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lilly et ses livres
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28 juin 2018

La Vie rêvée de Virginia Fly - Angela Huth

huth" Pourquoi, se demanda Virginia, était-elle le genre de fille à qui les gens proposaient toujours une boisson chaude et non simplement un verre ? Qu’y avait-il chez elle qui empêchait les gens d’imaginer qu’elle s’enfilerait volontiers un double whisky ? "

Virginia Fly a beau avoir trente et un ans et un respectable emploi de professeur, elle vit toujours chez ses parents et n'a jamais eu le moindre rapport sexuel. Ses deux seuls amis sont un vieux professeur avec lequel elle se rend régulièrement à Londres pour assister à des concerts, et Charlie, son correspondant américain, qu'elle n'a jamais vu.
Lorsqu'une émission de télévision se rend chez elle afin d'évoquer sa virginité, Virginia est convaincue qu'un bel inconnu succombera à ses mimiques et lui écrira.

Ce roman n'est pas exempt de défauts, mais j'ai de nouveau apprécié l'habileté d'Angela Huth dans sa description des relations humaines. Avec un style très ironique qui lui permet de très bien croquer les personnages gravitant autour de son héroïne et le décor offert par la campagne anglaise moyenne, l'auteur aborde le décalage entre les contes de fées que l'on imagine enfant et la réalité de la vie.
Bien planquée derrière ses rêves pendant que la révolution sexuelle battait son plein, Virginia n'a pu être déçue. Si sa situation lui pèse, elle a aussi l'avantage de ne pas quitter le domaine du fantasme, et donc du contrôle. Le réveil est dur et les situations dans lesquelles se retrouve notre héroïne vont du cocasse au franchement horrible (ce dernier aspect est traité de façon un peu trop succinte à mon goût, même si ce n'est pas le propos du livre). Après avoir dévoré D.H. Lawrence et s'être inventé des amants brutaux rencontrés en pleine nature, la découverte du corps de l'autre et de ce qu'est parfois le sexe amène Virginia à complètement désacraliser le sujet.
On se sent mal à l'observer, car Virginia est une femme perspicace qui mériterait de faire une bonne rencontre. Je crois qu'Angela Huth aime bien malmener un peu ses héroïnes.

« Tout ira très bien, vous verrez. C’est la terreur du grand saut, j’imagine, après ces années passées à attendre. Vous savez ce que c’est, le réel. Il détruit toujours nos illusions avec une extrême cruauté. Une cruauté dévastatrice. »

Une vision pessimiste de l'amour, du sexe et du mariage, qui seraient forcément, à un moment donné basés sur le compromis et le mensonge (à soi-même et aux autres).

Les avis opposés de Lou et de Mrs Figg.

Quai Voltaire. 2018 pages.
Traduit par Anouk Neuhoff.
1972 pour l'édition originale.

Source: Externe

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13 mai 2018

La Belle de Joza - Květa Legátová

9782369141143-abde3En mars, Patrice et Eva ont organisé un Mois de l'Europe de l'Est auquel je n'ai pas pu participer. Trouvant cette idée excellente, je vous propose avec retard quelques billets sur des lectures qui rentrent dans cette thématique.

On commence avec La Belle de Joza, un très court roman écrit par un auteur de quatre-vingt ans qui a été un joli coup de coeur.

Nous sommes en Tchécoslovaquie pendant la Deuxième Guerre mondiale. Eliška vit à Brno où elle mène un carrière de médecin. Elle a un amant, Richard, et appartient à un groupe de résistants. Après une série d'arrestations, Eliška doit s'enfuir avec l'un de ses patients, Joza, dans son village de Moravie, Zelary.
Si Joza est un homme sympathique, sa physionomie est repoussante, ses manières bourrues, et Eliška comprend très vite qu'à Zelary, c'est lui l'idiot du village. Elle doit cependant l'épouser et accepter de vivre dans un endroit où les moeurs et le confort sont très éloignés de ce qu'elle a toujours connu.

