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lilly et ses livres

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7 juillet 2007

Le liseur ; Bernhard Schlink

41BVGJD0M6LFolio ; 242 pages.
5,10 euros.

J'aime beaucoup Bernhard Schlink. Il a le grand mérite d'évoquer quelque chose dont on parle peu mais dont il est l'un des témoins/acteurs, le regard de ceux qui sont nés, pendant ou un peu après la Seconde Guerre mondiale, en Allemagne, sur les actes de leurs parents.
Cependant, j'ai ouvert ce livre sans savoir que ce qui m'attendait, c'était vraiment du costaud. J'ai même failli le refermer à plusieurs reprises tellement j'en ai pris plein la figure par moments...

L'histoire est celle de Michaël, un jeune garçon de quinze ans, qui tombe amoureux d'une femme de trente-six ans, et entretient pendant plusieurs mois une étrange liaison avec elle. Un jour, elle disparaît.
Il la revoit des années plus tard alors qu'elle est jugée pour ses actes durant la Seconde Guerre mondiale. S'il passe de l'amour au dégoût en passant par la stupéfaction à l'égard de cette femme, il ne parvient jamais à l'indifférence, et doit donc entamer une réflexion qu'il ne souhaitait pas forcément.

Bernhard Schlink a eu la bonne idée de diviser son roman en trois parties, ce qui lui permet de ne pas laisser son sujet lui échapper. En effet, les pages les plus dures se trouvent dans la seconde partie, celle du procès. Les émotions qu'elle provoque sont nombreuses, toutes très fortes. Pour la cadrer, on a la première partie, qui raconte la rencontre entre Michaël et Hanna, et pose délicatement certaines questions. Quant à la troisième partie, si l'on ne peut pas dire que l'auteur y apporte la sérénité (il la rejette d'ailleurs absolument), il y crève les abcès et invite son lecteur à prendre du recul, à se remettre, et à réfléchir.
Ceci avec une écriture très agréable, sobre mais travaillée, ainsi qu'un ton neutre.

Car Bernhard Schlink ne veut pas prendre parti, ni souffler son avis au lecteur. Il a conscience de la complexité des questions qu'il pose et donc de la difficulté (voire même de l'impossibilité) de trouver leur réponse.
Tout son livre est hanté par la question "Qui est le plus coupable ? ". Il ne remet pas en cause les horreurs commises par les nazis. Condamner le système en lui même, dans sa globalité, est objectivement indiscutable. Personne ne peut dire que le régime hitlérien n'a pas atteint des summums en matière d'horreur.

Mais là où l'on peut condamner sans difficulté un système, il est beaucoup plus complexe de juger des individus individuellement.
Bernhard Schlink ne disculpe pas Hanna. Quelles qu'aient été les circonstances dans lesquelles elle a été l'un des agents du régime hitlérien, quelles que soient ses excuses, elle a commis des actes criminels, et il l'écrit à plusieurs reprises. Mais ceux qui la jugent, qui sont-ils ? Il y a les villageois, "ces autres témoins", qui " devaient prendre garde de ne pas encourir le reproche d'avoir eux-mêmes été en mesure de sauver les détenus". Car ces procès n'ont-ils pas permis à certains, qui avaient fermé les yeux, de se décharger sur les autres de leurs propres faiblesses ? C'est un peu l'avis de la génération de Bernhard Schlink, qui a honte du comportement de ses parents, et qui n'ose que "s'imposer le silence de l'horreur, de la honte et de la culpabilité". Sauf si, comme Michaël, on est amené, même à reculons, à devoir regarder les choses en face.
Et quand Hanna, sans aucune provocation, demande à son juge "Qu'est-ce que vous auriez fait ?", c'est tous ceux qui la regardent avec haine et qui semblent tout savoir du Bien et du Mal, qu'elle met au défi de répondre.

Bernhard Schlink ne donne aucune réponse dans ce livre, il n'en a pas. Il se contente de poser des questions auxquelles il n'existe pas de réponse globale et claire, et d'avancer des hypothèses. Il y a des coupables parce qu'il y a eu des crimes. Mais lorsque les crimes ont une telle ampleur, on est en droit de se demander si tout le monde n'était pas un peu coupable en fin de compte. Ceux qui ont été condamnés adhéraient pour certains totalement aux idées nazies, d'autres ont surtout été faibles. Michaël en veut à Hanna, mais une part de lui considère qu'elle a aussi payé pour d'autres. C'est par la lecture, qui a été le drame d'Hanna, que Michaël exprime à celle qu'il aime encore ce qu'il ressent.
Même aujourd'hui, quand on pense à cet épisode de l'Histoire, il ne faut pas perdre de vue que l'on aurait pu être une Hanna, ou même un villageois, et qu'en les méprisant, c'est une part de nous que l'on craint que l'on juge. 

