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lilly et ses livres

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11 avril 2018

Autoportrait de l'auteur en coureur de fond - Haruki Murakami

muraDepuis Hawaï où il passe l'été et prépare activement le Marathon de New York de 2005, Murakami nous parle de son rapport à la course à pied, prétexte qu'il prend aussi pour nous raconter sa vie.
Nous découvrons alors que cet écrivain japonais a commencé sa vie professionnelle en tenant un bar et que c'est un match de baseball qui lui a donné l'envie d'écrire, assez tardivement.

"Je n’ai jamais eu la moindre ambition d’être romancier. J’ai juste eu le désir ardent d’écrire un roman. Je n’avais pas d’image concrète de ce que je voulais écrire, simplement la certitude que, si je me mettais à écrire sur-le-champ, j’irais jusqu’au bout et que je parviendrais à quelque chose de réussi. Rentré chez moi, je me suis installé à ma table et j’ai constaté que je n’avais même pas de stylo à plume correct."

Contrairement à ce que j'imaginais, Murakami a beaucoup vécu à l'étranger, en Italie, à Boston (où il a enseigné dans les plus prestigieuses universités) et à Hawaï, son lieu favori pour la période estivale.

Ses premiers pas en course à pied conïncident avec le début de sa vie d'écrivain.

"je dirai que je suis le genre d'homme qui ne trouve pas pénible d'être seul. Je n'estime pas difficile ni ennuyeux de passer chaque jour, une heure ou deux à courir seul, sans parler à personne, pas plus que d'être installé seul à ma table quatre ou cinq heures durant."

Murakami fait un parallèle entre les qualités nécessaires à un athlète et celles qu'un écrivain doit travailler. Convaincu que très peu d'écrivains correspondent au mythe de l'auteur tellement talentueux qu'il n'a besoin de presque rien pour travailler, il considère la concentration et la persévérance comme ses deux meilleures alliées pour pratiquer ses deux passions. 
Toutefois, il utilise la course pour contrebalancer le côté malsain nécessaire et présent selon lui chez tout romancier. Cette activité lui permet de diriger les émotions négatives lorsqu'elles le surprennent et d'avoir une hygiène de vie irréprochable. J'avoue être sceptique et ne pas adhérer à l'image de l'artiste forcément décadent (même si cela se limite, comme chez Murakami, à la pratique de son art) et au stéréotype selon lequel ces personnes vivraient des choses qu'ils sont les seuls à expérimenter, mais soit. C'est son essai après tout.

C'est le troisième ouvrage que je lis de Murakami, et s'il ne m'a jamais totalement convaincue, ce n'est pas Autoportrait de l'auteur en coureur de fond qui me fera changer d'avis. Si on est un peu sportif, on ne peut que se reconnaître dans le portrait que l'auteur fait de lui (en ce qui me concerne, je lui laisse la palme du champion, ma mauvaise foi ne va pas jusque là...). Cependant, Murakami a du mal à sortir des observations qu'on peut lire dans à peu près n'importe quel article parlant de course à pied (peur de l'échec, addiction aux endorphines, hantise de la blessure, dépassement et connaissance de soi...) et son style est des plus basiques. Certaines phrases sont d'une banalité qui ne m'avait pas frappée lors de mes précédentes lectures de l'auteur.

J'attendais de ce livre une ode à la course à pied et une réflexion originale sur le métier d'écrivain et de traducteur (ce dernier aspect est seulement survolé). Il ne s'agit pas d'un texte désagréable, mais ce n'est clairement pas un indispensable. Je vous conseille de vous tourner vers d'autres titres de l'auteur, c'est ce que je vais faire.

Hélène est bien plus enthousiaste.

Une lecture effectuée dans le cadre du Mois au Japon de Lou et Hilde.

Thélème. 5h30.
Traduit par Hélène Morita.
Lu par Pierre Tissot.

Source: Externe

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31 mars 2018

Agatha Raisin : La Quiche Fatale ; M.C. Beaton

51nw1KTqr3LAgatha Raisin, cinquante-trois ans, décide de vendre son entreprise de relations publiques londonienne et de s'offrir une retraite anticipée dans un cottage des Costwolds.
Arrivée à Carsely, son nouveau village, elle découvre l'ennui et la solitude, les autochtones se limitant à lui parler de la météo. Lorsqu'un concours de quiches est organisé, elle saute sur l'occasion, achète une quiche chez un traiteur et attend les résultats en pensant que sa victoire lui permettra de s'intégrer à Carsely.
Mais, cette entourloupe a des conséquences dramatiques. Le juge du concours, M. Cummings-Browne, est retrouvé mort, empoisonné par la quiche d'Agatha.