La quatrième de couverture de mon livre compare cette histoire à La Belle et la Bête. Ce texte tient du conte, c'est vrai. J'ai aussi beaucoup pensé au Mur invisible de Marlen Haushofer.
Lire ce livre, c'est plonger dans les paysages de la Moravie, une région dont le nom évoque en général des images d'un autre temps. C'est bien ce qui arrive à Eliška. Jeune femme indépendante, professionnellement et sentimentalement parlant, elle arrive dans un endroit où les femmes sont au mieux maîtresses de leur foyer, au pire maltraitées par les hommes sans que cela soulève la moindre opposition. Les logements n'ont ni l'électricité ni l'eau courante et les intérieurs sont démunis de tout objet non fonctionnel. Parmi la population, l'alcool et la violence font partie du quotidien. Le choc est rude, d'autant plus qu'Eliška est certaine que Joza, qui se montre conciliant dans les premiers temps, ne tardera pas à révéler sa véritable nature.
Pourtant, notre héroïne fait des efforts pour s'acclimater. Elle se lie avec ses voisines, même si ces relations sont surtout pratiques. Elle découvre un monde où les superstitions, les traditions, ont une grande place. Le médecin qu'elle est va ainsi travailler avec une guérisseuse.
Et puis, surtout, elle apprend à aimer son nouvel environnement. Avec Eliška, souvent accompagnée de Joza, nous parcourons les montagnes autour de Zelary. Pendant des mois, le temps semble suspendu, et Eliška se détache de ses anciennes convictions et découvre une autre façon de vivre pleinement sa vie. Il ne s'agit pas tant d'une critique de son ancien mode de vie que d'une ode à des lieux et des populations certes pas toujours tendres (être une femme n'est vraiment pas facile), mais que l'on évoque trop vite comme étant arriérées.

Lorsque les libérateurs russes arrivent enfin, les choses ne se passent pas comme prévu. Si l'on pense davantage aux soldats souriants, embrassés par les femmes, acclamés par les populations libérées, il ne faut pas oublier que la guerre révèle les pires côtés de l'homme, qu'il soit dans un camp ou dans l'autre.

J'ai adoré ce petit livre qui m'a envoûtée du début à la fin et j'ai été très déçue d'apprendre que seul un autre livre de Květa Legátová était disponible en français. Une nouvelle pépite des Editions Phébus.

Les avis de Kathel (qui a aussi pensé à Marlen Haushofer) et de Sylire.

Libretto. 156 pages.
Traduit par Eurydice Antolin.
2002 pour l'édition originale.

6 janvier 2018

Anna Karénine - Léon Tolstoï

20171224_130009[1]Pour accompagner nos longues soirées d'hiver, Romanza a décidé de lancer un challenge autour d'Anna Karénine, l'un de ses romans préférés. J'avais déjà abordé Tolstoï de façon peu concluante il y a quelques années, mais cela ne m'avait pas ôté l'envie de lire ses oeuvres majeures. Après ma lecture un peu laborieuse de Crime et Châtiment, j'avais de plus envie de poursuivre ma découverte de la littérature russe, alors je n'ai pas hésité.

On connaît souvent d'Anna Karénine sa fin tragique, mais ce gros roman est bien loin de se résumer à cet épisode. Etant incapable de résumer ce livre, je vais simplement vous raconter le début de l'histoire.

En descendant du train qui la mène chez son frère à Moscou, Anna Karénine, femme mariée, fait la rencontre du comte Alexis Vronski. Leur liaison ne tarde pas à être connue de toute la bonne société et à plonger la jeune femme dans la solitude.
Au même moment, Constantin Lévine, noble propriétaire terrien qui n'est heureux qu'à la campagne, voit sa demande en mariage refusée par la jeune Kitty Stcherbatski, elle aussi éprise du beau Vronski.

Contrairement à ce que le titre laisse penser, Anna Karénine n'est pas un roman qui se concentre autour de l'histoire d'une femme adultère. Anna n'est même pas le personnage principal du roman, elle partage la vedette avec Constantin Lévine. Si ces deux personnages ne se rencontrent qu'une seule fois, Tolstoï entremêle leurs vies tout au long du roman pour poser les questions qui le tourmentent autour du sens de la vie, du mariage, des relations entre les gens (d'une même famille, d'une société), et surtout de l'existence de Dieu.
Ne fuyez pas à toutes jambes en lisant cette dernière phrase. S'il serait mensonger d'affirmer qu'Anna Karénine ne souffre pas de quelques longueurs, c'est un roman qui se lit très facilement, avec des chapitres courts, une histoire bien rythmée et passionnante et quelques scènes à mourir de rire (le mariage et les élections en particulier).