L'avis de Flo

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6 juillet 2007

Le lys dans la vallée ; Honoré de Balzac

41PNMV07M5LFolio ; 435 pages.
4,60 euros.

Je vous préviens, il risque d'y avoir pas mal de Balzac cet été, ma PAL lui consacre une large place et plus ça va, plus j'aime.

Pour en revenir à Le lys dans la vallée, j'avoue que j'ai quelques scrupules. Je vous le dis tout de suite, j'ai adoré ce roman, et je voudrais qu'il en soit de même pour vous. Mais je sais très bien que beaucoup risquent de s'y enliser et d'y rester parfaitement insensible.

Déjà, l'histoire n'est a priori pas très attirante. Pour être honnête, il ne se passe rien dans ce livre. Enfin si, il se passe un jeune homme qui découvre l'amour auprès d'une femme mariée à un homme sujet à des crises de démence, et qui refuse d'avoir un amour physique avec lui. De ce fait, pendant plus de quatre cents pages, Felix de Vandenesse nous livre ses pensées, l'histoire de son amour platonique avec son "lys" de la vallée de l'Indre. Tout ceci sur un fond historique très bien exploité, celui des deux restaurations sous Louis XVIII.
Dit comme cela, ça me fait penser à L'éducation sentimentale de Gustave Flaubert, que je ne suis jamais parvenue à finir. D'ailleurs, j'ai buté sur quelques passages très ennuyeux dans ce livre. Quand Balzac s'emballe trop, j'ai beaucoup de mal.

Sauf que, Balzac c'est quand même Balzac, et que Balzac est capable de me bouleverser avec une histoire a priori sans aucun intérêt. C'est ce qu'il a fait avec Le lys dans la vallée. Je me suis laissée transporter avec bonheur dans la vallée de l'Indre, qui est en parfaite harmonie avec la naïveté et la profondeur de l'amour qui unit Félix à son Henriette, ces deux êtres encore enfants qui se reconnaissent dans leur besoin d'amour.
Lorsque Balzac sort son style poétique le plus juste, il est imbattable. J'ai lu ce livre avec le sentiment d'être entourée de magnifiques couchers de soleil et de nuits étoilées. A plusieurs reprises, j'ai eu envie de pleurer. Et quand je lis des passages comme celui-ci, j'oublie tous mes reproches et je les savoure avec un plaisir rare :

page 92 : " Un soir, je la trouvai religieusement pensive devant un coucher de soleil qui rougissait si voluptueusement les cimes en laissant voir la vallée comme un lit, qu'il était impossible de ne pas écouter la voix de cet éternel Cantique des Cantiques par lequel la nature convie ses créatures à l'amour. La jeune fille reprenait-elle des illusions envolées ? La jeune femme souffrait-elle de quelque comparaison secrète ? "

A ce bonheur pur, simple et discret, qui ne peut s'épanouir que dans un paysage aussi naturel que la vallée qui entoure Clochegourde, viendront s'opposer les vices humains, les séductions égoïstes des vaniteuses citadines.
Henriette enveloppe ses sentiments véritables avec de la vertu, fait confiance à Félix après l'avoir mis en garde contre les défauts de l'homme. Elle en meure. Lady Audley étale sa passion qui n'est qu'une éphémère distraction, fait mine de renoncer à sa vertu. Elle n'en retire que des avantages.
Félix est touchant par sa soif d'amour, son attachement désintéressé, sa sincérité. Pourtant, tout ceci le rend également exaspérant, et la fin (abrupte et ironique, comme souvent chez Balzac, et qui m'a beaucoup amusée, parce qu'elle est surprenante et vraie) laisse penser que pour parvenir à construire sa vie, il devra renoncer à son côté enfant qu'aimait tant son premier amour, même avec celle qu'il aimera. Comme si la vie ne servait qu'à duper les gens, et donc à devenir vaniteux dès lors que l'on n'a plus son premier amour pour nous démasquer et nous faire aimer et éprouver de l'intérêt pour autre chose que nous même.