Après avoir vu une grande partie de la blogosphère, Lou en tête, conquise par cette série, je l'avais mise dans un coin de ma tête. A l'occasion du British Mystery Month (je suis pile dans les temps) et en quête d'une lecture simple et agréable, j'ai décidé de rencontrer Agatha Raisin.
Si vous cherchez un roman policier élaboré, dans lequel cet aspect est essentiel, passez votre chemin. En revanche, si vous voulez lire un hommage sans prétention à Miss Marple et au mode de vie fantasmé de la campagne anglaise, foncez, ce livre est pour vous.
J'ai adoré me plonger dans les Costwolds avec Agatha. Je ne connais pas cette région de l'Angleterre (même si j'ai une envie folle d'y aller maintenant), mais imaginer cette succession de villages aux noms improbables et aux cottages irrésistibles est délicieux. Agatha a beau être nulle en cuisine, elle adore manger, et ses descriptions, mêmes succintes, de plats anglais, met l'eau à la bouche (je plaide coupable, j'aime la nourriture de pub).
L'autre grande réussite de cette série, ses personnages hauts en couleur. Agatha n'est pas une héroïne très sympathique à première vue. Elle a l'habitude qu'on fasse ses quatre volontés, elle n'a aucun scrupule à tricher et n'hésite pas à se comporter comme la reine des goujates (en témoigne son attitude vis-à-vis du Londonien qui n'apprécie pas qu'elle lui souffle sa fumée de cigarette dans les narines), mais elle rejoint vite le rend de ces personnages qu'on adore voir mal se comporter. Ses tentatives de se faire apprécier sont hilarantes. Après le désastre du concours de quiches, Agatha passe une horrible journée avec un vieux couple insupportable qui ne lui épargne rien, puis vend aux enchères le contenu de sa maison. Ses efforts vont payer. Si les habitants de Carsely sont méfiants au premier abord, Agatha finit par les faire réagir (en bien ou en mal). Et puis, évidemment, un beau colonel à la retraite va faire son apparition dans ce petit monde.  Certes, rien de bien original (j'ai même trouvé le personnage de Roy bien trop caricatural), mais le mélange fonctionne à merveille et je me réjouis de retrouver ces personnages dans les futures aventures d'Agatha.

En ce qui concerne l'enquête et sa résolution, elle n'a d'intérêt que pour présenter les différents personnages de la série. Beaucoup d'heureuses coincidences mènent à la découverte du pot aux roses. Pour l'instant, l'honneur de la police semble vouloir être ménagé. Agatha se lie même d'amitié avec l'un de ses représentants, qui lui offre un chaton, accessoire indispensable à toute enquêtrice anglaise qui se respecte.

Un roman délicieusement british qui lance une série que je compte bien poursuivre lorsque je serai en manque d'une lecture légère.

L'avis de Lou.

Audible Studios. 6h20.
Traduit par Esther Ménévis.
Lu par Françoise Carrière.
1992 pour l'édition originale.

Source: Externe

28 mars 2018

Valse hésitation - Angela Huth

valse" Non, mieux vaut avoir un amant quand on est jeune qu'une névrose quand on est vieille. En effet, si on a des amants quand on est jeune, une fois vieille, tout ce que diront les gens, c'est qu'on a eu plein d'hommes. Ils seront sans doute jaloux, mais la jalousie, on peut faire avec. "

Alors qu'elle vient d'enterrer son premier mari et qu'elle s'accorde une pause de six mois avec le second, Clare fait la connaissance de deux personnes. La première est Mrs Fox, une vieille dame croisée sur un banc à Hyde Park. Bien que de nombreuses années les séparent, une drôle de familiarité naît entre les deux femmes.
Clare rencontre aussi Joshua, un homme séduisant et volatile. A peine se sont-ils rencontrés qu'ils emménagent ensemble et partent en vadrouille sans oublier d'inviter Mrs Fox, leur complice dans cette folle parenthèse qui pourrait devenir permanente.

