Mélodie de Vienne - Ernst Lothar
"Même si c'est un fou qui met le feu au monde, le monde brûle."
Au numéro 10 de la Seilerstätte réside la famille Alt dans un très bel immeuble. Mozart en personne a joué sur l'un des instruments de la firme de pianos familiale. En 1888, Franz Alt, petit-fils du fondateur de l'entreprise, décide d'épouser la jeune Henriette Stein, fille d'un grand professeur viennois d'origine juive.
Ce roman décrivant la longue agonie de l'Empire Austro-Hongrois (puis de l'Autriche) depuis le suicide du prince héritier Rodolphe à l'Anschluss a de nombreuses qualités. Il se lit avec une grande facilité, l'écriture est belle, le discours engagé. Ernst Lothar nous fait observer, avec un habile effet de miroir, la chute d'une famille et d'un État qui ne sont plus que des chimères depuis très longtemps.
Derrière les relations complexes des Alt surgit une capitale où s'opposent les époques, où les bals et les amours de contes de fées côtoient des mouvements sociaux et des revendications nationalistes de plus en plus forts.
"... je suis un Autrichien qui sait que l’Autriche n’est une nécessité vitale qu’aux Habsbourg et aux Viennois. Et si tu veux, aux habitants de Salzbourg et de Graz ! Un peuple sans sentiment national est une absurdité. Et les Autrichiens n’en ont pas."
Après la disparition de François-Joseph et la défaite de 1918, l'Autriche plonge dans une misère et une colère qui seront les meilleurs terreaux pour le triomphe du nazisme quelques années plus tard.
Ernst Lothar, ainsi qu'il le dit lui-même, a voulu écrire un roman d'amour à sa patrie. Il loue ses grands hommes, ses grands artistes, sans toutefois s'aveugler sur ses injustices et ses incohérences. Le discours qu'il porte est à la fois grave et plein de foi dans l'avenir.
Si ce livre est parfait sur le papier, j'ai cependant eu du mal à rester captivée par son histoire qui couvre une période tellement grande que l'on a à peine le temps de commencer à voir se dessiner les personnages qu'ils ont déjà vieilli et changé. Je trouve également que l'histoire n'est pas toujours bien rythmée. Cela dit, ces bémols ne m'empêchent pas de recommander ce livre à ceux qui s'intéressent à cette période de l'histoire et qui aiment les sagas familiales.
Liana Levi. 672 pages.
Traduit par Elisabeth Landes.
1944 pour l'édition originale.