page 146 : "Oui, plus tard nous aimons la femme dans une femme ; tandis que de la première femme aimée, nous aimons tout : ses enfants sont les nôtres, ses intérêts sont nos intérêts, son malheur est notre plus grand malheur ; nous aimons sa robe et ses meubles ; nous sommes plus fâchés de voir ses blés versés que de savoir notre argent perdu ; nous sommes prêts à gronder le visiteur qui dérange nos curiosités sur la cheminée. Ce saint amour nous fait vivre dans un autre, tandis que plus tard, hélas ! nous attirons une autre vie en nous même, en demandant à la femme d'enrichir de ses jeunes sentiments nos facultés appauvries. "

L'avis d'Ermengarde.

2 juillet 2007

Well, some may hate and smoe may scorn / Certains peuvent haïr d'autres avoir du dédain ; Emily Jane Brontë

En le recopiant, je réalise que je me suis trompée de poème, mais j'avoue que j'ai la flemme de recommencer. Je vous mettrais plus tard celui que j'avais prévu...

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C.D. Friedrich ; Le rêve.

Well, Some may hate, and Some may scorn

" Well some may hate and some may scorn,               " Certains peuvent haïr, d'autres avoir du dédain,
And some may quite forget thy name,                       Et d'autres oublier jusqu'à ton souvenir, 
But my sad heart must ever mourn                           Mais mon triste coeur, lui, doit toujours lamenter
Thy ruined hopes, thy blighted fame. "                      Tes espoirs ruinés, ta renommée flétrie. "

" Twas thus I thought an hour ago,                          Ainsi pensais-je, tout au moins, voici une heure,
Even weeping in wretched woe.                               Emue par le destin cruel du misérable.
One word turned back my gushing tears,                   Un mot a refoulé mes larmes jaillissantes,
And lit my altered eye with sneers. "                         Allumé dans mes yeux changés par la moquerie.

" Then bless the friendly dust, " I said,                      " Bénie soit la poussière amicale " ai-je dit,
" That hides thy late lamented head.                         Qui couvre ta tête impleurée.
Vain as thou wert, and weak as vain,                        Vain comme tu l'étais, et faible autant que vain,
The slave of falsehood, pride and pain,                      Jouet de la douleur, de l'orgueil, du mensonge,
My heart has nought akin to thine-                            Il n'est rien dans mon coeur qui s'apparente au tien,
Thy soul is powerless over mine. "                             Rien dans ton âme qui ait barre sur la mienne. "


But these were thoughts that vanished too-               Mais, à leur tour, ces pensées là s'évanouirent,
Unwise, unholy, and untrue-                                    Injustes, fausses et impies qu'elles étaient.
Do I despise the timid deer                                      Méprisé-je le daim timide dont les membres
Because his limbs are fleet with fear ?                       Se précipitent dans la fuite de terreur,

Or would I mock the wolf's death-howl                       Ou rirai-je du loup quand il hurle à la mort
Because his form is gaunt and foul ?                           Parce que sa forme efflanquée est repoussante,
Or hear with joy, the leveret's cry                             Ou m'irai-je réjouir du cri du lapereau
Because it cannot bravely die ?                                 Sous prétexte qu'il ne sait pas mourir en brave ?

No! Then above his memory                                      Non ! Alors, que sur sa mémoire
Let Pity's heart as tender be :                                   Le coeur de la Pitié mêmement s'attendrisse,
Say, " Earth lie lightly on that breast,                         Disant : " La Terre soit légère à sa poitrine
And, kind Heaven, grant that spirit rest ! "                   Et qu'il repose en paix par la grâce du Ciel ! "

Emily Jane Brontë
(traduction Pierre Leyris)

30 juin 2007

La Princesse de Montpensier suivi de La Comtesse de Tende ; Mme de Lafayette et Adieu ; Honoré de Balzac

9782253193142_G_1_Le Livre de Poche ; 96 pages.
1,50 euros.