Je regrette un peu de n'avoir pas déjà lu ce roman il y a une dizaine d'années, je pense que j'aurais lu une tout autre histoire et ma lecture d'aujourd'hui n'en aurait pas été moins intéressante. L'histoire entre Anna et Vronski m'aurait probablement davantage fait rêver (alors que là, pas du tout). Je n'ai pas ressenti d'attachement particulier pour Anna. C'est une femme moderne, courageuse, mais elle est surtout le symbole de ce qui arrive à une femme ayant choisi de suivre sa passion plutôt que son devoir dans la Russie du XIXe siècle. Sa position la rend tellement isolée et dépendante de son amant qu'elle s'illustre essentiellement par ses caprices et ses crises de jalousie.
Tolstoï n'approuve pas Anna, mais il la plaint. Ses personnages sont d'ailleurs régulièrement préoccupés par la question féminine. Ils soulignent l'hypocrisie de la bonne société, qui condamne les femmes comme Anna, qui ont quitté leur mari tout en fermant les yeux sur les liaisons soi-disant secrètes mais dont chacun est informé. Quant aux hommes, l'adultère ne leur provoque qu'un léger inconfort. Le propre frère d'Anna est bien vite pardonné par son épouse et peut poursuivre ses frasques. Quant à Vronski, il continue à être reçu partout. Tout juste est-il contrarié de ne pouvoir transmettre son patronyme à ses enfants.

Si je n'ai pas été particulièrement émue par Anna en raison de mon grand âge, qui me rend beaucoup plus pragmatique qu'autrefois, j'ai sans doute apprécié davantage que je ne l'aurais fait alors de suivre Lévine. C'est un homme qui ne se sent bien que sur ses terres et qui éprouve un amour admirable pour la nature. A l'image de Tolstoï, il s'interroge sur la place de chacun, les rapports entre les hommes. Le servage n'étant aboli que depuis une dizaine d'années lorsque l'auteur entreprend la rédaction d'Anna Karénine, cette reditribution des cartes est très présente dans le roman. Bien que membre de la classe dominante, Lévine s'interroge sur les droits qu'il a de posséder ses biens, sur son rôle auprès des paysans, et sur le régime politique idéal.

" - C'est si vague, le mot "peuple" ! Il est possible que les secrétaires cantonaux, les instituteurs et un sur mille parmi les paysans comprennent de quoi il retourne ; mais le reste des quatre-vingt millions fait comme Mikhaïlytch : non seulement ils ne témoignent pas leur volonté, mais ils n'ont pas la plus légère notion de ce qu'ils pourraient avoir à témoigner. Quel droit avons-nous, dans ces conditions, d'invoquer la volonté du peuple ? "

On (du moins les neuneus dans mon genre) ne comprend pas avant les dernières pages où l'auteur compte amener le lecteur, la raison de ce parallèle entre Lévine et Anna. J'ai suffisamment dénigré la religion sur ce blog pour que vous deviniez que je ne suis pas vraiment convaincue par la révélation qui s'offre à Lévine, mais Tolstoï a l'habileté de ne pas oublier qu'il s'agit d'un être humain, ce qui permet au personnage de conserver ma sympathie. Ayant lu Crime et Châtiment il y a peu de temps, je ne peux pas m'empêcher de faire un rapprochement entre les deux fins et je soupçonne les deux auteurs d'avoir eu des tourments en commun.

Une lecture à faire absolument et une belle façon de débuter 2018.

L'avis passionné de Romanza (merci de m'avoir poussée à faire cette lecture).

Folio. 909 pages.
Traduit par Henri Mongault.
1877 pour l'édition originale.

20 octobre 2017

Le Château des Bois Noirs - Robert Margerit

CVT_Le-chateau-des-Bois-Noirs_4827Robert Margerit est un auteur qui semble plutôt tombé dans l'oubli. L'excellente maison d'édition Phébus continue cependant de publier ses oeuvres, ce qui ne pouvait qu'attirer mon attention. De plus, la Booktubeuse Lemon June, dont je suis les avis avec attention, a publié une vidéo sur ce roman qui ne peut que convaincre de se jeter dessus.

Peu après la Seconde Guerre mondiale, Hélène, jeune femme de la bonne société parisienne, épouse un propriétaire terrien auvergnat, Gustave Dupin de la Vernière. Après un voyage de noces en Italie, le couple rentre chez lui. En voyant pour la première fois son nouveau foyer, Hélène découvre que son mari lui a menti sur sa situation. Le "château" est une bâtisse bien plus modeste que ce qu'elle imaginait, et l'état de délabrement dans lequel se trouvent aussi bien la maison que son parc les rend lugubres. De plus, si la mère de Gustave est une femme chaleureuse, les serviteurs font peur à la jeune femme et son mari passe ses journées seul à contempler les timbres qu'il collectionne.
Très vite, Hélène s'ennuie. Le désir que son époux éprouve pour elle ne compense pas la solitude à laquelle elle est livrée la plupart du temps, il a même tendance à la dégoûter de plus en plus. Lorsque Fabien, le frère cadet de Gustave, rentre à la Vernière, la vie d'Hélène reprend des couleurs. Pour combien de temps ?

