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lilly et ses livres
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30 septembre 2010

La Faute de l'Abbé Mouret ; Emile Zola

9782070338290FSFolio ; 503 pages.
1875.

Mon histoire avec Zola, c'est un peu celle d'Elizabeth Bennet et Fitzwilliam Darcy (attention, je vais délirer). De tous les auteurs que j'ai étudiés dans le secondaire, je crois que c'est le seul dont je gardais un souvenir désastreux. Il m'a valu la pire note de ma vie en cours de français (après une lecture très laborieuse), et mon orgueil blessé a alors décrété que tout était de la faute de Zola.
Finalement, les années passant, j'ai eu l'occasion d'entendre des avis très contradictoires sur l'auteur, suffisamment argumentés pour que j'accepte de tendre de nouveau l'oreille lorsque j'entendais son nom, et finalement je l'ai fait. J'ai lu Au Bonheur des Dames, et j'ai réalisé que Zola gagnait peut-être à être connu. Il restait à confirmer que je pouvais apprécier cet auteur pour autre chose que ses très rares concessions à l'amour heureux (je force le trait, l'écriture dans Au Bonheur des Dames est incroyable, et l'on n'est pas tout à fait dans un conte de fées...), alors j'ai ploufé entre les Rougon-Macquart présents dans ma bibliothèque.

La Faute de l'Abbé Mouret est le cinquième volume de la série. Il met en scène Serge Mouret (le frère d'Octaaaave !), abbé des Artaud, où vivent des campagnards descendant d'une même famille. Alors que la paroisse est en proie au vice, que les messes sont dites sans personne pour les écouter, et que les jeunes filles se marient systématiquement parce qu'elles sont enceintes, l'abbé Mouret est le plus intègre des hommes. Ses tourments sont si grands qu'il refuse toute idée de matérialité. Sa seule passion est  pour la Vierge, une passion presque sensuelle. Le Frère Archangias, misogyne notoire, (et hypocrite fini) est d'ailleurs là pour prévenir tout écart du curé.
Pourtant, lorsque son oncle Pascal le mène au Paradou, cette demeure à l'écart, où vivent un philosophe athée et Albine, une enfant sauvage et naturelle, la vie de l'abbé Mouret bascule. Il oublie son passé, et renaît au sein de cet Eden aussi envoûtant que menaçant, amoureux fou d'Albine.

Ce livre est extraordinaire, tout simplement. J'avoue avoir connu des moments difficiles pendant la seconde partie qui contient des descriptions indigestes pour moi actuellement, le passage entre les deux premières parties m'a paru abrupte (malgré des explications par la suite), et pourtant je tiens là l'un de mes plus gros coups de coeur de l'année.
La Faute de l'Abbé Mouret est une réécriture de la chute, Serge et Albine étant de nouveaux Adam et Eve. Ils sont nus lorsqu'ils se rencontrent. La pureté de la jeune fille est celle des êtres que la société (et encore plus celle où le Père Archangias évolue) n'a pas atteints, il est amnésique et donc renaissant.

"Serge ne pouvait plus vivre sans le soleil. Il prenait des forces, il s'habituait aux bouffées du grand air qui faisaient s'envoler les rideaux de l'alcôve. Même le bleu, l'éternel bleu commençait à lui paraître fade."

Mais la santé nouvelle de jeune homme est fragile, le Paradou contient la même tentation que l'Eden original, et Serge redevient l'abbé Mouret.
Outre la fatalité (ou plutôt l'hérédité), Serge et Albine sont les victimes d'une France qui se transforme. Le Frère Archangias n'est prêt à faire aucune concession à la morale dont il se croit le garant, et son opposition avec le Philosophe, le gardien d'Albine (qui fait au passage preuve d'une irresponsabilité totale lorsqu'il laisse Albine s'occuper seule de Serge), est frontale. Moi qui savoure les discours anticléricaux, j'ai été servie. Si l'abbé Mouret est parvenu à m'émouvoir, c'est parce que ses tourments étaient ceux de Serge, l'homme. L'abbé est un acharné au début du livre.

"La mépris de la science lui venait ; il voulait rester ignorant, afin de garder l'humilité de sa foi."