" A la fin de la Renaissance, le duc de Guise s'éprend de Mlle de Mézières. Mais bien qu'elle l'aime aussi, la jeune fille est contrainte d'épouser le prince de Montpensier. Trois ans plus tard, un jour qu'il a perdu son chemin près du château de la princesse, le duc la rencontre au bord d'une rivière où elle est venue se reposer : elle rougit à sa vue, et lui-même comprend aussitôt que sa propre passion n'est pas morte.
Publié en 1662, le court récit de La Princesse de Montpensier fonde l'art classique de la nouvelle. Plus concise encore, et sans doute écrite la première, La Comtesse de Tende, qui resta inédite jusqu'au xviiie siècle, raconte elle aussi l'histoire d'un amour adultère, mais d'une noirceur plus grande. Car la noblesse et la magnificence des personnages ne doivent pas nous tromper. Mme de Lafayette jette sur la condition humaine un regard sombre et les deux héroïnes sont précipitées à l'abîme : La Princesse de Clèves leur fera bien plus tard écho. "

C'est en cherchant La princesse de Clèves que je suis tombée sur ce livre qui contient deux nouvelles de Mme de Lafayette dont je ne connaissais même pas l'existence.

La première nouvelle, La Princesse de Montpensier, est une tentative de l'auteur d'expliquer certains grands événements de l'Histoire de France comme l'assassinat du Duc de Guise sur ordre d'Henri III, par des intrigues amoureuses. Si la préface met en garde le lecteur contre les théories de Mme de Lafayette, elle met aussi en lumière la malice de cette femme, qui semble avoir élégamment déterré des scandales soigneusement étouffés.
La seconde, beaucoup plus courte, se concentre presque exclusivement sur les personnages et est davantage morale.

Dans une langue très belle, très agréable, Mme de Lafayette nous raconte donc la fragilité de la vertu chez les femmes en proie aux tourments de l'amour que sont la Princesse de Montpensier et la Comtesse de Tende, et les ravages que ce sentiment peut entraîner lorsqu'il se place entre deux ami(e)s ou alliés.

Surtout, c'est presque une négation de l'amour qui transparaît dans ce livre. Mme de Lafayette n'a pas l'air d'admettre l'amour dans le mariage, et lui substitue l'amour-propre, notamment dans La Comtesse de Tende. Quand l'époux est aimé de sa femme, il est indifférent,  et quand il aime, sa femme le rejette. Comme si avoir une attirance réciproque était répréhensible. Cela m'a d'autant plus frappée au cours de ma lecture qu'il me semble que c'est justement le sujet de La princesse de Clèves.
A en croire la préface, mes remarques ne sont d'ailleurs pas complètement fausses. Selon Laurence Plazenet, cela vient de la piété proche du jansénisme de Mme de Lafayette, qui lui fait penser que le seul amour possible est celui que l'on éprouve pour Dieu.
Malgré son statut de femme de lettres qui nous la font voir comme une femme moderne, la Comtesse de Lafayette est une femme bien dans son époque. Or, l'amour n'entre pas dans le schéma du bonheur conjugal au XVIIe. Mme de Lafayette tente de ce fait de démontrer qu'il n'est pas nécessaire, et qu'en plus il n'est qu'illusion. Ce sont les femmes qui doivent le plus s'en méfier. On le voit bien par les destins de la Princesse de Montensier et de la Comtesse de Tende qui sont beaucoup plus durs que ceux du Duc de Guise et du Comte de Tende (qui trompe sa femme au début de la nouvelle comme si c'était la chose la plus naturelle du monde). La phrase qui conclue La Princesse de Montpensier démontre de façon très claire l'opinion de l'auteur :

" Elle mourut en peu de jours, dans la fleur de son âge, une des plus belles princesses du monde et qui aurait été la plus heureuse si la vertu et la prudence aussent conduit toutes ses actions. "

Je ne partage pas l'avis de Mme de Lafayette, vous vous en doutez certainement, mais il contribue à donner un aspect historique au livre qui m'intéresse beaucoup.

Par ailleurs, bien que ces histoires ne soient pas forcément agréables pour leurs personnages et se finissent mal, elles se lisent avec un réel plaisir.  A aucun moment je n'ai eu le sentiment de lire un traité moralisateur, c'est beaucoup plus distrayant. En fait, pour une personne de notre époque, ne serait-ce que parce que le vocabulaire employé est différent, cet aspect est plutôt voilé. Ainsi, il est aisé de s'amuser des astuces des amants pour se retrouver, de leurs déclarations, et de leurs doutes. Et puis, je le répète, Mme de Lafayette a une plume dynamique et élégante.


51Q7G1FWNHLLe Livre de Poche ; 92 pages.
1,50 euros.