Le Château des Bois Noirs est un roman que j'avais très envie d'adorer. J'aime les ambiances gothiques, les maris ambigus (le résumé me faisait penser à Rebecca et à Vera), les huis-clos oppressants. Cependant, si la lecture de ce texte a été très facile, je ne pense pas en garder un souvenir impérissable.

Le début est pourtant prometteur, le domaine de la Vernière se prêtant à merveille à une histoire sombre. On imagine sans mal la maison battue par les vents, les murs et les sols délabrés, l'odeur de renfermé, les allées laissées à l'abandon et les bois profonds du domaine. Ces lieux ont été le théâtre d'horribles scènes au cours de l'histoire, quoi de plus normal qu'il s'en produise de nouveaux ? Quant aux domestiques, le mutique Antoine et sa sorcière de mère, ils semblent sortis tout droit d'un film d'horreur.

J'ai beaucoup aimé la dernière partie, lorsque la noirceur reprend ses droits et que l'on se retrouve à mener l'enquête pour comprendre les événements qui se sont produits.

Mais, si le décor est bien planté et le dénouement réussi, je n'ai pas cru à cette histoire en raison des incohérences entre les différentes parties du roman. La description du couple central est un échec. Le drame qui se joue à la Vernière repose sur la personnalité monstrueuse de Gustave, sa part bestiale et passionnée, mais il y a des chaînons manquants entre le Gustave que rencontre Hélène et l'homme froid des derniers chapitres. D'abord présenté par l'auteur comme timide et maladroit (mais plein de bonnes intentions), on se retrouve avec un homme décrit comme égoïste, calculateur et cruel. J'ai davantage vu dans cette histoire un mariage raté, des époux qui n'ont rien en commun (et qui devraient s'ennuyer ferme l'un avec l'autre), qu'un homme suffisamment intéressé par son épouse pour agir comme il le fait. Les deux principaux personnages féminins du roman ne m'ont pas non plus convaincue. Hélène a davantage le profil d'une jeune femme allergique à la campagne voire snob que celui d'une victime. Je trouve également l'attitude de Mme Dupin incohérente. Une femme aussi généreuse et clairvoyante vis-à-vis de son fils n'aurait jamais laissé Hélène épouser Gustave. Seuls les personnages secondaires, Fabien, les deux serviteurs et les voisins restent fidèles à eux-mêmes du début à la fin.

Je vous assure que cela me fait enrager de devoir dire du mal de ce livre, même si ma déception est loin d'être totale. J'aurais adoré vivre ma lecture comme Lemon June. La plume de Robert Margerit étant très agréable, je pense malgré tout relire un jour l'auteur.

Libretto. 259 pages.
1954 pour l'édition originale.

17 septembre 2017

Freedom - Jonathan Franzen

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"Pour l'accusation : Ses motivations étaient mauvaises. Elle était en compétition avec sa mère et ses soeurs. Elle voulait que ses enfants soient un reproche vivant adressé à ces dernières.
Pour la défense : elle adorait ses enfants."

Difficile de se lancer dans une lecture exigeante, surtout quand tout le monde appuie sur le fait qu'elle n'est pas toujours facile. Pourtant, quelle récompense !

Patty et Walter Berglund habitent un tranquille quartier pavillonaire dans le Minnesota. Mère au foyer dévouée, voisine exemplaire et épouse comblée, l'image d'elle-même que Patty s'est forgée en plus de vingt ans de vie de famille se fissure lorsqu'elle découvre que son fils Joey fréquente Connie, la fille de la vulgaire voisine des Berglund.
Dès lors, Patty sombre dans la dépression et l'alcool, devenant la risée de ses voisins conservateurs et une source d'embarras pour ses proches.
Comment cette championne de basket universitaire, fille de bonne famille, promise à un bel avenir, a-t-elle pu choisir le sérieux Walter plutôt que Richard, celui qui lui plaisait vraiment ? En prenant la plume pour rédiger son autobiographie, Patty va revenir sur sa vie et celle de sa famille, dressant au passage le portrait de la société dans laquelle elle vit.