Il m'a fallu une bonne cinquantaine de pages pour entrer dans ce romans, mais je l'ai ensuite retrouvé avec beaucoup de plaisir.
On goûte les excursions à la campagne, les maisons anglaises, le kitch de Mrs Fox qui organise une curieuse fête d'anniversaire à Joshua (qu'elle connaît à peine) en invitant des gens qui ne le connaissent pas. Fête à laquelle il ne se montre d'ailleurs pas, soulevant l'épineuse question du gâteau (est-il correct de le manger malgré tout ? ). Le personnage de la vieille dame apporte de la légèreté au roman. Elle forme un trio improbable avec le jeune couple et son angle de vue permet de dédramatiser une situation qu'ils auraient tendance à prendre bien trop au sérieux.

En effet, au coeur du roman se trouve le rapport de Clare aux hommes. Le récit est non linéaire, avec l'insertion des souvenirs de Clare dans le présent. Pourquoi ses relations échouent-elles ? Va-t-elle retourner vivre avec son mari, choisir Joshua ou rester seule ? D'abord femme-enfant d'un homme cherchant à la modeler, Clare s'est ensuite mariée avec un homme beaucoup plus paisible, mais dont les petites manies ont fini par l'exaspérer et l'étouffer. Joshua, quant à lui, est un homme qui refuse de s'engager, mais qui l'enferme aussi, à la manière habituelle des hommes de son espèce. Clare est faible, Clare agace, mais c'est un beau personnage. Je ne dirai rien sur la fin, mais elle me plaît, à la fois prévisible et satisfaisante dans son ironie.

Je voulais découvrir Angela Huth depuis de nombreuses années, avec Les Filles de Hallows Farm. Le hasard des partenariats m'a fait lire un livre sans doute plus intimiste d'elle, beaucoup moins romanesque que ce que j'imagine du plus grand succès de l'auteur, mais qui me donne envie de renouer rapidement avec elle.

Je remercie Les Editions de la Table Ronde pour ce livre.

Quai Voltaire. 228 pages.
Traduit par Anouk Neuhoff.
Nowhere Girl. 1970 pour l'édition originale.

17 mars 2018

La Cousine Bette - Honoré de Balzac

la-cousine-bette-de-balzac-livre-audio-cd-mp3-et-telechargementLisbeth Fisher, dite Bette, a suivi sa cousine à Paris lorsque le baron Hulot en a fait sa femme. Adeline, qui n'était alors qu'une jeune paysanne alsacienne, est une épouse modèle, fidèle et reconnaissante. Cependant, le baron aime les femmes, ce qui met la famille dans une situation financière délicate.
Lorsqu'Hortense, la fille Hulot, vole son protégé à la cousine Bette, celle-ci fait le serment de briser toute la famille.

Cela faisait très longtemps que je n'avais pas lu Balzac à cause de mon projet de découvrir tous les Rougon-Macquart. La Cousine Bette est l'un des titres souvent cité parmi les réussites de l'auteur, ce que je confirme, mais je me demande si je n'aurais pas encore plus apprécié ma lecture en ayant d'abord lu César Birotteau. Ce dernier livre n'est que cité, mais les clins d'oeil qui y sont faits dans La Cousine Bette tombaient forcément un peu à plat. D'un autre côté, des références aux Chouans sont également faites, et je dois bien avouer que ma lecture remonte un peu trop pour ma mémoire de poisson rouge...
Cela dit, dès les premières lignes, j'ai retrouvé le plaisir que j'éprouve toujours (ou presque) en lisant Balzac. Je trouve son écriture plus brouillonne que celle de Zola (chez qui rien ne dépasse), mais tout aussi puissante et évocatrice.
Il est cruel, mais drôle aussi. Dès les premières pages, j'ai ri en écoutant le père Crevel faire grossièrement la cour à la baronne Hulot :

« Si je n’avais pas ma Josépha, puisque le père Hulot délaisse sa femme, elle m’irait comme un gant. » Ah ! pardon ! c’est un mot de mon ancien état. Le parfumeur revient de temps en temps, c’est ce qui m’empêche d’aspirer à la députation.