Comme j'étais dans les amours tragiques, je me suis dit qu'il était temps de relire un petit livre qui m'avait beaucoup marquée il y a quelques années, Adieu de Balzac.

" 1819. Par une brûlante journée de l'été finissant, deux  chasseurs - deux amis, le marquis d'Albon et le baron Philippe de Sucy - égarés dans une forêt de l'île-de-France entrevoient, sous les frondaisons d'un parc à l'abandon, une silhouette féminine d'une grâce aérienne. En cette jeune femme, folle, qui ne sait plus que répéter machinalement un seul mot, « Adieu », Philippe, bouleversé, reconnaît la comtesse Stéphanie de Vandières, la maîtresse passionnément aimée dont il fut tragiquement séparé en 1812, lors du passage de la Bérésina. Soulevé par un espoir insensé, il va tenter de rendre la vie à cette âme morte.
Ce récit insolite et saisissant, tout à la fois « étude philosophique » et « scène de la vie militaire » est l'un des plus achevés de La Comédie humaine. "

Je pense que je ne connais pas suffisamment cet auteur pour être capable de tout saisir dans cette nouvelle. Même si elle est très courte, et se lit très rapidement en raison d'un rythme assez rapide et de l'absence des fameuses descriptions interminables chères à Balzac, elle est très riche et nécessite de nombreuses explications de texte (c'est quand même Balzac...). Malgré mon ignorance, j'ai été comme lors de ma première lecture charmée par ce récit.
A l'image de tous les romans que j'ai lus de Balzac, le contexte historique est bien planté dans Adieu, avec de multiples références et la reconstitution de l'épopée napoléonienne en Russie. La débâcle française nous est dépeinte avec une intensité qui fait écho à celle du désespoir de Philippe de Sucy lorsqu'il revoit celle qu'il aime. Celui qui a survécu avec bravoure à la folie des hommes de Napoléon mourant de faim, de froid et de fatigue, est anéanti par celle de Stéphanie de Vendières, qui ne le reconnait plus et qui répond à ses caresses par une totale indifférence.

Il semblerait bien que ce soit l'intérêt de Balzac pour la médecine qui transparaisse dans ce livre. Comme à son habitude, il se sert de ses connaissances pour créer ses personnages. Stéphanie rappelle ainsi Victor, l'Enfant Sauvage (ainsi qu'un homme ayant vécu comme elle la retraite de Russie, mais je ne le connaissais pas et ne pouvais donc pas établir de parallèle entre eux). Comme l'Enfant sauvage, on a retrouvé Stéphanie nue, dans la forêt, et incapable de parler, sauf pour murmurer des "Adieu !" . Son Docteur Itard est son propre oncle, malheureusement impuissant face aux tourments de sa nièce.

Dans ce récit très bref, Balzac amène à s'interroger sur le bonheur et la vie. Ces êtres humains transis de froid qui acceptent de périr dans la neige, qui abandonnent, ont-ils tort de se résigner ? Ou devraient-ils tenter, se lever, et marcher au risque de périr noyé en voulant atteindre l'autre rive de la Bérésina ou de devenir fou comme Stéphanie ? Et Stéphanie elle même, qui semble heureuse malgré sa folie, doit-elle réellement mourir comme le pense son amant parce que sa folie lui donne moins l'esprit d'une femme que celui d'un animal ?

Pour résumer, deux petits livres qui m'ont beaucoup plu, et qui me donnent envie de découvrir davantage leurs auteurs.

29 juin 2007

C'est moi le chat...

Mélanie, La Liseuse et Margoulette m'ont touchée. Ignorer la première était possible, mais il semblerait que je sois victime d'un complot.
Comme j'ai refusé de révéler 5 secrets dernièrement, me voilà contrainte de vous dire 7 choses sur l'être absolument formidable que je suis (non, pas de smileys, c'est la vérité).

1- Je suis très mauvaise joueuse, du coup je n'aime pas être le chat... 2 - d'ailleurs, je déteste ces bestioles : voilà, vous vouliez des révélations choquantes, soyez satisfaits. Là je sens que tout le monde va me détester, si j'en crois la dernière étude de Flo...

3- Je suis très rancunière. Qui que vous soyez pour moi, si vous me faites un sale coup, je vous rayerais définitivement et sans aucun état d'âme de mes fréquentations du jour au lendemain. J'ai trop souffert quand j'étais plus jeune "d'amis" (et même plus) qui me prenaient pour une idiote...