Difficile de résumer ce livre foisonnant, au style percutant et dont les personnages, bien que pour la plupart antipathiques, sont tellement vivants qu'il est difficile de les quitter une fois la dernière page tournée. 
C'est Patty la principale narratrice du livre, bien qu'il s'agisse d'un roman choral faisant aussi intervenir directement Walter, Richard et Joey. En rédigeant un livre dans le livre, Franzen nous propose un roman aux ramifications complexes mais parfaitement maîtrisé. C'est grâce à cette structure que l'on comprend les personnages de Freedom, leurs interactions, leurs choix, leurs regrets et leurs excès. Ils sont souvent ridicules et faibles et le lecteur a souvent le sentiment qu'il y a des claques qui se perdent. En même temps, Patty, Walter et Joey sont tellement humains dans leurs maladresses et leurs mesquineries (voire leurs trahisons), qu'ils ressemblent à n'importe quelle famille psychotique sur laquelle les voisins se délectent de bavasser. La relation entre Patty et Walter, qui résulte du hasard au départ, ne fait pas franchement rêver à première vue. Pourtant, en découvrant leurs histoires familiales respectives jusqu'à une remarque de Richard, le jour où il découvre le livre de Patty, c'est une tout autre vision de leur relation que l'on adopte.
En arrière-plan de l'histoire de ces personnages se dessine une fresque incroyable de l'Amérique. Culture du viol, sytème judiciaire américain, attentats, guerre en Irak, environnement, batailles entre écologistes, hypocrisie, augmentation de la population mondiale, capitalisme, tout y passe à travers des scènes et des portraits souvent très drôles. Cela a beau être avant tout une critique de l'ère Bush, le discours n'a pas pris une ride.

Ce portrait de l'Amérique est dur, et l'espoir et les relations saines se font rares. J'ai aimé que Jonathan Franzen n'accable pas ses personnages outre mesure et qu'il leur offre une fin presque heureuse. Je ne suis pas certaine que j'aurais eu la patience de lire ce livre en format papier. La version audio, en revanche, m'a enchantée du début à la fin.

Le beau billet de Papillon.

C'est ma quatrième participation au challenge Pavé de l'été de Brize et également un billet pour le Mois américain de Titine.

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Thélème. 21h.
2010 pour l'édition originale.

 

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8 juin 2016

La Passe-miroir. 2. Les disparus du Clairdelune - Christelle Dabos

couv49338046Après un premier tome enchanteur qui a conquis de nombreux lecteurs (dans l'actualité, Gallimard a proposé son concours du premier roman jeunesse pour la deuxième fois, et le lauréat vient d'être dévoilé), Christelle Dabos nous permet de retrouver ses personnages dans un deuxième opus à nouveau très réussi.

Ophélie doit cesser de dissimuler son identité et faire son entrée officielle en tant que fiancée du sinistre Thorn à la cour de Farouk, le redoutable esprit de famille du Pôle. Bien que celui-ci tombe curieusement sous le charme de la maladroite jeune fille, la position du clan des Dragons, décimé depuis le terrible accident de chasse du tome précédent, reste précaire. Quelqu'un semble de plus décidé à ce que le mariage de l'intendant et de la jeune animiste n'ait jamais lieu, par crainte qu'il ne permette le déchiffrage du Livre de Farouk. Cet enjeu semble si important que des disparitions commencent à se produire au Clairdelune, l'ambassade, le seul lieu sûr du Pôle jusqu'à présent.
Et comme la situation n'était pas assez inquiétante, la famille d'Ophélie annonce son arrivée au Pôle.

J'avais dévoré le premier tome, je n'ai fait qu'une bouchée du second. Retrouver le Pôle et ses illusions, ses complots, la maladresse d'Ophélie, les tentatives de Thorn de se comporter en être humain, a été un véritable délice.
L'intrigue avance beaucoup. Bien entendu, de nombreuses questions restent en suspens (Christelle Dabos ayant décidé de nous gâter avec quatre tomes), mais les personnages se dévoilent, et leurs projets également. Par ailleurs, nous quittons Ophélie à intervalles réguliers dans ce tome pour découvrir les souvenirs intrigants d'un jeune être. Le fameux "Dieu" (dont il est question de façon si succinte dans le tome précédent, qu'on pense à des passages sans importance), commence à apparaître, et il ferait presque peur.
La Déchirure qui a fait naître les arches se met à occuper une place de plus en plus centrale. L'intrigue amoureuse est également développée, et si les ficelles utilisées n'ont rien de très original, je n'ai pas boudé mon plaisir et le couple formé par Ophélie et Thorn a fait battre mon grand coeur.

