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lilly et ses livres
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30 mars 2016

La part des flammes - Gaëlle Nohant

9782253087434-001-TLe Bazar de la Charité est un événement incontournable en 1897. Toutes les femmes de la haute société veulent en être afin de montrer à tous leur générosité.
Violaine de Raezal, une jeune veuve dont le nom est entaché d'un scandale plus ou moins oublié, tente de s'y introduire. Après avoir essuyé un refus plein de mépris de la part d'une marquise hypocrite, le hasard la mène à la rencontre de la plus flamboyante (ah, ah) des participantes à la grande vente de bienfaisance, la duchesse d'Alençon. Violaine, peu sûre d'elle et un peu trop tendre pour le monde qui l'entoure, découvre une femme qu'elle ne tarde pas à admirer pour son indépendance d'esprit et son altruisme. La duchesse également s'entiche de Violaine, et lui propose une place à son comptoir au Bazar de la Charité, où les deux femmes rencontreront également la jeune et très pieuse Constance d'Estingel.
L'incendie qui éclate le deuxième jour de la vente va rapprocher d'une façon étrange ces trois femmes un peu trop intelligentes et volontaires.

A partir d'un fait divers retentissant, Gaëlle Nohant traite de la question des femmes dans la société française du XIXe siècle. Tout est mis en oeuvre pour les cloîtrer et les conformer au moule prévu pour elles. La religion poursuit son oeuvre entreprise depuis des siècles pour les réduire à des créatures qu'il faut infantiliser, dont il faut se méfier et susceptibles d'être touchées par le péché à tout moment. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, certaines évolutions de la société, au lieu d'apporter une vision plus moderne des femmes, contribue à les rendre suspectes. La presse d'abord, bien que plus développée et libre, peut ruiner des réputations en un article. Quant à la médecine, elle ne sert qu'à confirmer grâce à certains de ses praticiens les diagnostics de maladies typiquement féminines, telles l'hystérie ou la nymphomanie, maladies qui touchent systématiquement les femmes vues comme indépendantes.
On peut cependant regretter des personnages un peu trop prévisibles (Lazlo, le beau noble au nom exotique, poète et journaliste, en est un parfait exemple) et manichéens. Ce manque de consistance des héros gâche un peu un propos par ailleurs bien documenté. Seuls les "méchants" sont plutôt bien croqués, en particulier la marquise de Fontenilles, qui nous ferait presque de la peine dans sa volonté de briser Lazlo pour faire oublier qu'une femme autrefois exhibée comme un trophée ne vaut plus rien quand elle est défigurée.
L'écriture aussi m'a tantôt charmée, tantôt laissée de marbre. Elle est très juste dans la description de l'incendie, dans l'évocation de la soufrance des victimes ou encore dans la charge contre les aliéniste, mais tend à devenir un peu trop banale voire artificielle dès lors qu'il s'agit d'évoquer l'intrigue amoureuse.

Si j'ai lu ce livre avec beaucoup de facilité et apprécié ses qualités, je n'ai pas éprouvé le coup de coeur qu'ont eu Choupynette et Yueyin. Je suis cependant ravie de voir que Gaëlle Nohant poursuit sa route d'écrivain en rencontrant un joli succès.

Le Livre de Poche. 544 pages.
2015 pour l'édition originale.

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20 mars 2016

Sarnia - G.B. Edwards

sarniaEbenezer Le Page, vieil homme de quatre-vingt ans, décide de coucher sur papier le récit de sa vie à Guernesey. A l'exception d'une rapide excursion sur Jersey et d'une nuit forcée sur l'île de Lihou, il n'a jamais quitté sa petite terre natale.
Il a connu deux guerres, vu vivre et mourir la plupart de ses proches, aimé les femmes (surtout la belle Liza Quéripel), soigné ses tomates. C'est aussi au cours de son existence que Guernesey est devenue un territoire moderne, touristique, contre lequel il a du mal à ne pas se dresser.