Les personnages, bien que peu attachants, sont merveilleusement bien croqués. Bette a un mauvais fond, et son amie Valérie est une femme détestable. Pourtant, j'ai plutôt apprécié de lire leurs manigances et tremblé à l'idée que la vieille fille ne soit découverte. Il faut dire qu'elle y va fort la Lisbeth, à embrouiller tout le monde et à croiser les doigts pour que personne ne se doute qu'elle raconte n'importe quoi. On a envie qu'un tel culot soit récompensé. De plus, on ne peut pas dire qu'ils soient très attachants ces Hulot, ni très tendres avec leur cousine.
En toile de fond, nous avons la Monarchie de Juillet, la nostalgie de l'Empire, les évolutions sociales. Les derniers soldats de l'Empire meurent, la religion perd du terrain, et surtout, l'argent et le monde des banques dominent tout. C'est d'ailleurs pour cette raison que Lisbeth a décidé de ruiner les Hulot en poussant son cousin à dépenser tout son argent (et celui de l'Etat) dans des femmes cupides. 
Le baron est un homme faible, et la sensualité et l'extase, comme dans Nana, ne se trouvent pas dans le mariage. Il est notable que Balzac, comme Zola, décrit la fascination éprouvée par les femmes "honnêtes" pour celles qui leur prennent leur mari, fascination que l'on pourrait presque qualifier d'envie. Adeline Hulot n'a rien en commun avec une Josépha, mais leur rencontre est l'un des moments forts du livre, lorsque deux milieux féminins que les hommes ne fréquentent jamais ensemble en viennent à se côtoyer.

Moi qui aime les romans avec un fond historique, je vais essayer de ne pas trop attendre avant de savourer un nouveau Balzac. En tout cas, celui-ci est une excellente pioche.

Thélème. 16h30.
Lu par Manon Combes.

10 février 2018

Nana - Emile Zola

Source: ExterneNana est la fille de Gervaise, l'héroïne de L'Assommoir. D'abord actrice sans talent et petite prostituée, elle parvient à envoûter la bourgeoisie du Second Empire.

Les romans de Zola sont puissants, avec des images qui marquent durablement et un sens de la mise en scène remarquable. C'est particulièrement notable dans Nana.
Nous rencontrons d'abord notre héroïne indirectement, par des échanges de paroles entre des personnes venues assister à l'un de ses spectacles. Tout le monde, y compris le lecteur, s'impatiente, s'attendant donc à voir entrer en scène une femme unique, irrésistible.

"A ce moment, les nuées, au fond, s'écartèrent, et Vénus parut. Nana, très grande, très forte pour ses dix-huit ans, dans sa tunique blanche de déesse, ses longs cheveux blonds simplement dénoués sur les épaules, descendit vers la rampe avec un aplomb tranquille, en riant au public."

Toute la pression retombe très vite, Nana étant bien mauvaise. Les langues se délient, on se moque et on l'insulte. Pourtant, tous seront bientôt à ses pieds.
Nana n'est pas une jeune fille attachante, talentueuse ou intelligente, mais elle a une soif de liberté et une audace qui rendent ses coups de pied à la bonne société jouissifs. Elle venge son milieu en rendant sa vulgarité irrésistible à tous les hommes de bonne famille. Malgré le mépris que les membres de la haute société ont pour les courtisanes, c'est à l'extérieur des mariages bourgeois que l'on peut expérimenter la sensualité. Les Muffat, mari et femme, en sont un parfait exemple. Il est amusant de constater que ces deux mondes ne se côtoient pas officiellement au début. Ainsi, les hommes agissent comme s'ils ne connaissaient pas Nana lorsqu'ils la rencontrent, et les femmes l'observent du coin de l'oeil. Puis, on croise la jeune fille dans les soirées. Son triomphe est total (bien que toujours empreint de vulgarité) lors d'une course hippique à la fin du roman, lorsque le nom de la pouliche victorieuse, baptisée Nana en l'honneur de la courtisane, est scandé par toute l'assistance (encore une de ces scènes mythiques des Rougon-Macquart).
Mais Nana est une Macquart, et son ascension ne peut être éternelle. Je reconnais avoir trouvé Zola plus cynique que cruel à son égard. Après la lente agonie de Gervaise dans L'Assommoir, je m'attendais à une chute tout aussi douloureuse pour sa fille. Cette dernière se montre tellement odieuse parfois que j'ai bien cru à plusieurs reprises que le retour de bâton allait être immédiat. Elle a la naïveté de croire en l'amour et en l'amitié, elle se retrouve dans la situation d'une femme battue ou obligée de payer l'affection qu'on lui donne. Elle rêve d'avoir le rôle d'une femme honnête, elle doit bien vite retourner à sa place. Avant d'admettre sa défaite, elle aura tout de même rendu quelques coups.