Je pourrais regretter le fait que les membres de l'entourage d'Ophélie (Bérénilde en tête) semblent avoir été privés des aspects de leur personnalité qui en faisait des êtres avec lesquels on ne savait pas sur quel pied danser, mais ce deuxième tome est autant un coup de coeur que le premier.

A quand la suite ?

Gallimard. 549 pages.
2015.

 

25 octobre 2011

Hunger Games - Suzanne Collins

hunger-games_suzanne-collinsPour prouver sa domination sur les douze districts, le Capitole organise chaque année la Moisson. Ainsi, un garçon et une fille de chaque district sont sélectionnés pour participer aux Hunger Games, un jeu de télé-réalité dans lequel les participants s'affrontent jusqu'à la mort dans une arène où ils doivent aussi trouver de quoi se nourrir et un abri pour dormir. Le dernier survivant remporte le jeu.
Katniss vit dans le district Douze, le plus défavorisé. Elle nourrit sa mère et sa petite soeur, Prim, en braconnant avec son ami Gale. Mais le jour de la Moisson, le nom de Prim est tiré au sort. Katniss décide alors de prendre sa place. Le garçon sélectionné pour le district Douze est Peeta, le fils du boulanger. Il a permis à Katniss de ne pas mourir de faim autrefois, mais seul un participant peut gagner la partie.

Enorme coup de coeur pour le premier volet de la trilogie de Suzanne Collins. J'avais à peine entamé sa lecture que je ne pouvais plus m'arrêter de lire. A partir de l'entrée des participants dans le jeu, c'était encore pire. J'avais succombée au voyeurisme le plus honteux, que le roman dénonce clairement, même si c'est loin d'être ce qui est le plus mis en avant ou ce qui fait le plus le charme de l'histoire. Bien sûr, un tel jeu de téléréalité peut sembler irréaliste, mais quand on voit certains programmes télévisés et leur succès, on peut se demander si les gens seraient capables de résister à l'appel du sang au cas où la fiction deviendrait réalité.
Dans l'arène, c'est un peu le retour de Lord of the flies, les alliances se forment, et les candidats laissent s'exprimer leur instinct de survie. Certains meurtres sont terriblement tristes, et j'avais beau savoir dès le début que mon héroïne allait s'en sortir (le suspens ne tient pas dans l'originalité de l'histoire), je me demandais dans quel état, et ce que les autres allaient se faire subir entre eux.
Mais j'ai aussi aimé ce livre grâce à son histoire d'amour pas du tout banale, ni facile (hum !). Mon coeur balance entre Gale et Peeta, mais je savoure chaque moment où ils sont évoqués quand même. Peeta, qu'il n'est pas toujours simple de cerner, surtout au début, et qui n'est pas autant le chevalier en armure que ce que l'on croyait au début (ce qui lui permet peut-être de ne pas basculer du côté obscur). Et Gale, plus sauvage, qu'on devrait revoir rapidement. Si je ne vois pas forcément l'intérêt d'une suite en ce qui concerne le jeu, je sais déjà que je succomberai pour connaître le fin mot du triangle amoureux.

Un excellent roman jeunesse, pour adolescents et grands adolescents (voire très grands adolescents) !

Vous pouvez vous rendre chez Cuné, Laël, Caro[line], Stephie, Praline, Kalistina..., vous verrez que c'est un incontournable.

En plus, un film doit bientôt sortir !!

3 septembre 2011

"Scarlett O'Hara, vous êtes une imbécile !"

9782070367405J'avais une dizaine d'années la première fois que j'ai vu Autant en emporte le vent. J'ai continué à pleurer après la fin du générique, et je me souviens que ma cousine avait dû me promettre que Rhett et Scarlett se retrouveraient pour me consoler. Après des années d'hésitation, je me suis enfin lancée dans la lecture du roman original.

