Mon Frère féminin - Marina Tsvetaeva
"Ecoutez-moi, Vous n'avez pas à me répondre. Vous n'avez qu'à m'entendre. C'est une blessure droit au coeur que je Vous porte, au coeur de Votre cause, de Votre croyance, de Votre corps, de Votre coeur."
Que se passe-t-il lorsque, dans un couple formé de deux femmes, le désir d'enfant s'immisce ? Ce dernier est-il compatible avec l'amour passionnel ? Pourquoi fait-on parfois des choses dont on sait par avance qu'elles vont nous blesser ? Est-ce la malédiction du poète de voir la réalité dans toute sa cruauté ?
Mon Frère féminin est une lettre écrite par Marina Tsvetaeva en réponse à Pensées d'une amazone de Natalie Clifford Barney, livre introuvable en librairie. C'est donc avec un peu d'appréhension que j'ai entamé cette lecture, puisque Natalie Clifford Barney est une illustre inconnue pour moi, tout juste entraperçue dans Je serai le feu de Diglee.
Ce texte m'a pourtant touchée et passionnée. C'est finalement une histoire universelle que nous raconte Marina Tsvetaeva, qui fait de cette missive à la fois une lettre directe, une analyse d'oeuvre et une nouvelle dans laquelle elle s'approprie les personnages.
J'ai parfois jugé Tsvetaeva un peu immature à la lecture de Vivre dans le feu. Elle est également victime des préjugés de son époque puisqu'elle considère ici que les femmes, même lesbiennes, préfèrent la maternité à l'amour.
Toutefois, la beauté de la plume de la poétesse a pris le pas sur le reste. Elle décrit superbement la passion :
"[Les amants] n'ont pas le temps pour l'avenir qu'est l'enfant, ils n'ont pas d'enfants parce qu'ils n'ont pas d'avenir, ils n'ont que le présent qu'est leur amour et leur mort toujours présente."
"L'amour de par lui-même est l'enfance. Les amants sont des enfants. Les enfants n'ont point d'enfants."
Puis le désamour et la vieillesse :
"Quitter l'infécond pour son frère fécond est autre chose que quitter l'éternelle inféconde pour l'ennemi éternellement fécond. Là je ne dis adieu qu'à un homme, ici je dis adieu à toute la race, toute la cause, toutes les femmes en une seule.
"Penchant fatal et naturel de la montagne vers la vallée, du torrent vers le lac...
La montagne, vers le soir, reflue entière vers la cime. Le soir, elle est cime. On dirait que ses torrents la remontent à rebours. Le soir elle se reprend."
Parfois, se laisser simplement porter par les mots.
Le Livre de Poche. 71 pages.
1932.