La Princesse de Montpensier suivi de La Comtesse de Tende ; Mme de Lafayette et Adieu ; Honoré de Balzac
Le Livre de Poche ; 96 pages.
1,50 euros.
" A la fin de la Renaissance, le duc de Guise s'éprend de Mlle de Mézières. Mais bien qu'elle l'aime aussi, la jeune fille est contrainte d'épouser le prince de Montpensier. Trois ans plus tard, un jour qu'il a perdu son chemin près du château de la princesse, le duc la rencontre au bord d'une rivière où elle est venue se reposer : elle rougit à sa vue, et lui-même comprend aussitôt que sa propre passion n'est pas morte.
Publié en 1662, le court récit de La Princesse de Montpensier fonde l'art classique de la nouvelle. Plus concise encore, et sans doute écrite la première, La Comtesse de Tende, qui resta inédite jusqu'au xviiie siècle, raconte elle aussi l'histoire d'un amour adultère, mais d'une noirceur plus grande. Car la noblesse et la magnificence des personnages ne doivent pas nous tromper. Mme de Lafayette jette sur la condition humaine un regard sombre et les deux héroïnes sont précipitées à l'abîme : La Princesse de Clèves leur fera bien plus tard écho. "
C'est en cherchant La princesse de Clèves que je suis tombée sur ce livre qui contient deux nouvelles de Mme de Lafayette dont je ne connaissais même pas l'existence.
La première nouvelle, La Princesse de Montpensier, est une tentative de l'auteur d'expliquer certains grands événements de l'Histoire de France comme l'assassinat du Duc de Guise sur ordre d'Henri III, par des intrigues amoureuses. Si la préface met en garde le lecteur contre les théories de Mme de Lafayette, elle met aussi en lumière la malice de cette femme, qui semble avoir élégamment déterré des scandales soigneusement étouffés.
La seconde, beaucoup plus courte, se concentre presque exclusivement sur les personnages et est davantage morale.
Dans une langue très belle, très agréable, Mme de Lafayette nous raconte donc la fragilité de la vertu chez les femmes en proie aux tourments de l'amour que sont la Princesse de Montpensier et la Comtesse de Tende, et les ravages que ce sentiment peut entraîner lorsqu'il se place entre deux ami(e)s ou alliés.
Surtout, c'est presque une négation de l'amour qui transparaît dans ce livre. Mme de Lafayette n'a pas l'air d'admettre l'amour dans le mariage, et lui substitue l'amour-propre, notamment dans La Comtesse de Tende. Quand l'époux est aimé de sa femme, il est indifférent, et quand il aime, sa femme le rejette. Comme si avoir une attirance réciproque était répréhensible. Cela m'a d'autant plus frappée au cours de ma lecture qu'il me semble que c'est justement le sujet de La princesse de Clèves.
A en croire la préface, mes remarques ne sont d'ailleurs pas complètement fausses. Selon Laurence Plazenet, cela vient de la piété proche du jansénisme de Mme de Lafayette, qui lui fait penser que le seul amour possible est celui que l'on éprouve pour Dieu.
Malgré son statut de femme de lettres qui nous la font voir comme une femme moderne, la Comtesse de Lafayette est une femme bien dans son époque. Or, l'amour n'entre pas dans le schéma du bonheur conjugal au XVIIe. Mme de Lafayette tente de ce fait de démontrer qu'il n'est pas nécessaire, et qu'en plus il n'est qu'illusion. Ce sont les femmes qui doivent le plus s'en méfier. On le voit bien par les destins de la Princesse de Montensier et de la Comtesse de Tende qui sont beaucoup plus durs que ceux du Duc de Guise et du Comte de Tende (qui trompe sa femme au début de la nouvelle comme si c'était la chose la plus naturelle du monde). La phrase qui conclue La Princesse de Montpensier démontre de façon très claire l'opinion de l'auteur :
" Elle mourut en peu de jours, dans la fleur de son âge, une des plus belles princesses du monde et qui aurait été la plus heureuse si la vertu et la prudence aussent conduit toutes ses actions. "
Je ne partage pas l'avis de Mme de Lafayette, vous vous en doutez certainement, mais il contribue à donner un aspect historique au livre qui m'intéresse beaucoup.