Je pense que tout le monde connaît l'histoire, mais au cas où des extraterrestres passeraient par là, je vais quand même faire un petit résumé du début de l'histoire. Scarlett O'Hara, seize ans, est la fille d'un riche planteur irlandais installé en Georgie, qui a gagné le respect de ses voisins et fait un mariage avantageux. Scarlett est la reine de la région, et rien ne lui plaît davantage que de minauder, et de rendre tous les jeunes gens fous d'elle. Pourtant, elle n'a d'yeux que pour Ashley Wilkes.
A l'occasion d'un pique-nique, elle apprend qu'Ashley doit se marier avec sa cousine, la frêle Mélanie Hamilton. Désespérée, elle va déclarer son amour au jeune homme, qui la repousse. Un homme étrange, Rhett Butler, est le témoin involontaire de cette scène. La journée s'achève enfin par la prise d'armes des Etats du Sud, ce qui déclenche la Guerre de Sécession.

Cette fresque, qui se déroule sur plus de dix ans, a été un bonheur de lecture presque du début à la fin.
Evidemment, je voulais connaître la véritable histoire de Rhett et Scarlett, ces personnages qui ne cessent de se manquer (j'ai ragé comme si c'était la première fois de les voir tour à tour se briser le coeur). Quand Rhett apparaît pour la première fois, au pique-nique des Wilkes, j'ai cru ne pas m'en remettre. Mais en fait, j30651_2783996'ai eu la surprise de constater qu'il n'est pas présent de manière constante avant la dernière partie du livre (même si son ombre plane). C'est Scarlett qui occupe le devant de la scène, à quelques exceptions près. Son personnage est à la fois détestable et admirable. Elle est prête à tout pour écraser les autres, vaniteuse, assoiffée d'argent, et en même temps elle défonce les portes de la "bonne société" quand il le faut sans hésiter, est d'une fidélité sans faille aux siens, et la seule personne qu'elle ne méprise pas est celle qui lui dit la vérité en face.
Autant en emporte le vent, c'est l'histoire d'un monde qui s'écroule, et de personnages qui décident ou non de s'y adapter. En cela, l'opposition que Margaret Mitchell a créée entre Rhett et Ashley est judicieuse. Ashley réalise ce qui s'est passé dès la guerre. Mais il reste les bras ballants, et ce sont Scarlett et Mélanie qui, au final, lui permette d'oublier quelques années qu'il n'est plus qu'une coquille vide et inutile. Rhett est tout aussi clairvoyant, mais les scrupules et l'autocomplaisance ne font pas partie de son caractère. Le personnage le plus étonnant est sans doute Mélanie, alter ego de Scarlett, mais comme on ne le 9782070367429découvre vraiment qu'à la fin, je ne vais pas en dire plus. Outre ces personnages, on voit Atlanta se métamorphoser, les gens gagner et perdre, refuser de bouger quand tout est perdu. Les intrigues politiques, la complexité de la situation en Georgie, où la guerre a laissé des marques que l'on ne peut pas effacer, sont très développées dans le livre, tandis que le film ne les évoquait que très brièvement.
Je ne reproche à ce livre que quelques longueurs vers le milieu du livre (les états d'âme d'Ashley ont eu peu d'effet sur moi notamment), mais j'ai dévoré le reste d'une traite.

Un roman que je ne regrette pas d'avoir lu, même si je pense que je l'aurais encore plus apprécié vers treize ou quatorze ans. J'ai revu un bout du film, et je n'en reviens pas de la justesse du choix des acteurs principaux.

Maintenant, question : Qui a lu les suites ? Qu'en pensez-vous ?

Il s'agissait d'une lecture commune, et je remercie Manu de m'avoir entraînée dedans. Vous pouvez trouver les avis de Manu, Virginie, Karine, Mango, Vilvirt et Mara.

Folio (3 tomes). Traduit par Pierre François Caillé. Environ 1400 pages.

12 décembre 2006

Le mépris ; Alberto Moravia

2290335061Librio ; 154 pages.

" Capri ! Au pied des Faraglioni, l'île rayonne d'azur et de sérénité. Pourtant le drame couve entre Emilia et Riccardo. Perdu dans les méandres d'un scénario sur l'Odyssée, Riccardo sent sa femme se détacher de lui. Emilia ne l'aime plus. Pire, elle le méprise. Drôle de coïncidence ! Riccardo voit soudain sa propre vie se superposer à son scénario. Si Ulysse tarde à revenir à Ithaque, c'est par crainte de revoir Pénélope, sachant qu'il doit la reconquérir. Reconquérir Emilia ! Voilà bien l'unique obsession de Riccardo ! Emilia ! Sait-il seulement ce qui l'agite ? Désenchantement ? Ennui ? Lassitude ? Attirance secrète pour Battista, le fastueux producteur ? Dans " le ciel bleu du mépris ", l'orage gronde... "