4- Je vais me faire taper, mais je lis parfois la dernière page des livres en cours... C'est mon côté "j'aime pas les histoires tristes". Il m'est arrivé de laisser tomber un livre parce que la fin ne me plaisait pas plus d'une fois d'ailleurs... (je précise que je ne fais quand même jamais ça quand je lis un roman policier, à moins de le laisser tomber juste après).

5- J'adore les musiques de film. J'en possède un certain nombre, et il m'est parfois arrivé de voir un film uniquement parce que sa bande originale me plaisait. 6- D'ailleurs, en ce moment, je me passe ce morceau assez souvent.

7- Je déteste parler de moi, j'ai toujours peur d'ennuyer les gens.

Vu que j'ai mis quinze jours à m'y mettre, tout le monde l'a fait sauf La Renarde (on l'oublie toujours celle-là...).

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28 juin 2007

Et je repars en vadrouille...

P1050040...pour une petite semaine. J'aime l'été, car j'ai tendance à partir un peu partout sans réfléchir.
En plus, les voyages en train sont l'idéal pour lire en étant bien installé^^
Cette fois-ci, Diane Setterfield, Colette, Balzac et sans doute quelques autres seront du voyage.

Je rentre jeudi prochain, mais je vous ai quand même concocté quelques petits billets. Bonne semaine à tous !

27 juin 2007

Le journal d'Aurore : Jamais contente ; Marie Desplechin

Desplechin___jamais_contente_1_L'école des loisirs ; 180 pages.
9,50 euros.

" 12 février. On peut ruiner sa vie en moins de dix secondes. Je le sais. Je viens de le faire. Là, juste à l'instant. J'arrive à la porte de l'immeuble, une modeste baguette dans la main et la modeste monnaie dans l'autre, quand Merveille-Sans-Nom surgit devant moi. Inopinément. A moins de cinq centimètres (il est en train de sortir et je m'apprête à entrer, pour un peu on s'explose le crâne, front contre front). Il pose sereinement sur moi ses yeux
sublimes. Je baisse les miens illico, autant dire que je les jette quasiment sous terre, bien profond, entre la conduite d'égout et le tuyau du gaz. Sa voix amicale résonne dans l'air du soir :
- Tiens ! Aurore ! Tu vas bien ?
Je reste la bouche ouverte pendant environ deux
millions de secondes, avant de me décider et de lui hurler à la figure :
- Voua ! Merdi ! "

Moins délirant que les aventures de Georgia Nicolson, Le journal d'Aurore est quand même une lecture très divertissante.

Aurore, c'est une adolescente de quatorze ans, qui aime se vautrer dans les miettes de galette quand elle regarde la télé, ses copines Lola et Samira de temps en temps (surtout leurs frères en fait...), mais qui déteste le collège, ses camarades de classe, et se trouve mal aimée et incomprise (je sais, j'ai déjà dit que c'était une ado...). Comme tous les jeunes de son âge (à part les chanceux), elle est en conflit avec ses parents, s'interroge sur sa sexualité, et déteste ses soeurs.

J'ai beaucoup aimé ce journal parce qu'il m'a fait sourire à toutes les pages, et un peu rire. Même si c'était jaune : les impressions d'Aurore suite à son premier baiser m'ont fortement rappelé quelqu'un, tout comme ses relations conflictuelles avec ses parents...
C'est d'ailleurs ça qui m'a beaucoup plu dans ce livre, il est assez crédible. Aucun miracle pour Aurore sur le plan scolaire, un premier petit copain plutôt "juste pour voir" , des copines qui ne comprennent pas toujours tout, des parents complètement largués, une grande soeur exaspérante, une petite soeur lèche-bottes... Même si on a forcément eu une adolescence différente, nos préoccupations étaient assez semblables. Et j'ai beau ne pas garder un excellent souvenir des ces années là (pas si lointaines d'ailleurs), j'ai beaucoup apprécié le fait de les regarder sous autre angle. Je suis vache, mais ça m'a bien fait rire de voir Aurore engluée dans des soucis que je considère moins capitales aujourd'hui.

26 juin 2007

Lignes de faille ; Nancy Huston

41FQYEPRTWLActes Sud ; 487 pages.
21,60 euros.

Je viens de terminer ce livre, et je peux vous dire que c'est pour moi un grand coup de coeur.

