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lilly et ses livres
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20 mai 2012

"Et ces imbéciles qui souriaient, ce soir, en me voyant traverser leurs rues ! "

9782070383047FSJe termine ma pause zolienne de l'année (quoique, on ne sait jamais) avec La Conquête de Plassans. Après deux tomes à Paris, ce quatrième volet des Rougon-Macquart nous ramène dans le berceau de la famille, où nous avions laissé Adélaïde Fouque, désormais enfermée dans un asile, et quelques membres bien sympathiques de sa descendance.

L'abbé Faujas arrive un soir, en compagnie de sa mère, chez Marthe et François Mouret. Il est peu avenant et un mystère plane sur son passé, ce qui ne lui laisse pas présager un avenir brillant dans la petite ville de Plassans, où les rumeurs se répandent très vite. Pourtant, grâce à des appuis invisibles et à son intelligence, l'abbé Faujas va conquérir tour à tour la maison des Mouret, le clergé de Plassans, puis toute la ville.

Bien qu'il soit moins flamboyant que Le Ventre de Paris, je crois que j'ai préféré ce livre où toutes les mauvaises actions se font insidieusement et où les personnages semblent se livrer à un concours de celui qui aura le plus d'ambition et le moins de scrupules (encore plus que d'habitude).
Au début, la situation semble normale, et les personnages prêts à repousser les assauts des Faujas. François et Marthe ne sont pas franchement des gens pieux, et leur famille est solide. Parmi leurs enfants, Octave court les filles et Désirée n'aime que les animaux. Seul Serge semble corruptible. Puis, sans qu'on comprenne pourquoi, on se retrouve avec une Marthe complètement illuminée, qui s'auto-flagelle au sens propre du terme, un Mouret qu'on plaindrait presque (il ne faut pas trop pousser non plus), et un abbé Faujas transformé en sex-symbol. Enfin, pour ce dernier aspect, ça ne dure que le temps de la conquête, puisqu'il renoue rapidement avec ses habits troués, et sa haine du peigne. Après tout, avec un charisme comme le sien, pourquoi se gêner ?

"Plassans, en effet, dut le prendre mal peigné. Du prêtre souple se dégageait une figure sombre, despotique, pliant toutes les volontés. Sa face redevenue terreuse avait des regards d'aigle ; ses grosses mains se levaient, pleines de menaces et de châtiments. La ville fut positivement terrifiée, en voyant le maître qu'elle s'était donné grandir ainsi démesurément, avec la défroque immonde, l'odeur forte, le poil roussi d'un diable. La peur sourde des femmes affermit encore son pouvoir. Il fut cruel pour ses pénitentes, et pas une n'osa le quitter : elles venaient à lui avec des frissons dont elles goûtaient la fièvre."

Evidemment, Zola critique ici férocement le clergé et les comportements excessifs de certains croyants. Le plus formidable dans cette histoire, c'est qu'il montre avec brio comment on peut en venir à adorer ceux qui nous méprisent le plus. Le club des groupies de Faujas est composé de femmes, alors qu'on a droit à ce qu'il pense du sexe féminin à plusieurs reprises et qui tient en quelques mots très flatteurs : "la tentation d'en bas, la lâcheté, la chute finale". Bref...
Autre menace qui plane tout au long du livre : la folie. La grand-mère est enfermée, et on se demande pendant un bon moment qui de Marthe ou de Mouret ira lui tenir compagnie en premier (en tant que cousins germains, ils descendent aussi directement d'elle l'un que l'autre).

Comme d'habitude avec Zola, on a droit à des scènes extraordinaires dans ce livre. Je vais essayer de ne pas en dire trop, mais l'incendie est un moment qui m'a scotchée, avec tous ces notables regardant périr des gens comme s'ils assistaient à un feu d'artifice. Nul doute qu'ils sont repartis à leurs affaires très rapidement. Et cette dernière phrase ! Je me souviens encore de la toute fin de La Faute de l'Abbé Mouret, grossière et provocatrice, mais on est encore au-delà (évidemment, je vous laisse la découvrir).

