une fois une dose de merveilleux l'emportant sur le tragique (les illusions de la jeunesse probablement). Je me suis régalée avec les scènes de drague à l'époque victorienne basée sur le fait de toucher un objet précédemment frôlé par l'être aimé et par les périphrases de l'auteur dissimulant des baisers.

"La chance favorisa les amours de Dick pendant le repas. Il se trouva assis à côté de Fancy et eut le bonheur inouï de boire dans un verre dont elle s’était tout d’abord servie par erreur. Sa semelle touchait l’ourlet de sa jupe. Et, pour ajouter à son ivresse, un chat, demeuré plusieurs minutes en cachette sur les genoux de la jeune fille, passa sur ses genoux à lui et il frôla la fourrure que sa main, à elle, caressait quelques instants auparavant."

Autre force de l'auteur qui ne fait pas exception ici, l'imperfection des personnages et l'absence de jugement définitif. Fancy Day s'inscrit dans la lignée des héroïnes de Thomas Hardy. Sa coquetterie et son indécision la rendent frivole, mais l'absence de perspectives pour les femmes dans l'Angleterre victorienne et les renoncements qu'exige le mariage rendent son choix de fiancé plus complexe qu'il n'y paraît.

Archipoche. 245 pages.
Traduit par Eve Paul-Marguerite.
1872 pour l'édition originale.

9 avril 2023

Divorce à l'anglaise - Margaret Kennedy

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"Dans ce tiroir gisait la preuve que cette enfant de dix ans pouvait également être épouse, mère, grand-mère, arbitre de la vie d'autrui, et faire croire au monde qu'elle était une adulte de soixante-huit ans riche d'expériences."

Les Editions de la Table Ronde nous gâtent pour la deuxième année consécutive avec un roman de Margaret Kennedy, autrice anglaise oubliée (admirez cette couverture ! ). 

Cette fois, tout commence lorsque Betsy et Alec Canning décident de se séparer après une vingtaine d'années de mariage. Rien de grave, simplement deux individus qui se sont mépris l'un sur l'autre. Si Alec est du genre à se contenter de laisser traîner les choses en séduisant d'autres femmes en cas de besoin, Betsy sent pour sa part qu'elle passe à côté de sa vie. Cependant, les belles-mères ne sont pas de cet avis. Leurs trois enfants aussi vont voir leur vie bouleversée. Quant à leurs amis, oubliant toute prudence, ils ne tardent pas à prendre parti.

J'avais beaucoup aimé Le Festin, j'ai passé un moment délicieux avec ce roman que j'ai trouvé plus profond et attachant. Même le style, entre humour et descriptions poétiques m'a davantage interpelée que lors de ma précédente lecture.

Divorce à l'anglaise réunit tout ce que j'aime dans les romans anglais vintage : vieilles demeures, amitiés de jeunesse, amours complexes et personnages excessifs. Ce beau monde a eu des idéaux, des coups de folie. Des regrets peuvent se faire ressentir, mais la vie adulte oblige parfois à assumer ses choix et à faire des compromis.

Si la relation entre Betsy et Alec occupe évidemment une place non négligeable dans ce livre, leur progéniture n'est pas oubliée, donnant au récit des airs de roman d'apprentissage. Et ce qui angoisse la jeunesse, c'est l'avenir ; la guerre qui s'annonce ou encore l'éducation (à croire que les personnages de Margaret Kennedy ont lu Virginia Woolf, j'aime quand mes lectures se répondent).

"Nous a-t-on appris quelque chose qui puisse nous servir à vivre ? A réfléchir ? Et à quoi nous mènent ces réflexions ? A un point où nous comprenons qu'il est absurde d'entreprendre quoi que ce soit, puisque toute action est illogique au plus haut point."

Le divorce n'est pas qu'une séparation, surtout en 1930. Il oblige chacune des personnes concernées à rebattre les cartes de sa vie, à tester ses liens et à s'interroger sur le temps qui passe.

Une parfaite lecture printanière.

La Table Ronde. 396 pages.
Traduit par Adrienne Terrier, revu par Anne-Sylvie Homassel.
1936 pour l'édition originale.

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