Par ailleurs, bien que ces histoires ne soient pas forcément agréables pour leurs personnages et se finissent mal, elles se lisent avec un réel plaisir. A aucun moment je n'ai eu le sentiment de lire un traité moralisateur, c'est beaucoup plus distrayant. En fait, pour une personne de notre époque, ne serait-ce que parce que le vocabulaire employé est différent, cet aspect est plutôt voilé. Ainsi, il est aisé de s'amuser des astuces des amants pour se retrouver, de leurs déclarations, et de leurs doutes. Et puis, je le répète, Mme de Lafayette a une plume dynamique et élégante.
Le Livre de Poche ; 92 pages.
1,50 euros.
Comme j'étais dans les amours tragiques, je me suis dit qu'il était temps de relire un petit livre qui m'avait beaucoup marquée il y a quelques années, Adieu de Balzac.
" 1819. Par une brûlante journée de l'été finissant, deux chasseurs - deux amis, le marquis d'Albon et le baron Philippe de Sucy - égarés dans une forêt de l'île-de-France entrevoient, sous les frondaisons d'un parc à l'abandon, une silhouette féminine d'une grâce aérienne. En cette jeune femme, folle, qui ne sait plus que répéter machinalement un seul mot, « Adieu », Philippe, bouleversé, reconnaît la comtesse Stéphanie de Vandières, la maîtresse passionnément aimée dont il fut tragiquement séparé en 1812, lors du passage de la Bérésina. Soulevé par un espoir insensé, il va tenter de rendre la vie à cette âme morte.
Ce récit insolite et saisissant, tout à la fois « étude philosophique » et « scène de la vie militaire » est l'un des plus achevés de La Comédie humaine. "
Je pense que je ne connais pas suffisamment cet auteur pour être capable de tout saisir dans cette nouvelle. Même si elle est très courte, et se lit très rapidement en raison d'un rythme assez rapide et de l'absence des fameuses descriptions interminables chères à Balzac, elle est très riche et nécessite de nombreuses explications de texte (c'est quand même Balzac...). Malgré mon ignorance, j'ai été comme lors de ma première lecture charmée par ce récit.
A l'image de tous les romans que j'ai lus de Balzac, le contexte historique est bien planté dans Adieu, avec de multiples références et la reconstitution de l'épopée napoléonienne en Russie. La débâcle française nous est dépeinte avec une intensité qui fait écho à celle du désespoir de Philippe de Sucy lorsqu'il revoit celle qu'il aime. Celui qui a survécu avec bravoure à la folie des hommes de Napoléon mourant de faim, de froid et de fatigue, est anéanti par celle de Stéphanie de Vendières, qui ne le reconnait plus et qui répond à ses caresses par une totale indifférence.
Il semblerait bien que ce soit l'intérêt de Balzac pour la médecine qui transparaisse dans ce livre. Comme à son habitude, il se sert de ses connaissances pour créer ses personnages. Stéphanie rappelle ainsi Victor, l'Enfant Sauvage (ainsi qu'un homme ayant vécu comme elle la retraite de Russie, mais je ne le connaissais pas et ne pouvais donc pas établir de parallèle entre eux). Comme l'Enfant sauvage, on a retrouvé Stéphanie nue, dans la forêt, et incapable de parler, sauf pour murmurer des "Adieu !" . Son Docteur Itard est son propre oncle, malheureusement impuissant face aux tourments de sa nièce.
Dans ce récit très bref, Balzac amène à s'interroger sur le bonheur et la vie. Ces êtres humains transis de froid qui acceptent de périr dans la neige, qui abandonnent, ont-ils tort de se résigner ? Ou devraient-ils tenter, se lever, et marcher au risque de périr noyé en voulant atteindre l'autre rive de la Bérésina ou de devenir fou comme Stéphanie ? Et Stéphanie elle même, qui semble heureuse malgré sa folie, doit-elle réellement mourir comme le pense son amant parce que sa folie lui donne moins l'esprit d'une femme que celui d'un animal ?
Pour résumer, deux petits livres qui m'ont beaucoup plu, et qui me donnent envie de découvrir davantage leurs auteurs.