"Elle demeurait seule debout, au milieu des richesses entassées de son hôtel, avec un peuple d’hommes abattus à ses pieds. Comme ces monstres antiques dont le domaine redouté était couvert d’ossements, elle posait les pieds sur des crânes ; et des catastrophes l’entouraient, la flambée furieuse de Vandeuvres, la mélancolie de Foucarmont perdu dans les mers de la Chine, le désastre de Steiner réduit à vivre en honnête homme, l’imbécillité satisfaite de la Faloise, et le tragique effondrement des Muffat, et le blanc cadavre de Georges, veillé par Philippe, sorti la veille de prison. Son œuvre de ruine et de mort était faite, la mouche envolée de l’ordure des faubourgs, apportant le ferment des pourritures sociales, avait empoisonné ces hommes, rien qu’à se poser sur eux. C’était bien, c’était juste, elle avait vengé son monde, les gueux et les abandonnés."

En arrière-plan, comme toujours, Zola nous offre quelques descriptions sublimes des aubes parisiennes et des grands travaux.

Je craignais l'écoute de ce livre en raison des avis négatifs dont cette version audio fait l'objet. Pour ma part, je l'ai trouvée très agréable.

Si j'ai eu quelques difficultés à entrer dans ce livre, il a fini par me conquérir entièrement.

L'avis de Karine.

Sonobooks. 16h40.
1880 pour l'édition originale.

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24 janvier 2018

Eugène Onéguine - Alexandre Pouchkine

9782742777846_1_75Etant donné que j'ai décidé de découvrir de façon plus approfondie les auteurs russes, je me suis dit qu'il était logique de me plonger dans ce roman qui est considéré comme étant à l'origine de la littérature russe moderne.

Eugène Onéguine est un jeune noble touché par le mal du siècle. Après avoir hérité d'un oncle pour lequel il n'éprouvait pas d'attachement particulier, il s'installe à la campagne. Dans ce lieu, il devient l'ami de Lenski, l'un de ses voisins, amoureux de la belle Olga. La soeur de cette dernière, Tatiana, ne tarde pas non plus à succomber au charme d'Eugène, mais l'attitude du jeune homme va mettre un terme à toute possibilité de bonheur pour les jeunes gens.

La grande particularité de ce roman est qu'il est écrit en vers. N'y connaissant pas grand chose en matière de techniques poétiques, je ne pourrais vous en dire beaucoup sur la forme, mais je vous renvoie à la préface ainsi qu'aux notes du traducteur, qui expliquent très bien les difficultés qu'il y a à transposer ce texte en langue française.
Malgré mon ignorance, ce texte est étonnamment aisé à lire. Le style est clair, rythmé et superbe. Il m'a un peu rappelé Roméo et Juliette parfois, tout en étant très moderne dans d'autres passages.
L'histoire d'amour en elle-même ne m'a pas passionnée. Je pense qu'elle doit avoir une épaisseur bien plus importante dans les représentations théâtrales ou musicales, mais les amours contrariées d'Eugène et de Tatiana restent très superficielles en raison de la forme du texte et du choix de l'auteur de ne l'évoquer qu'avec peu de mots. De plus, Pouchkine, bien que reprenant certains des codes du romantisme, écrit un texte qui ne peut être réduit à ce genre. L'auteur joue son propre rôle dans Eugène Onéguine, évoquant son héros, le texte qu'il écrit et la littérature (la sienne et celle des autres). Il a conscience de mener une expérience avec son livre, fait de multiples références au monde littéraire russe (encore une fois, merci au traducteur). Cette présence donne lieu à des passages très drôles, où l'auteur égratine ses personnages, la société dans laquelle il vit et l'être humain en général.

"Le plan, la forme se proposent,
Je cherche un nom pour mon héros.
Mais mon roman fait une pause
Car mon premier chapitre est clos ;
Je l'ai relu d'un oeil sévère :
On y dit tout et son contraire,
Pourquoi devrais-je corriger ?
C'est au censeur de s'en charger.
Aux journalistes en pâture
J'offre ce fruit de mes efforts :
Va, gagne les nordiques bords
O ma nouvelle créature,
Que je moissone mes succès :
Cris, racontars, mauvais procès ! "

Je n'ai pas seulement lu ce livre en me laissant porter par l'histoire. J'ai cherché à observer sa construction, les thèmes qu'il aborde et je me suis davantage documentée que d'ordinaire. Je vais essayer de voir une représentation de ce texte, je pense qu'il m'enthousiasmera davantage (pour l'instant, j'ai surtout conscience de ne pas avoir saisi les trois quarts du texte). Et je vais pouvoir découvrir Songe à la douceur, malgré tout le mal qu'en pense Maggie...