Bien que la préface de mon édition insiste sur le fait que l'auteur ne prend pas clairement partie pour cette position, j'ai trouvé que l'Eglise était assez durement tournée en dérision, parfois avec humour, parfois de manière dramatique. L'assaut de l'église mené par les poules de Désirée au début du roman est délectable. Cette scène incongrue n'est d'ailleurs pas la seule du roman. La fin tragique est ainsi associée à une intervention aussi malvenue que pleine d'humour de la part de la sœur de l'Abbé.
J'ai également eu mes moments de rage. J'avais beau savoir que ça finirait mal, observer Serge et Albine se repousser a été éprouvant. Cela sans aucun doute grâce au style puissant de Zola, qui nous offre des passages d'une force incroyable. Ce livre contient ainsi l'une des morts les plus poétiques et les plus tristes que j'ai lues.

Vraiment un moment de lecture incroyable. Je peux encore moins que d'ordinaire prévoir mes lectures, mais je vais tenter de revenir au plus vite vers Zola.


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23 septembre 2010

Quatre ans

bajo_el_toldo_zarauz

Les années passent, et je ne change pas. J'ai donc décidé de maintenir la tradition qui me fait systématiquement oublier l'anniversaire de mon blog.
Voilà quatre ans que je me suis introduite dans la blogosphère, et même si je suis plus ou moins présente ces derniers temps,  les rencontres virtuelles, les échanges et les découvertes que j'ai pu y faire sont très importants pour moi. Merci à tous donc !

20 septembre 2010

Le Clan des Otori, I : Le Silence du Rossignol ; Lian Hearn

9782070302581Folio ; 371 pages.
Traduit par Philippe Giraudon.
2002
.

Tomasu, un adolescent membre de la communauté des Invisibles, dans un Japon ancien et imaginaire, vit paisiblement avec sa mère, son beau-père et ses soeurs. Mais cette communauté est méprisée par Iida le plus important chef de guerre Tohan. Un soir, alors qu'il rentre dans son village, il découvre que les siens ont été massacrés. Repéré, il offense Iida en personne, avant de s'enfuir. Dans sa course, il rencontre sire Shigheru, un seigneur Otori, qui le place sous sa protection et le ramène chez lui où il lui donne un nouveau nom, Takeo.
Là-bas, il se trouve mêlé à des intrigues de palais, mais découvre également ses origines et les étonnantes facultés qui en découlent. Il rencontre également l'amour, à travers la belle Kaede, et le désir de vengeance, qui lui était jusqu'alors défendu.

Heu... Vous m'aviez bien dit que cette série était géniale, non ? Juste pour que les choses soient claires, voici un extrait savoureux, bien écrit, auquel il est impossible de résister. Kaede vient de rencontrer Takeo, et il lui a fait un effet dingue :

"Quand le garçon fut hors de vue, elle eut l'impression d'avoir perdu une part d'elle-même. Elle rentra à l'auberge avec Shikuza, qu'elle suivit comme une somnambule. En regagnant sa chambre, elle tremblait comme sous l'effet d'une fièvre violente."

Très franchement, le traitement des relations amoureuses est vraiment moyen dans ce livre, et cela sans doute en raison de la faiblesse du traitement du personnage de la jeune fille, que j'ai trouvé à la fois contradictoire et caricatural. Kaede a été négligée depuis son enfance, mais elle fait preuve d'une très grande lucidité d'esprit et d'une capacité à encaisser les chocs remarquable malgré tout, sans oublier d'être nunuche à souhait, à la fois femme affirmée et princesse en détresse (et le pire est que l'on va forcément se farcir cette intrigue amoureuse dans les tomes suivants... sauf si Lian Hearn en élimine un, mais je vais y revenir).
Au niveau du reste du récit, je suis davantage convaincue, même si je n'ai malheureusement pas ressenti le coup de coeur que j'attendais. Lian Hearn développe ainsi longuement les valeurs et les traditions des cultures qu'elle décrit. Celles-ci ont une importance de premier plan, d'autant plus que la magie a sa place  dans ce livre, et c'est ainsi que Takeo découvre peu à peu ses origines. Si j'ai trouvé que l'intrigue peinait à décoller, cet aspect est bien traité et crée une ambiance un peu onirique et poétique.
De plus, l'auteur ne s'enfonce finalement pas entièrement dans une histoire facile et prévisible. La violence de certaines scènes en témoigne, on ne fait pas que se regarder dans le blanc des yeux quand on est amoureux (ou pas), et la fin est loin de ressembler à celle des contes de fées. Même si encore une fois, la séparation des deux amoureux, est un aspect traité un peu trop facilement.   

