La Peste écarlate - Jack London
" Dès 1929, un illustre savant, nommé Soldervetzsky, avait annoncé qu’une grande maladie, mille fois plus mortelle que toutes celles qui l’avaient précédée, arriverait un jour, qui tuerait les hommes par milliers et par milliards. "
En 2073, James Howard Smith, désormais un très vieil homme, se promène en compagnie de jeunes garçons dans la baie qui était autrefois celle de San Francisco. Ils rencontrent des animaux sauvages, chassent, puis s'installent pour manger au coin du feu. Le grand-père raconte alors qu'en 2013, le monde a été ravagé par une terrible pandémie, la peste écarlate. Ce mal, qui terrassait ses victimes en quelques heures (voire quelques minutes), s'est répandu comme une traînée de poudre alors que Smith était un respectable professeur d'université et n'a laissé que de rares survivants.
Depuis quelques temps, La Peste de Camus connaît un regain de popularité. Gageons qu'avec les semaines de confinement encore devant nous, d'autres titres pourraient connaître le même sort, à commencer par cette nouvelle de Jack London.
On y retrouve certains points communs avec notre actualité : l'émergence de la maladie qui n'inquiète pas vraiment pour commencer, puis une propagation rapide, la course contre la montre pour trouver un remède et l'exode massif depuis les villes vers les campagnes qui permettent l'expansion encore plus rapide de la Mort écarlate.
Même si cela peut sembler curieux d'imaginer le créateur de L'Appel de la forêt, de Croc-Blanc ou de Martin Eden en auteur de textes post-apocalyptiques, on retrouve dans La Peste écarlate les thèmes qui lui sont chers.
La nature, agressée par l'homme, a très vite repris ses droits. Les ours et les loups sont de retour. Certains animaux domestiqués sont retournés à la vie sauvage.
Jack London demeure un auteur attaché à la dénonciation des inégalités sociales. Le monde détruit par la peste écarlate était un monde injuste. Les classes dirigeantes exploitaient les producteurs tout en ne faisant rien ou presque d'elles-mêmes. Bien que le texte date du tout début du XXe siècle, Jack London avait pressenti la société de consommation.
" — Nous appelions, en théorie, ceux qui produisaient la nourriture des hommes libres. Il n’en était rien et leur liberté n’était qu’un mot. La classe dirigeante possédait la terre et les machines. C’est pour elle que peinaient les producteurs, et du fruit de leur travail nous leur laissions juste assez pour qu’ils puissent travailler et produire toujours davantage. "
Après la pandémie, les rapports de force vont être bouleversés. Plus personne ne sait lire, compter. La valeur de l'argent a disparu. Pour autant, l'auteur ne se fait aucune illusion sur le fait que l'homme, une fois devenu dominant, se comporte comme une brute avec ses semblables. Quelles que soient ses origines.
" Les trois types éternels de domination, le prêtre, le soldat, le roi y reparaîtront d’eux-mêmes. La sagesse des temps écoulés, qui sera celle des temps futurs, est sortie de la bouche de ces gamins. La masse peinera et travaillera comme par le passé. Et, sur un tas de carcasses sanglantes, croîtra toujours l’étonnante et merveilleuse beauté de la civilisation. Quand bien même je détruirais tous les livres de la grotte, le résultat serait le même. L’histoire du monde n’en reprendrait pas moins son cours éternel ! "
La perte du savoir humain a permis le retour des superstitions. Le Loucheur, charlatan sorcier, terrorise les gens avec son bâton de la mort. Une lueur d'espoir malgré tout, la préservation des ouvrages contenant les anciennes connaissances. On sait combien l'auteur était attaché aux livres.
Thélème. 2h27.
Lu par Pierre-François Garel.
1912 pour l'édition originale.
Une lecture commune organisée par Claudialucia.