Je pensais en ouvrant ce roman trouver une oeuvre dont le souffle romanesque m'emporterait immédiatement. L'image qu'évoque Guernesey pour moi est tellement empreinte de romantisme, de vent, de furie, d'ambiance délicieusement désuète, que lorsque j'ai dû freiner mes ardeurs face à un début de récit tranquille et très factuel, je me suis demandé où j'avais atterri.
Au final, on tombe très vite sous le charme d'Ebenezer (en même temps, comment ne pas tomber sous le charme d'un Ebenezer ?). Il est ronchon, réactionnaire, assez misogyne (les femmes en pantalon, quelle horreur !), mais c'est un tel numéro qu'on ne peut que l'apprécier. 

"J'ai bien peur mon cher Mister Le Page, a-t-il dit, l'air franchement désolé pour moi, que vous soyez un anachronisme."


A travers son récit, on découvre l'histoire de Guernesey, cette île pas vraiment anglaise ni vraiment normande comme on a tendance à la désigner. Lorsqu'Ebenezer vient au monde à la fin du XIXe siècle, c'est une île dont les habitants ont pour beaucoup des liens de parenté, où l'on parle en patois, et qui est peu fréquentée par les touristes. Il y grandit avec sa soeur Tabitha, son ami Jim, ses petits cousins Raymond et Horace. La vie de famille est d'abord rythmée par les querelles ridicules des deux tantes, Hetty et Prissy. Puis, les premiers drames se produisent avec la Première Guerre mondiale, qui emporte des maris et des fils.
Ce qui m'a le plus plu dans ce livre, c'est de voir la petite Guernesey prise dans la grande Histoire. Cette île minuscule, du fait de son appartenance à la Grande-Bretagne, envoie des soldats, subit l'Occupation, et semble si fragile face à ces grandes armées.

"La guerre vint. Elle vint à mon insu. Un jour tout était normal, et le lendemain, c'était la guerre."

Mais n'allez pas croire que Sarnia est un livre déprimant. Certes, on passe du rire aux larmes à de nombreuses reprises. Mais c'est surtout une déclaration d'amour pour Guernesey (on a envie de s'y précipiter après avoir achevé notre lecture), pour ses habitants (Ebenezer est un grand sentimental) et une histoire pleine d'anecdotes familiales comme seules les vieilles personnes en ont, qui redonnent le sourire même dans les moments les plus sombres.

Un livre unique et passionnant servi par une magnifique plume.

Points. 637 pages.
Traduit par Jeanine Hérisson.
1981 pour l'édition originale.

9 mars 2016

Les forêts du Grand Nord...

9782859409043"D'autres voix lui parlaient encore. Des profondeurs de la forêt, il entendait résonner tous les jours plus distinctement un appel mystérieux, insistant, formel ; si pressant que parfois, incapable d'y résister, il avait pris sa course, gagné la lisière du bois."

Buck mène une vie de chien confortable auprès de son riche propriétaire lorsqu'il est enlevé par des trafiquants de chiens et envoyé au Canada pour devenir chien de traîneau. Cette superbe bête au grand coeur va devoir affronter l'hiver du grand Nord, mais aussi la brutalité de certains maîtres et certains de ses semblables pour avoir la chance de conduire tout à l'avant du traîneau.

Ceux qui me connaissent peuvent témoigner que je n'ai pas l'âme d'une aventurière. J'aime voyager, me promener au grand air, voir des paysages à couper le souffle. En revanche, je suis une trouillarde doublée d'une snob qui a besoin d'avoir son petit confort. Autant dire que les voyages de plusieurs semaines par des températures polaires sur un traîneau tiré par des chiens avec nuit sous une tente de fortune, c'est un peu la définition du cauchemar pour moi.

Cela ne m'empêche pas d'apprécier les récits comme ceux de Jack London, qui m'a une nouvelle fois comblée avec ce très court roman. Cet homme brillant prend les traits d'un loup pour nous parler des hommes et de leur faiblesse face à la nature. Il évoque aussi les liens qui peuvent attacher un chien à son maître, même lorsque l'appel de la forêt se fait de plus en plus fort. Le tout avec une écriture sombre et poignante.

Une centaine de pages de pur bonheur littéraire.

1903 pour l'édition originale.

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