Et les Rougon ? Ben, les Rougon, ça va. On pourrait penser que Félicité serait embêtée du scandale provoqué par son allié et sa fille. Malheureusement, comme le dit Macquart, ils savent prévoir dix portes de sortie à chaque situation, ce qui leur assure de remporter à chaque fois la victoire, même si ça tue un ou deux membres de leur famille au passage.

Quand je pense que je remonte avec eux à Paris pour le prochain tome, ça promet !

D'autres avis chez Stéphie, Cuné (très intéressant, puisqu'il formule des critiques que je partage sur les notables de Plassans et sur le comportement de Marthe, bien qu'elles n'aient en ce qui me concerne pas altéré la forte impression que ce livre m'a faite), Kalistina et Cléanthe.

Folio. 466 pages.
1874 pour l'édition originale.

 

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12 mai 2012

Le Ventre de Paris - Emile Zola

750997_2878652Un an après La Curée, qui m'avait enchantée, je reprends ma découverte des Rougon-Macquart avec Le Ventre de Paris. Et une nouvelle fois, je bénis ceux qui m'ont permis de redécouvrir Zola, qui s'est imposé comme l'un de mes auteurs préférés, chose qui m'aurait bien fait rire il y a quelques années.

Ce volume se déroule à Paris, aux Halles, où l'on prépare la nourriture, où on la vend, et où les rancoeurs sont dures. Florent revient du bagne. Condamné à l'exil en Guyane en 1851, il a réussi à s'enfuir et à regagner la France au bout de quelques années. A Paris, il retrouve son frère Quenu qui l'accueille chez lui avec sa femme Lisa, la soeur d'une certaine Gervaise. Pour éviter qu'il ne soit repris par la police, Florent se fait passer pour un parent de Lisa.
Cependant, c'est sans compter sur les commères des Halles et les rivalités entre les femmes, particulièrement la belle Lisa et la belle Normande.

Bien que je place ce livre un cran au-dessous de La Curée, j'ai passé un merveilleux moment en sa compagnie. On plonge dans les Halles de Paris, on sent, on voit la nourriture, on entend le bruit, l'agitation des tous ces commerçants, et une fois de plus on découvre un Paris en ébullition.

"Je bats, je bats, je bats, n'est-ce pas ? continua le garçon, en faisant aller sa main dans le vide, comme s'il fouettait une crème. Eh bien, quand je retire ma main et que je la regarde, il faut qu'elle soit comme graissée par le sang, de façon à ce que le gant rouge soit bien du même rouge partout... Alors, on peut dire sans se tromper : 'Le boudin sera bon'."

La modernité s'installe, la politique n'est jamais loin, et la reconstitution de Zola captivante. Florent a été exilé pour des raisons politiques, il revient dans une France toujours gouvernée par l'empereur qu'il déteste. Ce qu'il néglige, c'est le fait que les Halles, qui semblent coupées du monde, où l'on oublie les menaces extérieures, sont avant tout un lieu où les mégères s'épanouissent, et où l'on n'hésite pas à broyer les gens pour le plaisir d'avoir de quoi discuter. Malgré lui, Florent est pris dans la querelle qui oppose sa belle-soeur à une poissonnière, et ses rêves de changer le monde dans ce contexte sont une condamnation à mort.
A nouveau, le portrait des "honnêtes gens" est cinglant. Le passage où Lisa va voir la police afin de dénoncer son beau-frère, et qu'elle découvre les lettres de dénonciation de la plupart des personnages du livre est particulièrement parlant. Elle-même est un personnage ambigü. Ses protestations d'honnêteté sont rapidement contredites, quand elle comprend que ses intérêts sont menacés. Difficile de lutter contre l'hérédité...

Comme d'habitude avec Zola, j'ai terminé ma lecture furieuse contre les personnages (pourtant, Florent n'est pas franchement attachant), mais enchantée par la peinture proposée par l'auteur.
La prochaine fois, on se retrouve à Plassans !

D'autres avis chez Cuné, Kalistina, Stéphie, Cléanthe.

Folio. 470 pages.

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