J'ai l'impression ces derniers temps que les romans qui évoquent la Seconde Guerre mondiale sont à la mode. Je ne dis pas que c'est gênant en soi. Cela nous permet au contraire de découvrir des horreurs méconnues.  Surtout, ça prouve ce que Nancy Huston révèle dans ce livre, et que l'on semble vouloir oublier ces temps-ci : le fait que, même si l'on fait ses propres choix, le passé imprègne également le présent. Ainsi, si l'on n'a pas réglé les blessures du passé, elles nous poursuivent inlassablement, de génération en génération.
Ce qui me gêne dans cette "mode", c'est que tout le monde peut y aller de son propre hommage très facilement. Or, quand on écrit un roman, il y a d'autres exigences, littéraires celles-ci, qui devraient servir le sujet, le cadrer, et ne pas s'effacer devant lui. C'est dans ce piège que n'est pas tombée Nancy Huston, que je ne connaissais pas et qui m'a véritablement époustouflée.

Ce sont quatre enfants de six ans d'une même famille et à des époques différentes qui enquêtent pour nous, à travers leurs jeunes yeux un peu naïfs, mais pas tant que cela en fait. Ils ont tous six ans et un grain de beauté un peu étrange, parce que l'histoire se répète à chaque génération depuis 1944. Comme ils ne comprennent pas l'importance des faits dont ils sont les témoins involontaires, leur récit est dépourvu de tout artifice, et donc sincère. Ils sentent seulement qu'un secret empoisonne l'histoire de leur famille, y crée une atmosphère tendue, mais ni ce qu'est ce secret, ni de quand il date.

J'ai été un peu déboussolée au début par le discours de Sol, qui m'a paru beaucoup trop mature (et à moitié cinglé). Mais les autres enfants sont beaucoup plus crédibles. De plus, pour Sol, c'est le moyen qu'a trouvé Nancy Huston pour nous montrer, sans trop faire de psychologie, que l'éducation que l'on reçoit, les choses dont nous sommes témoins enfant, même lorsqu'on ne les comprend pas, sont assimilées et servent à se façonner. Randall a choisit le protestantisme pour brouiller les cartes, sa femme cherche même à effacer la tache sur la figure de son fils, qui témoigne du passé, mais le fait est que ce n'est pas aussi simple.
Il faut alors faire ce que Sadie a tenté de faire adulte, en tant qu'historienne, déterrer le passé. Au fur et à mesure que l'on remonte dans le temps, on comprend le présent. Car dans ce livre, la chronologie est inversée. Ca peut sembler dépourvu de logique si l'on considère l'histoire de façon linéaire, comme quelque chose de progressif. Mais pas ici. Car l'enfance de Sol de nos jours s'explique par l'enfance de Randall en 1982, qui fait écho à celle de Sadie en 1962, elle même étant le résultat de ce qui s'est produit en 1944 pour Erra. On a d'abord du mal à aimer Randall, Sadie et Erra adultes, puis on écoute l'enfant qu'ils ont été et on finit par comprendre ce qu'ils sont devenus.

Si le spectre du nazisme est présent au cours du livre, et est le point d'aboutissement de l'histoire, Nancy Huston est parvenue à ne pas le laisser entacher son récit. Elle le tient véritablement à distance en utilisant surtout des suggestions, ainsi qu'un ton plutôt léger. A aucun moment, l'histoire ne tombe dans le larmoyant, nous suggère de façon artificielle que c'est le moment de pleurer. Nancy Huston ne se pose pas en juge, elle se contente de nous laisser découvrir l'histoire de cette famille et de tirer nos propres conclusions.
Finalement, Nancy Huston se sert autant de l'histoire de cette famille pour évoquer les horreurs méconnues de la Seconde Guerre mondiale, que des blessures infligées par le nazisme pour évoquer l'influence du passé sur le présent.

Cela donne un livre maîtrisé de bout en bout, modéré, et donc efficace. En effet, ce roman bouleverse le lecteur parce qu'il lui fait prendre le recul qui permet de réfléchir par soi même. L'émotion n'est donc pas frontale et superficielle, elle s'insinue progressivement, subtilement et profondément en nous.
En refermant ce livre, j'ai eu le sentiment que Nancy Huston m'avait mis délicatement les cartes en main pendant cinq cents pages, et qu'elle me regardait les sourcils relevés, comme pour dire "Et oui..." .