Le tout est donc plutôt sympathique, permet de se dépayser un peu, mais est surtout assez creux.  Sur un support différent, mais dans un genre assez proche et beaucoup plus réussi, j'avais été envoûtée par Princesse Mononoke d'Hayao Miyazaki. La série de Lian Hearn s'arrête là pour moi...

L'avis de Lou, complètement opposé au mien (ça change !).

 

4 septembre 2010

Virginia Woolf - Lytton Strachey : Correspondance

9782070126972Le Promeneur ; 164 pages.
Traduit par Lionel Leforestier
.

"Cher Mr. Strachey,
Nous aimerions tant vous voir, si vous pouviez nous rendre visite un jour prochain. Dimanche qui vient vous conviendrait-il, vers six heures du soir ? Vanessa va beaucoup mieux et aimerait vous parler.

                           Sincèrement vôtre,

                                                             Virginia Stephen"


Heureusement, je ne serai jamais célèbre. Pour plein de raisons je détesterais cela, mais si j'en parle maintenant c'est parce qu'après ma mort, les gens voudraient à tout prix publier mes écrits de jeunesse, mes journaux intimes, et surtout mes correspondances. Or, quand je relis les mots que j'écrivais à mes copines en classe, je pense moi-même que c'est, au mieux une folle furieuse, au pire une fille insipide (oui, les deux sont possibles) qui les a écrits...

En ce qui concerne Virginia Woolf, ce qu'elle a laissé est autrement plus intéressant. Depuis deux ans, ses journaux ont été réédités, ainsi que plusieurs de ses correspondances. Parmi ces dernières, celle que l'auteur a entretenue avec Lytton Strachey, l'un de ses plus proches amis. Après la mort des deux protagonistes, Leonard Woolf et James Strachey, le frère de Lytton, ont décidé de mettre les lettres échangées par les deux écrivains à la disposition du public. 
La correspondance publiée par Le Promeneur, bien qu'encore plus complète, fait à peine cent-cinquante pages, ce qui semble peu quand on sait que la correspondance entretenue par Virginia Woolf et Lytton Strachey a duré vingt-cinq ans.

Pourtant, au fil des lettres, on parvient à découvrir certains aspects de leurs auteurs.  Ils se parlent avec beaucoup de détachement, de la pluie et du beau temps, de leurs amis communs, mais aussi beaucoup de littérature, la leur et celle des autres. D'ailleurs, Virginia Woolf explique tout le bien qu'elle pense de James Joyce de façon éloquente à plusieurs reprises :

"Ma contribution à moi, cinq shillings, six pence, ne sera versée qu'à la condition qu'il se serve en public des deux cents premières pages d'Ulysse pour un besoin très naturel."

L'exercice semble leur plaire, et ils s'écrivent parfois en intégrant à leurs lettres des jeux qu'ils ont inventés, comme lorsqu'ils s'appellent par des noms fantaisistes, créés par eux et leur groupe d'amis dans le cadre d'un projet de roman qui ne verra finalement jamais le jour.
Leur défauts aussi apparaissent. Lytton Strachey est visiblement un individu hypocondriaque, qui ne semble pas pouvoir écrire une lettre sans évoquer sa santé. Les deux sont assez moqueurs, surtout à l'égard de la pauvre Ottoline Morrell, celle qui a pourtant pris la célèbre photographie que vous pouvez voir sur la couverture du livre. Entre les deux auteurs, les notes (nombreuses mais très utiles) relèvent les passages délicats, où l'hypocrisie n'est pas loin. Ils s'admirent, mais se jalousent aussi, appréciant de savoir l'autre quelque peu dénigré parfois.

Le ton est très souvent détaché, ironique, faussement solennel, ce qui permet de découvrir ces lettres avec énormément de plaisir. J'ai beaucoup aimé.

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