Un jour, j’ai lu un livre de Laura Kasischke et je n’ai pas aimé. Depuis, je suis poursuivie par une lectrice de ce blog déterminée à ce que je donne une nouvelle chance à cet auteur. Or, il se trouve que quand j’ai vu passer le dernier roman qu’elle a écrit, il avait tout pour me plaire. C’est donc le moment de réparer mon erreur.
Nicole est une jeune fille de dix-huit ans à la beauté virginale lorsqu’elle trouve la mort dans un accident de voiture un soir de pleine lune. Shelly est la première sur les lieux, mais dans les jours qui suivent, le compte-rendu qu’elle lit dans tous les journaux ne correspond pas à ce dont elle a été témoin. La version la plus macabre des événements, qui montre le petit-ami de Nicole, Craig, comme le grand responsable du drame, est celle qui est retenue. Les deux jeunes gens étudiaient à Honors Grove College, où les confréries d’étudiants cultivent avec ferveur le secret autour de leurs pratiques. Nicole était elle même membre d'une sororité, et ses anciennes "soeurs" semblent déterminées à la venger.
Quelques mois plus tard, des apparitions étranges ont lieu. Craig, mais aussi Perry, qui a connu Nicole toute sa vie, ou encore des membres de l'université, vont être entraînés dans des événements incompréhensibles qui semblent avoir un lien avec le mystère qui entoure la mort de la jeune fille.
Contrairement à la dernière fois, dès les premières pages, aussi belles que terribles, qui décrivent une jeune fille figée dans la mort après un accident de voiture, j’étais conquise.
En lisant le résumé (très moyen d’ailleurs), on s’attend à lire une histoire de fantômes. C’est bel et bien le cas d’un certain point de vue, mais les fantômes sont loin d’avoir l’aspect que l’on imagine. Roman sur la mort, le deuil, le corps, mais aussi critique de la société américaine, thriller aux accents fantastiques et campus novel, ce livre est en plus doté d’une construction efficace. Différents personnages qui ne se connaissent pas toujours initialement prennent tour à tour la parole et apportent leur part dans la résolution de l'histoire. L'une des principales protagonistes de l'histoire est Mira, un professeur d'anthropologie spécialisé dans l'étude de la mort. A travers elle, nous découvrons au fil de pages passionnantes les rituels qui entourent la disparition des êtres humains, faits à la fois de chagrin et de répulsion. Nicole est-elle vraiment revenue sur le campus ou bien ses apparitions sont-elles des manifestations du deuil ?
Outre cela, les personnages doivent se débattre au milieu des pièges qui leur sont tendus pour protéger les secrets qui entourent Honors Grove College. L'image de cette université repose sur beaucoup d'hypocrisie et de menaces, et nos personnages semblent bien isolés et impuissants. Ce sont tous des êtres un peu ratés. Mira est empêtrée dans un mariage sans amour et sa carrière professionnelle ne tient qu'à un fil. Shelly est une homosexuelle manipulable. Quant à Craig et Perry, ils ne sortent aucunement du lot et ne sont rien d'autre que des pions dans une partie dont on ne leur a pas expliqué les règles. Pourtant, dès le début il semble évident que certaines choses ne sont pas claires dans la mort de Nicole. Pourquoi la version officielle est-elle si différente de ce dont Shelly a été témoin ?
Avec tout cela, rien d'étonnant à ce que les pages défilent à toute allure.
Quelques légers bémols quand même qui m’empêchent de parler de révélation. Tout d’abord, le système de rebondissement final qu’adopte Laura Kasischke dans tous ses livres ne passe pas avec moi. J'ai très vite trouvé le pot aux roses, et les éléments qui me manquaient m'ont été fournis bien avant la fin du livre. Alors que j'étais au bord du coup de coeur, ce procédé donne un aspect artificiel au livre qui m'a fait terminer ma lecture avec un sentiment d'inachevé.
J’ai également du mal à me prononcer sur le style de l’auteur, et cela pour une raison simple : j’ai perçu la traduction à plusieurs reprises. Ainsi, Nicole évoque à un moment le temps qu’il lui faut pour faire "un cent" de roses, ou encore Karess demande à Perry si "le chat [lui] a mangé [la] langue" (dont l’équivalent français est plutôt "tu as perdu ta langue ? " ). Heureusement, le livre n’est pas truffé d’exemples de la sorte, et l’on se plonge dedans sans la moindre difficulté une fois embarqué.
Un grand roman qui dévoile le poison qui coule dans les veines de la société américaine où jouer l’emporte souvent sur le fait de penser aux conséquences.
Plein d'autres avis chez Solenn, Theoma, Brize et Miss Leo.
The Raising.
Le Livre de Poche. 663 pages.
Traduit par Eric Chédaille.
2011.