J'ai un peu de retard dans mes critiques, j'ai eu un début de semaine assez chargé. Pourtant, je n'ai pas pu lâcher ce livre avant de l'avoir fini. A priori, il n'avait rien pour me tenter. Un homme qui souffre parce que sa femme ne l'aime plus, et même, le méprise, ça ne m'attire pas forcément, et je ne connaissais pas du tout l'auteur. Puis j'ai débattu de façon totalement puérile avec un autre blogueur sur la mentalité féminine (oui, je sais, c'est très mal de généraliser), après le billet de Céline sur ce livre. Et comme j'avais parfaitement conscience que, n'ayant lu le livre ni l'un ni l'autre, nous étions certainement tous les deux hors du sujet traité, j'ai décidé de me procurer ce livre.
Et là, véritable coup de foudre. Certains ont déjà commencé leur bilan de l'année 2006, moi j'attendrai jusqu'au bout, de belles surprises peuvent encore m'attendre. Que ce livre est beau ! Qu'il est bien écrit ! Je n'avais pas ressenti un tel bonheur en lisant un livre depuis quelques temps. Il y a les livres que l'on adore pour leur histoire, pour le style de l'auteur, mais qui n'ont quand même pas cette étincelle supplémentaire qui fait que nous avons l'impression de complètement plonger dans le livre, que nous le lisons même en marchant dans la rue...
C'est vrai, ce n'est pas un thème très gai. D'autant plus que nous souffrons avec Riccardo, qui est méprisé, qui aime sans l'être en retour. Et le pire, c'est qu'il ne comprend pas pourquoi. Il aime toujours sa femme, a acheté une maison et une voiture qu'il est incapable de payer, pour elle. Pour lui permettre ce bonheur, il accepte de devenir scénariste, métier qu'il exècre. Et alors qu'il lui prouve son amour, elle se met à faire chambre à part. Au début, elle nie tout changement dans ses sentiments. Et puis, un jour qu'il la harcèle de questions, elle lui lâche ces mots assassins "Je ne t'aime plus", et pire encore, "Je te méprise". Nous, lecteurs, nous nous doutons assez rapidement de la raison de ce mépris, même s'il est difficile de concevoir qu'un pareil mépris puisse avoir pour origine un malentendu aussi évident. En fait, la fin tragique nous prive d'une véritable explication.
Alors, comme pour L'Odyssée, il faut faire des hypothèses. Car Ricardo se retrouve à travailler sur un scénario mettant en scène une partie de L'Odyssée, le retour périlleux d'Ulysse, chez lui, à Ithaque, après la Guerre de Troie. Il se rend alors à Capri, avec Emilia qu'il espère toujours reconquérir, dans la villa de Battista, son producteur. Riccardo veut faire un film "psychologique", tout comme Rheingold, avec qui il travaille sur le scénario. Et c'est là que le parallèle entre les deux histoires commence. Rheingold pense que Pénélope méprise Ulysse parce qu'il n'a pas su être "l'Homme" qu'elle s'imaginait. Riccardo Molteni mêle alors de façon très étroite et peut-être totalement fausse son histoire à celle d'Ulysse et de Pénélope. Parce qu'il ne comprend pas Emilia, il explique son mépris grâce à ce qu'il finit par croire de Pénélope.
Ce qui est le plus douloureux pour Riccardo, c'est qu'il aime Emilia comme avant, et peut-être plus encore. Et elle même semble ne pas toujours penser ce qu'elle dit. Il n'arrête pas de lui poser les mêmes questions, pour lui faire dire ce qu'elle n'a pas envie de lui dire, et pour entendre ce qu'il n'a pas envie d'entendre. Dans ces histoires, il est difficile de détacher ce qui est vrai de ce que l'on veut croire. Riccardo, parce qu'il ne saura jamais la vérité, finira par écrire sa propre version, afin qu'Emilia puisse "se pencher vers moi comme une belle image consolante", nous dit-il. Et le livre s'achève sur une note pleine d'espoir.
Je ne sais pas si ma critique vous donne envie de le lire, il m'est très difficile de vous décrire ce qui m'a plu, c'est surtout du ressenti. Je peux seulement vous dire que c'est un livre captivant qui m'a fait totalement oublier ce qui m'entourait pendant quelques heures. Et malgré son thème douloureux, j'en suis ressortie avec le sourire...

Allez voir l'avis de Céline, son analyse est beaucoup plus fine que la mienne, et elle connaît l'Ulysse de Dante.

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