La part des flammes - Gaëlle Nohant
Le Bazar de la Charité est un événement incontournable en 1897. Toutes les femmes de la haute société veulent en être afin de montrer à tous leur générosité.
Violaine de Raezal, une jeune veuve dont le nom est entaché d'un scandale plus ou moins oublié, tente de s'y introduire. Après avoir essuyé un refus plein de mépris de la part d'une marquise hypocrite, le hasard la mène à la rencontre de la plus flamboyante (ah, ah) des participantes à la grande vente de bienfaisance, la duchesse d'Alençon. Violaine, peu sûre d'elle et un peu trop tendre pour le monde qui l'entoure, découvre une femme qu'elle ne tarde pas à admirer pour son indépendance d'esprit et son altruisme. La duchesse également s'entiche de Violaine, et lui propose une place à son comptoir au Bazar de la Charité, où les deux femmes rencontreront également la jeune et très pieuse Constance d'Estingel.
L'incendie qui éclate le deuxième jour de la vente va rapprocher d'une façon étrange ces trois femmes un peu trop intelligentes et volontaires.
A partir d'un fait divers retentissant, Gaëlle Nohant traite de la question des femmes dans la société française du XIXe siècle. Tout est mis en oeuvre pour les cloîtrer et les conformer au moule prévu pour elles. La religion poursuit son oeuvre entreprise depuis des siècles pour les réduire à des créatures qu'il faut infantiliser, dont il faut se méfier et susceptibles d'être touchées par le péché à tout moment. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, certaines évolutions de la société, au lieu d'apporter une vision plus moderne des femmes, contribue à les rendre suspectes. La presse d'abord, bien que plus développée et libre, peut ruiner des réputations en un article. Quant à la médecine, elle ne sert qu'à confirmer grâce à certains de ses praticiens les diagnostics de maladies typiquement féminines, telles l'hystérie ou la nymphomanie, maladies qui touchent systématiquement les femmes vues comme indépendantes.
On peut cependant regretter des personnages un peu trop prévisibles (Lazlo, le beau noble au nom exotique, poète et journaliste, en est un parfait exemple) et manichéens. Ce manque de consistance des héros gâche un peu un propos par ailleurs bien documenté. Seuls les "méchants" sont plutôt bien croqués, en particulier la marquise de Fontenilles, qui nous ferait presque de la peine dans sa volonté de briser Lazlo pour faire oublier qu'une femme autrefois exhibée comme un trophée ne vaut plus rien quand elle est défigurée.
L'écriture aussi m'a tantôt charmée, tantôt laissée de marbre. Elle est très juste dans la description de l'incendie, dans l'évocation de la soufrance des victimes ou encore dans la charge contre les aliéniste, mais tend à devenir un peu trop banale voire artificielle dès lors qu'il s'agit d'évoquer l'intrigue amoureuse.
Si j'ai lu ce livre avec beaucoup de facilité et apprécié ses qualités, je n'ai pas éprouvé le coup de coeur qu'ont eu Choupynette et Yueyin. Je suis cependant ravie de voir que Gaëlle Nohant poursuit sa route d'écrivain en rencontrant un joli succès.
Le Livre de Poche. 544 pages.
2015 pour l'édition originale.