Titine avait été enchantée par ce livre.

Babel. 378 pages.
Traduit par André Markowicz.
1825-1832 pour la première publication.

14 janvier 2018

Sonietchka - Ludmila Oulitskaïa

516YuZqfarLSonietchka est une jeune fille sans aucune beauté, et sa personnalité introvertie la rend plutôt invisible, surtout aux yeux des hommes. Elle n'est pourtant pas malheureuse, puisqu'elle lit et a la chance de travailler dans une bibliothèque. Lorsque Robert Victorovitch, un peintre beaucoup plus âgé qu'elle, lui demande de l'épouser suite à une seule visite sur son lieu de travail, Sonietchka accepte. Ce bonheur inespéré lui semble si accidentel qu'elle en savoure chaque moment.

C'est en lisant La Marche du cavalier, essai fouillis de Geneviève Brisac, que j'ai entendu parler de Ludmila Oulitskaïa pour la première fois. Sonietchka n'est pas vraiment un roman, il s'agit plutôt d'une longue nouvelle. Cette histoire a un goût de trop peu tout en étant très agréable.
Evidemment, le personnage de Sonietchka est attachant. C'est une lectrice passionnée, vivant d'abord sa vie à travers les personnages des romans qu'elle dévore. La littérature est aussi ce qui la sauvera à la fin de son bonheur conjugal. Son abnégation force le respect tout en étant aussi la garantie de son bonheur. Bien que ne pouvant pas tout maîtriser, Sonia sait tirer parti de chaque situation.
L'autre aspect du livre qui m'a beaucoup intéressée est la peinture que dresse Oulitskaïa du monde soviétique. La guerre et le bagne sont évoqués, le mari de Sonietchka ayant été emprisonné. Les habitations sont très simplement équipées, certains territoires ne peuvent être occupés qu'un temps et la population n'a aucun autre choix que celui d'obéir. 
Malgré tout, les personages évoluent dans un milieu qui n'est pas imperméable aux idées nouvelles. La fille de Sonia et de Robert, Tania, ainsi que son amie Jasia, refusent d'avoir les mêmes entraves que leurs aînés. Bien qu'étant un système totalitaire, la société russe ne reste pas immobile.

Une jolie lecture qui m'a permis de découvrir un auteur que je relirai volontiers.

Folio. 108 pages.
Traduit par Sophie Benech.
1992 pour l'édition originale.

6 janvier 2018

Anna Karénine - Léon Tolstoï

20171224_130009[1]Pour accompagner nos longues soirées d'hiver, Romanza a décidé de lancer un challenge autour d'Anna Karénine, l'un de ses romans préférés. J'avais déjà abordé Tolstoï de façon peu concluante il y a quelques années, mais cela ne m'avait pas ôté l'envie de lire ses oeuvres majeures. Après ma lecture un peu laborieuse de Crime et Châtiment, j'avais de plus envie de poursuivre ma découverte de la littérature russe, alors je n'ai pas hésité.

On connaît souvent d'Anna Karénine sa fin tragique, mais ce gros roman est bien loin de se résumer à cet épisode. Etant incapable de résumer ce livre, je vais simplement vous raconter le début de l'histoire.

En descendant du train qui la mène chez son frère à Moscou, Anna Karénine, femme mariée, fait la rencontre du comte Alexis Vronski. Leur liaison ne tarde pas à être connue de toute la bonne société et à plonger la jeune femme dans la solitude.
Au même moment, Constantin Lévine, noble propriétaire terrien qui n'est heureux qu'à la campagne, voit sa demande en mariage refusée par la jeune Kitty Stcherbatski, elle aussi éprise du beau Vronski.

Contrairement à ce que le titre laisse penser, Anna Karénine n'est pas un roman qui se concentre autour de l'histoire d'une femme adultère. Anna n'est même pas le personnage principal du roman, elle partage la vedette avec Constantin Lévine. Si ces deux personnages ne se rencontrent qu'une seule fois, Tolstoï entremêle leurs vies tout au long du roman pour poser les questions qui le tourmentent autour du sens de la vie, du mariage, des relations entre les gens (d'une même famille, d'une société), et surtout de l'existence de Dieu.
Ne fuyez pas à toutes jambes en lisant cette dernière phrase. S'il serait mensonger d'affirmer qu'Anna Karénine ne souffre pas de quelques longueurs, c'est un roman qui se lit très facilement, avec des chapitres courts, une histoire bien rythmée et passionnante et quelques scènes à mourir de rire (le mariage et les élections en particulier).

