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lilly et ses livres
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24 octobre 2013

Femmes et filles - Elizabeth Gaskell

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Croyez-le ou non, il m'arrive parfois d'être superficielle. J'ai découvert Elizabeth Gaskell avec le somptueux Nord et sud* il y a sept ans, et j'ai immédiatement cherché un autre livre de cet auteur pour prolonger le plaisir. C'est ainsi que Femmes et filles a rejoint ma bibliothèque, et pourtant il m'aura fallu des années plus trois tentatives avant de le finir. Pourquoi ? Son poids. J'aime lire dans les transports, dans mon bain, couchée sur le dos, et c'est un vrai défi avec ce type de livre. Heureusement, avec la grisaille, j'ai eu envie de me plonger dans un roman victorien, avec un bon plaid et du thé à proximité, et cette fois je me suis jurée de lire ce délicieux pavé jusqu'au bout.

Molly Gibson est la fille d'un respectable médecin de campagne apprécié aussi bien par les paysans que par la noblesse locale, représentée par les Cumnor et les Hamley. Alors qu'elle grandit, son père, veuf, réalise que sa fille est l'objet des attentions de l'un de ses apprentis et décide de l'éloigner en l'envoyant à Hamley Hall, où le squire et son épouse s'entichent d'elle au point de la garder de longues semaines. Là-bas, elle fait la connaissance des deux fils de ses hôtes, l'élégant Osborne et le moins séduisant Roger, passionné de sciences naturelles.
Pendant ce temps, le Dr Gibson fait plus ample connaissance avec Mrs Kirkpatrick, une veuve, ancienne préceptrice des filles Cumnor, et lui demande de l'épouser. Molly rentre donc chez elle pour vivre avec sa nouvelle mère et Cynthia, la fille de cette dernière, revenue de France.

Évidemment, il va y avoir de l'amour, des rebondissements, des disputes, mais Femmes et filles n'est pas un roman passionnant uniquement pour ces raisons. Il ressemble beaucoup aux Confessions de Mr Harrison car il s'agit avant tout de la description d'un petit village où les commérages vont bon train, où l'on attend des heures pour voir apparaître une duchesse recouverte de diamants, où une jeune fille ne peut être vue en compagnie d'un jeune homme sans que cela fasse le tour des chaumières et où les femmes d'une même famille ont intérêt à s'entendre en raison de l'obligation qui leur est faite de passer le plus clair de leur temps chez elles.
Chacun a une idée très précise de sa position, et fait tout pour la conserver voire l'améliorer. Mrs Kirkpatrick, la belle-mère de Molly, a passé toute sa vie à travailler, à faire attention à chacune de ses parole pour ne pas perdre la faveur des Cumnor, donc elle n'hésite pas une seconde lorsque le père de notre héroïne lui propose de devenir Mrs Gibson.

"... elle éclata en sanglots hystériques. C'était un si délicieux soulagement de se dire qu'elle n'aurait plus besoin de lutter pour gagner sa vie."

C'est une femme franchement détestable. Elle est hypocrite, prétentieuse, opportuniste, menteuse, jalouse et égoïste au point de souvent se montrer insensible. Sa fille Cynthia n'est pas exempte de reproches, c'est une sacrée coquette, et j'ai souvent eu envie de la gifler, mais il est difficile de ne pas l'excuser un peu en raison de sa mère qui pousse le vice jusqu'à ne pas l'inviter à son mariage de peur de ne pas être la plus jolie.
Entre elles deux, Molly n'est pas toujours très heureuse, même si son amitié avec Cynthia est des plus sincères. C'est une jeune fille adorable, dévouée au point d'être parfois bien naïve, mais elle sait aussi se montrer surprenante comme lorsqu'elle s'emporte contre Mr Preston ou qu'elle enfourche la jument de son père pour se précipiter à Hamley Hall malgré les protestations de sa belle-mère.
Le seul homme de la famille, le Dr Gibson, a des accès de misogynie assez détestables et son refus d'intervenir dans ses affaires domestiques au départ ressemble beaucoup à de la lâcheté, mais il apporte énormément d'humour au roman, un peu à la façon d'un Mr Bennet dans Orgueil et Préjugés. Et puis, sa tendresse pour sa fille ne fait aucun doute et contraste avec celle de sa femme, qui se targue de ne pas favoriser l'une ou l'autre de ses "filles" pour mieux pouvoir les mettre en compétition (ce dans quoi elles ne marchent pas du tout d'ailleurs).

Et les prétendants me direz-vous ? Certains ne doivent pas être nommés si vous n'avez pas encore lu le roman, mais le grand héros de l'histoire est bien sûr Roger Hamley, le brillant mais discret fils cadet du squire. Comme dans tout bon roman anglais, il commence évidemment par ne pas voir ce qui est sous ses yeux et tombe raide d'admiration pour l'envoûtante Cynthia avant de partir deux ans en Afrique, mais on sait tous comment les choses vont finir. Ou auraient dû finir, car malheureusement, Femmes et filles est un roman inachevé. Elizabeth Gaskell est morte avant d'avoir pu écrire le dernier chapitre de son livre. Je n'ai plus qu'à regarder l'adaptation BBC pour la découvrir (adaptation que je m'empêche de regarder depuis très longtemps).