" Le lendemain pendant la récré un garçon me court après en criant "Juive ! juive ! " - mais comme j'ai promis à Peter de ne plus jouer à ce jeu, je prends mes jambes à mon cou et trébuche et tombe et m'érafle le genou et dois aller à l'infirmerie, et quand l'infirmière ôte mon bas je vois que mon genou saigne et j'entends l'Ennemi Ricaner sur un ton jubilatoire en disant : Du sang nazi, Sadie ! Du sang nazi ! " (page 367)

Je vais essayer de vous trouver les nombreux avis déjà en ligne (c'est marrant, on n'a pas forcément apprécié les mêmes choses, certains avis se concentrent sur des choses que j'ai à peine notées) : Papillon, Lisa, Lily, Anne-Sophie, Camille, Gachucha, Lorraine, Essel, Jules, Thom, Agapanthe (j'ai dû en oublier la moitié).

Et Clochette, un tout petit peu moins enthousiaste.

25 juin 2007

Les séparés ; Marceline Desbordes-Valmore

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William Cowen ; A View of Rotherham

Les séparés

N'écris pas. Je suis triste, et je voudrais m'éteindre.
Les beaux étés sans toi, c'est la nuit sans flambeau.
J'ai refermé mes bras qui ne peuvent t'atteindre,
Et frapper à mon coeur, c'est frapper au tombeau.
N'écris pas !

N'écris pas. N'apprenons qu'à mourir à nous-mêmes.
Ne demande qu'à Dieu... qu'à toi, si je t'aimais !
Au fond de ton absence écouter que tu m'aimes,
C'est entendre le ciel sans y monter jamais.
N'écris pas !

N'écris pas. Je te crains ; j'ai peur de ma mémoire ;
Elle a gardé ta voix qui m'appelle souvent.
Ne montre pas l'eau vive à qui ne peut la boire.
Une chère écriture est un portrait vivant.
N'écris pas !

N'écris pas ces doux mots que je n'ose plus lire :
Il semble que ta voix les répand sur mon coeur ;
Que je les vois brûler à travers ton sourire ;
Il semble qu'un baiser les empreint sur mon coeur.
N'écris pas !

Marceline Desbordes-Valmore

24 juin 2007

Le mystère de la ferme grise ; Mary-Elizabeth Braddon

malab_235392_1_Labyrinthes ; 95 pages.

L'histoire :

Le maître de la Ferme-Grise vient de succomber à une étrange maladie. Son frère Dudley reprend le domaine familial, suivi comme son ombre par un étrange personnage, qu'il semble haïr autant que craindre.
Quels drames ont eu lieu à la ferme des Carleon ? C'est Jenny, la jeune fille que Dudley épouse, qui découvrira la vérité.

" Dans l'ombre et dans un coin de la chambre était suspendu un portrait du dernier propriétaire de la ferme, une figure franche et ouverte avec des longs cheveux châtains et des yeux bleus....
L'idée du défunt la poursuivit dans sa solitude... Et si ce portrait allait prendre la forme d'un fantôme et s'approcher d'elle ?
Une sueur glacée perla en grosses gouttes sur son front pur. "

Parmi les auteurs anglais que je voulais découvrir cette année se trouvait Mary-Elizabeth Braddon. Ce premier contact est plutôt une mise en bouche, très encourageante toutefois.

Mon seul reproche à Le secret de la Ferme-Grise est en effet la brièveté du livre. On a à peine le temps d'y entrer qu'il faut en ressortir. Ceci d'autant plus que l'auteur nous force à lire ce livre d'une traite avec une intrigue qui tient en haleine.
En effet, bien que l'histoire soit extrêmement banale, Mary Elizabeth Braddon parvient à créer une atmosphère très particulière, un peu désuète et très prenante, dans laquelle on se coule très facilement. L'ambiance à la Ferme-Grise est délicieusement inquiétante, des images de brume et de fantômes s'imposent à nous, et nous font chercher au-delà des apparences les clés de l'énigme (à tort ou à raison).
Cette atmosphère ne s'estompe pas avec la fin du livre. Beaucoup de questions restent sans réponse, poussant le lecteur à continuer son questionnement.

Pour résumer, je suis un peu restée sur ma fin, j'aurais vraiment voulu en savoir plus, rester davantage en compagnie des personnages qui, bien qu'attachants, sont simplement esquissés.
J'ai noté Le secret de Lady Audley de ce même auteur, qui a l'air plus étoffé, et que j'espère lire prochainement.

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