Je regrette un peu de n'avoir pas déjà lu ce roman il y a une dizaine d'années, je pense que j'aurais lu une tout autre histoire et ma lecture d'aujourd'hui n'en aurait pas été moins intéressante. L'histoire entre Anna et Vronski m'aurait probablement davantage fait rêver (alors que là, pas du tout). Je n'ai pas ressenti d'attachement particulier pour Anna. C'est une femme moderne, courageuse, mais elle est surtout le symbole de ce qui arrive à une femme ayant choisi de suivre sa passion plutôt que son devoir dans la Russie du XIXe siècle. Sa position la rend tellement isolée et dépendante de son amant qu'elle s'illustre essentiellement par ses caprices et ses crises de jalousie.
Tolstoï n'approuve pas Anna, mais il la plaint. Ses personnages sont d'ailleurs régulièrement préoccupés par la question féminine. Ils soulignent l'hypocrisie de la bonne société, qui condamne les femmes comme Anna, qui ont quitté leur mari tout en fermant les yeux sur les liaisons soi-disant secrètes mais dont chacun est informé. Quant aux hommes, l'adultère ne leur provoque qu'un léger inconfort. Le propre frère d'Anna est bien vite pardonné par son épouse et peut poursuivre ses frasques. Quant à Vronski, il continue à être reçu partout. Tout juste est-il contrarié de ne pouvoir transmettre son patronyme à ses enfants.

Si je n'ai pas été particulièrement émue par Anna en raison de mon grand âge, qui me rend beaucoup plus pragmatique qu'autrefois, j'ai sans doute apprécié davantage que je ne l'aurais fait alors de suivre Lévine. C'est un homme qui ne se sent bien que sur ses terres et qui éprouve un amour admirable pour la nature. A l'image de Tolstoï, il s'interroge sur la place de chacun, les rapports entre les hommes. Le servage n'étant aboli que depuis une dizaine d'années lorsque l'auteur entreprend la rédaction d'Anna Karénine, cette reditribution des cartes est très présente dans le roman. Bien que membre de la classe dominante, Lévine s'interroge sur les droits qu'il a de posséder ses biens, sur son rôle auprès des paysans, et sur le régime politique idéal.

" - C'est si vague, le mot "peuple" ! Il est possible que les secrétaires cantonaux, les instituteurs et un sur mille parmi les paysans comprennent de quoi il retourne ; mais le reste des quatre-vingt millions fait comme Mikhaïlytch : non seulement ils ne témoignent pas leur volonté, mais ils n'ont pas la plus légère notion de ce qu'ils pourraient avoir à témoigner. Quel droit avons-nous, dans ces conditions, d'invoquer la volonté du peuple ? "

On (du moins les neuneus dans mon genre) ne comprend pas avant les dernières pages où l'auteur compte amener le lecteur, la raison de ce parallèle entre Lévine et Anna. J'ai suffisamment dénigré la religion sur ce blog pour que vous deviniez que je ne suis pas vraiment convaincue par la révélation qui s'offre à Lévine, mais Tolstoï a l'habileté de ne pas oublier qu'il s'agit d'un être humain, ce qui permet au personnage de conserver ma sympathie. Ayant lu Crime et Châtiment il y a peu de temps, je ne peux pas m'empêcher de faire un rapprochement entre les deux fins et je soupçonne les deux auteurs d'avoir eu des tourments en commun.

Une lecture à faire absolument et une belle façon de débuter 2018.

L'avis passionné de Romanza (merci de m'avoir poussée à faire cette lecture).

Folio. 909 pages.
Traduit par Henri Mongault.
1877 pour l'édition originale.

31 décembre 2017

Bilan littéraire 2017

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Il est temps de faire le bilan de cette année 2017, déjà la douzième pour Lilly et ses livres.

J'ai fait une pause en début d'année. J'avais d'autres projets et occupations, mais j'ai également beaucoup lu, donc je crois que j'en avais simplement besoin. A partir de mai, l'envie de bloguer est revenue, et je suis je pense être actuellement dans une bonne dynamique.