Voilà donc un roman passionnant de bout en bout, dans lequel on se blottit avec bonheur. On rit, on enrage, et on savoure cette ambiance anglaise au point de ne jamais vouloir que ça s'arrête. A lire absolument !

L'avis de Titine.

*Bon, j'admets quelques longueurs qui m'ont frappée à la deuxième lecture.

L'Herne. 651 pages.
Traduit par Béatrice Vierne.
1865.

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17 octobre 2013

Ce qu'il advint du sauvage blanc - François Garde

gardeAu milieu du XIXe siècle, alors que les terres inexplorées se réduisent à peau de chagrin et que les sciences humaines se développent, le vicomte Octave de Vallombrun tente de partir à l'aventure et d'apporter une grande découverte à la Société de Géographie. Après une expédition décevante en Islande, il se rend en Australie où, par hasard, il va rencontrer un "sauvage blanc". Il s'agit en fait de Narcisse Pelletier, un marin disparu dix-huit années qui a été recueilli par des autochtones et a assimilé leur culture au point d'en oublier son ancien nom.
Octave, qui se prend d'affection pour cet être insaisissable et qui voit en lui la possibilité de développer une nouvelle science, passera des années à tenter de comprendre ce qui lui est arrivé.

Je n'ai jamais lu Robinson Crusoë et je n'ai jamais vraiment goûté au roman d'aventure, mais j'espère combler en partie cette lacune après avoir découvert le livre de François Garde. Je n'ai pas éprouvé un coup de coeur à sa lecture, mais c'est un récit très prenant et documenté difficile à lâcher.
La vie de Narcisse Pelletier nous est contée par deux narrateurs. Le premier est le principal intéressé, Narcisse Pelletier lui-même, dont on découvre les débuts sur les côtes australiennes. Abandonné par son capitaine, il est recueilli par une communauté régie par des règles qui lui échappent complètement. D'abord peu soucieux de s'intégrer, convaincu que son séjour sera de courte durée, il semble qu'il ait été obligé de se mêler à son nouveau peuple puisqu'il ne sera recueilli que près de vingt ans plus tard. De cette partie de l'histoire on ne saura presque rien, le second narrateur restant incapable de faire parler Narcisse au sujet de son passage forcé en Australie.
Octave de Vallombrun est un personnage très intéressant. Naïf, sincère et enthousiaste, c'est aussi un jeune homme ambitieux, qui voit en Narcisse Pelletier une sorte d'homme de la nature fruit d'une expérience involontaire inédite, qui va pouvoir le renseigner sur la vie de ses sauveurs ainsi que lui permettre d'étudier le mécanisme qui fait qu'on peut oublier jusqu'à son nom.

"Le voyage de retour de Narcisse vers notre monde n'aura lieu qu'une fois et dans un seul sens. J'en serai le scribe."

Malgré tout, le vicomte ne va pas tarder à être surpris par son élève, à douter, et enfin à être déçu. Les découvertes qu'il fait suggèrent des choses inconcevables à ses yeux (et que l'on ne peut rendre publiques). Certains comportements de Narcisse laissent penser que les "sauvages" sont plus civilisés face à certaines situations que les Européens, ce qui va totalement à l'encontre des défenseurs de la colonisation, qui se targuent d'apporter le Bien aux populations non chrétiennes.
Par ailleurs, l'accueil réservé au "sauvage blanc", ainsi que l'on surnomme Narcisse, est celui que l'on ferait à une bête de foire. Narcisse fascine, fait peur, suscite des réserves (qu'est-ce qui nous dit qu'il ne s'agit pas d'un simple menteur ?). Quant aux scientifiques de la Société de Géographie française, elle se montre finalement assez peu convaincue par les recherches d'Octave de Vallombrun sur cet ancien simple matelot, qui a peut-être perdu tous ses repères parce qu'il n'était qu'un homme insignifiant et ignorant.
Enfin, Octave devra se résoudre à accepter son échec, et s'interrogera même sur le bien-fondé du retour de Narcisse Pelletier en France.

"Deux fois il a franchi ce passage impossible d'un monde à l'autre. Pour vivre avec les sauvages, il avait dû tout oublier de sa vie de matelot (qui saura jamais au prix de quels efforts !). Revenu parmi les Blances, et se refusant d'instinct à endurer à nouveau pareille ordalie, il s'était réfugié dans l'amnésie volontaire. Répondre lui était impossible, sauf à rabaisser le pont-levis de sa forteresse et laisser le matelot et le diablotin s'affronter en un combat mortel. Sa raison n'y eût pas survécu."

Bref, un livre avec un fond historique comme je les aime, des personnages qui soulèvent des questions passionnantes et un dépaysement total à certains moments. Une très jolie découverte.

Folio. 380 pages.
2012.

 

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