D'après mon carnet de lectures, j'ai lu 75 livres cette année, dont 60 romans. Je suis très satisfaite de ce dernier nombre, je n'avais pas autant lu depuis plusieurs années.

Parmi ces lectures, quelques très jolies découvertes :

- La Terre qui penche de Carole Martinez.
- Miss Charity de Marie-Aude Murail.
- La Couleur des sentiments de Kathryn Stockett.

J'ai poursuivi ma découverte d'Annie Ernaux, même si je n'en ai pas parlé ici. Elle a rejoint mon panthéon personnel d'auteurs. J'ai enfin lu Confiteor, mais je n'ai pas autant aimé que je l'aurais voulu. J'ai relu Persuasion de Jane Austen avec délectation.

J'ai aussi lu un livre épouvantable. Je refuse de mettre son titre par ici, mais sachez que j'ai souffert pendant près de 300 pages.

Côté challenges, j'ai adoré participer au Challenge Pavé de l'été de Brize qui m'a permis de me lancer dans quatre gros romans et à la lecture commune du Palais de glace de Tarjei Vesaas, organisée par Margotte. Je découvre en ce moment Anna Karénine grâce à Romanza et je me régale.

Pour 2018, je pense retourner vers les classiques, décision prise et appliquée depuis plusieurs semaines. J'ai acheté plusieurs romans russes, et j'ai toujours d'innombrables auteurs dont je veux poursuivre la découverte (Zola, Balzac, Proust...). Je vais aussi essayer de coller aux mois thématiques.

Je vous souhaite à toutes et à tous une excellente année 2018, dans vos lectures en particulier.
Merci pour vos visites et vos commentaires.

22 décembre 2017

Le Palais de glace - Tarjei Vesaas

510+9QMqRrL"La pièce pleurait. A cause de quoi pleurait-elle ?"

Tarjei Vesaas est apparemment un auteur norvégien de premier plan (j'avoue que je n'en avais jamais entendu parler). C'est grâce à Margotte que j'ai découvert ce roman acheté en raison de sa superbe couverture il y a quelques mois.

Unn est nouvelle dans le village. Elle vit chez sa tante depuis la mort de sa mère et refuse de se mêler aux autres enfants à l'école. Siss, la plus populaire de sa classe, est intriguée par cette nouvelle élève et compte bien devenir son amie. Lorsqu'Unn invite Siss à la rejoindre chez elle un soir, rien ne semble pouvoir détruire l'amitié qui se tisse entre les deux fillettes.
Mais le lendemain, Unn disparaît, avalée par le palais de glace.

Voilà une lecture que j'ai appréciée dans l'ensemble mais qui m'a déstabilisée.
J'ai attendu un rebondissement tout au long de ma lecture, persuadée que l'attitude d'Unn avait une explication qui méritait d'être révélée. Je suis tellement habituée à retrouver cette ambiance scandinave dans les romans policiers que j'ai eu du mal à apprécier autant que je l'aurais voulu cette histoire sans éclat dans le scénario (même s'il y en a dans l'écriture).
J'ai aussi cherché une signification à l'attitude de la tante d'Unn, du surnaturel, des êtres magiques, mais rien de tout cela.
Le Palais de glace est un roman sur le deuil et la force des choses. Les descriptions  sont envoûtantes, la nature est omniprésente, à la fois majestueuse et effrayante. La petite Siss n'est pas terrifiée sans raison par la nuit et toute personne ayant mis les pieds dans des régions enneigées a ressenti cette fascination répulsion que provoque le bruit de la glace qui se brise.

"Un craquement dans la glace, quelque part. Des écoulements continus sur les étendues gelées, qui semblaient disparaître ensuite dans un trou. La glace qui s'épaississait jouait à creuser des failles sur des distances infinies. Siss bondit en entendant ce fracas."

Quant au fameux palais de glace, c'est le personnage principal de cette histoire. Il attire les hommes, les engloutit. Tous savent ce qu'il a fait mais ils ne peuvent que s'incliner. Il symbolise la toute puissance, la vie, la mort et le passage des saisons. Le retour de la joie après la perte.

Je n'ai pas tout compris mais je reconnais que c'était beau. Une lecture idéale en cette saison. 

Les autres participantes à la lecture commune : Margotte, Anne, Marilyne. Nathalie a lu un autre roman de cet auteur.

Babel. 218 pages.
Traduit par Jean-Baptiste Coursaud.
1963 pour l'édition originale.

LC-Challenge nordique

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